Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 4 juillet 2013 à 15h00
Orientation des finances publiques — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

… 2 000 postes de plus à Pôle emploi, 100 000 places de crèches, une réforme des rythmes scolaires à la charge des collectivités locales – elle coûtera au moins un milliard d’euros –, en période de baisse des dotations… La liste n’est pas exhaustive, car il faut bien constater qu’il ne se passe guère de semaine sans annonce qui aura forcément un coût et un impact sur le déficit public.

D’un côté, on affirme réduire les dépenses publiques ; de l’autre, on continue à promettre pour calmer la grogne des déçus, qui semblent assez nombreux. Voilà qui ne manque pas de nous inquiéter pour les années à venir, mais, pour tout dire, monsieur le ministre, ce que nous attendions d’abord, c’est une loi de finances rectificative.

Car enfin, comment parler sérieusement du budget 2014, alors que la plus grande incertitude règne sur le bouclage de l’exercice 2013 ?

On nous a parfois reproché, dans le passé, de multiplier les lois de finances rectificatives, mais celles-ci permettent d’ajuster le budget au plus près de la réalité de la conjoncture économique.

Je sais bien qu’il n’est jamais agréable de devoir constater la dégradation de la situation, comme c’est le cas actuellement, et en tirer les conséquences, mais c’est aussi cela la véritable sincérité budgétaire, c’est aussi cela la transparence dont vous nous avez tant parlé, c’est aussi cela la gestion prudente, qui s’appuie sur des données économiques actualisées et les plus fiables possible, avant de fixer les orientations pour l’année suivante et à plus long terme.

Nous le savons aujourd’hui, les recettes attendues pour 2013 s’annoncent bien moindres que ce qui a été prévu à l’automne dernier. Cela s’explique principalement par des prévisions de croissance trop optimistes, que nous avions d’ailleurs dénoncées à l’époque.

Pour justifier votre refus d’une loi de finances rectificative, vous nous dites que vous avez déjà effectué les corrections nécessaires à l’occasion de la présentation du programme de stabilité, au printemps dernier.

Cet argument nous paraît d’autant plus irrecevable que le programme de stabilité est un document de prévision présenté aux instances européennes, même si nous en avons débattu ici, toutefois sans vote.

En outre, ce document n’est déjà plus d’actualité, puisque, depuis sa présentation, le Gouvernement a annoncé, et c’est heureux, une réforme des retraites et la probable modification du régime fiscal des plus-values de cession, après la révolte dite « des pigeons », qui coûtera probablement plusieurs centaines de millions d’euros.

Par ailleurs, si le déficit budgétaire pour 2013 a été revu à la hausse de près de 7 milliards d’euros dans le programme de stabilité, ce sont très vraisemblablement plus d’une dizaine de milliards d’euros qui pourraient manquer en recettes, du fait des mauvaises rentrées de recettes de TVA, d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu, mais aussi de droits de mutation.

Aussi, on peut se demander quel sera le montant du dérapage budgétaire cette année : 7 milliards d’euros, 10 milliards d’euros, ou davantage encore ? La question reste posée !

Cependant, la bataille de chiffres, à laquelle vous vous êtes livré avec le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, dans le sens duquel la Cour des comptes est plutôt allée, nous laisse craindre une très mauvaise surprise.

Dans ces conditions, le gel programmé de certains crédits sera-t-il suffisant ? À l’évidence, il ne permettra pas de tenir les 3, 7 % de déficit. Pourra-t-il nous éviter de dépasser les 4 %, chiffre maintenant avancé par le Gouvernement ? Nous n’en sommes pas convaincus, et nous aimerions, hypothèses à l’appui, que vous nous en fassiez la démonstration en présentant une loi de finances rectificative.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter de vos déclarations de bonne tenue des dépenses, d’autant que nous pouvons craindre aussi une vraisemblable envolée des dépenses sociales.

Comment être rassuré également alors que votre politique de modernisation de l’action publique balbutie tout juste – vous l’avez d’ailleurs dit – et ne donne guère de résultats pour le moment ?

À ce sujet, on aurait envie de vous demander, monsieur le ministre, pourquoi vous avez supprimé le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Que n’avez-vous continué la RGPP ! Vous en auriez fait porter la responsabilité à vos prédécesseurs, comme c’est si souvent le cas maintenant, et vous auriez pu y apporter les modifications que vous souhaitiez. Cela vous aurait permis d’éviter de perdre au moins deux ans dans la maîtrise de la dépense publique.

La RGPP est morte, vive la MAP ! Au fond, les termes nous importent peu. Ce qui nous intéresse, c’est que, au lieu de nous parler d’objectifs et de les considérer comme étant quasiment acquis, vous nous donniez un calendrier précis et des exemples de résultats concrets de votre politique de modernisation de l’action publique.

À l’évidence, pour 2013, des ajustements budgétaires importants sont indispensables, et la Cour des comptes ne dit d'ailleurs pas autre chose. Ils légitiment, à nos yeux, un collectif budgétaire. Le Parlement, de même que l’opposition assurément, est bien dans son rôle lorsqu’il vous demande des chiffres actualisés et des mesures tangibles. Il pourrait alors exercer ses prérogatives constitutionnelles, dans le cadre d’une procédure législative.

Tout cela justifie, à nos yeux, un vote des assemblées, ce qui n’a pas été le cas sur le programme de stabilité, malgré la demande du président de la commission des finances Philippe Marini, et qui ne le sera pas non plus aujourd'hui sur ce débat d’orientation.

L’ajustement que nous réclamons, monsieur le ministre, c’est – vous vous en doutez ! – non pas une augmentation des recettes, ce qui, sans croissance, signifie nécessairement une augmentation des impôts et des taxes, mais une maîtrise des dépenses. Nous savons bien que c’est plus difficile, mais vous n’avez pas d’autre choix.

Vous justifiez le refus du Gouvernement de présenter une loi de finances rectificative par deux arguments : laisser jouer les stabilisateurs budgétaires et ne pas recourir à l’impôt dans le contexte actuel.

Dans notre pays, il est vrai que le gel d’une partie des crédits ouverts, à titre de précaution, a démontré son utilité dans le passé. Vous nous parlez maintenant de « surgel », mais ces mesures ne constituent pas une politique en tant que telle.

S’il n’y a pas de rationalisation sérieuse de la dépense publique sur le moyen et le long terme, ces gels et surgels ne sont que des pis-aller qui pourraient laisser croire que, comme le disent certains, le Gouvernement tergiverse, attendant le retour de la croissance, comme certains le retour du soleil après la pluie.

Nous pensons, pour notre part, que pour faire revenir la croissance, il faut nous en donner les moyens en rendant à nos entreprises des marges de manœuvre pour investir et être plus compétitives.

Quant à la hausse des impôts, c’est, jusqu’à présent, la méthode que vous avez presque exclusivement utilisée pour améliorer le solde budgétaire, et nous en voyons aujourd’hui les limites.

Les entreprises et les particuliers n’en peuvent plus du véritable « matraquage fiscal » – j’ose employer le terme – que vous leur avez infligé, avec pour résultat une croissance qui ne repart pas et, en prime, une baisse de la consommation des ménages.

Bien sûr, vous dites maintenant aux Français que les impôts n’augmenteront plus. Pourtant, restent à venir la hausse de la TVA à partir du 1er janvier 2014, la deuxième baisse du quotient familial dans le cadre de la réforme des allocations familiales, la hausse des cotisations AGIRC-ARRCO, pour sauver les régimes, et la hausse, au 1er janvier 2014, de 10 % de l’écotaxe, seulement trois mois après sa mise en place.

Pour toutes ces raisons, il nous semble que la situation économique de la France justifie de ne pas attendre l’automne prochain : les ajustements budgétaires et les réformes doivent être engagés le plus tôt possible, c’est-à-dire dès maintenant, tout simplement pour qu’ils produisent des effets au plus vite.

Que nous disent d’ailleurs les autorités européennes pour que notre pays retrouve le chemin de la compétitivité ? Selon la Commission européenne, « le budget 2013 doit être exécuté de manière rigoureuse et les efforts d’assainissement résolument poursuivis dans les années à venir » et « la composition de l’ajustement budgétaire devrait évoluer progressivement vers des réductions de dépenses, contrairement à ces dernières années, où les mesures d’accroissement des recettes ont représenté l’essentiel de l’effort ».

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