Intervention de Georges Patient

Réunion du 4 juillet 2013 à 15h00
Orientation des finances publiques — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

… est consacrée aux outre-mer, dans un titre significatif : « Réduire les avantages fiscaux excessifs ». Il y est recommandé la suppression des dispositifs de défiscalisation, ce qui entraînerait « une économie nette de 300 millions d’euros ». De même, dans ses rapports publics annuels de 2010 et 2012, la Cour critique « l’inefficacité, le coût et la générosité fiscale exorbitants des dispositifs d’aide à l’investissement outre-mer ».

Je m’élève contre cette vision réductrice et négative, qui ne voit les outre-mer qu’à travers le prisme de la défiscalisation. Cessons de parler de « coût » et de « générosité » quand on les évoque ! Arrêtons les simplifications, la condescendance et regardons ces territoires d’un autre œil.

La « générosité » n’en est pas une. Les outre-mer contribuent également, à l’instar des autres collectivités de France, à l’effort budgétaire et sont pleinement solidaires. Le document de politique transversale pour 2013, qui rassemble l’effort budgétaire de l’État pour l’outre-mer, fait apparaître une diminution des autorisations d’engagement globalement consacrées par l’État aux territoires ultramarins, puisque celles-ci reculent de 1 %, soit une baisse de 138 millions d’euros, pour atteindre un total de 13, 8 milliards d’euros.

Je souligne aussi que les outre-mer, ce sont 2, 6 millions d’habitants, ce qui représente 4, 5 % de la population française, soit l’équivalent de leur poids dans les dépenses publiques, les outre-mer pesant 4, 52 % des dépenses du budget général. Les outre-mer sont donc concernés par la politique de réduction des dépenses publiques, alors qu’ils sont, à bien des égards, plus fragiles.

Il convient, en effet, de rappeler que le niveau moyen de développement des départements et collectivités d’outre-mer en 2010 était proche de celui de la France métropolitaine du début des années quatre-vingt-dix, accusant ainsi une vingtaine d’années de retard par rapport à la métropole, selon un rapport de l’Agence française de développement. Dans le détail, la Guadeloupe aurait douze ans de retard par rapport à la France de 2010, la Martinique treize ans et, au sommet, la Guyane et la Polynésie, respectivement vingt-sept ans et vingt-huit ans de retard.

Les outre-mer, ce sont des écarts de revenu par habitant avec la métropole, toujours en 2010, de l’ordre de 55 % avec la Guyane et de 18 % avec la Nouvelle-Calédonie. Ce sont aussi des taux de chômage avoisinant 30 %, et plus de 50 % chez les jeunes. C’est alarmant quand on sait que 41 % de la population ultramarine ont moins de vingt-cinq ans – 50 % en Guyane, 60 % à Mayotte.

Vous comprendrez que, avec de tels indicateurs, et la liste n’est pas exhaustive, les outre-mer bénéficient d’une attention particulière. Ce sont des territoires où il existe une réelle urgence sociale. Le feu de 2009 n’est pas éteint ; j’en veux pour preuve les dernières manifestations en Guyane et aux Antilles autour du prix des carburants, en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion, à Mayotte.

Aussi, je salue le fait que, dans ce contexte de réduction sans précédent des dépenses de l’État, les crédits de la mission « Outre-mer » aient été préservés et même augmentés de 1 %. Ce n’est pas de la « générosité », mais la prise en compte d’une réalité socio-économique fragile.

La semaine dernière, lors de son déplacement aux Antilles, le Premier ministre a rappelé, dans un discours prononcé en Martinique devant des acteurs socio-professionnels, les engagements du Président de la République envers les outre-mer en matière économique et financière.

Je pense, tout particulièrement, à deux outils importants pour le développement de nos faibles économies : la défiscalisation et la banque publique d’investissement. Je ne reviendrai pas sur la défiscalisation, mon collègue Serge Larcher ayant très bien évoqué la situation.

Je me contenterai simplement, comme lui, de saluer le maintien de la défiscalisation et de faire part de quelques questions qui subsistent : la définition à retenir pour les entreprises qui resteront éligibles à la défiscalisation, le régime de l’expérimentation du crédit d’impôt mis en place pour le logement social, le délai de cohabitation des deux procédures et la détermination des plafonds attractifs en valeur absolue découplés du plafond global, à l’instar du dispositif Malraux.

S’agissant de l’implantation de la banque publique d’investissement, les inquiétudes des élus et acteurs socio-professionnels ont été levées par le Premier ministre, qui nous a rassurés en précisant qu’il veillerait à ce que « l’ensemble de ces produits soit disponible de manière effective dans les outre-mer » et que sera développée « une stratégie d’intervention spécifique pour prendre en compte les besoins de ces territoires ». Nous devons néanmoins rester vigilants quant à la pleine application de ces dispositions.

Ces décisions, tout comme les mesures prises en faveur des outre-mer depuis le changement politique - je pense à la lutte contre la vie chère, à l’augmentation des postes d’enseignants, aux emplois d’avenir, aux contrats de génération - témoignent désormais d’une véritable prise en considération des réalités ultramarines.

Reste à souligner qu’il est difficile d’apprécier de manière globale l’effort budgétaire envers les outre-mer pour 2014, car la mission « Outre-mer » ne regroupe pas l’ensemble des programmes concourant à la politique publique de l’État en direction de ces territoires.

J’espère simplement que, à l’instar de la mission « Outre-mer », les crédits des autres ministères en direction des outre-mer connaîtront la même évolution. Je pense notamment aux ministères dont les enveloppes ont été augmentées, c’est-à-dire ceux de l’emploi, de l’insertion, de l’enseignement scolaire, du logement, de la sécurité, de la justice. Autant de domaines dans lesquels les besoins sont criants dans les outre-mer, comme dans tous les autres domaines.

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