Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 4 juillet 2008 à 22h00
Modernisation de l'économie — Article 17 bis

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à cette heure déjà tardive, j’espère que vous me permettrez une petite touche de dérision.

On pourrait qualifier la mesure préconisée par les auteurs de ces deux amendements identiques, qui tendent à créer une nouvelle réduction d’impôt pour les tuteurs de nouveaux entrepreneurs, de « statut fiscal pour les anges gardiens ».

Il s’agit en effet d’aider fiscalement ceux qui aident « bénévolement » – chacun appréciera la logique d’une telle proposition ! – les demandeurs d’emploi ou les bénéficiaires de revenus de caractère social à créer ou à reprendre une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Or le bénévolat, c’est le bénévolat. On peut se demander quel est le sens de cette incitation fiscale, qui tend à faire de certains des professionnels de l’insertion par la reprise ou la création d’entreprise, sans que cela puisse s’apparenter, de fait, à du bénévolat pur et simple, sur la forme et sur la durée.

L’insertion professionnelle des personnes privées d’emploi appelle des solutions autres que l’octroi d’un menu avantage fiscal à quelques seniors, à quelques commerçants ou artisans retraités qui peuvent se désoler de voir leur savoir-faire inutilisé avant qu’ils aient cessé tout à fait leurs activités.

Le tutorat doit être désintéressé. Il pourrait trouver utilement sa place au sein même de l’entreprise si la loi faisait, par exemple, obligation aux plus grandes entreprises de ne pas mettre en préretraite certains de leurs salariés les plus proches de l’âge légal de la retraite – qui est de soixante ans, je le rappelle pour ceux qui l’auraient un peu vite oublié –, et de les instituer formateurs des jeunes salariés placés en situation d’insertion dans l’emploi.

En outre, pourquoi faudrait-il financer par une réduction d’impôt ce qui procède de l’incapacité des entreprises à respecter leurs obligations légales d’embauche de travailleurs handicapés ?

Qu’il y ait des savoir-faire à transmettre, c’est une évidence ! Ce serait même une chance pour la croissance de l’économie de notre pays que de favoriser cette transmission. Mais celle-ci doit-elle s’effectuer en dehors de son lieu naturel, c’est-à-dire dans l’entreprise, par la mise en œuvre d’une véritable politique de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, permettant notamment aux salariés les plus âgés de contribuer à l’insertion des nouveaux arrivants et des jeunes ?

Par de nombreux aspects, les amendements identiques qui nous sont présentés sont irréalistes et, de surcroît, illusoires.

À qui fera-t-on croire qu’il suffira de deux mois à un tuteur, fût-il parfaitement compétent, pour permettre à un stagiaire de bénéficier de l’ensemble des compétences requises pour devenir lui-même chef d’entreprise ?

Cette illusion laisse craindre que la présente réduction d’impôt, si elle venait à être créée, ne fasse pas le compte et ne règle rien au problème de l’insertion. Par certains aspects, elle est même dangereuse.

C’est pourquoi nous ne voterons pas ces deux amendements identiques.

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