L’article 18 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le régime des incapacités commerciales et industrielles.
Je ferai plusieurs remarques, portant d’abord sur le recours aux ordonnances, ensuite sur le fond et sur les dispositions relatives aux incapacités commerciales et industrielles.
En premier lieu, comme notre collègue du groupe socialiste, je ne peux que déplorer le recours aux ordonnances. Ce recours est d’autant plus inopportun que nous venons d’examiner le projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République, censé revaloriser le rôle et les pouvoirs du Parlement.
Or l’article 18 n’est pas le seul article à prévoir d’habiliter le Gouvernement à empiéter sur le domaine du législateur par la voie des ordonnances, le présent projet de loi ne contenant pas moins de sept articles destinés à dessaisir les parlementaires de leur pouvoir de légiférer, dans des domaines pourtant capitaux, comme c’est le cas avec le présent article s’agissant du droit des affaires. On est loin des beaux discours sur l’importance du rôle du Parlement !
J’en viens maintenant au fond et aux dispositions de l’article 18.
L’objectif du Gouvernement est ici de modifier le régime des incapacités commerciales et industrielles. Ces incapacités visent normalement à interdire à une personne ayant fait l’objet de condamnations pénales ou de déchéances professionnelles d’exercer une activité commerciale ou industrielle. Ainsi, il devient impossible pour elle, que ce soit directement ou indirectement, de gérer, de diriger ou d’administrer une entreprise commerciale ou industrielle, cette sanction étant quasiment automatique. Cependant, ce régime apparaît trop sévère au Gouvernement et à la majorité, qui souhaitent donner une seconde chance aux entrepreneurs et encourager l’esprit d’entreprise.
Les rapporteurs du texte n’hésitent d’ailleurs pas à dire que l’automaticité de la sanction « constitue sans doute une entrave disproportionnée à la liberté d’entreprendre ». Ces propos se situent dans la droite ligne de ceux qui sont tenus par le Président de la République depuis maintenant un an. Nicolas Sarkozy avait annoncé, lors de l’université d’été du MEDEF, le 30 août 2007, son intention de réformer « rapidement » le droit des sociétés, afin de libérer les chefs d’entreprise « du risque pénal à la moindre erreur de gestion ».
Ce discours constituait les prémices des travaux de la commission Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires. Le rapport de cette commission, remis le 20 février dernier, comporte trente propositions qui concernent la suppression et la modification de certaines infractions pénales, la substitution au droit pénal de dispositifs civils ou l’utilisation de modes alternatifs de poursuite.
L’article 18 relève tout à fait de cet esprit.
Ainsi, il prévoit de créer, pour les infractions visées à l’article L. 128-1 du code de commerce telles que le vol, l’extorsion, l’escroquerie, l’abus de confiance, l’organisation frauduleuse de son insolvabilité, le recel, le blanchiment, la corruption active ou passive, le trafic d’influence, la fraude fiscale, etc., une peine complémentaire – et donc non automatique, contrairement à ce que prévoit actuellement l’article L. 128-1 – d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler, à un titre quelconque, directement ou non, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Il est étonnant de constater que le Gouvernement est capable de tenir deux discours, l’un extrêmement sévère à l’encontre des criminels et des récidivistes, y compris s’il s’agit de faits relativement bénins, l’autre extrêmement indulgent à l’égard d’entrepreneurs ayant pourtant commis de graves infractions pénales. Vous êtes donc prêts à tout dans le seul but de ne pas décourager l’esprit d’entreprise, mais je ne suis pas certaine qu’il s’agisse du bon esprit d’entreprise !
L’article 18 prévoit également que le Gouvernement sera habilité à prévoir une peine complémentaire d’interdiction d’assumer une fonction publique ou d’exercer une activité professionnelle dans le cadre où l’infraction a été commise.
Enfin, le Gouvernement pourra instaurer une peine alternative à l’emprisonnement consistant en l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler, à un titre quelconque, directement ou non, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
On se demande pourquoi les juridictions existantes sont ainsi complètement court-circuitées, alors que les diverses formes de délinquance devraient être traitées de la même manière.