Le mois dernier, une délégation de la commission, que j'avais l'honneur de conduire et qui comprenait Catherine Deroche, Jean Desessard, Colette Giudicelli et Dominique Watrin, s'est rendue à Québec puis à Montréal. Nous voulions étudier, sur place, l'organisation du système de soins de premier recours, réputée efficace, et la politique de prévention du suicide, que l'on disait novatrice.
De nos nombreux entretiens et visites, nous avons conclu que l'exemple québécois pourrait utilement nourrir nos réflexions sur l'avenir de nos politiques de santé publique.
Nous débuterons notre présentation par le thème de l'organisation du système de soins de premier recours.
Selon le partage des compétences prévu par la Constitution canadienne, les secteurs de la santé et des services sociaux relèvent du pouvoir provincial, le pouvoir fédéral n'intervenant qu'à la marge.
On entend par « services sociaux » tant les services psychosociaux destinés à l'ensemble de la population que les services particuliers bénéficiant aux personnes plus vulnérables (jeunes en difficulté, personnes âgées en perte d'autonomie, personnes atteintes d'une déficience, d'un problème de santé mentale ou souffrant d'une addiction, etc.).
Institué par une loi de 1971, le système québécois se caractérise par une approche intégrée : la santé et les services sociaux sont appréhendés de manière globale et relèvent d'une même administration. Ils représentent actuellement le premier poste budgétaire de la province, soit 42,5 % de ses dépenses.
Le modèle d'organisation choisi par le Québec repose sur trois niveaux de compétences et sur la complémentarité de structures regroupées en réseaux :
- à l'échelon central, le ministère de la santé et des services sociaux définit les grandes orientations en matière de politiques sanitaires et sociales et évalue les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés ;
- à l'échelon régional, les agences de la santé et des services sociaux sont responsables de la mise en place et de la coordination des services sur leur territoire respectif. Elles doivent notamment définir les priorités régionales, faciliter le déploiement et la gestion des réseaux locaux de services, et assurer l'allocation des budgets aux établissements et des subventions aux organismes communautaires ;
- à l'échelon local, les réseaux locaux de services de santé et de services sociaux regroupent l'ensemble des acteurs (médecins de famille, établissements de santé et médico-sociaux, pharmacies, organismes communautaires, entreprises d'économie sociale, etc.) qui partagent collectivement une responsabilité envers la population d'un territoire.
Au coeur du réseau local de services se trouve le centre de santé et de services sociaux (CSSS), né de la fusion en 2005 de plusieurs structures à vocation médicale et sociale. Il existe actuellement quatre-vingt-quinze CSSS au Québec.
Pierre angulaire de l'offre de services intégrée, le CSSS a pour mission :
- d'assurer à la population du territoire sur lequel il est implanté la prestation de services de prévention, de diagnostic, de traitement, de réadaptation, de soutien et d'hébergement ;
- de fournir des services hospitaliers généraux et spécialisés ;
- de coordonner les services offerts par l'ensemble des intervenants médicaux et sociaux exerçant sur ce territoire.
Cette organisation en réseaux poursuit un double objectif :
- assurer, au plus près du milieu de vie des personnes, une large gamme de services généraux et de soins courants ; il s'agit des services dits de première ligne (l'équivalent du premier recours en France) ;
- garantir, grâce à des mécanismes d'orientation et de suivi des patients, l'accès aux services dits de deuxième et troisième lignes, c'est-à-dire aux services spécialisés et ultra spécialisés.
Au cours de notre séjour, nous avons rencontré les équipes de quatre CSSS, deux situés à Québec et deux autres à Montréal. Ces visites sur le terrain nous ont permis d'identifier les forces du système québécois :
- premièrement, la personne est appréhendée dans sa globalité : sa dimension biologique est indissociable de sa dimension psychologique ou sociale. L'objectif est donc bien de répondre à l'ensemble de ses besoins de santé et de bien-être ;
- deuxièmement, il existe une véritable interaction et complémentarité entre les différents intervenants (administration, professionnels de santé, professionnels du secteur social). Ce travail partenarial ne s'est évidemment pas mis en place du jour au lendemain, mais force est de constater qu'il n'existe pas comme en France de cloisonnement entre les différentes sphères - sanitaire et médico-sociale en particulier ;
- troisièmement, un grand pragmatisme prévaut dans la mise en oeuvre concrète du dispositif. Les CSSS bénéficient d'une réelle autonomie tant pour adapter l'offre de services aux caractéristiques de leur territoire que pour nouer des partenariats avec différents acteurs (organismes communautaires, instituts universitaires, centres jeunesse...) ;
- quatrièmement, l'effort constant d'intégration de ces réseaux locaux favorise une meilleure prise en charge des personnes, en particulier des plus vulnérables, et permet de fluidifier les parcours de soins.