Depuis une dizaine d'années, le ministère de la santé et des services sociaux québécois a fait de l'accessibilité aux services de première ligne une priorité.
La réalisation de cet objectif s'est notamment traduite par la mise en place de groupes de médecine de famille (GMF). Il s'agit de regroupements de médecins omnipraticiens (l'équivalent des médecins généralistes) qui travaillent en étroite collaboration avec d'autres professionnels (infirmières, infirmières praticiennes spécialisées, travailleurs sociaux) pour faciliter l'accès des patients aux soins médicaux.
Un petit aparté : en tant qu'ancien travailleur social, j'ai été particulièrement frappé par la très forte implication de cette profession dans le système de soins québécois.
Chaque médecin participant à un GMF s'occupe de sa propre patientèle, qui est inscrite auprès de lui, mais les dossiers médicaux sont accessibles à l'ensemble de ses collègues. Ainsi, une personne qui se présente à son GMF pour une consultation sans rendez-vous peut être vue par un autre médecin que le sien. Elle peut aussi, au besoin, rencontrer une infirmière ou un autre professionnel du GMF pour différents types de suivi. Un patient peut être reçu dans le cadre d'une consultation sans rendez-vous même s'il n'est pas inscrit auprès d'un des médecins du GMF.
Les médecins de famille, qu'ils exercent en GMF ou non, sont rémunérés par la régie de l'assurance maladie du Québec pour leurs actes en fonction de tarifs négociés. La pratique des dépassements d'honoraires n'existe donc pas. Le patient, lui, ne débourse rien ; il a simplement à présenter sa carte d'assurance maladie.
Le recours aux GMF présente plusieurs avantages : il favorise le travail interdisciplinaire et le partage d'activités entre professionnels ; il permet un meilleur suivi des patients, en particulier ceux atteints de maladies chroniques ; il est un moyen privilégié d'améliorer la qualité et l'accessibilité des soins médicaux.
Dans le cadre de son plan stratégique 2010-2015, le ministère de la santé et des services sociaux s'est fixé trois principaux objectifs en matière d'accès aux soins de première ligne : atteindre 70 % de la population inscrite auprès d'un médecin de famille (en GMF ou hors GMF), implanter 300 GMF sur l'ensemble du territoire et parvenir à ce que 70 % des médecins de famille exercent en GMF.
Permettez-moi à cet instant de mon intervention de faire un rapide focus sur le métier d'infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne (IPS-PL) plus couramment appelé « super-infirmière ». Les informations qui nous ont été délivrées sur ce sujet devraient particulièrement intéresser nos collègues Catherine Génisson et Alain Milon qui travaillent actuellement sur la répartition des compétences entre professionnels de santé.
Les IPS-PL sont des infirmières qui possèdent une expérience clinique dans un domaine spécifique (soins de première ligne, urgence, chirurgie, obstétrique, etc.) et qui ont validé une formation avancée de deuxième cycle en sciences infirmières et médicales leur permettant de prescrire des tests diagnostiques et des traitements, ainsi que d'effectuer certaines interventions invasives. Elles exercent exclusivement en ambulatoire, le plus souvent dans les CSSS et les GMF. Leur activité consiste principalement en la gestion de problèmes de santé courants, le suivi de maladies chroniques et de grossesses, la diffusion d'informations de prévention. Bien qu'autonomes, elles travaillent en étroite collaboration avec les médecins omnipraticiens et s'en remettent à eux lorsqu'une situation clinique dépasse leur compétence.
Trois précisions d'importance : ces infirmières assument l'entière responsabilité de la prise en charge et du suivi de leurs patients ; elles sont seules responsables des fautes qu'elles pourraient commettre ; le diagnostic clinique demeure la compétence exclusive des médecins mêmes si les IPS-PL y contribuent.
Aussi, il nous a semblé que de cette profession, qui se situe à mi-chemin entre le métier d'infirmière « classique » et celui de médecin généraliste, pouvait, dans un cadre très réglementé comme celui mis en place au Québec, favoriser le travail partenarial entre professionnels de santé et rompre avec la logique de cloisonnement ; permettre aux médecins de se concentrer sur les situations cliniques plus complexes ; améliorer in fine la qualité des soins.
La consolidation des services de première ligne s'est également traduite par la volonté d'offrir à toute la population un accès téléphonique rapide à une consultation en matière de santé et de services sociaux par des professionnels 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Mis en place progressivement, le service Info-Santé et Info Social, qui ne se substitue pas aux autres services existants mais vient en complémentarité de ceux-ci, répond à plusieurs objectifs : prévenir la détérioration de la situation sanitaire ou psychosociale des personnes ; détecter les situations à risque ; conseiller l'usager dans le choix des actions à entreprendre concernant sa situation sanitaire ou sociale ; favoriser le maintien de l'usager dans son milieu de vie ; contribuer à diminuer le recours aux urgences hospitalières ; assurer une plus grande harmonisation dans le type de réponse ou de service offert ; participer aux interventions de sécurité civile en cas de crise sanitaire.
Concrètement, un numéro unique gratuit a été créé à l'échelle de tout le pays : le 8-1-1. Lorsqu'un usager appelle, il choisit soit de composer le 1 pour une question d'ordre sanitaire, soit le 2 pour une question d'ordre social. Il est alors mis en relation avec un professionnel formé à cet effet : une infirmière dans le premier cas, un travailleur social dans le second. L'usager peut choisir de garder l'anonymat.
L'intervention du professionnel comprend différentes étapes : évaluation du besoin, appréciation de l'urgence ou non de la situation, communication d'informations et de conseils, orientation vers le service ou la ressource la plus appropriée, etc.
Actuellement, l'ensemble de la population québécoise est desservi par Info-Santé et plus de la moitié a accès à Info-Social, l'objectif étant de couvrir 100 % de la population d'ici 2015. Il n'existe pratiquement pas de délai d'attente ; lorsqu'une plate-forme téléphonique est saturée, l'appel est automatiquement transféré vers une autre.
Ce dispositif, qui nous a été présenté par l'équipe du CSSS de la région du Saguenay Lac Saint-Jean, a retenu notre attention pour trois raisons : il contribue fortement à la dynamique interprofessionnelle et à l'approche intégrative du système de santé et des services sociaux ; il améliore indéniablement le service rendu aux usagers, en particulier aux plus vulnérables d'entre eux ; il permet de désengorger les urgences hospitalières.