J'ai soixante-trois ans et je suis un spécialiste de médecine interne, expression désignant la médecine générale hospitalière. Comme les sénateurs, je suis un élu d'élus. J'ai en effet été élu en janvier 2012 par les différentes catégories de médecins de l'AP-HP pour être leur porte-parole. C'est à ce titre que je participe à cette audition.
Je suis entré à l'Hôtel-Dieu en 1969 en tant que stagiaire des hôpitaux. J'ai connu cet hôpital au sommet de sa gloire lorsque j'y ai été externe puis interne. Les médecins se disputaient pour y être affectés. Je l'ai retrouvé en plein déclin en tant que chef de service de 1995 à 2003. J'en suis parti soulagé pour rejoindre l'hôpital européen Georges Pompidou compte tenu des conditions de travail et de la manière inacceptable dont j'accueillais les patients.
J'ai réalisé depuis lors que, pour maintenir cet hôpital à flôt, il fallait y consacrer énormément d'argent. J'en ai d'abord conclu que cet établissement n'était plus adaptable à l'exercice moderne de la médecine hospitalière.
Les médecins des hôpitaux souhaitent une restructuration permettant de continuer à soigner non pas en réduisant la voilure mais en ajustant celle-ci afin de profiter des vents porteurs. C'est là le rôle de la commission médicale d'établissement (CME).
Le premier jugement de la commission se prononçait en faveur de la fermeture pure et simple de l'établissement. Bien que la directrice générale nous ait présenté les différentes options, il nous semblait trop coûteux d'envisager sa restructuration.
Après réflexion et discussions, la CME est revenue sur cette position en adoptant une motion acceptant une restructuration de l'Hôtel-Dieu sous deux conditions : la neutralité budgétaire du projet et le droit de regard de la commission sur toutes les décisions prises par la direction générale. Cette motion ouvrait la porte à la définition d'un projet créatif et original.
Parmi les originalités du projet, qui n'a pas encore été formellement adopté par la CME, il y en a une que nous soutenons sans ambiguïté : il s'agit de la fermeture des urgences et de leur remplacement par un lieu de consultation sans rendez-vous et 24 heures sur 24 au centre de Paris.
Il s'agit là d'un moyen d'alléger l'amont des urgences qui, à Paris, est actuellement une vraie catastrophe. Contrairement aux urgentistes, je suis personnellement convaincu que cette initiative sera couronnée de succès.
Il s'agit aussi de développer les relations entre médecine de ville et médecine hospitalière. Cette consultation, en faisant cohabiter des hospitaliers et des généralistes, pourrait constituer une première ouverture sérieuse concernant une coopération ville-hôpital que tout le monde appelle de ses voeux mais que personne n'a osé réellement expérimenter.
En tout état de cause, cette réforme se fera sous l'oeil vigilant de la CME. L'article 5 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires confie d'ailleurs au président élu des médecins de l'assistance publique « l'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers ».
A l'image de la communauté que je suis chargé de représenter, je suis loin d'être acquis à l'ensemble du projet d'hôpital universitaire de santé publique défendu par la direction générale. Mais il existe pour l'heure quelques motifs de satisfaction qui nous conduisent à porter un regard intéressé sur celui-ci.