Nous dénoncions, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République, la manière excessive dont l’exécutif recourt aux ordonnances depuis 2002.
Ce constat est d’ailleurs partagé par le Sénat, qui, dans une note de synthèse de son service des études juridiques en date du 2 février 2007, relève une accélération du recours aux ordonnances dans la dernière période quinquennale, soit de 2002 à 2006 : durant cette période, « le nombre de lois contenant des mesures d’habilitation dépasse celui enregistré pour les vingt années 1984-2003 ».
Le présent projet de loi ne vient pas inverser cette tendance, comme cela a déjà été observé, puisqu’il ne comporte pas moins de sept articles habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances. Nous avons d’ailleurs dénoncé ce fait lors de l’examen de l’article 18, et nous ne pouvons que le dénoncer de nouveau à propos de l’article 19.
En effet, celui-ci habilite le Gouvernement à modifier, par voie d’ordonnance, les règles relatives aux difficultés des entreprises, à la fiducie et au gage sans dépossession.
Selon les rapporteurs, « l’application quotidienne des dispositions de la loi de sauvegarde des entreprises a montré la nécessité d’apporter des ajustements ponctuels au texte adopté en 2005, proposés par certains travaux parlementaires ».
Un avant-projet d’ordonnance ne comprenant pas moins de 153 articles a été présenté par le Gouvernement aux principaux acteurs concernés. Cette simple information suffit-elle à justifier que le Parlement ne puisse pas examiner le projet de révision de la loi de juillet 2005 ? Les rapporteurs évoquent un « toilettage » : avec 153 articles, nous en sommes loin !
Nous trouvons par conséquent normal que le Parlement soit saisi de cette réforme et puisse en débattre. Ne serait-ce pas là le commencement de la revalorisation des pouvoirs du Parlement, que le Gouvernement invoque sans arrêt pour tenter de faire adopter sa révision de la Constitution ? L’occasion lui est aujourd’hui donnée de prouver aux parlementaires qu’il peut modifier son mode de gouvernement : qu’il cesse de recourir aux ordonnances !
Quant à nous, parlementaires, nous avons les moyens de ne plus être dessaisis de notre pouvoir de faire la loi : n’adoptons pas les articles habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance !