Le nouvel intitulé du chapitre Ier me servira d’introduction, car renforcer la protection du consommateur est précisément l’objectif que nous visons au travers de cet amendement.
Les dispositions présentées ne vous surprendront pas, mes chers collègues, puisque nous avons déjà déposé à de nombreuses reprises des propositions de loi tendant à la création d’un recours collectif au profit des consommateurs. Un tel texte se trouve d’ailleurs actuellement sur le bureau du Sénat.
La complexification des relations commerciales entre les consommateurs et les entreprises, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui sont des technologies de masse, placent les consommateurs et les citoyens en position de faiblesse.
Les abus commis par les entreprises, tels que les ententes sur les prix ou l’inscription de clauses abusives, causent aux consommateurs des préjudices dont il leur est bien difficile d’obtenir réparation. En effet, la lourdeur, le coût et le caractère individuel de la procédure découragent souvent nos concitoyens de faire respecter leurs droits.
C’est la raison pour laquelle nous estimons indispensable et urgent d’instaurer dans le droit français une procédure de recours collectif, qui fait d’ailleurs débat depuis plusieurs mois.
La procédure que proposons de mettre en place se décompose en deux phases.
Tout d’abord, l’une des dix-huit associations nationales agréées, agissant pour le compte d’au moins deux consommateurs, saisit le tribunal de grande instance, et le juge se prononce sur la recevabilité de la demande. C’est la phase dite de contrôle, au cours de laquelle le juge vérifie la réalité du préjudice de masse et apprécie l’opportunité d’agir.
Si la responsabilité pour préjudice de masse de l’entreprise est reconnue par le juge, la procédure est suspendue pendant un mois. L’entreprise incriminée peut alors, si elle l’estime nécessaire, déposer un recours en référé pour se protéger. De son côté, l’association fait la publicité du recours collectif afin d’informer les victimes potentielles de l’ouverture de l’action et de pouvoir recueillir leur mandat : nous avons fait le choix de l’« opt in », c’est-à-dire que les victimes doivent expressément faire savoir leur intention de se joindre à l’action, par opposition à l’« opt out », où la procédure est globale.
Enfin, le juge détermine le montant des dommages et intérêts que devra verser l’entreprise incriminée.
Nous avons laissé ouverte la question du champ du recours collectif, dont les limites devront être précisées.
À de nombreuses reprises, les sénateurs du groupe socialiste ont déposé des propositions de loi ou des amendements tendant à instaurer une telle procédure en droit français. Nous l’avons fait, dernièrement, lors de la discussion du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel.
Vous nous aviez alors tenu les propos suivants, monsieur le secrétaire d’État : « Nous souhaitons, dans le cadre de la future loi de modernisation de l’économie, qui prend là toute sa signification, rééquilibrer les rapports économiques entre les différents acteurs. Nous ferons donc des propositions à votre assemblée afin qu’elle légifère sur ce sujet de l’action de groupe. »
À l’occasion de la discussion générale de ce même texte à l’Assemblée nationale, vous aviez déclaré que « le secrétaire d’État Luc Chatel ne reniera pas les travaux du député Luc Chatel ! ». Voilà qui augurait bien de la suite de la discussion !
Or, lors du débat sur le projet de loi de modernisation de l’économie à l’Assemblée nationale, la proposition de nos collègues députés de créer une procédure de recours collectif a été rejetée, au motif qu’il conviendrait d’en discuter à l’occasion de l’examen d’un futur projet de loi relatif à la dépénalisation du droit des affaires, conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Marie Coulon, selon lequel la mise en place d’une action de groupe doit être envisagée « comme corollaire à la dépénalisation », en permettant une dépénalisation effective. Le cumul de ces deux objectifs permettrait d’émettre « un message cohérent global », comme si le recours collectif ne constituait qu’une simple contrepartie, pour les consommateurs, de l’immense cadeau que va constituer, pour les entreprises, la dépénalisation du droit des affaires !
Or, selon nous, la création de l’action de groupe ne doit en aucun cas figurer dans un projet de loi relatif à la dépénalisation du droit des affaires. Cette avancée doit trouver sa place ailleurs.
Devant les contestations de nos collègues députés, vous avez alors proposé, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un énième groupe de travail, pour faire passer le temps jusqu’à la présentation du futur projet de loi sur la dépénalisation du droit des affaires.
Nous ne vous suivrons pas dans cette voie, car nous pensons qu’il faut agir dès maintenant. Le débat a déjà eu lieu en grande partie. Il reste certes quelques précisions à apporter, mais nous pouvons d’ores et déjà légiférer.