Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Premier ministre, exprime l’engagement du Gouvernement de moderniser notre action publique. Dans un monde qui change, nous souhaitons mieux répondre aux attentes des citoyens et des usagers, afin de conjuguer l’action publique de l’État aux collectivités locales.
Dans cette perspective, nous vous proposons d’engager trois réformes importantes pour les Français, qui permettront de simplifier et d’améliorer les relations entre les Français et les administrations, toutes les administrations : faciliter la saisine de l’administration par les usagers grâce à l’utilisation du numérique ; codifier les règles qui régissent les relations entre les citoyens et l’administration ; changer en profondeur la relation entre usager-citoyen et administration. Nous vous proposons ainsi d’inverser le principe du « refus tacite » qui prévaut aujourd’hui, au profit d’une généralisation de la règle de « l’accord tacite » de l’administration.
Voilà trois outils qui permettent de répondre mieux et plus vite.
La mise en place d’un droit de saisine des autorités administratives par courrier électronique permettra, d’une part, de sécuriser juridiquement les nombreux échanges numériques qui existent déjà via internet, y compris en dehors des téléprocédures dédiées, et, d’autre part, de donner à ces échanges une valeur de nature comparable au courrier papier.
Nous fixerons évidemment des garde-fous contre les demandes abusives, et le faible nombre de problèmes constatés dans les pays européens ayant déclenché cette évolution nous rassure.
Ce nouveau droit viendra compléter les efforts que réalisent la plupart des administrations, en mettant à la disposition des usagers des téléprocédures qui fonctionnent très bien, à l’instar de celle qui a permis à 13, 5 millions de Français de déclarer en ligne leurs revenus cette année, soit 6 % de plus que l’an dernier. Je tiens également à souligner que c’est un levier d’amélioration des conditions de travail des agents, les demandes abusives étant moins délicates à gérer par mail que par téléphone, voire, plus éprouvant encore, au guichet.
Nous proposons d’autoriser, dans certains domaines, la communication des avis donnés par une autorité au cours de l’instruction d’un dossier pour permettre aux usagers d’améliorer leur projet et anticiper une décision défavorable.
Il s’agit, pour le Gouvernement, de renforcer la transparence de l’élaboration de la décision administrative, de limiter les risques contentieux et, surtout, de permettre à chacun, à sa place, de gagner du temps.
Dans son article 2, ce projet de loi prévoit la création, par ordonnance, d’un code relatif aux relations entre les administrations et les usagers.
Nous avons décidé de reprendre à notre compte ce projet de code de l’administration lors du premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, qui s’est tenu le 18 décembre 2012, tout en tirant les leçons de la précédente tentative, avec une circulaire datée du 30 mai 1996, qui, à la suite d’une mauvaise définition du projet, avait été abandonnée en janvier 2006.
C’est pourquoi nous proposons un code qui soit lisible pour les usagers, et qui soit centré sur la seule question de sa relation avec les administrations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la complexité du monde appelle, c’est certain, des procédures pour protéger les citoyens et leurs droits fondamentaux. Elles sont l’apanage d’un État de droit.
Néanmoins, quand elles deviennent illisibles et à ce point complexes, quand elles freinent abusivement l’activité économique et les projets des Français, nous avons le devoir de rationaliser ces règles et de simplifier ces procédures.
Le Président de la République a fait de la simplification des normes et des démarches administratives un combat qui nous engage tous pour la compétitivité de notre pays et le bien-être de nos concitoyens.
Le Gouvernement sollicite votre habilitation pour ces réformes structurelles.
Avec le Premier ministre, nous avons souhaité insérer à l’ensemble de réformes que je vous présente aujourd’hui les autorisations tacites. C’est ainsi que l’amendement n° 3 du Gouvernement vise à lancer la mise en chantier de la mesure annoncée par le Président de la République sur l’effet du silence de l’administration.
Demain, le silence de l’administration sur une demande vaudra, en principe, acceptation.
Cette révolution administrative, une révolution juridique, facilitera les projets de développement publics ou privés et améliorera la réactivité des services administratifs chargés de veiller au respect des procédures légales.
Aujourd’hui, en vertu du principe général, le silence vaut rejet en l’absence de réponse de l’administration dans un délai de deux mois. C’est ce principe que le Gouvernement entend modifier.
Sachez qu’il existe d’ores et déjà plus de 400 procédures dérogatoires soumises à un régime d’approbation tacite, en vertu de l’article 22 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Toutefois, elles demeurent, malgré leur nombre, largement minoritaires dans le quotidien des Français.
Aussi, le Gouvernement propose de faire de la règle qui prévaut déjà pour la plupart des permis de construire, des autorisations de défrichement ou de recours au chômage partiel un principe de droit commun.
Néanmoins, le Gouvernement prendra ses précautions, notamment dans les cas où sont en cause les droits et libertés individuels et où l’application d’une règle différente est imposée par une convention internationale ou par le droit communautaire.
Seront aussi exclues les demandes à caractère financier et les procédures sensibles ou complexes mettant en cause des enjeux de protection de l’ordre public ou présentant des risques d’atteintes graves à la sécurité, à la santé ou à l’environnement.
C’est ainsi que nous proposons la constitution d’un groupe de travail avec les principales associations d’élus et des parlementaires des deux chambres pour identifier les procédures locales concernées.
La Commission consultative d’évaluation des normes, dont la réforme est en cours, sera, elle aussi, mobilisée en ce sens pour apporter aux collectivités toutes les garanties de transparence nécessaires à un tel exercice.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le choc de simplification annoncé par le Président de la République le 28 mars 2013 est au cœur de l’amélioration de la compétitivité hors coût de notre pays, comme l’ensemble de la démarche de modernisation de l’action publique.
Nous avons besoin d’une action publique forte, au service du quotidien et de l’avenir des Français, sur tous les territoires. Elle sera d’autant plus forte et efficace qu’elle sera simple et coordonnée.
La force de notre pays, c’est d’avoir su et de savoir s’adapter. La force de nos services publics, c’est aussi de s’adapter sans cesse. Par cette habilitation générale, nous proposons au pays des réformes structurelles majeures, qui auront des conséquences réelles sur la vie quotidienne des entrepreneurs et de tous les Français.
Telle est l’ambition du Gouvernement.