Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 16 juillet 2013 à 14h30
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi d’habilitation qui nous est aujourd'hui présenté s’inscrit dans un mouvement législatif qui n’est pas spécifique à la France et qui a débuté il y a un peu plus de quarante ans.

Ce mouvement tend à mettre le service public au service du public, en modifiant radicalement les relations entre les administrations, qu’elles soient nationales ou locales, directes ou déléguées, et les usagers. Il concerne aussi bien les États de droit écrit que ceux de common law, et l’Union européenne comme le Conseil de l’Europe ont accompagné et favorisé ce processus.

En France, l’acte de naissance de ce mouvement est la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République. S’ensuivront la fameuse loi du 17 juillet 1978 relative à l’accès aux documents administratifs, qui a créé la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, puis la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public et, surtout, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Toutes ces lois vont dans le même sens : simplifier et rendre plus transparentes les procédures administratives.

Cet ensemble de dispositifs présente les traits essentiels suivants : le contrôle par l’usager du service public des décisions prises à son égard, qu’il s’agisse de l’accès aux documents administratifs, de la motivation de ces actes ou de leur opposabilité ; la compréhension de ces actes, qui doivent être à la portée du public le plus large et le moins formé aux subtilités du droit administratif ; la possibilité d’utiliser les procédures les plus modernes et les moins contraignantes pour dialoguer avec les administrations ; l’accès à tous les niveaux et types d’administration.

Ce processus est encore loin d’être arrivé à son terme, car il s’est en permanence heurté à des barrages, au premier rang desquels la routine administrative, et à l’absence de volonté politique constante des gouvernements successifs pour avancer de façon non chaotique dans cette voie.

Les deux outils traditionnels de ce processus législatif et réglementaire sont la codification et les ordonnances. Les nombreuses lois de simplification adoptées au cours de la dernière décennie, qu’elles soient d’initiative gouvernementale ou parlementaire, y ont donc largement eu recours.

Après avoir été relancée dans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix et s’être quelque peu essoufflée, la codification semble connaître un nouvel élan avec la circulaire du Premier ministre en date du 27 mars 2013.

La codification avance lentement, du fait non pas de la Commission supérieure de codification, qui effectue un travail remarquable et a d’ailleurs rédigé quelques codes qui pourraient être mis en œuvre, mais de l’attitude des gouvernements successifs, lesquels laissent les travaux de la Commission en déshérence, au risque de les voir devenir obsolètes. Adopter les codes une fois ceux-ci élaborés est donc une urgence absolue.

La codification des différentes dispositions d’ordre législatif ou règlementaire relatives aux relations entre les administrations et leurs usagers est l’un des objectifs du projet de loi, qui prévoit notamment l’achèvement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. En ce qui concerne ce dernier, les travaux de la Commission de codification sont très largement avancés – ils sont quasiment terminés – et n’appellent, pour l’essentiel, qu’une mise à jour rapide concernant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En revanche, l’élaboration d’un code des relations entre les administrations et leurs usagers est beaucoup plus complexe, car elle nécessite trois précautions.

Premièrement, il ne faut pas remettre en cause les codes existants comme le code de justice administrative, le code de l’environnement ou le code de l’urbanisme, car ils sont satisfaisants. Il conviendra d’utiliser la procédure des renvois vers ces codes.

Deuxièmement, il faut travailler non pas à droit constant mais en intégrant les objectifs de la loi d’habilitation.

Troisièmement enfin, et ce point est peut-être le plus important, il est nécessaire d’élaborer un code destiné au « public » le plus large, et donc maniable et compréhensible par les non-spécialistes du droit administratif.

Depuis 1999, la codification emprunte en effet de manière privilégiée la voie des ordonnances, son caractère technique le justifiant pleinement. Cependant, le recours aux ordonnances est freiné par l’incapacité chronique des pouvoirs publics, c’est-à-dire des gouvernements successifs, à mettre en œuvre les habilitations législatives. Celles-ci ont très souvent été dépourvues d’effet, faute d’élaboration des ordonnances par les gouvernements habilités : il a fallu réhabiliter les gouvernements suivants, souvent, sans le moindre résultat. De surcroît, les textes élaborés non soumis à ratification peuvent rapidement devenir obsolètes, faute d’un accord préalable sur un délai d’élaboration suffisamment long et sur un champ suffisamment large.

Aujourd’hui, le projet de loi dont nous sommes saisis a un air de famille avec les projets de loi d’habilitation antérieurs, puisqu’il puise en grande partie son contenu dans les lois d’habilitation qui ont successivement été votées par le Sénat et l’Assemblée nationale depuis 2004. Espérons que cette fois sera la bonne !

Quelles sont les grandes orientations de ce texte ?

Ce projet de loi vise à faciliter le dialogue entre les administrations et les citoyens par la généralisation du recours aux nouvelles technologies de l’information et l’adoption d’un code des relations entre l’administration et le public, mais il porte également en germe, Mme le ministre vient de le rappeler, une rénovation du processus de décision de l’administration.

Je dirai d’abord un mot de la simplification des relations entre les administrations et les usagers, ceux que l’on appelle « le public » dans le texte.

La première caractéristique du texte est la création d’un code relatif aux relations entre les administrations et le public. L’idée d’un tel code n’est pas nouvelle, comme l’a dit Mme le ministre. Mais, cette fois, la démarche est différente, car elle est plus pragmatique. En effet, tirant les leçons de l’échec de la précédente tentative d’élaboration d’un code de l’administration, le code envisagé est beaucoup plus modeste, plus orienté vers le citoyen que vers l’administration. Il n’est plus question d’une somme regroupant, en sus des dispositions ayant trait aux procédures administratives non contentieuses, l’ensemble des dispositions relatives à l’organisation de l’administration, y compris les autorités administratives indépendantes. Ceux qui sont intéressés par cette question peuvent se reporter au code administratif Dalloz, dans lequel le travail a déjà été fait. Je tiens à le préciser, il ne s’agit aucunement d’une page de publicité en direction des services de la séance. §

Aujourd’hui, l’objectif est d’élaborer un code plus instrumental, destiné au public, qui ne regroupera que les dispositions relatives aux relations entre l’administration et ses usagers, dont il énoncera les grands principes, tels l’obligation de motivation des décisions individuelles défavorables ou le droit d’accès aux documents administratifs ; ces grands principes pourraient faire l’objet d’un titre préliminaire, comme nous l’a dit M. le rapporteur général de la Commission supérieure de codification. Il contiendrait également les règles générales du régime des actes administratifs unilatéraux. Ce code sera donc généraliste et supplétif, le Gouvernement indiquant dans l’étude d’impact qu’il n’avait pas vocation à attraire dans son champ les dispositions déjà codifiées.

Le défaut d’organe de pilotage étant l’un des facteurs qui expliquaient l’échec des tentatives de codification antérieures, l’élaboration du nouveau code serait confiée au Secrétariat général du Gouvernement, qui aura la tutelle de la Commission supérieure de codification, afin de procéder à des consultations pour recueillir l’avis de tous ceux qui sont concernés, notamment les praticiens.

Le code relatif aux relations entre les administrations et le public ne se ferait pas à droit constant. C’est pourquoi des délais modulables ont été prévus afin de procéder par étape.

La seconde caractéristique du texte est la consécration de la place des nouvelles technologies par l’instauration d’un droit de l’usager à saisir l’administration par la voie électronique.

Ce type de démarche n’est pas nouveau, puisqu’il a été amorcé depuis 2005. Mais, cette fois, le Gouvernement demande une habilitation plus générale pour « adapter les relations entre les administrations et le public aux évolutions technologiques ». Il serait également habilité à « simplifier les démarches du public auprès des administrations et l’instruction de ses demandes ».

Qu’en est-il de la rénovation du processus décisionnel ?

Un nouveau régime des décisions implicites sera instauré. Lorsque le texte initial du Gouvernement était arrivé au Sénat, il n’y figurait pas. Nous avons donc demandé au Gouvernement d’intégrer ces dispositions dans le texte de façon à éviter que la loi d’habilitation ne devienne obsolète au bout de six mois.

Donc, à l’issue d’une micro-navette entre le Gouvernement, le Secrétariat général du Gouvernement et la commission, a été retenu un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le projet de loi d’habilitation et intégrant la proposition du Président de la République selon laquelle le silence de l’administration à l’expiration d’un certain délai vaudrait non plus rejet mais autorisation.

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