Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 16 juillet 2013 à 14h30
Attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique.

Ce texte, vous le savez, a pour objet de clarifier les compétences respectives du garde des sceaux et des magistrats du parquet en restituant au ministre de la justice la responsabilité de l'animation de la politique pénale sur l'ensemble du territoire et, en même temps, en renforçant l’indépendance fonctionnelle du ministère public dans l’exercice de l’action publique.

Votre commission a adopté sans modification le projet de loi qui résulte des travaux en deuxième lecture de l’Assemblée nationale, car il s'agit d'un texte de compromis avec celui que nous avions voté en première lecture.

En effet, il maintient la suppression de la publicité des instructions générales, telle qu’elle avait été votée par le Sénat. Certaines instructions sur des thématiques ciblées, comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée, fixant des stratégies judiciaires ou des techniques d’enquête, exigent en effet une discrétion absolue, sous peine d’entraver l’action pénale.

Avec une publicité systématique, le risque aurait été grand de voir les instructions générales se vider de leur substance, encourageant parallèlement des instructions plus informelles, ce qui serait parfaitement contraire à l’esprit du présent texte.

La publicité de ces instructions sera assurée par le rapport public annuel du garde des sceaux sur l’application de la politique pénale, que prévoit le texte. Ce rapport donnera la liste de toutes les instructions générales qui seront ainsi, en temps utile et selon des modalités appropriées à la politique pénale, rendues publiques.

Bien entendu, rien n’interdit au garde des sceaux, s’il l’estime opportun, de donner une publicité particulière à telle instruction générale, ou à telle circulaire. À cet égard, je note que l’ensemble des circulaires de politique pénale que vous avez prises, madame la garde des sceaux, depuis que vous êtes place Vendôme, ont été publiées.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a réintroduit l’interdiction des instructions données par le garde des sceaux au parquet dans des affaires individuelles. Vous vous êtes, madame la ministre, longuement exprimée sur cette question, en totale cohérence avec la position que vous aviez adoptée en première lecture.

Lors de l’élaboration de son texte, la commission des lois du Sénat a approuvé cette disposition, estimant que cette interdiction permettait une répartition claire des compétences respectives du garde des sceaux et des magistrats du parquet qui ont, seuls, la charge de mettre en œuvre l’action publique.

La suppression des instructions individuelles ne privera pas pour autant le garde des sceaux de ses moyens d’action. En effet, la plupart des cas réglés jusqu’à présent par des instructions individuelles pourront l’être par des instructions générales – à commencer par les regroupements d’affaires, alors même qu’ils concernent des dossiers particuliers identifiés.

De plus, en cas de manquement d’un procureur aux instructions générales, le garde des sceaux disposera toujours de la voie disciplinaire pour assurer l’application de la politique pénale dont il a la responsabilité. Il aura également la possibilité, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale – comme toute autorité constituée, tout officier public ou tout fonctionnaire –, de donner avis sans délai au procureur de la République de sa connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, d’un crime ou d’un délit qui n’aurait pas été poursuivi.

Enfin, le garde des sceaux conservera les attributions qu’il détient déjà, et sur lesquelles le texte ne revient pas, comme la possibilité de demander, par exemple, un pourvoi dans l’intérêt de la loi ou de former une demande de révision. Cet article ne dépossède donc pas totalement le ministre de ses pouvoirs en matière d’instruction au parquet pour mener la politique pénale dont il a la charge.

Votre commission a également approuvé le rétablissement, par l’Assemblée nationale, de la référence à l’impartialité des magistrats du parquet, à l’article 31 du code de procédure pénale.

Certes, cette notion d’impartialité ne peut revêtir la même signification pour les magistrats du parquet que pour les magistrats du siège, puisque les premiers incarnent l’autorité de poursuite et sont soumis à une autorité hiérarchique supérieure. Le terme a donné lieu à de longs débats à l’Assemblée nationale, en première puis en deuxième lecture.

Pour autant, cette posture procédurale particulière ne fait pas des membres du parquet des magistrats partiaux. Ils font appel aux mêmes qualités de discernement, d’objectivité, d’analyse juridique pour décider de l’opportunité des poursuites que celles qui sont exigées des membres du siège lorsqu’ils décident de condamner ou de ne pas condamner. Le parquet a d'ailleurs de plus en plus une fonction de pré-jugement dans un certain nombre de décisions qu’il prend. Dans ces cas-là, il faut bien qu’il fasse preuve d’« impartialité », d’« indépendance », d’« objectivité » – nous pourrions débattre sur les termes, mais Mme le garde des sceaux et M. le président de la commission des lois sont bien plus compétents que moi en sémantique…

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