Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier matin à l’Assemblée nationale, a adopté un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi HPST – je ne vous donne pas l’intitulé complet de ce texte puisque, de toute façon, nous le connaissons mieux sous l’appellation de « proposition de loi Fourcade ».
Vingt-sept articles restaient en discussion. C’est peu compte tenu de l’inflation notable que le texte avait connue à l’issue de la première lecture, puisqu’il comptait, après son adoption par l’Assemblée nationale, quatre-vingt-deux articles, dont bon nombre ont donc déjà été définitivement adoptés ou rejetés au cours de la navette. Toutefois, c’est beaucoup par rapport au texte issu de la première lecture du Sénat, qui comportait trente articles, et plus encore par rapport aux seize articles du texte initial de la proposition de loi.
Permettez-moi de citer d’abord, parmi les dispositions incluses dans le texte de la commission mixte paritaire, un article adopté sans bruit et sans débat après avoir été élaboré en plein accord entre les deux assemblées et le Gouvernement, à partir d’une initiative prise en première lecture par notre collègue députée, Valérie Boyer, rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Je veux parler, bien sûr, de l’article 24 de la proposition de loi, qui va enfin permettre de régler le problème lancinant et récurrent de la responsabilité civile professionnelle des médecins et qui constitue donc un acquis très positif de la proposition de loi.
Certes, nous aurions pu traiter cette question dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais personne ne regrettera que nous n’ayons pas attendu davantage pour prévoir ce dispositif de mutualisation professionnelle, sous la forme d’un fonds de garantie qui couvrira les sinistres au-delà d’un certain seuil.
J’ajoute que le schéma retenu préserve – le Sénat y a tenu – le recours à la solidarité nationale pour les médecins retraités qui ne seraient plus couverts par une assurance : c’est un cas qu’il convenait de prévoir, même s’il a peu de chances de se produire.
Madame la secrétaire d'État, cet article méritait, je crois, qu’on lui fasse un sort à part. J’en viens à présent à l’ensemble de nos travaux, dont je regrouperai, en m’efforçant d’être synthétique, l’exposé sous trois rubriques : tout d’abord, le parachèvement des mesures incluses dans la proposition de loi initiale pour faciliter l’organisation des soins de premier recours ; ensuite, les nombreuses dispositions relatives à la biologie médicale, dont l’adoption par l’Assemblée nationale en première lecture a créé une certaine surprise ; enfin, un autre sujet substantiel, issu d’une proposition de loi des députés Yves Bur et Jean-Pierre Door, à savoir la modulation des prestations des mutuelles.
Sur le premier point, peu de divergences subsistaient entre les deux assemblées sur le statut des nouvelles sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, les SISA, et celui des maisons de santé.
Revenant au texte du Sénat, avec l’accord de ses deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a rouvert à toutes les personnes exerçant la profession de pharmaciens la possibilité de devenir associées des SISA.
En revanche, elle a retenu la position de l’Assemblée nationale tendant à exclure toute responsabilité civile professionnelle de la SISA, au profit d’un régime de responsabilité individuelle des associés.
Ce choix, qui distingue cette nouvelle société de la société civile professionnelle comme de la société d’exercice libéral, sera sans doute de peu de conséquence, la SISA ne devant être que marginalement une société d’exercice professionnel.
Un désaccord plus profond s’était manifesté entre les deux assemblées sur les questions relatives au secret médical.
Mes chers collègues, votre commission et le Sénat ont ainsi considéré de manière constante qu’il n’y avait aucune raison pour que le partage des informations médicales concernant les patients dans les maisons et centres de santé obéisse à des règles spécifiques. Avec la même constance, l’Assemblée nationale et sa commission des affaires sociales ont pris la position inverse, qui a aussi été celle de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire a également suivi l’Assemblée nationale en estimant que le souci des établissements de santé d’externaliser leurs archives justifiait une dérogation largement définie à l’obligation de recueillir le consentement exprès et préalable des patients au transfert des données de santé les concernant, sans distinguer au demeurant entre les données numérisées et les dossiers papier.
À titre personnel, je regrette ces choix, qui dérogent à la règle selon laquelle « le secret médical appartient aux patients », à l’exigence constitutionnelle de respect de la vie privée et à la législation communautaire relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
En remettant en cause les dispositions de la loi HPST adoptées sur l’initiative de votre commission pour informer les patients du prix d’achat des dispositifs médicaux sur mesure, la proposition de loi n’a pas non plus marqué d’avancée dans le droit à l’information des patients. La commission mixte paritaire a cependant prévu que l’information fournie au patient comprendrait de manière dissociée le prix de vente de l’appareil proposé et le montant des prestations de soins assurées par le praticien.
J’en viens à présent aux dispositions modifiant la réforme de la biologie médicale résultant de l’ordonnance du 13 janvier 2010.
Elles ont suscité une certaine émotion au sein de la profession, et tout particulièrement chez les jeunes biologistes médicaux, chez qui la réforme de 2010 avait fait naître beaucoup d’espoirs.
Se rangeant à l’avis du Sénat, la commission mixte paritaire a exclu le retour aux anciennes « ristournes » sur le tarif des actes de biologie médicale et limité les exceptions à la facturation aux tarifs de la nomenclature aux coopérations non marchandes entre les établissements de santé ou entre les laboratoires.
En revanche, en adoptant les dispositions issues des délibérations de l’Assemblée nationale, elle a prévu la possibilité de nommer à des postes hospitaliers de responsabilité des personnes non titulaires du diplôme d’études spécialisées, le DES, de biologie médicale. Elle a rouvert dans les mêmes conditions l’accès des vétérinaires à ce diplôme, sans toutefois leur permettre d’exercer la profession de biologiste médical.
Elle a également, sur la proposition de la rapporteur pour l’Assemblée nationale, confirmé la non-application aux laboratoires de biologie médicale existants des dispositions adoptées au Sénat pour élargir l’accès au capital social de ces laboratoires de biologistes médicaux exerçant en leur sein.
Mes chers collègues, j’en terminerai en évoquant le compromis auquel est parvenue la commission mixte paritaire sur les dispositions de la proposition de loi tendant, d’une part, à autoriser les mutuelles à moduler leurs prestations au bénéfice de leurs adhérents recourant à des professionnels, établissements ou services de santé appartenant à un réseau de soins ou conventionnés par elle, et, d’autre part, sur les dispositions qui tendent à définir les principes du conventionnement entre les professionnels de santé et les organismes d’assurance maladie complémentaire, les OCAM.
Les positions entre les deux assemblées étaient, vous le savez, très largement divergentes, tant sur le principe de la modulation des prestations, accepté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat, que sur la définition d’un éventuel dispositif d’encadrement du conventionnement.
Le dispositif élaboré par la commission mixte paritaire, à partir notamment – j’insiste sur ce point – des propositions de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui nous manquera beaucoup – c’est grâce à lui que les deux assemblées ont pu trouver des solutions ! –, regroupe plusieurs dispositions dans un même article.
En premier lieu, il s’agit des dispositions prévoyant la fixation par décret des règles du conventionnement entre les professionnels, services ou établissements de santé, et les OCAM ou leurs gestionnaires de réseaux, posant le principe de l’ouverture des réseaux, y compris de ceux qui existent déjà, et chargeant l’Autorité de la concurrence de remettre tous les trois ans aux commissions parlementaires compétentes un rapport sur les réseaux de soins.
En second lieu, il s’agit d’une disposition permettant aux mutuelles, à titre expérimental, pour trois ans et par dérogation au code de la mutualité, d’instaurer des différenciations de leurs prestations au profit de leurs adhérents recourant à des professionnels ou prestataires de services conventionnés.
Certes, ce compromis ne règle pas définitivement, ce qui n’était d’ailleurs guère envisageable, un problème complexe qui met en jeu la liberté de choix du médecin et dont la solution se heurte à la difficulté d’apprécier exactement les conditions de fonctionnement et les conséquences positives ou négatives du conventionnement.
Cependant, ce compromis ouvre la possibilité d’une expérimentation, d’un encadrement du conventionnement et d’une évaluation des solutions proposées ou envisageables pour améliorer les services rendus aux adhérents et préserver l’équilibre de l’offre de soins.
Il constitue donc, à mes yeux, l’un des résultats positifs auxquels nous sommes parvenus hier – j’en remercie encore une fois Jean-Pierre Fourcade –, et un bon exemple de coopération constructive entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Enfin, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par la mission d’information sur la mise en application de la loi du 21 juillet 2009, notamment par son président, qui nous a permis d’obtenir des résultats extrêmement positifs, en particulier pour ce qui concerne les SISA et les maisons de santé. Les résultats ont été moins positifs pour d’autres dispositions, mais celles-ci ne figuraient pas dans la proposition de loi initiale, donc Jean-Pierre Fourcade n’est pas en cause.
En conclusion, mes chers collègues, je vous demande malgré tout d’approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.