J'ai été très heureux de ce travail commun. Notre réflexion sur ce texte est enserrée par les engagements internationaux et les arrêts des juridictions internationales que nous devons intégrer ou appliquer. Il en va de la solidité de notre droit et de la crédibilité de notre système judiciaire. Nous étions d'accord sur un grand nombre de dispositions. Le Sénat avait adopté la grande majorité des articles de l'Assemblée nationale, au prix, parfois, de quelques réécritures destinées à reformuler, dans un vocabulaire juridique français, des termes issus de négociations internationales, dénaturés par le jeu des traductions.
Le premier des quatre points restant en débat est l'insertion dans le code de procédure pénale des nouvelles dispositions sur le droit à la traduction et à l'interprétation des pièces de procédure. Nous sommes convenus que les principes transversaux seraient placés dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, tandis que les modalités seraient intégrées dans le corps de ce code.
Un autre point concernait les pouvoirs d'enquête et de déclenchement de l'action publique pour le membre national d'Eurojust : la rédaction du Sénat, plus prudente, réserve l'avenir.
En outre, même s'il est possible dans le droit actuel de condamner des faits d'esclavage et de servitude, notre législation est manifestement en retrait par rapport à l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - je l'avais trop relativisé lors des débats au Sénat. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) signalent les insuffisances de notre droit. Il est apparu que les deux incriminations de réduction en esclavage et en servitude sont nécessaires. Nous avons repris la définition figurant dans des engagements internationaux. Ainsi la réduction en esclavage se caractérise comme l'exercice d'un attribut du droit de propriété sur une autre personne. En revanche, la réduction en servitude est liée au travail forcé ; d'ailleurs la convention européenne des droits de l'homme évoque, dès l'alinéa suivant, le travail forcé.
Grâce aux incriminations visant le travail dans des conditions indignes, le travail forcé et la réduction en servitude, définie comme du travail forcé aggravé, car habituel et fondé sur l'exploitation de la vulnérabilité des personnes, nous disposerons d'un arsenal conforme aux attentes de la CEDH. Notre proposition répond aussi aux demandes des praticiens et des associations. Nous en avons enfin tiré les conséquences sur le droit d'intervenir des associations comme sur le droit des victimes à l'indemnisation.