Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 13 juillet 2011 à 9h30
Réforme de l'hôpital — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de la réunion, hier matin, de la commission mixte paritaire, la majorité sénatoriale, puis celle de l’Assemblée nationale, vont entériner cette proposition de loi, dont je dirais pour ma part qu’elle porte « addition de diverses dispositions relatives, notamment, à quelques intérêts particuliers »…

Nul ne contestera que le procédé n’est pas de bonne méthode législative et qu’il ne relève – c’est le moins que l’on puisse dire – ni d’une vision d’ensemble, ni d’une démarche cohérente, ni d’un projet réfléchi, quelle que soit d’ailleurs la qualité de celui qui a présenté cette proposition de loi.

En premier lieu, sur la forme, ce texte dit « de toilettage » de la loi du 21 juillet 2009 avait été déposé sans attendre le rapport du comité d’évaluation de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé et, qui plus est, par le responsable de ce même comité. On ferait difficilement moins rationnel !

En deuxième lieu, sur le fond, l’auteur de cette proposition de loi entendait initialement supprimer certaines dispositions de la loi HPST, qui se seraient révélées difficiles à appliquer. Or, s’il s’agit des articles 3 et 4, qui visent à abroger l’éventuelle sanction liée au refus du contrat solidarité santé et l’obligation de déclaration d’absence programmée, chacun aura gardé à l’esprit qu’aucune de ces deux dispositions n’avait bénéficié d’un commencement d’application, puisque, à peine adoptées, elles ont été presque immédiatement « gelées » par la ministre de la santé de l’époque.

À l’évidence, ce n’est donc pas leur difficulté de mise en œuvre qui pose problème ! Vous avez ainsi renoncé par avance, madame la secrétaire d’État, chers collègues de la majorité, aux deux seules mesures, pourtant bien timorées, de lutte contre les déserts médicaux, qui figuraient dans la loi du 21 juillet 2009, qualifiée d’« historique ».

Toutefois, l’histoire retiendra surtout que ce gouvernement a prouvé avec constance qu’il était plus soucieux de céder aux injonctions d’un groupe de pression, que ce texte vise très directement à satisfaire – cela a été rappelé à de nombreuses reprises –, que de préserver l’intérêt des patients.

S'agissant des soins, vous renoncez non seulement à tenter de maintenir leur accessibilité géographique – la réaffirmation de l’inopposabilité du SROS, le schéma régional d’organisation sanitaire, qui vide de sa portée ce document, en est une autre preuve –, mais également à garantir leur accessibilité financière, en cautionnant obstinément la pratique des dépassements d’honoraires, qui plus est solvabilisée sur fonds publics !

De même êtes-vous revenus, au détriment des patients, sur l’obligation d’information sur le prix d’achat des prothèses dentaires, pour y substituer la mention du prix de vente.

Avec ces dispositions de toilettage désordonnées, vous proposez en quelque sorte au Parlement de « délégiférer » et de supprimer une grande partie de la loi votée il y a peu.

Enfin, en troisième lieu, ce texte portant initialement sur des mesures très ponctuelles, que notre collègue Jean-Pierre Fourcade a bien voulu déposer pour les raisons qui viennent d’être rappelées, s’est trouvé considérablement augmenté d’une multitude de dispositions diverses, pour constituer au final un bric-à-brac de plus de quatre-vingts articles. Hier, au cours de la commission mixte paritaire, un député a même parlé de « vide grenier estival ».

Les cavaliers ne se comptent plus tant ils sont nombreux dans ce texte, et l’ajout des articles 22 et 22 bis est exemplaire en termes de manque de préparation, d’évaluation et de réflexion. Les enjeux du débat relatif aux mutuelles sont extrêmement importants, puisqu’ils mettent en cause le poids grandissant des restes à charge pour les assurés ainsi que l’offre de soins en milieu rural. Le compromis arrêté en commission mixte paritaire nous a semblé, je l’ai dit hier, dans les difficiles conditions d’impréparation que je viens de décrire, le moins mauvais possible.

Reste que ce débat sur les mutuelles se posera nécessairement de nouveau. Aujourd’hui, nous le savons tous, le régime obligatoire ne couvre plus les frais de santé qu’à hauteur de 55 %.

Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que nous ne pouvons pas approuver le texte qui nous est aujourd’hui proposé.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour revenir sur la question des dépassements d’honoraires. Permettez-moi de vous citer à cet égard un article de presse paru voilà quelques semaines et intitulé : « Avec l’envolée des honoraires, les malades priés d’être patients ».

On y lisait, notamment, que : « Le dépassement des tarifs conventionnés par de nombreux spécialistes contraint de plus en plus de personnes à retarder leurs traitements. Voire à se priver de soins. […]

« 85 %, c’est la part des chirurgiens libéraux qui sont en dépassement d’honoraires. Pour les ophtalmologues, ORL et gynécologues, principales spécialités pointées du doigt par l’assurance maladie, le taux atteint 50 %. […]

« “La mutuelle, c’est très cher, et c’est ce qu’on coupe en premier quand on doit revoir le budget” », estime Sandra Mokobodki, médecin dans le Rhône.

« “Pour tout ce qui est vital, il n’y a pas de problèmes. Pour les grippes, les patients ont tendance à se débrouiller” », note Patricia Medina, sociologue à l’observatoire de la santé Rhône-Alpes.

Notre pays connaît aujourd’hui un problème d’accès aux soins, qui concerne les catégories les plus défavorisées et certaines zones géographiques.

Naturellement, le texte qui nous est proposé ne répond pas à cet enjeu fondamental pour la qualité de vie de nos concitoyens.

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