Quelques murmures s'élevant des bancs du Sénat, je voudrais expliquer en droit la solution à laquelle nous arrivons. La décision de la Cour européenne des droits de l'homme n'implique pas la disparition du délit d'offense au chef de l'État, mais ses cas d'application deviendraient marginaux. De plus, si l'offense est dissociée de l'injure ou de la diffamation, elle devient difficile à caractériser, ce qui nous expose aux mêmes déboires que sur le délit de harcèlement, censuré faute de définition. La solution intermédiaire que j'avais proposée en commission, avec peu de succès, consistant à aligner la situation du chef de l'État sur celle des ministres, présentait l'inconvénient de prolonger la pratique des interventions individuelles du garde des sceaux dans les procédures, dont nous sommes nombreux à ne pas vouloir. En outre, nous nous heurtions à la hiérarchie constitutionnelle : comment un ministre, le garde des sceaux, pourrait-il se prononcer sur le bien-fondé d'une plainte du chef de l'État ? Mieux valait faire jouer le principe d'opportunité des poursuites : le parquet est libre d'ouvrir des poursuites en fonction de l'importance du dossier mais seulement à la demande de l'intéressé, chef de l'État, ministre ou parlementaire. L'affaire Éon a montré que le déclenchement de poursuites peut causer un préjudice supérieur à l'inaction.