Intervention de François Marc

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 juillet 2013 : 1ère réunion
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Échange de vues

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur général :

Or, le dispositif actuel sanctionne de manière rapide et efficace les fraudeurs, avec des sanctions financières très dissuasives, tout en portant environ 1 000 affaires par an devant la justice, c'est-à-dire les délits les plus graves, après avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF). Je rappelle aussi que la justice peut déjà prendre l'initiative des poursuites dans les cas de blanchiment de fraude fiscale ; c'est ce qui s'est passé dans le cas de Jérôme Cahuzac.

Si l'article introduit par la commission des lois devait être voté, l'autorité judiciaire verrait son stock d'affaires augmenter substantiellement, sans qu'elle dispose ni des effectifs, ni de l'expertise nécessaire pour les traiter de manière satisfaisante. On peut donc craindre que le processus soit à la fois plus lent, moins efficient et moins efficace que le mode de fonctionnement actuel, qui a fait ses preuves.

J'ai constaté que quatre amendements, émanant d'auteurs appartenant à des groupes différents, tendaient à supprimer cet article : j'en ai déposé un, à titre personnel, de même que le président Philippe Marini et nos collègues Jacques Mézard et Vincent Delahaye.

Je précise qu'a contrario, plusieurs amendements proposent de supprimer de manière assez radicale le monopole des poursuites ; nous devrions donc avoir un beau débat en séance car il y aura la palette complète des positions.

J'en viens maintenant aux amendements déposés sur le texte. Deux d'entre eux sont des amendements que nous avions adoptés en commission : celui sur la preuve, que j'ai évoqué il y a quelques instants, et celui sur les obligations déclaratives des entreprises en matière de prix de transfert, qui a été rejeté par la commission des lois. Des doutes ont en effet été exprimés sur la pertinence du dispositif, ce qui a conduit à maintenir le texte de l'Assemblée nationale plutôt que de retenir notre rédaction que nous estimons pourtant meilleure. Nous aurons ce débat en séance, avec le choix de supprimer le dispositif ou d'améliorer celui voté par l'Assemblée nationale, étant entendu que son maintien en l'état ne paraît pas être une solution satisfaisante.

Il convient de noter que plusieurs autres amendements portent sur les prix de transfert, dont celui présenté par notre président Philippe Marini, issu de sa proposition de loi, qui a été rejoint par le groupe CRC. Il s'agit d'un sujet important pour lequel le Gouvernement a annoncé vouloir introduire des dispositions nouvelles dans le projet de loi de finances pour 2014, suite au rapport de l'Inspection générale des finances de ce printemps, rendu public en juin.

Le président Marini a également déposé un amendement tendant à renforcer l'efficacité de l'abus de droit en élargissant son champ aux montages ayant une finalité essentiellement - et non plus exclusivement - fiscale. Sur ce point aussi, une proximité de points de vue a été exprimée par le groupe CRC.

Parmi les autres sujets évoqués par les amendements que ceux déjà mentionnés, je vous propose de sélectionner quelques thèmes de manière à susciter les échanges au sein de la commission.

De nombreux amendements portent sur l'article 3, qui vise à élargir les circonstances aggravantes de la fraude fiscale et à alourdir les sanctions applicables. Ces amendements visent généralement à étendre encore le champ de ces circonstances aggravantes et les sanctions, même si, en pratique, un certain nombre d'entre eux sont satisfaits.

Plusieurs amendements tendent à créer un délit d'incitation à la fraude fiscale. La nécessité de cette création paraît difficile à établir de manière certaine, mais celle de réprimer ceux qui font profession de la fraude fiscale, et non de l'optimisation comme on le dit avec retenue, ne pose en revanche guère question.

Plusieurs amendements entendent allonger les délais de prescription, ce qui va à l'encontre de la position de la commission des lois, ou, dans le même esprit, suppriment la possibilité pour l'administration fiscale de transiger. Plusieurs amendements renforcent les obligations déclaratives des entreprises. Enfin, des amendements concernent la mise en place - probablement prématurée compte tenu de ce qui nous a été indiqué il y a peu en commission - d'une législation de type « FATCA » ou portent sur la liste des états et territoires non coopératifs.

Pour conclure, je rappelle qu'il est indispensable de proportionner les obligations déclaratives à leur utilité en termes de contrôle et donc, de rendement. Il en va de même des amendements concernant tant les durées de prescription que les sanctions : il faut bien entendu que les dispositions soient dissuasives mais aussi qu'elles restent proportionnées à la nature du délit. Enfin, quels que soient les votes en séance, il me semble que ce texte permettra à l'administration fiscale d'être mieux armée pour déceler et sanctionner les fraudes, en particulier les plus complexes. C'est un motif de satisfaction. En effet, nos concitoyens, qui sont parfois l'objet de « tracasseries » administratives, ont du mal à comprendre que l'Etat puisse être impuissant face à des fraudes de grande ampleur, parce qu'elles font l'objet de montages complexes et astucieux.

Je vous ai donc rendu compte des positions tranchées sur les questions du monopole et de la licéité des preuves.

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