C'est d'ailleurs cette société qui a réalisé, pour le compte de l'Etat, la Maison de la Francophonie, avenue Bosquet. Cette opération a apparemment donné satisfaction à tous les acteurs concernés. Mais il s'agissait d'une petite opération.
Là, heureusement ou curieusement, l'Etat a trouvé une solution adaptée au devenir de la SOVAFIM. En 2009, au moment où France Domaine évaluait le patrimoine, la SOVAFIM proposait d'acquérir le bien pour 350 millions d'euros. Il faut dire qu'au Conseil d'administration de la SOVAFIM, il y a deux administrateurs qui sont des représentants de France Domaine. C'est pour cela que je parle d'une opération très « consanguine », c'est la main droite qui parle à la main gauche ! Mais la SOVAFIM, pour continuer d'avoir une activité, avait un objectif : dégager un taux de rendement de 6 %.
L'étude de JLL en 2009 tombe à point car elle justifie de ne pas vendre et le Secrétaire général du Gouvernement souhaite regrouper ses services : chaque partie est donc en mesure de remplir ses objectifs. Mais il apparaît alors que l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires. En 2011, est fixé le principe de ne pas de céder le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer des droits de superficie pour une période déterminée (trente ans finalement), et l'Etat s'engage à payer un loyer : cet engagement se traduit juridiquement en 2013. Ce loyer sera, à la fin de l'opération, un peu supérieur à ce que paient ces mêmes administrations à l'heure actuelle. Mais cela permet quand même, monsieur le président de la commission des finances, d'être hors budget de l'Etat puisqu'on fait une opération avec une société privée ; et d'autre part, cela permet de lisser cette opération : la valeur du bien est estimée entre 200 et 300 millions d'euros et les travaux de l'ordre de 200 millions d'euros. C'est donc une opération globale de l'ordre de 500 millions d'euros et l'Etat conserve ce patrimoine, puisqu'à l'issue de cette période de trente ans, les bâtiments rénovés lui reviendront. La SOVAFIM se sera rémunérée grâce à un taux de rendement qui devrait s'établir à 6 %. Donc, alors que sa dissolution aurait pu être discutée, l'opération « tombe bien » pour cette société.
Par conséquent, même si je considère que le regroupement des services du Premier ministre est pertinent, j'ai qualifié la solution choisie d'un petit peu « acrobatique », sur le plan juridique et financier. En effet, il est difficile de distinguer la réalité des coûts : les loyers sont fixés non en fonction de la valeur du marché mais en fonction de l'équilibre de cette opération et il est impossible de savoir si les coûts de cette opération vont déraper. Comme vous le savez, il est très important de tenir un calendrier pour une opération de cette nature.
Or, le calendrier a pris du retard parce que cette opération dépend des services du Premier ministre et il y a eu, l'an dernier, un changement de majorité et de Premier ministre. La dernière lettre adressée à la SOVAFIM avant le changement de Gouvernement, signée par Valérie Pécresse, ministre du budget, a ainsi été signée deux jours avant l'élection présidentielle. Certes, je ne pense pas que ce dossier soit prioritaire pour le nouveau Premier ministre, mais à ce jour, le projet a déjà pris un an et demi de retard. Cela pose des problèmes, notamment pour certaines autorités indépendantes, et en particulier par exemple pour le Défenseur des droits, qui a essayé de regrouper ses équipes sur deux sites au lieu de quatre ; ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait ardemment s'installer à Fontenoy, où devraient être regroupées les autorités indépendantes. En raison du retard pris, le Défenseur des droits ne pourra s'installer dans les locaux à l'expiration de ses baux.
Par ailleurs, j'estime que ce projet est conduit a minima. En plus de ce montage financier astucieux mais acrobatique, on a essayé de faire des économies. Par exemple, alors que 2 300 à 2 500 agents travailleront sur ce site, seules trente-huit places de parking ont été prévues parce que l'Etat a décidé, à quelques mois des élections présidentielles, de supprimer le parking pour des raisons financières. Or on sait qu'il y aura des usagers qui viendront rencontrer les agents de l'Etat et qu'il s'agit d'un lieu où des problèmes avec les riverains existent, notamment avenue de Ségur. Que l'Etat fasse une opération aussi importante, dans le VIIe arrondissement et sacrifie, pour une économie de 10 millions d'euros, cinq étages de parking parce qu'il a un an et demi de retard, illustre l'absence, à ce jour, de pilotage réel. Ce n'est évidemment pas le Premier ministre qui a vocation à tenir ce rôle. J'ai interrogé l'ancien Premier ministre qui, aujourd'hui, est le député de la circonscription : au temps où il était Premier ministre, il n'a pas été mis au courant de ces modalités pratiques et j'imagine évidemment bien volontiers que c'est également le cas de l'actuel Premier ministre.
La solution financière choisie est atypique et onéreuse : on estime son surcoût à près de 30 %, mais elle a le mérite de tenir compte des contraintes budgétaires et peut-être de ne pas trop attirer l'attention d'un certain nombre d'acteurs, je dirais même peut-être du Parlement, sur ce sujet. A ce jour, ce projet suscite une certaine insatisfaction et on peut se demander si la SOVAFIM, qui est une petite structure, est suffisamment armée pour piloter un tel projet ; il n'y pas, à ce jour, d'architecte, puisque la SOVAFIM, qui a signé l'arrêté de transfert et le protocole locatif avec l'Etat il y a quelques semaines, va maintenant mettre en concurrence des promoteurs, et chacun des promoteurs choisira un architecte. Je trouve dommage, pour un projet immobilier de cette nature, de ne pas en avoir fait un enjeu architectural.
J'ai interrogé la Mairie de Paris, qui est d'ailleurs la seule institution n'a pas donné suite à mes demandes d'auditions. J'ai interrogé le maire du VIIe arrondissement, à qui j'ai fait connaître l'opération. L'architecte des bâtiments de France rencontré m'a expliqué que le site était sous surveillance du ministère de la culture, mais que pour autant, l'architecte n'était pas associé au projet.
Nous faisons donc face au panorama suivant : France Domaine a répondu à la demande des services de l'Etat, l'opération permet à la SOVAFIM de bénéficier de 6 % de rendement et le Secrétaire général du Gouvernement a résolu ses problèmes immobiliers - heureusement pour l'Etat, d'ailleurs !
Mais désormais, maintenant que les droits ont été transférés à la SOVAFIM, se pose la question de la communication et du pilotage du projet : la SOVAFIM peut-elle véritablement représenter l'Etat, dans la conduite d'un tel projet et alors qu'il s'agit des services du Premier ministre ? Je ne le pense pas, et il me semble que l'on pourrait préconiser au Premier ministre de désigner quelqu'un dans son cabinet ou dans ses services, pour assurer une communication intelligente de l'Etat sur ce projet vis-à-vis de l'extérieur, et notamment des riverains.