Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 17 juillet 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend tout d'abord une communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je vais vous rendre compte de la mission que la commission des finances m'a confiée concernant le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ». Il s'agit d'un ensemble immobilier qui est situé dans le VIIe arrondissement de Paris, avenue de Ségur et place de Fontenoy, et composé de deux bâtiments. Dans le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les loyers représentent des dépenses relativement importantes : ce projet, par son ampleur et par sa nature financière, aura donc un impact durable sur le budget de cette mission.

Cet ensemble immobilier d'environ 55 000 mètres carrés est situé à proximité de Matignon et il est composé de deux bâtiments, dont l'un est l'ancien Hôtel de la Marine dans lequel on peut observer des fresques intéressantes.

Depuis une trentaine d'années, ces bâtiments ont eu des destinations diverses et plusieurs ministères y ont été installés. A partir de 2004, les services de l'Etat ont étudié un projet d'installation de la Maison de la Francophonie. Finalement, la Maison de la Francophonie a été installée avenue Bosquet et l'Etat a conservé ces deux immeubles qui n'ont pas été rénovés et se sont dégradés.

Après cet échec, il a été envisagé, en février 2009, de vendre le bien, notamment pour pouvoir en affecter son produit à quatre ministères, dont les ministères financiers, comme l'indique une décision de Christine Lagarde et d'Eric Woerth, à l'époque respectivement ministre de l'économie et des comptes publics. Le service France Domaine a alors été chargé d'évaluer le bien : en avril 2009, il retient une valeur pivot de 300 millions d'euros. Parallèlement, il a été demandé au cabinet privé Jones Lang Lasalle (JLL) de produire une autre évaluation. Celle-ci, qui date de juin 2009, conclut à une valeur de 195 millions d'euros.

En l'espace de quelques mois, ce même bien est estimé à 300 millions d'euros par France Domaine - dont le rapport, avant de retenir la valeur pivot de 300 millions d'euros, déterminait une fourchette plus large - et à une valeur inférieure d'un tiers par le cabinet privé. J'estime que l'évaluation de France Domaine pose question et elle me semble peu crédible : comment justifier un différentiel de plus de 30 % à quelques mois d'intervalle ? C'est inquiétant pour toutes les autres évaluations de France Domaine !

Dans ce rapport, France Domaine conclut à la nécessité de céder ce bien pour réaffecter le produit aux quatre ministères et notamment le ministère des affaires étrangères.

En raison de ces évaluations « différenciées », et alors que dans le cadre du débat sur la Maison de la Francophonie, Roger Romani et Catherine Tasca, membres de la commission des affaires étrangères du Sénat, s'étaient étonnés que l'Etat veuille vendre ce patrimoine, il a finalement été décidé, en novembre 2009, de le conserver.

Cette décision est prise alors que le Secrétaire général du Gouvernement a besoin de rationaliser le parc immobilier des services et des autorités indépendantes qui relèvent du Premier ministre. En effet, il gère des sites qui sont dispersés, des locaux parfois vétustes, peu adaptés ou trop grands. Le Secrétaire général du Gouvernement voit donc l'occasion, si ce site est rénové et restructuré, de réduire de trente-huit à dix-huit le nombre d'implantations et de faire passer la surface utile de ses services de 122 000 mètres carrés à 113 000 mètres carrés. Une telle opération aurait pour effet de ramener le ratio par agent de 17,11 mètres à 11,43 mètres carrés et donc de se conformer à la norme de 12 mètres carrés par agent définie par France Domaine. Par ailleurs, des mutualisations sont prévues et divers besoins identifiés pour les services utilisateurs.

Je souscris au souhait du Secrétaire général du Gouvernement qui permet au Premier ministre de disposer, dans un lieu peu éloigné de Matignon, d'une grande partie des services qui sont éparpillés sur trente-huit sites.

Je vous ai présenté le site, les errements quant à la valorisation du site, et l'impulsion donnée par le Secrétaire général du Gouvernement. Il me reste à vous indiquer le montage juridique et financier un peu atypique qui a été choisi pour cette opération.

L'Etat avait la possibilité de vendre à un propriétaire privé et de relouer les locaux, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Il a choisi, en 2011, de nouer un partenariat public-privé avec une société qui est une société de l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est un partenariat public-privé avec une société publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Oui, le schéma est celui d'un partenariat public-privé mais l'Etat ne prend pas de risque. Il a trouvé une petite société publique dont, monsieur le président, le rapporteur général de la commission des finances que vous étiez a permis qu'elle prospère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Cette société, totalement contrôlée par l'Etat, s'appelle la SOVAFIM. Elle avait été créée pour mettre en valeur le patrimoine de Réseau ferré de France, mais devant l'absence d'activité liée à cette mission, le rapporteur général de la commission des finances a permis, en 2006, à cette société d'étendre ses missions à d'autres domaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

C'est d'ailleurs cette société qui a réalisé, pour le compte de l'Etat, la Maison de la Francophonie, avenue Bosquet. Cette opération a apparemment donné satisfaction à tous les acteurs concernés. Mais il s'agissait d'une petite opération.

Là, heureusement ou curieusement, l'Etat a trouvé une solution adaptée au devenir de la SOVAFIM. En 2009, au moment où France Domaine évaluait le patrimoine, la SOVAFIM proposait d'acquérir le bien pour 350 millions d'euros. Il faut dire qu'au Conseil d'administration de la SOVAFIM, il y a deux administrateurs qui sont des représentants de France Domaine. C'est pour cela que je parle d'une opération très « consanguine », c'est la main droite qui parle à la main gauche ! Mais la SOVAFIM, pour continuer d'avoir une activité, avait un objectif : dégager un taux de rendement de 6 %.

L'étude de JLL en 2009 tombe à point car elle justifie de ne pas vendre et le Secrétaire général du Gouvernement souhaite regrouper ses services : chaque partie est donc en mesure de remplir ses objectifs. Mais il apparaît alors que l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires. En 2011, est fixé le principe de ne pas de céder le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer des droits de superficie pour une période déterminée (trente ans finalement), et l'Etat s'engage à payer un loyer : cet engagement se traduit juridiquement en 2013. Ce loyer sera, à la fin de l'opération, un peu supérieur à ce que paient ces mêmes administrations à l'heure actuelle. Mais cela permet quand même, monsieur le président de la commission des finances, d'être hors budget de l'Etat puisqu'on fait une opération avec une société privée ; et d'autre part, cela permet de lisser cette opération : la valeur du bien est estimée entre 200 et 300 millions d'euros et les travaux de l'ordre de 200 millions d'euros. C'est donc une opération globale de l'ordre de 500 millions d'euros et l'Etat conserve ce patrimoine, puisqu'à l'issue de cette période de trente ans, les bâtiments rénovés lui reviendront. La SOVAFIM se sera rémunérée grâce à un taux de rendement qui devrait s'établir à 6 %. Donc, alors que sa dissolution aurait pu être discutée, l'opération « tombe bien » pour cette société.

Par conséquent, même si je considère que le regroupement des services du Premier ministre est pertinent, j'ai qualifié la solution choisie d'un petit peu « acrobatique », sur le plan juridique et financier. En effet, il est difficile de distinguer la réalité des coûts : les loyers sont fixés non en fonction de la valeur du marché mais en fonction de l'équilibre de cette opération et il est impossible de savoir si les coûts de cette opération vont déraper. Comme vous le savez, il est très important de tenir un calendrier pour une opération de cette nature.

Or, le calendrier a pris du retard parce que cette opération dépend des services du Premier ministre et il y a eu, l'an dernier, un changement de majorité et de Premier ministre. La dernière lettre adressée à la SOVAFIM avant le changement de Gouvernement, signée par Valérie Pécresse, ministre du budget, a ainsi été signée deux jours avant l'élection présidentielle. Certes, je ne pense pas que ce dossier soit prioritaire pour le nouveau Premier ministre, mais à ce jour, le projet a déjà pris un an et demi de retard. Cela pose des problèmes, notamment pour certaines autorités indépendantes, et en particulier par exemple pour le Défenseur des droits, qui a essayé de regrouper ses équipes sur deux sites au lieu de quatre ; ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait ardemment s'installer à Fontenoy, où devraient être regroupées les autorités indépendantes. En raison du retard pris, le Défenseur des droits ne pourra s'installer dans les locaux à l'expiration de ses baux.

Par ailleurs, j'estime que ce projet est conduit a minima. En plus de ce montage financier astucieux mais acrobatique, on a essayé de faire des économies. Par exemple, alors que 2 300 à 2 500 agents travailleront sur ce site, seules trente-huit places de parking ont été prévues parce que l'Etat a décidé, à quelques mois des élections présidentielles, de supprimer le parking pour des raisons financières. Or on sait qu'il y aura des usagers qui viendront rencontrer les agents de l'Etat et qu'il s'agit d'un lieu où des problèmes avec les riverains existent, notamment avenue de Ségur. Que l'Etat fasse une opération aussi importante, dans le VIIe arrondissement et sacrifie, pour une économie de 10 millions d'euros, cinq étages de parking parce qu'il a un an et demi de retard, illustre l'absence, à ce jour, de pilotage réel. Ce n'est évidemment pas le Premier ministre qui a vocation à tenir ce rôle. J'ai interrogé l'ancien Premier ministre qui, aujourd'hui, est le député de la circonscription : au temps où il était Premier ministre, il n'a pas été mis au courant de ces modalités pratiques et j'imagine évidemment bien volontiers que c'est également le cas de l'actuel Premier ministre.

La solution financière choisie est atypique et onéreuse : on estime son surcoût à près de 30 %, mais elle a le mérite de tenir compte des contraintes budgétaires et peut-être de ne pas trop attirer l'attention d'un certain nombre d'acteurs, je dirais même peut-être du Parlement, sur ce sujet. A ce jour, ce projet suscite une certaine insatisfaction et on peut se demander si la SOVAFIM, qui est une petite structure, est suffisamment armée pour piloter un tel projet ; il n'y pas, à ce jour, d'architecte, puisque la SOVAFIM, qui a signé l'arrêté de transfert et le protocole locatif avec l'Etat il y a quelques semaines, va maintenant mettre en concurrence des promoteurs, et chacun des promoteurs choisira un architecte. Je trouve dommage, pour un projet immobilier de cette nature, de ne pas en avoir fait un enjeu architectural.

J'ai interrogé la Mairie de Paris, qui est d'ailleurs la seule institution n'a pas donné suite à mes demandes d'auditions. J'ai interrogé le maire du VIIe arrondissement, à qui j'ai fait connaître l'opération. L'architecte des bâtiments de France rencontré m'a expliqué que le site était sous surveillance du ministère de la culture, mais que pour autant, l'architecte n'était pas associé au projet.

Nous faisons donc face au panorama suivant : France Domaine a répondu à la demande des services de l'Etat, l'opération permet à la SOVAFIM de bénéficier de 6 % de rendement et le Secrétaire général du Gouvernement a résolu ses problèmes immobiliers - heureusement pour l'Etat, d'ailleurs !

Mais désormais, maintenant que les droits ont été transférés à la SOVAFIM, se pose la question de la communication et du pilotage du projet : la SOVAFIM peut-elle véritablement représenter l'Etat, dans la conduite d'un tel projet et alors qu'il s'agit des services du Premier ministre ? Je ne le pense pas, et il me semble que l'on pourrait préconiser au Premier ministre de désigner quelqu'un dans son cabinet ou dans ses services, pour assurer une communication intelligente de l'Etat sur ce projet vis-à-vis de l'extérieur, et notamment des riverains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est un sujet tout à fait passionnant, monsieur le rapporteur spécial.

Je salue la présence parmi nous de notre collègue Sophie Joissains qui est rapporteur pour avis du programme « Coordination du travail gouvernemental » à la commission des lois.

J'aurais simplement une question supplémentaire : vous nous dîtes, qu'à terme, en fonction du devis réel, de la date réelle de l'achèvement, le loyer annuel s'élèvera à 20 millions d'euros. Comment ce chiffre se compare-t-il par rapport aux loyers actuellement versés par les différents services qui vont être regroupés ? Ce serait intéressant pour savoir si ce sera supportable par le budget de fonctionnement des services du Premier ministre.

En outre la SOVAFIM est certes une structure légère, mais elle peut se doter de moyens, d'études, de conseils très performants. Ce n'est pas parce que ses salariés ne sont pas des fonctionnaires qu'ils sont moins compétents.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Actuellement les loyers s'élèvent à environ 24 millions d'euros. A la fin de l'opération cependant, en 2029, les loyers versés seraient de l'ordre de 3 millions d'euros supérieurs aux loyers actuellement versés, mais cette différence est difficile à estimer dans la mesure où on ne sait pas, pour les loyers actuels, s'ils n'auraient pas également été indexés. De plus, les locaux qui, à terme, reviendront à l'Etat, seront rénovés et, enfin, vous avez bien compris que cette somme englobe les loyers et le financement de l'opération. S'agissant des loyers, je pense qu'à terme le calcul économique est bon. La réduction du nombre d'implantations, de trente-huit à dix-huit sites pourrait permettre de dégager 165 millions d'euros de produits de cession ; j'espère que la valorisation de ces sites sera effectuée d'une autre manière que pour ce bien.

S'agissant de votre appréciation sur la SOVAFIM, monsieur le président, je la partage totalement : c'est une petite structure, j'ai rencontré ses dirigeants. Incontestablement, sa légèreté peut être un signe de compétitivité et de compétences. Je signale simplement à la commission que c'est une petite entreprise et qu'un certain nombre d'interlocuteurs de l'Etat ont été satisfaits de la réalisation de la mission qui lui avait été confiée s'agissant de la Maison de la Francophonie. Pour autant, elle a fait l'objet d'une critique de la Cour des comptes, qui ne porte pas sur son action mais sur l'utilité pour l'Etat d'être propriétaire d'une société comme celle-là, dont on peut se demander s'il n'aurait pas fallu la dissoudre. Cette opération, qui est beaucoup plus importante que celle de l'avenue Bosquet, procure une activité pour trente ans à la SOVAFIM. Pour autant, je partage votre appréciation : c'est une structure légère, et a priori compétitive.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

C'est un dossier qui montre les carences dans la gestion immobilière de l'Etat. Je suis assez effaré de voir un projet dont l'enjeu global est de l'ordre de 500 millions d'euros et dont le précédent Premier ministre n'était pas courant. L'actuel n'a pas l'air non plus d'en prendre le pilotage.

Vous parlez d'un site d'exception, mais à Paris il n'y a que cela ! Il faut donc faire attention avec l'expression « site d'exception » : j'ai eu l'occasion de visiter les bâtiments à plusieurs reprises, ils n'ont rien d'exceptionnel, mais sont bien situés dans Paris...

Ensuite, passer de trente-huit à dix-huit implantations me semble aller dans le sens de la rationalisation. On passe de 17 à 11 mètres carrés par agent, mais par rapport aux 55 000 mètres carrés, si je fais le rapport, j'économise normalement 27 000 mètres carrés, mais il est prévu seulement une diminution de 9 000 mètres carrés ? L'économie de 17 à 11 mètres carrés par agent devrait être beaucoup plus importante. Le ratio de 11 ou 12 mètres carrés par agent est un bon ratio, qui est utilisé par les entreprises. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les services de l'Etat ne s'appliqueraient pas.

De plus, je pense qu'on peut trouver des loyers nettement inférieurs à 400 euros par mètres carrés en région parisienne, voire dans certains quartiers de Paris. Aujourd'hui, malgré notre déficit budgétaire colossal, investit 20 millions d'euros par an sur trente ans. Et d'ailleurs, pourquoi 370 millions d'euros d'ouvertures d'autorisations d'engagement ? Ils ne correspondent pas aux loyers pendant trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Le calcul est effectué sur douze ans, et le loyer est indexé chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En tout cas, cette somme me paraît très importante.

Je suis aussi surpris que des procédures d'exception soient permises : il y a beaucoup de règles et de procédures que les collectivités territoriales doivent appliquer et dont les services de l'Etat s'affranchissent.

J'ai donc beaucoup d'interrogations. Je ne mésestime pas les travaux du rapporteur spécial, mais je trouve que sur un projet comme celui-ci, il faudrait disposer d'un pilotage beaucoup plus fin du projet, et notamment quels biens pourront être vendus du fait de sa réalisation.

Ne pourrait-on pas aller ailleurs : à Massy, je connais des bâtiments à 200 euros le mètre carré ! Le Défenseur des droits par exemple, qui nous interpelle souvent, pourrait venir à Massy.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il y a quand même une différence entre payer aujourd'hui environ 23 millions d'euros de loyers à des propriétaires privés et, à terme, 20 millions d'euros à une entreprise détenue à 100 % par l'Etat, tout en gardant la propriété du bien. En termes patrimoniaux, ce n'est pas du tout le même équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Une première observation, qui revient souvent finalement, sur l'importance des différences d'évaluation entre France Domaine et la vérité du prix du marché. Est-ce que cela peut durer ? Soit on a une structure d'Etat qui évalue correctement les choses, soit on ne peut plus avoir confiance dans cette structure. Pour les collectivités territoriales, une telle appréciation peut interdire tout projet sur un site, tout peut être bloqué et c'est gênant. On me dit que, maintenant, la valeur du terrain sera évaluée lorsque le projet implanté sur ce terrain sera achevé

Qu'un ancien Premier ministre ou un nouveau ne soit pas au courant de ces questions, personnellement, cela ne me choque pas trop car je pense que c'est le Secrétaire général du Gouvernement qui doit suivre ce genre de sujet.

En revanche, le montage est un peu curieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Tout à fait. Mais, comme en matière d'opération chirurgicale, on aime que ce qui est innovant soit également sérieux.

Quant aux compétences de la SOVAFIM, je ne suis pas assez instruit pour répondre à cette question. Je rappelle simplement que la Cour des comptes a demandé la dissolution de cette société, en considérant qu'elle avait été créée pour gérer des friches de Réseau ferré de France et qu'elle n'a pas le volume financier suffisant pour réaliser de grosses opérations. Effectivement, quand on regarde ce qu'a fait la SOVAFIM en dehors de la Maison de la Francophonie, elle a réhabilité d'anciennes maisons d'arrêt et des gendarmeries. Cela lui donne-t-il la compétence pour un tel projet ? Dans un contexte où nous devons être vigilants vis-à-vis des finances publiques, peut-on se lancer dans une telle opération avec tant d'incertitudes ? Poser la question est un peu y répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me permets de rappeler que, s'agissant des finances publiques et du patrimoine public, on reste quand même dans un « univers Etat ». C'est un montage entre l'Etat et lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Oui, un montage entre l'Etat et lui-même, par lequel il considère qu'il est nécessaire de faire un partenariat public-privé avec une société publique de droit privé, qui sont des choses qu'on interdirait aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce n'est pas autre chose qu'une société d'économie mixte et de multiples opérations sont faites par de nombreuses collectivités territoriales avec de telles sociétés d'économie mixte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je ne parlais pas de cela : faire appel à ce genre de société, pour intervenir dans le VIIe arrondissement, lieu où se concentrent d'illustres services de l'Etat, et alors qu'il y a déjà eu par exemple l'histoire de l'auditorium de Paris, me paraît un peu curieux. Personnellement, je suis assez réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je remercie le rapporteur spécial de sa présentation, car je me demandais ce que devenait ce bâtiment, que j'ai également bien connu, puisque le ministère de Fadela Amara y avait ses bureaux à un étage.

Nous faisons face, je crois, à un manque de volonté, et que ce soit de la part de la gauche ou de la droite. L'Etat a décidé de vendre des ministères, des bâtiments publics. L'hôtel de Clermont a été estimé par France Domaine à un prix tel que, par définition, il n'y avait aucun client. Les services de France Domaine considèrent qu'il ne faut pas brader les intérêts de l'Etat, mais l'estimation de n'importe quel cabinet privé est inférieure de 20 à 25 % à celle de France Domaine. Après réflexion et face à l'absence de client, l'Hôtel de Clermont a été retiré de la vente. En réalité, très peu d'immeubles d'Etat ayant été des ministères ont été vendus. Je ne dis pas que France Domaine surévalue, mais France Domaine ne veut pas être accusé d'avoir sous-évalué.

Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre en cause l'ancien Premier ministre. Le ministre, même dans un petit ministère, n'est pas toujours très informé de ce type de projet.

Dans l'Hôtel de Clermont, un service dépendait directement du Premier ministre, qui était la direction de la communication et devait partir en banlieue. Elle ne l'a jamais fait, et la direction, dans la pratique, n'avait qu'assez peu de liens avec Matignon, situé à 200 mètres. A part la directrice, qui allait à Matignon une fois par semaine, les autres agents ne bougeaient pas.

Aujourd'hui, malheureusement, personne ne porte la responsabilité globale de la vente des bâtiments publics prestigieux.

Sur les 2 300 personnes que l'on va mettre dans ce centre, sincèrement, il y en a quelques-uns seulement qui auront des réunions à Matignon et les autres travailleront sur place mais n'auront pas de lien réel, physique, avec Matignon.

J'ai protesté contre un projet de recentralisation de services de la région, car c'est trop cher et je m'oppose systématiquement à toutes les locations ou achats dans le VIIe arrondissement. Il faut certes que les ministres et les cabinets ministériels soient au coeur de Paris, mais que tous les services rattachés se situent dans l'un des quartiers les plus chers de Paris n'est pas utile. Cette opération est coûteuse, et je ne suis pas convaincu de son intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En réalité, sur un plan patrimonial, on pourrait se dire : en 2017 et après rénovation, est-ce que l'Etat pourrait revendre cet immeuble à son prix de revient, rénovation comprise ? Si oui, bonne opération. Si non, risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Pour répondre à Vincent Delahaye, je n'ai pas dit que le Premier ministre, l'ancien ou le nouveau, se désintéressait de ce projet : mais ce sont en effet les services qui gèrent ce dossier. Ils ont été informés de l'existence de ce dossier et, une fois le feu vert donné, celui-ci relève de la logistique.

S'agissant de la qualification de « site d'exception », les bâtiments en eux-mêmes ne le sont peut-être pas, mais il s'agit des services du Premier ministre. Et cela me permet de répondre à Roger Karoutchi : si l'on souhaite que les services du Premier ministre soient situés à proximité de Matignon, il y a peu d'endroit où 55 000 mètres carrés sont disponibles. Le meilleur moyen de diminuer le loyer serait encore de déménager Matignon !

Sur le passage de 17 à 11 mètres carrés par agent : 55 000 mètres carrés sur les 122 000 mètres carrés des services du Premier ministre seront occupés par le Centre du Gouvernement, le ratio indiqué et qui diminue grâce au projet concerne les seuls services concernés par le déménagement. Grâce au projet, le ratio diminue donc, pour les services concernés par le déménagement, mais les architectes feront face à des difficultés car les couloirs sont particulièrement larges et il sera difficile de faire des plateaux comme dans les bureaux modernes. Les services du Premier ministre entrent en conformité avec la norme de 12 mètres carrés par agent grâce à cette rénovation immobilière.

Concernant l'évaluation de France Domaine, je partage les observations de nos collègues Jean Germain et Roger Karoutchi : les services ne veulent pas brader, mais le résultat est dramatique pour le décideur, quel qu'il soit, puisqu'on aboutit à un écart de 33 % pour des évaluations réalisées à trois mois d'intervalle.

Le montage est curieux. En cas de dérapage, le taux de rentabilité de la SOVAFIM ne serait plus de 6 %. Il s'agit de l'argent de l'Etat et c'est peut-être cela qui a conduit à s'affranchir de la rigueur que vous souhaitez. C'est pour cette raison que je m'interroge sur le devenir de la SOVAFIM, qui s'est vue confier ce projet à point nommé.

Enfin, le manque de volonté évoqué par Roger Karoutchi risque de perdurer avec le pilotage assuré à partir de maintenant par la SOVAFIM. C'est pourquoi je suggère que l'Etat assure le suivi de l'opération, voire la pilote. Car je suis persuadé que la SOVAFIM ne peut assurer le pilotage compte tenu de sa nature : elle a une technicité mais elle n'a pas la compétence pour représenter l'Etat dans le devenir de cette opération.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission procède ensuite à l'audition de M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL) sur les propositions du comité des finances locales sur le « Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, nous poursuivons notre réunion en accueillant André Laignel, président du comité des finances locales (CFL).

Je rappelle que le 12 mars dernier, à l'issue de la première conférence des finances locales, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé le lancement de six chantiers concernant les finances locales, dans la perspective de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014. Premièrement, comment répartir l'effort de 3 milliards d'euros entre les différents niveaux de collectivités territoriales ? Deuxièmement, qu'en est-il de l'évolution des dépenses contraintes, plus particulièrement celles issues de la prolifération des normes ? Troisièmement, comment évoluent les ressources des différents niveaux de collectivités, et notamment comment permettre aux régions de retrouver davantage d'autonomie fiscale et aux départements de faire face à leurs dépenses contraintes ? Quatrièmement, quelle doit-être l'évolution de la péréquation ? Cinquièmement, qu'en est-il de l'accès au crédit des collectivités à la suite des difficultés de ces dernières années - avec, en filigrane, la question du devenir des crédits alloués par Dexia. Enfin, sixièmement, quel est l'avenir de la contractualisation entre l'Etat et les régions ?

Le CFL a activement participé à cette réflexion. Après de nombreuses réunions du comité et la mise en place de deux groupes de travail dédiés, le CFL a adopté, le 25 juin 2013, vingt-cinq propositions. Vous avez eu connaissance, mes chers collègues, du relevé de décision retraçant ces propositions.

André Laignel va nous rappeler l'approche du CFL.

M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL). - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le Premier ministre avait effectivement confié au CFL six chantiers. Celui-ci s'est réuni à douze reprises en moins de trois mois et est arrivé à un large consensus sur vingt-cinq propositions. Pour la première fois, nous avions pour tâche de diminuer les ressources des collectivités territoriales et donc d'organiser la répartition de cette baisse.

Lors de nos travaux, nous avions plusieurs préoccupations. Premièrement, nous ne souhaitions pas utiliser la baisse des dotations pour faire de la péréquation. Ceci impliquait donc un renforcement de la péréquation elle-même, de façon à ce que les injustices ne s'aggravent pas.

S'agissant de la répartition de la baisse des dotations, nous avons souhaité prendre les critères les plus simples possibles : le choix s'est donc porté sur les ressources des différents niveaux de collectivités territoriales. Concernant les communes et les intercommunalités, la baisse des dotations sera de 840 millions d'euros, soit 56 % de l'effort d'économie. Pour les départements, la baisse sera de 476 millions d'euros, soit 32 % de l'effort. S'agissant enfin des régions, la baisse représentera 184 millions d'euros, c'est-à-dire 12 % du montant de la baisse des dotations. Cette répartition, confirmée hier par le Premier ministre, est conforme au scénario retenu par le CFL.

En contrepartie de la répartition « linéaire » de la baisse des dotations, un effort en matière de péréquation horizontale, entre collectivités territoriales, a été souhaité. Il a ainsi été décidé que l'effort de péréquation consenti au titre des dotations de solidarité urbaine (DSU), de dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation nationale de péréquation (DNP) soit le même que celui effectué en 2012, c'est-à-dire en deçà de l'effort exceptionnel de 2013, et ce afin de ne pas trop alourdir les charges des collectivités qui feront face à la fois à la baisse des dotations et aux prélèvements au titre de la péréquation. Cette hausse de la péréquation horizontale représente au total 119 millions d'euros.

En outre, nous avons souhaité conserver le rythme d'évolution du fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC) inscrit dans la loi. Celui-ci passera donc de 360 millions d'euros à 570 millions d'euros.

A cela s'ajoute notre souhait d'améliorer la prise en compte de trois paramètres essentiels dans l'évolution de la péréquation. Tout d'abord le niveau du plafond du FPIC doit être relevé, dans la mesure où il aboutit paradoxalement à ce qu'un certain nombre de communes très riches ne soient pas prélevées. Deuxièmement, nous avons souhaité que soient mieux intégrés, d'une part, le revenu par habitant - un effort avait déjà été fait dans la loi de finances pour 2013 - et d'autre part, l'effort fiscal, en partant du principe que les collectivités qui prélèvent peu de fiscalité ne sont pas forcément légitimes à recevoir des aides de leurs voisins.

Notre troisième préoccupation était l'évaluation des charges contraintes des collectivités pour 2014. Au total, celles-ci représenteraient 902 millions d'euros, sans compter la réforme des rythmes scolaires, dont le coût est estimé à 600 millions d'euros en année pleine, soit 100 euros par élève en moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cela paraît peu.

M. André Laignel. - Il s'agit d'une moyenne, effectuée sur la base d'une estimation des associations d'élus, dont les grandes lignes ont été validées par l'Etat.

A cela s'ajoutera la revalorisation des fonctionnaires de catégorie C, qui devrait représenter 200 millions d'euros selon le Conseil supérieur de la fonction publique. Enfin, il faudra prendre en compte le coût de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au 1er janvier 2014. Il reste toutefois une question ouverte concernant le réajustement du taux de remboursement de la TVA pour les investissements. Même si la hausse est compensée par le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), il restera néanmoins une charge nette en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, pour lesquelles il n'y a pas de remboursement de TVA.

En 2014, les charges obligatoires des collectivités territoriales devraient donc représenter entre 1,5 et 2 milliards d'euros. Avec la baisse des dotations et en tenant compte de l'inflation, il devrait y avoir une baisse du « pouvoir d'action » des collectivités d'environ 4,5 milliards d'euros en cumulé.

Enfin, je souhaiterais ajouter quelques mots sur le rapport de l'observatoire des finances locales (OFL), présenté le 9 juillet 2013 au CFL par votre collègue Charles Guené qui en est le rapporteur.

En 2012, les dépenses d'équipement ont progressé de 4,2 % pour le bloc communal - ce qui correspond au cycle communal d'investissement - tandis qu'elles ont baissé de 3,1 % dans les départements et de 5,9 % dans les régions. Entre 2009 et 2012, les dépenses d'équipement ont ainsi diminué de 23 % dans les départements et de 29 % dans les régions. J'ai attiré l'attention du Premier ministre et des membres du Gouvernement sur le risque d'une baisse très importante des investissements au lendemain des élections municipales. Nous souhaitons, au sein du CFL, que le Gouvernement réfléchisse à la mise en place d'un dispositif facilitant l'investissement des collectivités territoriales.

En 2012, l'épargne nette a reculé de 6 % pour le bloc communal, de 25,5 % pour les départements et de 10 % pour les régions. Les besoins de financement des collectivités sont passés de 1,5 milliard d'euros en 2011 à 3,1 milliards d'euros en 2012. La baisse de l'épargne nette a donc été compensée soit par la baisse des investissements, soit par de l'emprunt supplémentaire.

Pour tous les niveaux de collectivités confondus, les emprunts ont progressé de 12,5 %. Ils ont augmenté encore plus massivement pour les communes, avec une hausse de 16,5 %. La progression des emprunts est de 5,9 % pour les départements et de 9 % pour les régions. Un tel rythme est peu soutenable dans la durée. Que gagneront les comptes de la nation, si les dotations des collectivités baissent mais que nous sommes obligés de compenser cette baisse par de nouveaux emprunts ?

Enfin, la dette a augmenté de 3,6 % pour le bloc communal, 2 % pour les départements et de 6,1 % pour les régions. Voici, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réflexion que je souhaitais vous soumettre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie André Laignel pour sa présentation des propositions du CFL. En premier lieu, je souhaite vous interroger sur le fonctionnement du CFL. Face aux décisions courageuses du Gouvernement, pouvez-vous nous indiquer si le CFL est parvenu à dégager l'unanimité sur tous les points et quels ont été les sujets qui ont fait débat ?

Deuxièmement, le CFL est-il globalement satisfait des arbitrages du Premier ministre concernant la répartition de la baisse des dotations ?

Enfin, un rapport de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des finances plaide pour une modulation de la baisse des dotations en fonction de critères péréquateurs ou pour un renforcement plus conséquent du FPIC. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je souhaiterais ajouter un élément d'information. Le Gouvernement a annoncé hier l'abandon par l'Etat, à due concurrence, des frais de recouvrement des taxes foncières, ce qui représente 830 millions d'euros. Il a également été indiqué que les départements pourraient être autorisés à majorer le niveau des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) - dans le cas où leurs recettes s'éloigneraient trop des niveaux prévus. De mon point de vue, ceci pose un problème de principe, étant donné la situation du marché immobilier. Par ailleurs, il y a une série d'annonces concernant les régions, en raison du problème du financement de la politique de formation.

M. André Laignel. - Je n'avais pas évoqué ces points dans ma présentation car il s'agit d'initiatives du Gouvernement et non du CFL. Je pense que la ministre pourra vous donner plus de détails.

Pour répondre à la question du rapporteur général, je tiens à préciser qu'il n'y a pas eu unanimité du CFL mais un large consensus. En conclusion du compte-rendu du CFL, il a d'ailleurs été indiqué qu'un membre - votre collègue Marie-France Beaufils - avait refusé de s'inscrire dans le débat sur la baisse des dotations. De plus, figure au compte rendu la réserve émise par les représentants des départements, tant qu'ils n'auraient pas connaissance des résultats de la négociation parallèle avec l'Etat s'agissant de leur situation.

Sur le renforcement du FPIC, le débat a été compliqué. Certains étaient en faveur du gel de l'évolution du FPIC et d'autres souhaitaient au contraire aller plus loin que ce que la loi prévoit aujourd'hui. Aller plus loin implique néanmoins que ceci soit soutenable pour les collectivités qui sont dans une meilleure situation financière que d'autres. Mais dès l'instant où l'on relève le plafonnement et que l'on renforce la prise en compte du revenu par habitant et de l'effort fiscal, cela accentue la péréquation. Nous avons essayé de mieux répartir l'effort sans modifier les paramètres fixés dans la loi. Le FPIC augmentera donc de 360 millions d'euros à 570 millions d'euros entre 2013 et 2014, ce qui correspond à un effort non négligeable.

Il y a de nombreuses demandes de parole. Je commencerai par les rapporteurs spéciaux, Jean Germain et Pierre Jarlier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Premièrement, je souhaiterais rappeler qu'à partir du moment où tout le monde a souhaité le maintien de la clause générale de compétences, il ne faut pas s'étonner d'être confronté au problème de la baisse de l'investissement. Quand chaque collectivité dispose d'une compétence, il y a une course aux dépenses de fonctionnement et l'investissement diminue, ce qui est grave pour notre pays. Comme vous le savez, je défends cette position depuis longtemps.

Deuxièmement, l'arbitrage du Premier ministre concernant la péréquation me satisfait. Si la montée en puissance de la péréquation, au nom d'un objectif de justice, se traduit par l'arrêt de l'investissement dans la plupart des collectivités territoriales encore capables d'en faire, le résultat final serait terrible. Je reprends ainsi à mon compte la phrase selon laquelle : « Généralement, les pauvres votent socialiste, mais il ne faudrait pas devenir pauvre en votant socialiste ».

Enfin, j'ai une question au président du CFL concernant le développement des ressources, hors fiscalité et hors taxes, notamment dans le domaine de l'énergie. Quand permettra-t-on aux collectivités territoriales de développer facilement les énergies renouvelables, de les utiliser pour elles-mêmes et de les interconnecter sans être obligées de les revendre à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF). Le moment est venu que nous réfléchissions ensemble sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Pierre Jarlier rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

Le travail du CFL a été considérable, plus de douze réunions ont eu lieu au printemps. J'ai seulement un regret, celui de ne pas avoir pu mener un travail plus approfondi sur les départements, en raison de ce groupe de travail parallèle sur les dépenses des départements, car nous n'avons pas pu avoir de vision globale.

Les informations communiquées par André Laignel concernant les travaux de l'OFL sont très utiles. On observe bien que la baisse des dotations se traduit par un transfert de dette de l'Etat aux collectivités territoriales. Or il va falloir trouver un moyen de maintenir l'investissement afin de contribuer au redressement du pays.

Les propositions retenues hier par le Gouvernement sont justes et équitables. Le CFL avait été très clair : la diminution des dotations devait être proportionnelle entre chaque groupe de collectivités.

S'agissant de la péréquation, je pense qu'il serait intéressant d'aller au-delà de ce qui a été proposé par le CFL car certaines collectivités seront très affectées par la baisse des dotations. Personnellement, j'étais favorable à la poursuite de la péréquation verticale - sur les parties DSU et DSR - au rythme de l'année 2013 afin de diminuer les écarts de richesse. Je souhaiterais rappeler que, concernant le bloc communal, malgré la péréquation, les écarts de richesse continuent d'augmenter.

Concernant la péréquation horizontale, je pense que la proposition du CFL est équitable. Il convient de mieux tenir compte des fragilités des territoires en retenant le critère du revenu par habitant mais sans le ramener au nombre d'habitants, comme cela avait été fait l'année dernière par l'Assemblée nationale. Je crois qu'il serait préférable d'augmenter la pondération de ce critère de 20 à 25 % d'ici deux à trois ans, afin d'éviter de contraindre les élus à augmenter trop fortement les impôts sur une seule année.

Concernant la possibilité donnée aux départements de majorer les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), je considère qu'il s'agirait d'une double peine : en plus de disposer de moindres ressources, leurs contribuables devront acquitter davantage de droits de mutation. C'est à l'inverse même du principe de la péréquation !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Merci de cet éloge que vous adressez à la quadrature du cercle, à laquelle s'assimilent les finances locales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je m'interroge sur les incohérences des décisions prises. Il est envisagé d'une part de ramener l'exonération sur les plus-values immobilières à une durée de 30 à 22 ans pour les résidences secondaires, et d'autre part d'augmenter les DMTO. De même, alors que l'apprentissage constitue une priorité, les primes aux employeurs d'apprentis diminuent de 500 millions d'euros pour les collectivités locales, dont 25 millions d'euros pour la région Bourgogne, car un inspecteur général des affaires sociales a mis en cause cette prime. Mais dix autres inspecteurs généraux des affaires sociales reconnaîtront au contraire l'impact positif de celle-ci !

Bien qu'il ne soit pas de bon ton ici de faire pleurer les parlementaires sur le sort des régions, il n'en demeure pas moins que la baisse de l'investissement a eu un impact plus fort sur ces dernières.

Je note que, dans ses propositions, le CFL souhaite qu'à l'avenir il n'y ait plus de transformation d'impôts locaux en dotations, mais les régions n'ont plus que des dotations ! Comme disait Coluche, « je me marre » ! La seule ressource fiscale qu'il reste aux régions est constituée par le produit des cartes grises, qui représente 9 % de nos ressources, mais qui est mis au taquet. Dans le même temps, j'entends dire que les départements bénéficieront de plus de 2 milliards d'euros de ressources nouvelles.

Depuis la réforme de la taxe professionnelle il y a près de deux ans, nous demandons à disposer de ressources nouvelles basées sur nos compétences, et non d'affecter aux régions une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers alors que nous avons une compétence sur les trains !

Avec l'Association des régions de France, j'ai interrogé le Gouvernement pour connaître les ressources nouvelles dont nous pourrions disposer à l'avenir, afin de bénéficier d'une plus grande autonomie. Je demande donc au CFL d'aider les régions à résoudre la quadrature du cercle.

Enfin, j'ai toujours été partisan de la suppression de la clause de compétence générale. On ne peut pas demander aux collectivités de tout faire chaque jour sans leur en donner les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

André Laignel a rappelé l'état d'esprit avec lequel j'avais abordé ces questions au CFL. La réduction des ressources des collectivités locales est utilisée comme outil de redressement des finances publiques. Cette démarche ne me semble pas pertinente pour répondre aux besoins actuels du pays. Je pense qu'il existe d'autres moyens d'accroître les ressources du budget de l'Etat, comme le montrent les travaux en cours sur l'évasion fiscale. Je n'ai donc pas voulu participer aux choix élaborés par le CFL, même si j'ai exprimé mon point de vue à certains moments.

Je veux dire mon inquiétude sur la baisse actuelle de l'épargne nette des collectivités locales. Si on veut maintenir les programmes d'investissement, il faudra recourir davantage à l'emprunt, ce qui n'est pas cohérent par rapport à l'objectif d'équilibre des finances publiques. Nous savons pourtant que les investissements sur nos territoires permettent de maintenir des activités économiques de proximité, non délocalisables, ce qui apporte des recettes supplémentaires au budget de l'Etat.

Par ailleurs, la réforme de la taxe professionnelle a eu un impact fort sur les recettes des territoires industriels, ce qui aura des conséquences sur les réponses qu'ils apportent aux populations, qui sont souvent les plus fragiles.

André Laignel a-t-il reçu une réponse quant à la possibilité d'un lissage sur trois ans de la baisse des dotations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

J'observe que les présidents des grandes associations nationales sont satisfaits de tout, alors qu'il y a moins de deux ans, ils n'avaient pas de mots assez durs contre une possible baisse des dotations. Cette réduction s'élèvera pourtant au total à 4,5 milliards d'euros. Or, le relevé des conclusions de la réunion qui s'est tenue le 16 juillet dernier à l'hôtel Matignon fait part d'une relative satisfaction.

Les départements obtiennent 2,5 milliards d'euros par le déblocage du plafond du taux applicable aux DMTO, présenté comme des ressources nouvelles. Mais c'est se moquer du monde ! Si tel est le cas, il suffit de tout déplafonner pour affirmer que les ressources nouvelles augmenteront de 150 milliards d'euros !

Le président du CFL a évoqué des critères linéaires pour la répartition de la baisse de 1,5 milliard d'euros, dont 476 millions d'euros pour les départements, en observant qu'il n'est pas opéré de péréquation. Mais aujourd'hui, tout le monde opère une péréquation sur une autre péréquation ! C'est devenu un sport national dès lors que des difficultés apparaissent ! Au final, la péréquation n'a plus aucun sens.

S'agissant de la baisse à hauteur de 476 millions d'euros de la dotation des départements, il y a bien une péréquation qui s'opère puisque seulement la moitié des départements sont mis à contribution.

Il a été évoqué la prise en compte du revenu par habitant, mais les ressources des collectivités locales ne sont pas forcément proportionnelles au revenu par habitant. Les collectivités locales ont également des passifs et d'autres engagements. Certaines d'entre elles se retrouveront en difficulté et il faudra faire une nouvelle péréquation.

S'agissant de la compétence générale, je sais que tout le monde n'est pas d'accord sur ce sujet. Il faudra trouver un autre principe que la compétence générale qui conduit à ce que chaque collectivité fasse tout, ce qui est facteur de complexité.

Il n'y a pas lieu de se satisfaire de la baisse des dotations. La conséquence en sera l'augmentation des impôts et des difficultés considérables en matière d'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je souhaite présenter deux observations et formuler une question.

Ma première observation est tirée des travaux, de grande qualité, de l'Observatoire des finances locales. L'épargne nette commence à diminuer à partir de 2012 et cette baisse est appelée à se poursuivre. Ce retournement est historique, car l'épargne nette n'avait cessé de croître. Les collectivités territoriales auront des difficultés de plus en plus grandes à financer des investissements et devront recourir à l'emprunt. Après la fin du cycle électoral, la reprise de l'investissement se traduira par une augmentation de leurs emprunts à partir de 2015.

Ma deuxième observation porte sur la prise en compte du critère du revenu par habitant pour la péréquation. Je souhaiterais que soit pris en compte le revenu médian et non le revenu moyen, car la présence d'un contribuable très riche dans une commune peut tirer la moyenne vers le haut.

Ma question est relative à l'effet des diminutions de recettes sur les différentes catégories de collectivités locales. Le bloc communal devient un ensemble très hétérogène, qui intègre également les intercommunalités. Étant attaché au mécanisme des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), je crains que le développement des intercommunalités et l'extension de leurs compétences ne conduise à une augmentation de la dotation d'intercommunalité et donc à un ajustement au détriment de la DSU et de la DSR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Le président Laignel a bien fait de modérer l'unanimité qu'il avait affichée au départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Car plus que des réserves, c'est une opposition qui a été exprimée par les départements face à une baisse des moyens. Les départements avaient d'autant plus de raisons d'être opposés à un prélèvement de 500 millions d'euros sur leurs ressources qu'ils doivent faire face à des dépenses sociales obligatoires.

Ceux qui croient que les difficultés viennent de la clause de compétence générale se trompent. Cette clause permet de prendre des initiatives. Mais quand le Premier ministre annonce une augmentation du RSA de 10 %, dont il précise qu'elle sera compensée, avant de faire savoir que cette compensation portera sur les DMTO, c'est se moquer du monde ! Le problème ne provient pas de la clause de compétence générale, qui donne la liberté de faire ou de ne pas faire, mais de l'impossibilité de financer certaines dépenses.

Seuls les départements doivent faire face à des dépenses obligatoires en matière sociale, et chaque jour de nouvelles dépenses apparaissent. L'Etat vient de décider de mettre à la charge des départements les dépenses informatiques des collèges. Certains maires doivent faire 60 kilomètres en voiture et perdre une demi-journée pour disposer de leur enveloppe budgétaire, parce que les préfectures n'ont plus les moyens d'envoyer des courriers ! L'Etat vient également de décider d'augmenter les vacations pour les sapeurs-pompiers : il s'agit d'une dépense obligatoire non compensée. Il faut cesser d'augmenter quotidiennement la dépense si l'on veut maîtriser nos déficits publics.

Cette situation a une conséquence sur les financements croisés. Pour ma part, j'ai été sollicité par le préfet de région pour cofinancer des investissements dans les gares pour les handicapés et j'ai répondu que l'aménagement des gares ne figurait pas dans les compétences des départements.

Je souhaite toutefois annoncer une bonne nouvelle : suite à une réunion la semaine dernière de la Commission consultative sur l'évaluation des charges, le Gouvernement est revenu sur sa décision de supprimer le dispositif d'emplois aidés dans les collèges et les lycées, auquel il contribue à hauteur de 70 % : non seulement ces emplois aidés perdureront mais la participation à hauteur de 70 % est maintenue. Il s'agit d'un beau résultat obtenu par la Commission consultative sur l'évaluation des charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Après avoir participé aux douze réunions du CFL, je souscris aux propos du président Laignel en ce qui concerne la péréquation. Pour reprendre une expression chère au président de notre commission des finances, on a essayé de faire en sorte que le système soit soutenable.

Je m'interroge toutefois, s'agissant du FPIC, sur la prise en compte du critère d'effort fiscal qui conduit à une exclusion totale de la péréquation dès lors qu'un seuil est atteint. Fixer ce critère à 1 présente des difficultés, en créant un effet de seuil et en conduisant à un prélèvement sur un nombre réduit de collectivités. Il me semble nécessaire que ce critère, comme c'est le cas pour d'autres critères, soit un critère pondéré et non un critère d'exclusion.

Je rappelle que les départements n'ont pas voulu que le CFL s'occupe d'eux dans la mesure où une négociation était ouverte directement avec les services du Premier ministre.

S'agissant des régions, nous avions identifié quatre pistes : le numérique, les autoroutes, le transport interstitiel et les taxes d'urbanisme. Or, celles-ci n'apparaissent plus dans les solutions proposées, ce qui est un peu frustrant. Par ailleurs, en réalisant cet exercice, nous avons observé la difficulté d'affecter des impôts à certaines compétences, surtout au regard des disparités de potentiel fiscal entre régions. Certaines ont des autoroutes, d'autres ont développé du numérique. Il apparaît donc nécessaire de rechercher d'autres ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

N'étant pas président de conseil général, je ne peux pas être soupçonnée de pratiquer du lobbying. Je n'en suis pas moins attachée au principe d'autonomie fiscale, et je me félicite que le relevé de conclusions du CFL précise que l'autonomie fiscale doit être préservée.

La décision récente du Gouvernement sur les DMTO m'apparaît comme une atteinte à l'autonomie fiscale des départements. Le CFL partage-t-il mon analyse ? S'il a des arguments contraires, je les entendrai.

Vous avez rappelé que les transferts de compétences aux collectivités territoriales doivent donner lieu à une compensation intégrale, conformément à un principe constitutionnel. Or, les nouveaux niveaux de collectivités, comme les métropoles, sont financés sur le pot commun. Il ne faut donc pas seulement évoquer la diminution de nos dotations, mais aussi s'insurger contre ce transfert de compétences sans financement ! Je souhaiterais que le CFL le proclame plus fortement. Personne ne le dit, mais je le souligne !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Le Gouvernement et les collectivités locales sont engagés dans un nécessaire effort de redressement des finances publiques, et je ne trouve pas illogique que les collectivités y prennent leur part. Nous prenons acte de la baisse des dotations, même si l'on peut s'en désoler. Je salue l'effort de péréquation qui est recherché, notamment à travers la prise en compte de l'effort fiscal car il existe une disparité de comportements entre les territoires et on ne peut demander aux autres de faire les efforts que l'on refuse soi-même d'accomplir.

Un point, évoqué par André Laignel, me désole cependant. Il s'agit des charges contraintes. L'aménagement des rythmes scolaires illustre cette tendance de l'effort accru demandé aux collectivités. Il faut aussi tenir compte des effets du « Grenelle II » : non seulement les coûts d'un plan local d'urbanisme ont flambé, mais des effets indirects ont été engendrés par le recours quasi-obligatoire des collectivités à un avocat pour couvrir les risques contentieux. Ces charges contraintes ont-elles pu être évoquées dans les travaux du CFL ?

Je voudrais rassurer Jean Germain sur la clause de compétence générale, dont je ne suis pas un fanatique. J'ai tendance à penser qu'elle va s'appliquer avec parcimonie et que chaque collectivité, qu'il y ait ou non clause de compétence générale, va se replier sur son champ clos. Cette tendance est constatée aujourd'hui. J'observe d'ores et déjà que les conseils généraux, ce que je comprends, se désengagent des politiques de solidarité territoriale qui leur incombaient jusqu'à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Heureusement que nos collègues Philippe Adnot et Marie-France Beaufils siègent au CFL ! Car j'estime que nous avons déjà atteint l'insoutenable.

En réalité, qui paye l'essentiel du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales ? Ce sont nos villes de banlieue parisienne et de banlieue lyonnaise. Nous sommes pris au piège.

Normalement, la péréquation devrait être l'affaire de l'Etat. Or aujourd'hui, pour la péréquation du bloc communal, ce sont les collectivités qui doivent décider entre elles. On organise leur division ! Le ministère de l'économie et des finances doit s'en réjouir. De plus, nous avons perdu la visibilité que nous apportait la programmation sur trois ans. Ceux qui s'y retrouvent s'accommodent du système, mais les problèmes de fond demeurent.

Les revenus ne sont pas identiques dans le Cantal et le Val-d'Oise. En région parisienne, c'est le revenu réel qui doit être pris en compte en déduisant les dépenses de transport et de logement. Il n'est pas normal que des collectivités territoriales comme les nôtres soient les principaux financeurs de la péréquation horizontale. Avant, il existait une force de proposition parlementaire, aujourd'hui nous n'avons plus voix au chapitre.

Ma seule question est de savoir combien le relèvement du plafond des DMTO rapportera.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La présente audition durant un peu plus longtemps que prévu, nous avons le plaisir d'accueillir Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Madame le ministre, je vous propose d'entendre les réponses d'André Laignel aux questions de la commission puis d'enchaîner avec votre audition.

Debut de section - Permalien
André Laignel

Merci pour toutes ces questions. Je répondrai tout d'abord à Jean Germain qui a évoqué une problématique générale : en tant que président du CFL, je n'ai pas à commenter la clause de compétence générale. Concernant les ressources nouvelles des collectivités locales, ces dernières doivent en effet en chercher même si ce n'est pas forcément simple. Moi-même en tant que maire de ma commune, j'ai trouvé des solutions via un montage avec une société d'économie mixte (SEM) dans le domaine des énergies renouvelables, par exemple. Beaucoup d'élus font preuve d'imagination pour diversifier les ressources de leurs collectivités.

Comme Pierre Jarlier, j'ai regretté la création du groupe de réflexion parallèle concernant les départements et le fait que nous ne puissions pas mettre en débat ce qui était prévu pour les départements. Mais je respecte le souhait de l'Association des départements de France (ADF), et c'est pourquoi je n'ai pas commenté les propositions s'agissant des départements, sauf sur un point : le souhait des présidents de conseils généraux que la baisse de leurs ressources soit modulée par la prise en compte du critère du revenu par habitant.

Concernant la DSU/DSR et la DNP, nous avons précisé que ce qui a été finalement été retenu l'avait été à minima et je vous renvoie à nos débats au sein du CFL ; s'il le souhaite, il appartient au Parlement de modifier ces propositions.

A propos de l'évolution de la pondération du critère du revenu par habitant dans le calcul de l'indice synthétique intervenant dans les règles de répartition du FPIC, je peux vous donner ma position personnelle : je suis favorable à une pondération à hauteur de 30 %. Le CFL pour sa part s'est prononcé pour 25 %. Par ailleurs, personnellement, je pense qu'il conviendrait de prendre en compte non pas le revenu moyen mais le revenu médian.

François Patriat a évoqué les ressources des régions : aucun des points évoqués par le Premier Ministre ne figurait dans les propositions du CFL. Le Comité avait avancé quatre pistes fiscales mais aucune n'a été retenue pour redonner de l'autonomie fiscale aux régions.

Je suis d'accord avec Marie-France Beaufils : la baisse des ressources doit être considérée comme ayant un caractère exceptionnel. Je l'ai répété hier au Premier ministre.

Le lissage de cette baisse de trois milliards d'euros sur trois ans a été évoqué mais aucune réponse n'a été apportée pour l'instant.

S'agissant de votre observation sur les territoires industriels, le CFL a en revanche été suivi par le Gouvernement. Je pense que Madame la ministre pourra détailler ce point.

Sur le « dilemme » entre l'emprunt et l'investissement, le cumul de la baisse des ressources pour un montant d'1,5 milliard d'euros, de la hausse des charges et de l'augmentation de l'inflation conduit à une réduction brutale de l'investissement. Je pense que le résultat sera négatif pour l'Etat. Aussi le Gouvernement doit-il réfléchir à un dispositif spécifique visant à encourager l'investissement.

Si, pour maintenir l'investissement, on doit emprunter 1,5 milliard d'euros, les comptes de la nation n'y auront rien gagné. Il s'agira juste d'un transfert entre l'Etat et les collectivités locales.

S'agissant de la baisse péréquée, il s'agit bien de cela pour les seuls départements

Pour redonner une autonomie fiscale aux régions, les propositions du CFL portaient sur quatre pistes fiscales.

Joël Bourdin a raison de remarquer que la baisse de l'épargne nette touche tous les niveaux de collectivités. C'est d'ailleurs une nouveauté, qui s'explique, comme le montre le rapport de l'Observatoire des finances locales, par une autre nouveauté : désormais même le bloc communal subit l'effet de ciseaux. En effet, il voit, pour la première fois en 2012, ses ressources ordinaires augmenter moins vite que ses dépenses ordinaires.

S'agissant du niveau des emprunts, je rappelle que pour maintenir l'investissement à son niveau alors que l'épargne est en baisse, il faut augmenter soit l'emprunt, soit l'impôt. A ceux qui ont déjà fait un effort fiscal important, il ne reste plus que la solution de l'emprunt.

L'interrogation de Marie-Hélène des Esgaulx sur le financement de l'intercommunalité est importante. J'ai demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) un chiffrage de l'évolution de son financement. Le CFL ne s'est pas saisi de cette question car le débat parlementaire n'est pas terminé. Nous ne savons pas encore combien il y aura de nouvelles communautés urbaines et de nouvelles métropoles. Le chiffrage dépend de la réponse apportée à cette question. Si l'enveloppe de financement est fermée et que les métropoles et les communautés urbaines se multiplient, ce sont essentiellement les autres intercommunalités, c'est-à-dire les communautés d'agglomération et les communautés de communes, qui paieront. C'est une vraie préoccupation du CFL.

Pour la DSU/DSR et la DNP, le système a changé : leur hausse est fixée indépendamment de l'évolution de la dotation de base. La croissance de la dotation d'intercommunalité pèsera donc sur les variables d'ajustement, mais pas sur la péréquation.

Philippe Adnot a critiqué la contribution demandée aux départements. En tant que président du CFL, je n'ai pas de commentaire.

Charles Guéné s'est interrogé sur les DMTO. J'ai rappelé hier que les DMTO concernent les départements mais aussi les communes : 30 % des produits reviennent aux communes, soit environ 2 milliards d'euros. J'ai donc voulu savoir ce qui était prévu pour la part communale des DMTO.

Marie-Hélène des Esgaulx a estimé que cette disposition entrainait un recul de l'autonomie fiscale. Pourtant, c'est le contraire puisque les départements auront la possibilité de moduler le taux.

Debut de section - Permalien
André Laignel

C'est une ouverture de liberté, donc cela donne, techniquement, des marges d'autonomie fiscale en plus.

Yannick Botrel, vous avez évoqué les charges et les normes. Le Gouvernement a proposé un volet riche de mesures dans ce domaine, en allant dans le sens d'une limitation des dépenses contraintes, notamment grâce à la mise en place d'un véritable moratoire. Espérons que ces mesures soient efficaces.

Francis Delattre, en tant que président du CFL, je ne partage pas votre position sur la péréquation. S'agissant du montant que rapportera la possibilité de relever le plafond des DMTO, je ne peux pas vous répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Merci beaucoup Monsieur le président. Nous allons maintenant procéder à l'audition d'Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

La commission procède enfin à l'audition de Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, sur le « Pacte de confiance et de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Madame la ministre, il paraît utile que vous puissiez nous apporter toutes informations utiles sur les annonces faites hier par le Premier ministre.

Parmi ces annonces, je relève d'ailleurs des dispositions astucieuses, dont notamment la substitution à la dotation générale de décentralisation des 600 millions d'euros de frais de gestion de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui permet, sans augmenter les ressources des régions, d'afficher une amélioration de leur autonomie fiscale.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

J'ai le plaisir ce matin de vous présenter les conclusions du long travail de consultation et de concertation des élus, décidé le 5 octobre 2012 à l'issue des états généraux de la démocratie territoriale. Il s'agit d'un pacte de confiance et de responsabilité ; les deux mots ont un sens. La confiance, parce que le Gouvernement veille au redressement des finances publiques. La responsabilité parce que lors de la première réunion de la conférence des finances locales, le 12 mars 2013, l'ensemble des associations d'élus se sont engagées sur la maîtrise des dépenses et l'effort de redressement. Ce pacte a été présenté hier.

A propos du groupe de travail sur les départements, le Président de la République s'est engagé en 2012 sur la couverture de l'écart entre la progression des dépenses liées aux trois allocations (le revenu de solidarité active, la prestation de compensation du handicap et l'allocation personnalisée d'autonomie) gérées par les départements et leurs ressources. L'objectif est de parvenir à une couverture pérenne et stable.

Aujourd'hui les départements sont d'accord pour ne plus parler du passé et des 4,6 à 5,8 milliards d'euros de reste à charge. Mais il convient de leur octroyer une ressource pour couvrir cet écart pour le futur. Le Gouvernement propose de leur attribuer les 830 millions d'euros perçus sur les frais de gestion relatifs aux taxes foncières et de leur permettre de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 % à 4,5 %, sur les années 2014 et 2015.

Il s'agit de couvrir l'ensemble de l'écart, y compris la part résultant du relèvement du revenu de solidarité active (RSA). Je le précise pour faire écho aux propos de Marie-Hélène Des Esgaulx lors de l'audition, il y a quelques minutes, du président du Comité des finances locales. Les trois allocations seront couvertes entièrement, la compensation sera intégrale.

S'agissant de la baisse des dotations, le Gouvernement propose une base égalitaire et proportionnelle aux recettes des collectivités locales, ce qui conduit à une diminution de 840 millions d'euros pour les communes, de 476 millions d'euros pour les départements et de 184 millions d'euros pour les régions.

Aucun groupe de travail n'a été mis en place pour les régions, mais les négociations ont été régulières avec elles. Elles retrouveront des ressources fiscales dynamiques en remplacement de dotations, ce qui, à terme, améliorera leur situation. Il s'agit, d'une part des 800 millions d'euros de dotation en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » qui seront remplacés par une nouvelle taxe d'apprentissage dynamique, dont les modalités devront être discutées dans le cadre de la réforme et, d'autre part, des 900 millions d'euros de la dotation générale de décentralisation qui seront remplacés par 600 millions d'euros provenant des frais de gestion de la collecte de la CVAE et par 300 millions d'euros au titre de la « taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) garantie ».

Du côté des communes et des départements, les interlocuteurs se sont montrés satisfaits. Les régions se sont inquiétées. Il faut encore retravailler les conditions de réforme de la taxe d'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie la ministre pour le complément d'information qu'elle nous a apporté après la présentation du président du CFL. Ayant pour ma part assisté à la conférence des finances locales qui s'est tenue hier, je dispose déjà de la plupart des éléments, mais je souhaitais faire deux observations.

D'une part, j'ai entendu certains collègues exprimer leurs réserves sur la poursuite de l'augmentation de la péréquation. Mais je tiens à souligner que c'est une véritable nécessité pour garantir l'égalité entre les territoires.

D'autre part, j'appelle de mes voeux une véritable refonte de la dotation globale de fonctionnement dont les critères de répartition sont vieillissants. Les différences de dotation par habitant d'une strate à l'autre de collectivités suscitent une grande incompréhension chez certains élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Le travail qui a été mené par le CFL pour arriver à ce pacte de confiance et de responsabilité était très délicat, puisqu'il s'agissait de diminuer les dotations. Je veux témoigner ici de la qualité de la concertation qui a été menée. Je pense qu'elle était indispensable pour restaurer la confiance.

Certains départements sont satisfaits de bénéficier du transfert de la ressource fiscale correspondant aux frais de gestion de la taxe foncière et de la possibilité de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Je crois cependant que ce dernier point nécessite de revoir les dispositifs de péréquation départementale. Les départements les moins aisés subissent une double peine : ils ne disposent que d'un faible produit au titre de cette imposition et ils ne pourront pas relever les taux sans mettre excessivement à contribution leurs habitants, qui sont aussi les plus fragiles. Le Gouvernement compte-t-il revenir sur le fonctionnement du fonds de péréquation des DMTO, dont la modification l'automne dernier avait fait tant de bruit au Sénat ?

D'autre part, pour que la péréquation soit juste il faut qu'elle se fonde sur des critères justes. Or les modalités de calcul du potentiel financier des départements sont profondément injustes. J'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi pour résoudre ce problème. Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur ce critère ?

Enfin, je crois qu'il faut veiller à ce que la création des métropoles ne pèse pas sur les dotations des autres collectivités. De même, le fonds destiné à aider les collectivités ayant contracté des emprunts toxiques ne doit pas être alimenté par un prélèvement sur les autres collectivités.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Je partage votre préoccupation de maintenir la progression de la péréquation comme celle de revoir la péréquation départementale. L'Assemblée des départements de France (ADF) a travaillé sur une nouvelle définition du potentiel financier, que mes services sont en train d'expertiser.

Le Gouvernement est tout à fait conscient de l'impact que pourrait avoir la création des métropoles. Il s'était engagé lors des débats à ce que la transformation des communautés d'agglomération en communautés urbaines soit réalisée à enveloppe constante. Il faut y réfléchir pour les métropoles.

Concernant les emprunts toxiques, le pacte comprend des informations précises sur le fonds qui va être mis en place pour soulager les collectivités concernées, après de longues négociations avec Bercy, le secteur bancaire et les collectivités. Le Gouvernement va faire en sorte que des ressources importantes soient disponibles, de l'ordre de 100 millions d'euros par an. De même, des dispositions législatives ont été adoptées pour empêcher que ces erreurs se reproduisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

L'accord intervenu au CFL sur une évolution maîtrisée de la péréquation verticale est un bon accord. Car dans notre pays, il y a un problème de justice, mais aussi un problème de croissance. Il faut que les communautés d'agglomération et les communautés urbaines puissent continuer à investir.

L'idée proposée par le CFL de lisser sur trois ans la baisse des dotations sera-t-elle retenue par le Gouvernement ? Et pouvez-vous nous détailler en quoi consisterait le « choc de simplification » en matière de normes applicables aux collectivités ?

Enfin, concernant les métropoles, je m'étais exprimé en tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles pour que ce soit l'Etat qui finance le coût de ce projet, comme il entendait le faire dans son projet initial pour la métropole de Paris, qui n'est pas le territoire le plus pauvre de la République.

L'abaissement du seuil de création des communautés urbaines était une nécessité. Il est absurde de voir des communautés urbaines de 60 000 habitants quand on empêche des communautés d'agglomération de 300 000 habitants d'accéder à ce statut. En revanche, il faut que ces changements se fassent à enveloppe constante.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Madame la ministre, vous nous avez rappelé l'effort de concertation qui a été mené pour aboutir à ce pacte de confiance et de responsabilité. En revanche, c'est par une fuite que j'ai appris que l'Etat envisageait de supprimer la prime aux employeurs d'apprentis, qui représente tout de même 800 millions d'euros par an ! Vous nous parlez d'une réforme de la taxe d'apprentissage, mais je ne vois pas comment elle pourrait compenser une perte aussi importante. Cela va nuire à l'apprentissage, que nous nous efforçons par ailleurs de développer !

Enfin, cela fait longtemps que les régions sollicitent le Gouvernement pour disposer de ressources nouvelles et je souscrits à l'idée de s'intéresser à la production d'énergie, comme l'a évoqué tout à l'heure notre collègue Jean Germain pendant l'audition du président Laignel. Et je regrette justement que les régions ne profitent pas du déploiement des éoliennes, qui bénéficie au bloc communal et aux départements, alors que ce sont les régions qui portent ces projets !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

On ne peut que souscrire à la participation des collectivités au redressement des finances publiques à travers la baisse de leurs dotations. Cela rend cependant nécessaire une forte péréquation, sur le principe de laquelle tout le monde est favorable, mais dont la mise en oeuvre est plus difficile. La diminution des dotations proportionnelle aux recettes ne prend pas en compte les difficultés de chaque territoire. Que va faire le Gouvernement pour rendre la baisse supportable aux communes les plus pauvres ? Nous nous souvenons encore des mauvaises manières qui ont été faites par l'Assemblée nationale aux communes rurales sur le fonds de péréquation des DMTO.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je m'interroge pour ma part sur l'efficience du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), destiné à corriger les déséquilibres attendus de la réforme de la fiscalité locale. Le fait que ces prélèvements et reversements soient figés ne prend pas en compte le dynamisme des ressources. Ne faut-il pas revenir là-dessus ou au moins apporter quelques corrections ?

Par ailleurs, avez-vous le sentiment que le maintien de la clause de compétence générale entraîne des effets pervers concernant les finances locales ?

Présidence de M. Yvon Collin, vice président

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je félicite la ministre pour la façon dont elle a enjolivé ce pacte de confiance et de responsabilité qui, rappelons-le, diminue de 4,5 milliards d'euros les dotations des collectivités ! Le Président du CFL y ajoutait tout à l'heure le coût des mesures nouvelles - 1,5 milliard d'euros en 2014 - et le coût de l'inflation - encore 1,5 milliard d'euros. Sans parler des dépenses que l'on nous transfère, que ce soient les équipements informatiques des collèges ou la réforme des rythmes scolaires !

Certains collègues ont eu le sentiment que les départements faisaient bande à part, avec la mise en place du groupe de travail Etat-Départements. Mais je rappelle qu'il s'agissait d'un engagement du Président de la République, pris le 22 octobre dernier, pour tenir compte du fait que ce niveau de collectivité est soumis à un fort effet ciseau entre l'évolution de ses recettes et de ses dépenses. Le montant du reste à charge pour les départements a été estimé par le groupe de travail entre 4,6 et 5,8 milliards d'euros ; nous nous sommes finalement accordés sur le montant de 4,8 milliards d'euros par an.

Or on nous annonce que les départements vont bénéficier de 2 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Le compte n'y est donc pas ! Et ce ne sont pas de vraies ressources supplémentaires : on nous autorise à augmenter les impôts de 1,3 milliard d'euros, ce n'est pas la même chose. Si on nous avait permis d'augmenter les impôts de 20 milliards d'euros auriez-vous prétendu que l'Etat nous accordait 20 milliards ? Cette recette supplémentaire pourrait en outre être péréquée. Je ne vois pas l'intérêt d'augmenter ses impôts si c'est pour en donner le produit au voisin. Il en sera de même pour les 830 millions provenant des frais de gestion de la taxe foncière. Tout le monde fait de la péréquation ! Sauf le département de la Seine, qui va s'extraire de la péréquation nationale, et ce sont les départements les plus fragiles qui vont devoir le supporter.

L'Etat n'augmente donc pas sa participation au financement des allocations de solidarité, qui sont pourtant d'intérêt national.

Vous nous annoncez également un choc de simplification. Mais depuis son annonce, sur le terrain, je constate que l'administration déconcentrée, et notamment les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ou les directions régionales des affaires culturelles, se fait un plaisir d'appliquer les réglementations de la façon la plus tatillonne possible. La circulaire invitant à une lecture souple des règlementations n'est pas appliquée. Même les préfets le reconnaissent et disent qu'ils n'ont pas d'autorité sur ces services ! Et tous nos dossiers se retrouvent bloqués. Or cela ne coûterait pas cher à l'Etat de tenir ses fonctionnaires.

Les départements sont sous perfusion et vous venez de débrancher la machine ! Un jour nous vous rendrons les clés de la maison et nous verrons comment vous vous en sortirez... Voilà les remarques que je souhaitais faire, à titre tout à fait amical.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Les points que souhaitais aborder ont déjà été soulevés par mes collègues, je me limiterai donc à une question : la baisse de 476 millions d'euros des dotations pour les départements sera-t-elle péréquée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Un pacte de confiance implique le respect de la parole donnée. Après les annonces du chef de l'Etat lors de son allocution du 14 juillet, peut-on encore considérer qu'il maintiendra sa parole de ne plus augmenter les impôts ?

Je rappelle qu'il n'y a pas un contribuable local et un contribuable national, mais bien un seul et même contribuable. Or, Madame la ministre, vous incitez les départements à augmenter la fiscalité locale, pour financer une dépense de solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je rappellerai à mon collègue Dominique de Legge qu'un précédent Gouvernement dont il partagerait l'orientation nous disait que, lorsque les collectivités voudraient augmenter les impôts locaux, elles auraient à l'assumer devant leurs citoyens.

André Laignel nous a indiqué tout à l'heure que l'épargne nette des collectivités était en baisse en 2012, y compris et pour la première fois dans le bloc communal. Ce qui signifie que les collectivités vont devoir recourir davantage à l'emprunt ou diminuer leurs investissements.

Or cette baisse pèsera sur les recettes de l'Etat car les investissements des collectivités maintiennent l'emploi localement. Si je suis contre la baisse des dotations, c'est parce qu'elle est contradictoire avec l'objectif affiché.

S'agissant des territoires industriels, le rapport de la mission commune d'information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, que vous présidiez lorsque vous étiez encore sénatrice, avait souligné l'impact négatif qu'elle avait pour ces territoires. Les propositions du pacte me semblent insuffisantes pour résoudre ce problème, alors même que les habitants de ces territoires sont souvent parmi les plus fragiles. La conséquence est un affaiblissement des services publics dont ils bénéficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Je faisais partie du conseil d'administration de l'établissement public de réalisation de défaisance qui gérait le soutien financier de l'État aux deux défaisances successives du comptoir des entrepreneurs et la commission des finances m'a récemment nommé au conseil d'administration de l'établissement public de financement et de restructuration qui fait le même travail sur la défaisance du Crédit lyonnais. Je connais donc bien cette problématique de la défaisance, de laquelle, au fond, on se rapproche avec le mécanisme mis en place sur les emprunts toxiques contractés par les collectivités.

A ce titre, j'approuve la proposition du Gouvernement pour la résolution de ce problème. Il ne faut pas qu'on le traîne pendant vingt ans.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Je souhaitais souscrire aux remarques de Jean Germain sur l'accord intervenu au CFL sur l'évolution de la péréquation. Il montre la volonté du Gouvernement de maintenir la capacité d'investissement des collectivités. Le Gouvernement a également oeuvré pour garantir leur accès au crédit. Je pense notamment à l'enveloppe de 20 milliards d'euros ouverte par la Caisse des dépôts et consignations ou à la mise en place de la nouvelle banque de financement des collectivités. La Banque postale a ouvert son réseau local, qui permettra notamment de financer les petites collectivités.

Concernant l'idée d'un lissage sur trois ans de la baisse des dotations, elle a été soumise au Premier ministre qui ne s'est pas exprimé dessus. A ce stade, nous en restons donc à une baisse répartie sur deux ans. Je rappelle cependant que le Gouvernement précédent envisageait une diminution de 10 milliards d'euros.

S'agissant du choc de simplification, je salue Éric Doligé, qui est un artiste en la matière, qui a notamment rendu un rapport et déposé une proposition de loi sur le sujet. La mission menée par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard a proposé de s'attaquer au stock de normes existant, en pointant notamment certains cas particulièrement éloquents. Le Gouvernement travaille à leur suppression. Sur le flux de normes, la proposition de loi déposée par vos collègues Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault permettra de renforcer l'actuelle commission consultative d'évaluation des normes. Enfin, dès cet après-midi, le Premier ministre va annoncer des mesures permettant de simplifier les normes, dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique. Une circulaire invitant les préfets à se montrer moins tatillons dans l'application des réglementations a été envoyée aux préfets ; je ne peux croire qu'ils y resteront insensibles ou qu'ils ne sauront se faire entendre par les services déconcentrés.

En ce qui concerne l'abaissement du seuil de constitution des communautés urbaines, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'il se fasse à enveloppe constante. Il faudra peut-être y réfléchir pour les métropoles. L'étude d'impact annexée au projet de loi avait estimé le coût de leur création à 70 millions d'euros environ.

Les primes aux employeurs d'apprentis représentent 550 millions d'euros. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a évoqué leur suppression, mais la négociation n'est pas fermée.

Je veux dire à François Fortassin que la solidarité nationale n'est pas un simple voeu ; elle doit être une réalité, et la péréquation doit venir soulager les collectivités les plus fragiles.

Concernant les difficultés des départements, l'inspection générale de l'administration a été amenée à apprécier les finances des 58 départements ayant demandé à bénéficier de la seconde part du fonds de soutien exceptionnel créé à la fin de l'année dernière. Sur la base de cette analyse objective, 29 départements devraient en bénéficier. Nous travaillons à ce qu'ils soient informés des montants qu'ils percevront dès cet été.

Yvon Collin m'a interrogé sur les perspectives du FNGIR. Je pense qu'il faudrait disposer de travaux d'évaluation pour savoir si des ajustements sont nécessaires.

J'ai bien entendu les remarques d'Eric Doligé sur la situation des départements. Ils doivent faire face à des dépenses obligatoires, mais ils financent aussi des dépenses facultatives, sur lesquelles ils peuvent trouver des marges de manoeuvre, et je sais qu'ils le font déjà.

Je précise à Charles Guené que la baisse des dotations pour les départements - de 476 millions d'euros - sera bien péréquée.

Je crois Monsieur de Legge, que la parole donnée a été respectée et que personne ne peut dire que ce Gouvernement ne met pas en oeuvre ce qu'il avait annoncé. Encore une fois, je rappelle que le précédent gouvernement envisageait une baisse de 10 milliards d'euros des dotations.

Je souhaite dire à Marie-France Beaufils que certes, l'épargne nette des collectivités a diminué, mais que le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour faciliter leur accès au crédit. Quant à la question des territoires industriels, elle est sur la table, comme celle de l'évolution de la cotisation foncière des entreprises, et nous devrons, ensemble, y apporter une réponse.

Enfin, le Gouvernement entend bien respecter les engagements qu'il a pris sur la question des emprunts toxiques des collectivités.