Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 18 juillet 2013 à 9h45
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Articles additionnels après l'article 3

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

À l’heure où l’on demande énormément d’efforts aux Français en augmentant la pression fiscale, il convient aussi de chercher à améliorer significativement la lutte contre la fraude fiscale, car c’est selon nous une voie plus juste que celle de la hausse des prélèvements obligatoires.

Nous proposons d’abord de faire sauter le « verrou » de Bercy en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale. Aujourd’hui, le ministère de la justice ne peut s’autosaisir, l’initiative appartenant à la seule administration fiscale. Il en résulte une certaine limitation de l’application d’un principe essentiel du fonctionnement de la justice française, notamment des pouvoirs dévolus au parquet, à savoir le principe d’opportunité des poursuites.

Cette succession de filtres en matière de poursuites pénales des faits de fraude fiscale obère le fonctionnement de la justice française. La situation actuelle n’est selon nous pas satisfaisante : moins d’un millier de poursuites pénales sont déclenchées chaque année dans ce domaine ; elles débouchent souvent sur des peines d’amende.

Par ailleurs, avec la création du délit de fraude fiscale en bande organisée, il apparaît indispensable de supprimer la règle du dépôt de plainte préalable qui avait été introduite en 1977 et de traiter la fraude fiscale comme une infraction ordinaire en matière de règles de l’action publique.

Il s’agit donc ici d’un amendement de composition entre la position de l’administration fiscale, qui refuse de laisser la justice travailler librement dans le domaine de la fraude fiscale, et la nécessité de permettre à l’autorité judiciaire d’exercer ses compétences conformément au droit commun.

Cet amendement conserve le schéma actuel spécifique à la procédure pénale en matière de fraude fiscale, tout en permettant à l’autorité judiciaire de se saisir plus rapidement des infractions de fraude fiscale qu’elle découvre de manière incidente dans le cadre des enquêtes judiciaires ouvertes pour d’autres motifs. Il s’agit donc de concilier la volonté de l’administration fiscale de conserver la maîtrise des suites pénales à donner aux dossiers qu’elle instruit et l’ouverture de la possibilité, pour l’autorité judiciaire, de poursuivre les infractions qu’elle découvre de manière autonome en la matière. Par exemple, la justice pourrait alors poursuivre directement et rapidement pour fraude fiscale un trafiquant de stupéfiants, sans devoir attendre de longues années les résultats d’un contrôle fiscal intervenant à la suite de la procédure pénale.

La suppression partielle du passage par la commission des infractions fiscales et du dépôt de plainte préalable du ministre du budget apparaît d’autant plus indispensable que le projet de loi tendant à instaurer l’inéligibilité des élus condamnés pour fraude fiscale est en cours d’examen au Parlement. On ne peut en effet concevoir que le déclenchement de poursuites pour fraude fiscale, pouvant éventuellement déboucher sur une condamnation et une inéligibilité, soit laissé à l’appréciation de l’autorité politique, qui sera immanquablement accusée de disposer ainsi d’une arme pour protéger ses amis et contraindre ses adversaires.

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