Lorsque l’administration reproche à un contribuable d’avoir gravement manqué à ses obligations fiscales, deux actions sont engagées.
La première tend à l’établissement des impositions éludées, et le contentieux correspondant est porté, selon la nature du prélèvement, devant la juridiction administrative ou devant la juridiction judiciaire, celle-ci ne statuant pas dans une formation répressive.
La seconde vise à sanctionner les comportements qui caractériseraient une fraude fiscale. Les poursuites sont engagées devant le tribunal correctionnel.
Ces deux procédures sont indépendantes. Il en résulte notamment que les décisions rendues par les juridictions administratives ne s’imposent pas au juge pénal. Il peut donc arriver qu’un contribuable soit condamné sur le plan pénal alors même qu’il aura obtenu du juge de l’impôt le dégrèvement des impôts litigieux.
Une affaire récente illustre ce cas de figure : l’affaire Smart City. Saisie, la Cour de cassation a jugé que l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’encourait pas la critique au motif « que les poursuites pénales engagées sur le fondement de l’article 1741 du code général des impôts et la procédure administrative tendant à fixer l’assiette et l’étendue des impositions fiscales étant, par leur nature et leur objet, différentes et indépendantes l’une de l’autre, la décision de la juridiction administrative ne saurait avoir, au pénal, l’autorité de la chose jugée ».
S’il est exact que les poursuites pénales et la procédure administrative diffèrent par leur nature et leur objet, ce constat ne peut suffire à justifier qu’un contribuable soit condamné pénalement pour avoir éludé des impôts dont le juge administratif décide qu’ils n’étaient pas dus.
Le projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, s’il est adopté en l’état, multipliera ces situations puisqu’il fait figurer parmi les circonstances aggravantes les cas d’abus de droit, dont l’appréciation est particulièrement délicate.
Le présent amendement reprend et complète l’amendement que M. Gilles Carrez avait présenté en 2012 et qui avait été rejeté au motif qu’un contribuable peut être dégrevé pour des vices de forme étrangers au débat pénal. Aussi se borne-t-il à encadrer l’indépendance des procédures dans le seul cas où le contribuable obtient un dégrèvement pour des raisons qui tiennent au fond. Il tire les conséquences de la portée pratique de toute décision du juge de l’impôt : il doit notamment en résulter l’extinction des poursuites lorsque la juridiction répressive ne s’est pas encore prononcée ou que la révision d’une condamnation est déjà intervenue.
Par ailleurs, l’amendement prévoit que, lorsque l’affaire est pendante à la fois devant le juge de l’impôt et le juge répressif, et que celui-ci statue en premier lieu et condamne le contribuable, l’exécution du jugement est suspendue tant que le juge de l’impôt ne s’est pas prononcé.