Séance en hémicycle du 18 juillet 2013 à 15h10

Résumé de la séance

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  • fraude
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Sommaire

La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le Premier ministre, nous avons appris ce matin que le taux du livret A passerait au 1er août prochain de 1, 75 % à 1, 25 %. Avant de vous faire part des précisions que je souhaiterais obtenir à ce sujet, il me semble bon de rappeler quelques éléments sur cette question à laquelle nos concitoyens sont très attentifs.

La baisse du taux du livret A ne doit pas être analysée de manière isolée. Au contraire, elle doit être replacée dans la stratégie financière et fiscale que le Gouvernement mène depuis un an.

Ce taux de 1, 25 %, c’est la rémunération qui était celle du livret A en 2009. La baisse annoncée aujourd’hui paraissait indispensable aux yeux des experts, notamment du fait du faible niveau des taux d’intérêt du marché monétaire et de la baisse de l’inflation, qui sont d’ailleurs de bonnes nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Toutefois, alors que certains auraient souhaité une baisse plus importante du taux du livret A, le taux de 1, 25 % semble constituer un bon compromis entre deux impératifs.

Le premier impératif, c’est de protéger les petits épargnants, qui sont des millions à choisir dans le livret A un moyen de sécuriser leur épargne. Ce livret comme le livret de développement durable ont d’ailleurs connu une seconde jeunesse grâce au relèvement de leur plafond puisque, pour la seule année 2012, ce sont environ 50 milliards d’euros qui ont été collectés, chiffre à comparer aux 18 milliards d’euros de 2011.

Le second impératif, c’est d’utiliser le livret A comme force de frappe pour relancer notre économie.

C’est vrai pour le « choc d’offres » en matière de logement : les objectifs ambitieux mais nécessaires de 150 000 logements sociaux nouveaux par an…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

… nécessitent une politique financière de soutien dynamique. La baisse du taux du livret A permettra d’alimenter les besoins en la matière.

C’est également vrai pour la bataille que nous menons pour la croissance : les fonds du livret A, en partie réinjectés par la Caisse des dépôts dans le financement des territoires et des collectivités territoriales, sont absolument nécessaires à l’heure ou l’accès au crédit bancaire se tend pour ces dernières. De fait, soutenir l’investissement public local, c’est soutenir les carnets de commandes de milliers d’entreprises du bâtiment, les réseaux à haut débit et les infrastructures en général.

Nous soutenons donc cette politique cohérente.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, d’une part, nous indiquer les conséquences que pourra entraîner cette baisse du taux du livret A, tant pour le financement de notre économie que, plus largement, pour la vie de nos concitoyens, et, d’autre part, nous dire comment cette mesure s’inscrit dans la politique économique que vous conduisez ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons bientôt au terme de cette session extraordinaire. J’ai conscience que le Gouvernement vous a demandé beaucoup de travail. Vous avez répondu avec votre disponibilité habituelle et enrichi, par vos contributions, les projets de loi déposés par le Gouvernement. Je tiens tout simplement à vous en remercier.

Monsieur Caffet, vous avez posé une question très judicieuse.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

En effet, ce matin même, Pierre Moscovici et Cécile Duflot ont annoncé, lors d’une conférence de presse, la décision du Gouvernement relative au taux du livret A.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

L’épargne populaire est essentielle, et le livret A tout comme le livret de développement durable sont particulièrement appréciés par les Françaises et les Français. Il s’agit d’une épargne garantie par l’État, ce qui n’est pas rien dans ces périodes parfois marquées par l’incertitude. Du reste, n’oublions pas que le livret A et le livret de développement durable contribuent fortement à l’investissement dans le logement, dans la rénovation urbaine et en faveur des collectivités territoriales.

Vous le savez également, le taux du livret A est calculé selon des règles précises, en fonction de l’inflation : tous les six mois, le gouverneur de la Banque de France émet un avis à ce propos, précisément pour tenir compte de l’évolution de l’inflation.

Par ailleurs, à la suite des engagements pris par le Président de la République, le plafond du livret A a été substantiellement rehaussé et celui du livret de développement durable a été doublé. Il existe donc maintenant des disponibilités financières, des liquidités nécessaires à notre économie, au financement de nos investissements dans le logement et les infrastructures et de nos investissements publics en général. C’est cette situation qui a conduit le Gouvernement à prendre ses responsabilités.

Garantir le pouvoir d’achat des épargnants, telle était notre préoccupation. Si nous avions appliqué mécaniquement, comme c’est la règle, l’actualisation du taux du livret A, c’est une rémunération de 1 % qu’il aurait fallu adopter, c’est-à-dire un taux d’environ 0, 25 % supérieur à celui de l’inflation constatée, qui s’élève aujourd’hui à 0, 8 %. Toutefois, le Gouvernement a souhaité maintenir un niveau supérieur de pouvoir d’achat du livret A.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

C’est pourquoi le taux de 1, 25 % a été retenu.

Étant donné que l’inflation est faible – comme M. Jean-Pierre Caffet l’a rappelé, c’est une bonne chose –, d’un côté, nous maintenons, voire nous améliorons le pouvoir d’achat avec la rémunération du livret A et du livret de développement durable et, de l’autre – c’est ce que la Caisse des dépôts a décidé, et son directeur général, Jean-Pierre Jouyet, participait d’ailleurs à la conférence de presse qui s’est tenue ce matin –, nous voulons provoquer un choc supplémentaire en faveur de l’investissement, en particulier dans le secteur du logement, où les besoins sont très importants.

La bouffée d’oxygène que cela représente pour le logement social, c’est 600 millions d’euros. Ainsi, pour les prêts de la Caisse des dépôts en faveur du logement social, cela se traduira par une baisse du coût de financement supplémentaire de 0, 25 % dans les six prochains mois, soit un effort global en faveur du logement social, par une sorte de prime pour ceux qui lanceront de nouveaux projets, de l’ordre de 120 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Cette aide concernera également la rénovation thermique. Actuellement, le taux des prêts existant en la matière s’élève à 1 %. Il a été décidé de le porter à 0, 5 %. On ne peut pas faire plus bas, si l’on ne veut pas imposer des frais excessifs à la Caisse des dépôts. Il s’agit là d’un geste politique extrêmement important.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Concernant les collectivités territoriales

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Le Gouvernement a demandé à chacun de contribuer à l’effort d’amélioration des comptes publics. Les collectivités territoriales ont été sollicitées. Dans le même temps, les recettes de celles-ci doivent être stabilisées et les départements doivent être sécurisés par rapport à la dépense sociale. L’accord conclu va dans le bon sens, et je remercie tous ceux qui y ont contribué. Il y va de même pour les régions, même si un certain nombre de points de détail restent à définir, ce que nous sommes en train de terminer.

Parallèlement, les collectivités territoriales m’ont exprimé leurs attentes, pour poursuivre leur politique d’investissement dans les infrastructures de transport, dans les réseaux d’eau et d’assainissement et dans des domaines comme le numérique. Depuis des mois, elles plaident à la fois pour des emprunts longs et pour les taux les plus bas possible. Le Gouvernement s’y était déjà engagé. L’évolution du taux du livret A permettra d’améliorer encore sa proposition : actuellement, les taux proposés s’élèvent à 3, 05 % ; à compter du 1er août, ils seront fixés à 2, 25 %. Il s’agit là d’une information extrêmement importante pour nos territoires.

Le 9 juillet dernier, j’ai annoncé un grand plan d’investissement qui s’étend à de nombreux secteurs, dont celui des transports, en particulier le transport ferroviaire. Ce plan concernera tous les territoires.

J’ai également annoncé que le Gouvernement engagerait à la rentrée la négociation des contrats de plan avec les régions et l’ensemble des collectivités, précisément pour mettre en œuvre ces investissements. Il est évident que, si les prêts sont plus longs et les taux d’intérêt plus bas, les collectivités retrouveront les marges de manœuvre dont elles ont besoin pour leurs investissements. Il s’agit là d’investissements utiles à nos territoires, à la cohésion sociale et territoriale et au développement du pays tout entier !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Monsieur le ministre, vendredi dernier, nous avons tous été saisis par l’émotion face à l’accident qui s’est produit sur la ligne Paris-Limoges, que je connais bien, en gare de Brétigny-sur-Orge. Ce mardi, c’est un wagon d’un train de fret transportant du gravier qui a déraillé à la suite d’une rupture d’essieu à Saintes. Les enquêtes sont en cours, et il ne faut pas, ici, anticiper les conclusions qui seront remises.

Pour autant, la question de l’état de l’infrastructure ferroviaire dans notre pays, support matériel de l’exécution du service public ferroviaire, est posée avec acuité. Le constat du sous-investissement chronique dans les infrastructures de transport ferroviaire est unanime. Depuis vingt ans, les budgets de maintenance n’ont cessé de baisser, tout comme la contribution aux infrastructures de l’État. RFF et la SNCF, sous les injonctions de l’État actionnaire, ont été appelés à des économies drastiques, contraints de diminuer le nombre de cheminots et de rogner sur certaines dépenses courantes essentielles.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

L’objectif du précédent gouvernement résidait exclusivement dans l’ouverture du rail à la concurrence. Au vu du quatrième paquet ferroviaire, ce mouvement s’accélère. Comment l’accepter, au regard de l’expérience, notamment en termes de sécurité, que nous avons en ce domaine ? À l’inverse, et alors que la réforme ferroviaire se dessine, nous estimons que si celle-ci doit prioritairement réunir la famille ferroviaire dans le cadre d’un groupe public intégré, elle doit, dans le même mouvement, s’adosser à des engagements financiers forts, concrets et tangibles.

Alors que le budget de l’État est en baisse constante, des annonces intéressantes ont été faites le 9 juillet dernier pour le financement du système ferroviaire. Malheureusement, elles sont peu précises, notamment en ce qui concerne les ressources nouvelles de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et la répartition de l’effort entre privé, public et collectivités. Pis, ces financements reposent également, pour partie, sur la vente des actifs de l’État.

Monsieur le ministre, quand l’État s’engagera-t-il concrètement pour la reprise de la dette de RFF ? Par quels financements concrets alimentez-vous l’AFITF ? Pourquoi ne pas remettre en cause la privatisation des concessions d’autoroutes, qui la prive, à l’échelle des dix années à venir, de plus de 12 milliards d’euros, soit le montant des investissements d’avenir ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de renouveler l’hommage aux victimes et de redire aux familles toute mon émotion.

Sachez que j’ai nommé hier M. Philippe Cèbe, haut fonctionnaire, coordonnateur pour assurer l’accompagnement nécessaire des familles face à pareille situation. En outre, comme M. le Président de la République et M. le Premier ministre l’ont fait sur place, je tiens à saluer la mobilisation de toute la famille cheminote, des bénévoles, des volontaires et de l’ensemble des services de sécurité et de secours. Cela a été un énorme geste de solidarité.

Vous avez eu raison de souligner que l’on ne peut faire le rapprochement entre un accident – je souligne que trois enquêtes ont été ouvertes, notamment celle du bureau des enquêtes sur les accidents de transport terrestre – et l’état du réseau ferroviaire, que vous avez qualifié de vétuste.

Dès notre arrivée aux responsabilités, nous avons demandé la réactualisation de l’étude de l’École polytechnique de Lausanne, qui fait autorité en la matière. Elle a confirmé la dégradation continue des infrastructures de transport depuis des dizaines d’années, faute d’investissements suffisants. Pourquoi ? Parce que des engagements financiers ont été mobilisés, souvent à crédit, sur des projets de prestige, au détriment du transport du quotidien.

De ce point de vue, M. le Premier ministre a annoncé, le 9 juillet, une mobilisation forte avec à la fois des financements de l’État et des moyens dégagés par RFF. Ainsi, 2, 5 milliards d’euros s’ajouteront aux 2 milliards d’euros engagés pour la modernisation et l’entretien du réseau ferroviaire. Dans le cadre du contrat de plan État-région, 500 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au volet ferroviaire, soit une hausse de 40 %, ce qui est nécessaire à la sécurité et à la modernisation.

Vous avez évoqué la politique de privatisation qui a été menée jusqu’à présent. Dès notre entrée en fonctions, nous avons refusé une anticipation d’une privatisation, qui ne nous est d’ailleurs pas imposée par l’Europe. La France a donc été très claire dans son refus de cette anticipation.

Par ailleurs, la réforme ferroviaire, conformément à l’orientation du Gouvernement, visera à réunir la gestion des infrastructures de transport ferroviaire, en permettant à RFF et à la SNCF de travailler ensemble dans une structure unifiée, afin que nous puissions être plus efficaces dans nos réponses aux enjeux des territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Le groupe du RDSE, auquel j’appartiens, est très attentif à la question des infrastructures, qu’elles soient routières, ferroviaires, aériennes ou fluviales. C’est d’ailleurs sur notre initiative que le Sénat avait pu discuter, voire parfois le contester, du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, qui nous avait été présenté il y a deux ans.

L’accident de vendredi dernier a mis en lumière, de manière dramatique, la question essentielle de l’entretien de ces infrastructures. Cet entretien est désormais clairement affiché comme une priorité par le Gouvernement, ce dont nous nous réjouissons.

Nous nous félicitons également de l’annonce, par le Premier ministre, il y a quelques jours, d’un programme d’investissement annuel de 5 milliards d’euros, consacré à la modernisation et au développement de nos réseaux. Cette décision est la preuve tangible de l’engagement du Gouvernement. Nous y souscrivons bien entendu, car il n’est plus l’heure de lancer tous azimuts des lignes à grande vitesse – nous n’en avons plus les moyens – ou de promettre 245 milliards d’euros, comme c’était le cas avec le SNIT, sans en prévoir le financement. À cet égard, le travail effectué, à votre demande, monsieur le ministre, par la commission Duron afin de hiérarchiser le catalogue d’investissements établi par le précédent gouvernement et d’en programmer l’exécution représente un réel progrès.

Vient maintenant le temps des décisions !

Monsieur le ministre, je vous demande d’entendre le désespoir des territoires enclavés et, souvent, ruraux. Deux questions en particulier me viennent à l’esprit.

La première concerne les routes nationales. N’ayant pas été inscrites dans le rapport Duron, elles seront obligatoirement financées par les PDMI. Ces programmes de modernisation des itinéraires routiers, nous le savons aujourd’hui, ne représentent plus, dans la plupart des cas, que 40 % des engagements de l’État. Il est bien évident que les territoires ruraux ou enclavés ne seront pas en mesure de financer les 60 % restants. Je pourrais citer le cas de la RN 88, de la RN 122, de la RN 20, de la RN 21, et d’autres.

Ma seconde question s’inscrit dans le cadre des propositions – au nombre d’une dizaine – de l’excellent rapport de nos collègues Jacques Mézard et Rémy Pointereau.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Quels critères envisagez-vous de retenir afin d’affecter les crédits destinés à la remise à niveau des infrastructures existantes ? Nous nous interrogeons d’autant plus que les territoires concernés doivent également investir considérablement pour se désenclaver dans le domaine du numérique.

Monsieur le ministre, nous attendons des réponses concrètes de votre part à ces deux questions.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur Vall, ainsi que l’indiquait à l’instant M. le Premier ministre, l’État va se mobiliser aux côtés des collectivités. C’est en ce sens qu’il a demandé que le volet « infrastructures de transport et mobilité » du contrat entre l’État et les territoires – régions, départements, agglomérations – puisse être anticipé, de sorte qu’avant la fin de l’année la priorisation des investissements publics soit actée et qu’une approche coordonnée soit établie en fonction des attentes des territoires.

Il s’agit d’éviter que ne se produise la situation paradoxale que vous avez relevée : jusqu’à ces dernières années, les investissements importants ont porté sur les grandes infrastructures au détriment des territoires enclavés ou ne bénéficiant pas d’infrastructures susceptibles d’assurer l’égalité territoriale. Avec Cécile Duflot, nous travaillons ardemment sur cette question.

Vous avez en outre souligné la situation des PDMI, c'est-à-dire des travaux routiers. Or il aurait fallu que, chaque année, pour respecter sa promesse, l’État verse 700 millions d’euros. Seuls 350 millions d’euros, c'est-à-dire la moitié de cette somme, ont été attribués en dotation !

Nous avons donc accumulé un retard équivalant au moins à un contrat de PDMI. Il nous faut maintenant le rattraper, tout en faisant face à la nécessité de moderniser les infrastructures ferroviaires. Il nous faudra en effet renouveler le matériel roulant à hauteur de 500 millions d’euros. Le Premier ministre s’est engagé à ce que les trains Corail, qui datent souvent de 1975, soient tous renouvelés d’ici à 2025. Il nous faudra aussi établir un programme routier, en fonction des territoires, qui nous permette de répondre aux priorités.

C’est dans le dialogue et la confiance avec les collectivités que nous pourrons déterminer les priorités, celles d’une région ne correspondant pas nécessairement à celles d’une autre. Je suis persuadé que, d’ici à la fin de l’année, nous pourrons apprécier enfin le sérieux de la parole de l’État à travers sa volonté de ne pas mettre en place des schémas d’infrastructures de transport comme nous en avons trouvé en entrant en fonctions, c'est-à-dire conçus comme autant de promesses à crédit, qui ne font finalement que fragiliser l’engagement de l’État ainsi que la parole publique dans son ensemble.

Il faut du sérieux ! Il faut du pragmatisme ! Il faut surtout apporter une réponse aux attentes de nos concitoyens dans nos territoires !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, ont été particulièrement marqués par l’accident de Brétigny-sur-Orge et frappés aussi – il faut dire ce qui est positif – par le sens des responsabilités du président de la SNCF et son souci de transparence.

Monsieur le ministre, vous avez fait des choix d’investissement, ce qui est logique en période de disette budgétaire. Cependant, je ne vous poserai pas cet après-midi une question sur ce sujet – on peut être d’accord ou pas pour abandonner telle ou telle ligne. En réalité, depuis longtemps, nous avons, soyons clairs, mis en place des TGV, sans consacrer beaucoup de moyens aux autres lignes. Pour ce qui concerne l’Île-de-France, on a fait mieux : entre 1980 et 2000, on a utilisé les sommes réservées à l’amortissement du matériel roulant pour financer le TGV, sans les rendre. Tous les gouvernements, gauche et droite confondues, ainsi que la SNCF ont agi ainsi.

Aujourd'hui, en Île-de-France, comme partout ailleurs dans le pays, des lignes sont usées. J’ai entendu le président de RFF affirmer qu’il n’y avait aucun problème : l’usure ou l’ancienneté du matériel ne présente aucun risque et ne pose aucune difficulté. Pardonnez-moi de vous le dire, je n’y crois guère. L’usure finit par présenter des risques ou, à tout le moins, des inconvénients majeurs pour les voyageurs ; je veux parler des retards, des annulations ou des pannes qui se multiplient. Il n’y a pas que les accidents graves ; se pose aussi le problème constant, en Île-de-France comme ailleurs, des retards subis par tous les voyageurs et des difficultés qu’ils rencontrent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le ministre, il a été évoqué un plan d’urgence pour résorber ce qu’on appelait les points noirs, c'est-à-dire les aiguillages les plus anciens, les systèmes les plus difficiles, les lignes que les associations d’usagers appellent elles-mêmes « les lignes poubelles ». Je ne parle pas du matériel, je parle bien ici des lignes ferroviaires.

Ne serait-il pas temps de définir, dans le cadre du budget relatif à l’entretien que vous avez évoqué, un plan d’urgence pour résorber les points noirs du système ferroviaire afin de régler au plus vite, au-delà de l’entretien normal de l’ensemble des lignes, la situation de toutes celles qui présentent un véritable danger ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le sénateur, les propos que je viens de tenir, en écho à ceux de M. le Premier ministre, ont souligné les carences, que vous avez d’ailleurs constatées, de la politique antérieure, avec une concentration – je reprends ce que vous avez dit – des financements sur les grands ouvrages, telles les LGV, les lignes à grande vitesse. Non pas que les grandes infrastructures ne soient pas nécessaires – elles le sont –, mais elles ont été lancées à un rythme qui était bien supérieur à nos capacités, puisque nous n’avions pas – vous n’aviez pas – la possibilité de financer, dans le même temps, le réseau existant.

Dès notre prise de fonctions, j’ai demandé à RFF de mobiliser un plan d’urgence, avec précisément 2, 5 milliards d’euros supplémentaires, qui s’additionneront aux 2 milliards d’euros consacrés à la modernisation et à l’entretien du réseau. Alors qu’il était de 1, 4 milliard d’euros au cours des années précédentes, le budget dévolu à la modernisation du réseau classique sera de 5, 5 milliards d’euros annuels.

Cela vaut aussi pour l’Île-de-France. Demain, le Premier ministre signera avec le président de la région, un événement auquel Cécile Duflot et moi-même assisterons, une convention de financement du plan de mobilisation, qui, en marge du nouveau Grand Paris, permettra d’engager 7 milliards d’euros de travaux pour améliorer le réseau et accroître la régularité des transports.

Certes, il importe de répondre à la question de l’entretien. Pour autant, il convient de ne pas faire de confusion entre entretien et sécurité. Si des lignes posaient des problèmes en termes de sécurité, elles seraient bien évidemment fermées. D’ailleurs, des mesures sont prises lorsque la sécurité est mise en cause, dont, régulièrement, l’abaissement du seuil de vitesse.

Lorsque nous parlons – il faut être précis sur la terminologie – de lignes malades, nous parlons des lignes sensibles en termes de régularité. Lorsque vous avez évoqué les problèmes de sécurité, vous avez vous-même invoqué les retards, les annulations ou encore les pannes. En l’occurrence, il s’agit non pas de critères de sécurité, mais bien de dysfonctionnements du réseau – le matériel roulant sera renouvelé – ou de l’infrastructure elle-même, qui est vieillissante, voire parfois vétuste.

Il faut signaler que la France fait partie des pays les plus sécurisés, avec une infrastructure ferroviaire les plus sûres d’Europe. Pour autant, j’ai demandé au mois de mars dernier à l’établissement public de sécurité ferroviaire de bien vouloir me rendre un rapport – je ne savais pas que l’actualité nous amènerait à nous entretenir du sujet – pour faire un point précis sur les problèmes de sécurité et d’organisation qui se posent.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Ce rapport me sera remis à l’automne, et nous pourrons alors prendre les mesures nécessaires pour répondre aux enjeux qui, indépendamment de nos convictions, concernent notre territoire et nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Le Président de la République, lors de son entretien télévisé du 14 juillet dernier, a appelé les Français à l’optimisme et à la confiance. « La reprise économique est là », nous a-t-il dit. Vous avez repris cette affirmation à votre compte, monsieur le ministre. Aussi aimerions-nous en savoir plus.

Tous les voyants économiques sont au rouge. La France est entrée depuis plus d’un trimestre en récession, nos exportations s’effondrent et la pression fiscale sur les ménages a brisé l’élan de la consommation. Toutes les familles sont touchées par le chômage. Tous nos concitoyens ont désormais un proche qui se retrouve sans travail ; le chômage représente maintenant près de 11 % de la population active.

Monsieur le ministre, le rythme de dégradation de notre tissu économique s’accélère : on ne compte plus le nombre d’entreprises qui connaissent des problèmes importants de trésorerie et qui ne parviennent plus à trouver des financements, pas plus qu’on ne compte le nombre d’entreprises liquidées. Chaque usine qui ferme, chaque commerce qui dépose le bilan signe l’échec de la politique économique et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui n’aura séduit que 6 000 entreprises sur 2 millions.

Il n’y aura pas non plus de surprise venue de l’extérieur. La demande mondiale adressée à la France ne cesse de se contracter du fait des difficultés économiques des pays émergents comme de nos voisins européens, qui sont nos premiers partenaires commerciaux. Nous sommes seuls face à nous-mêmes et face à notre incapacité à oser les véritables réformes économiques et sociales.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous expliquer en quoi la reprise est de retour ? Comment espérez-vous faire croire que votre politique économique est efficace ? Comment pouvez-vous faire croire à nos concitoyens qu’une croissance économique quasiment nulle pourrait créer assez d’emplois pour répondre au drame social qui se joue aujourd’hui dans tous les foyers de notre pays ?

Monsieur le ministre, sur quels instruments comptez-vous pour répondre aux angoisses et à la défiance légitime des Françaises et des Français à l’égard de votre politique ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, mais je trouve toujours contestable que l’opposition se saisisse des problèmes des Français pour tenter de mettre en difficulté le Gouvernement.

Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Si nous nous sommes attelés avec autant de force au redressement de nos finances publiques et de notre économie, c’est parce que vous nous avez laissé une situation extraordinairement dégradée

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… avec un déficit public de 5, 5 % et un endettement qui s’est accru de 600 milliards d’euros en cinq ans.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Vous avez parlé du commerce extérieur de la France. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, notre pays enregistrait un déficit de 70 milliards d’euros, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… alors que les Allemands réalisaient un excédent de 160 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Quand le gouvernement de Lionel Jospin auquel j’appartenais a cessé ses fonctions, notre commerce extérieur était excédentaire

Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… et je ne veux pas renvoyer les uns ou les autres aux chiffres du chômage.

Franchement, l’opposition devrait faire preuve de décence et de pudeur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Madame la sénatrice, vous m’avez interrogé sur les raisons pour lesquelles le Président de la République s’est exprimé le 14 juillet dernier pour rendre confiance aux Français. Les faits sont simples, et je vous les livre.

La France a connu, il est vrai, deux trimestres de récession, c'est-à-dire deux trimestres consécutifs de croissance négative : le dernier trimestre de 2012 et le premier trimestre de 2013. Mais la France sort de la récession

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… et nous devons tous nous en réjouir. Oui, le deuxième trimestre de 2013 connaîtra une croissance positive de 0, 2 % ! Les signaux positifs sont là !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

ou, ne vous en déplaise, à la consommation des ménages…

Debut de section - PermalienPhoto de Natacha Bouchart

Diminution du pouvoir d’achat et hausse du taux d’imposition !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… ou encore à la demande extérieure qui nous est adressée.

Le Gouvernement a engagé des réformes structurelles, que vous avez toujours négligées

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

: réforme du marché du travail la plus ambitieuse depuis quarante ans – vous ne l’aviez pas faite ! –, réforme en faveur de la compétitivité, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… – vous ne l’aviez pas faite non plus ! D’ailleurs, vous confondez le crédit lui-même avec son préfinancement, qui atteindra cette année, je le dis ici, les 2 milliards d’euros prévus ; l’année prochaine, toutes les entreprises pourront en bénéficier sur simple déclaration.

Cessez donc de décourager les gens ! Regardez, au contraire, ce que nous faisons !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Pour conclure, je reprendrai les propos du Premier ministre : oui, nous avons, ce matin, soutenu le pouvoir d’achat de l’épargne populaire, en donnant un petit coup de pouce au livret A !

Avec Cécile Duflot, nous avons fait encore autre chose : nous avons pris des mesures en faveur du logement social, de la rénovation thermique, des collectivités locales, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… avec une enveloppe de près de 20 milliards d’euros, qui pourra être accessible à un taux d’intérêt de 2, 25 %. Rendez-vous compte !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Mobilisons-nous et cessons de dénigrer notre pays ! Nous avons besoin de tous pour œuvrer en faveur du redressement !

Vifs applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances et concerne l’avenir du Crédit immobilier de France, le CIF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, comme moi, vous êtes attaché…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… au principe de l’accession sociale à la propriété. Avec le CIF, il s’agit de permettre à des ménages modestes de souscrire des crédits immobiliers, alors même qu’ils ne satisfont pas aux exigences qu’imposent les banques commerciales, avec un formatage standard des dossiers.

Je suis attaché à l’accession sociale à la propriété, parce qu’il s’agit d’une démarche de justice vis-à-vis de ce public solvable, indûment exclu du marché. J’y suis attaché, parce que le logement des ménages modestes ne peut passer uniquement par le logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’y suis attaché, parce que, en tant qu’écologiste, je crois à la responsabilité et à l’autonomie de l’individu, qui aura autant que possible à cœur d’entretenir et de valoriser son logement, ce que la location permet plus difficilement.

Le Crédit immobilier de France a su développer en la matière une expertise patente, fondée sur un accompagnement étroit des clients et un appareillage assurantiel sophistiqué, qui aboutit à un taux de sinistralité équivalent à celui des grandes banques commerciales.

À la suite de la crise de liquidités qu’a connue le CIF, la Banque postale n’a repris qu’une partie de ses activités : un seul produit, le PAS, le prêt d’accession sociale, est distribué, mais sans l’accompagnement personnalisé qui faisait la spécificité du CIF. Pourtant, une solution existe pour préserver cette compétence : la mise en place d’une banque relais. J’insiste sur un point technique : il s’agit non pas d’une alternative à la résolution ordonnée et à la gestion extinctive du CIF, mais d’une simple transition qui serait certainement, sous certaines conditions, acceptée par Bruxelles.

Monsieur le ministre, afin de sauvegarder la compétence du CIF en matière d’accession sociale à la propriété, avez-vous l’intention d’intervenir auprès de la Commission européenne pour défendre cette entreprise française, en présentant un plan de résolution qui intègre une banque relais ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le sénateur, nous avons eu l’occasion de nous entretenir à plusieurs reprises du CIF. Je connais votre attachement à cette entreprise et à ses salariés. Vous le savez, la situation qu’elle connaît actuellement me préoccupe, et je travaille beaucoup sur ce dossier depuis que je suis en fonctions.

Quelle est la situation ? Nous avons trouvé le CIF dans une situation très dégradée, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. … et le précédent gouvernement n’avait engagé aucune mesure efficace pour y remédier.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Dès le mois de septembre dernier, j’ai examiné avec les services de mon ministère toutes les solutions possibles. Nous avons évidemment cherché un repreneur. La solution d’une banque relais a, elle aussi, été évoquée et examinée. Or nous avons malheureusement dû constater que cette solution n’était pas viable financièrement et que, l’eût-elle été, elle aurait risqué d’apparaître comme une aide de l’État totalement incompatible avec le droit de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, en conformité avec les règles européennes, un plan de résolution ordonnée prévoyant la mise en extinction du CIF, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… exception faite, bien entendu, des activités viables ; celles-ci sont susceptibles d’intéresser un repreneur, à qui elles seront cédées dans des conditions que la Commission européenne pourra approuver.

Restent deux préoccupations centrales, qui, croyez-le bien, ne quittent pas mon esprit.

La première concerne les foyers modestes à la recherche d’un crédit que seul le CIF pouvait jusqu’ici leur offrir. Nous avons travaillé avec la Banque postale, qui, après avoir repris l’activité dite PAS, l’a fait monter en puissance rapidement : de fait, à la fin du premier semestre de cette année, une offre de prêt de 600 millions d’euros a déjà été mise en place, ce qui représente une part de marché de 7, 7 %. Nous veillerons au respect de l’objectif d’une production de PAS de 1 milliard d’euros, soit autant que le CIF en 2011, d’ici à la fin de l’année 2013.

Ma seconde préoccupation est le reclassement des salariés du CIF. Je suis soucieux de rencontrer, lors de chacun de mes déplacements, ces personnels souvent jeunes, proches du public, dont je connais la très grande qualité et le dévouement. Nous nous efforçons d’assurer leur reclassement.

Il ne se passe pas une réunion avec la Fédération des banques françaises sans que j’insiste sur cette question. Il se trouve que, demain, cette fédération sera reçue par le Président de la République. Je ne doute pas un seul instant que le sort des salariés du CIF sera abordé.

L’activité et les salariés : tels sont nos deux sujets de préoccupation, contrairement à la droite et au précédent gouvernement qui avaient complètement délaissé le CIF, au point, hélas ! de provoquer un sinistre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, dans la nuit du 13 au 14 juillet dernier, la ville de Bonneval, dont je suis le maire, a été le théâtre de dégradations et d’affrontements entre les forces de l’ordre et une bande composée d’une trentaine d’individus, mineurs et majeurs.

Fortement alcoolisés, ceux-ci s’en sont pris à une vitrine, puis à des volets d’habitation. Les gendarmes en patrouille ont tenté de s’interposer et de rétablir le calme ; sortis de leur voiture, ils ont été roués de coups. Résultat : trois gendarmes blessés et des dégradations sérieuses dans ma ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Il faut ajouter qu’un gendarme interpellant un mineur se voit le plus souvent taxé de brutalité ou de maltraitance par les parents dudit mineur.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Monsieur le ministre, cette situation est proprement inadmissible : s’attaquer aux forces de l’ordre, c’est le début de l’anarchie !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Pour reprendre l’expression célèbre du général de Gaulle, c’est la chienlit !

En effet, qu’attendre d’une nation dont certains ressortissants brûlent le drapeau français, sifflent notre hymne national et sifflent le Président de la République, et cela en toute impunité ? Sans parler de l’attitude des gens du voyage !

Murmures sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

M. Joël Billard. Peut-être serait-il bon, dans un premier temps, que les parents des mineurs en cause soient sanctionnés, par exemple par la suspension provisoire des allocations familiales, qui doivent servir à élever les enfants et non à les mettre dans la rue !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

J’ai pris un arrêté municipal pour interdire la circulation des mineurs non accompagnés sur l’ensemble du territoire de la commune à partir de vingt-deux heures, mais les services de l’État m’ont demandé de le modifier pour y apporter de la souplesse. Cette attitude est incomprise et rejetée par la population et par les élus.

Pour conclure, je tiens à saluer l’action courageuse des forces de l’ordre, ainsi que celle, désintéressée, des 500 000 bénévoles que sont les élus de la République. Devant des situations aussi intolérables, ceux-ci attendent de votre part, monsieur le ministre, un message de soutien et de fermeté !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Manuel Valls, qui est en Lituanie pour participer à un conseil Justice et affaires intérieures.

Vous avez rappelé que, le 14 juillet dernier, trois gendarmes ont été agressés dans votre commune au cours d’une patrouille de sécurisation ; ils ont été victimes de quelques jeunes, pour la plupart en état d’ébriété.

Avant tout, je tiens à remercier et à féliciter l’ensemble des policiers, des gendarmes et des pompiers, qui, pendant le week-end très chargé du 14 juillet, ont permis qu’un peu partout en France les festivités se déroulent dans les meilleures conditions.

S’agissant de l’incident qui s’est produit dans votre commune, vous le savez, trois personnes ont été interpellées et doivent être jugées cet après-midi au tribunal de Chartres en comparution immédiate.

Pour le reste de votre question, je tiens à réaffirmer que le droit à la sécurité est promu et défendu par l’ensemble du Gouvernement

M. Joël Billard se montre dubitatif.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Quand je regarde votre département d’Eure-et-Loir, je vois que les résultats sont plutôt encourageants. Je note, par exemple, que les atteintes volontaires à l’intégrité physique, c’est-à-dire les violences aux personnes, ont baissé de 10 % au premier semestre de 2013, même si l’on doit encore faire mieux pour prévenir les violences au sein des familles ; les cambriolages, après avoir connu une forte augmentation en 2012, sont aujourd’hui quasiment maîtrisés. D’autres chiffres viennent confirmer cette tendance.

S’agissant de l’arrêté de couvre-feu que vous avez voulu prendre, je vous rappelle que, si l’action des élus en matière de lutte contre l’insécurité est importante, elle doit quand même s’inscrire dans le cadre des lois. De ce point de vue, il est naturel que les préfets exercent un contrôle de légalité quand les mesures prises entrent en contradiction avec la décision du législateur.

M. Joël Billard le conteste.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Quant à la question des parents et de leur responsabilité pour les agissements de leurs enfants, je vous rappelle que nous prônons une responsabilité individuelle, et non collective.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger, à titre personnel et au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi de programmation militaire adopté hier en conseil de défense et qui, après son examen par le Conseil d’État, sera adopté par le Conseil des ministres le 2 août prochain.

Comment faire en sorte que le projet de loi de programmation militaire s’inscrive dans la suite d’opérations réussies que vous avez menées à bien : le retrait d’Afghanistan, l’opération Serval au Mali et l’élaboration, certes compliquée, du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ? Votre projet correspond-il aux paramètres parlementaires, militaires et industriels d’une loi de programmation militaire vertueuse ?

Pour le Parlement, en particulier pour le Sénat, la programmation doit pouvoir être contrôlée tout au long de son exécution – vous savez combien les sénateurs, de tous bords, seront vigilants à cet égard.

Pour les armées, votre projet de loi de programmation militaire satisfait-il pleinement les contrats opérationnels inscrits dans le Livre blanc ? Est-il soutenable financièrement ? De ce point de vue, la question des recettes exceptionnelles est naturellement posée : quelles dispositions en garantiront-elles la pérennité ?

Au Sénat, nous sommes collectivement très attachés à la réaffirmation de l’objectif de 2 % du PIB – norme OTAN –, dès que la situation économique le permettra. En cas de retour à meilleure fortune, une accélération de la réalisation des programmes d’équipement de nos forces est-elle prévue ?

Enfin, le projet de loi de programmation militaire devra préserver l’activité opérationnelle des unités. Monsieur le ministre, qu’avez-vous prévu à cet égard ?

Du point de vue des industriels – j’en vois ici –, une loi de programmation militaire vertueuse maintient l’effort de recherche ; elle fixe des objectifs et un calendrier précis en matière d’équipements, avec des financements sécurisés ; elle préserve la base industrielle et technologique de la défense. À chacun de ces paramètres correspond un risque.

Pour conclure, je tiens à insister sur un sujet de préoccupation majeur : les ressources humaines.

Les déflations à opérer sont très importantes : 10 000 postes au titre de la précédente loi de programmation militaire et 24 000 au titre de la nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous sommes devant un obstacle important : comment accompagner cette déflation, tout en préservant les capacités opérationnelles et en respectant les personnels et les territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, la qualité de votre action et votre comportement à l’égard du Sénat vous ont acquis notre soutien actif. Je souhaite que cela dure !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Monsieur Carrère, le projet de loi de programmation militaire sera examiné lors du dernier Conseil des ministres avant les vacances. Ainsi, nous aurons tout à fait respecté le calendrier que je vous ai présenté à plusieurs reprises.

Ce projet de loi de programmation militaire sera dans la droite ligne du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a fait l’objet au Sénat d’une déclaration du Premier ministre suivie d’un débat.

Une fois n’est pas coutume dans ce domaine, c’est au Sénat que le débat parlementaire commencera, dès la rentrée.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Monsieur Carrère, j’ai beaucoup apprécié le travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Mon propos concerne tous ses membres, sur quelque travée qu’ils siègent.

Vous avez publié de nombreuses recommandations. Je suis convaincu que vous vous retrouverez dans les inflexions significatives que marquera le projet de loi de programmation militaire. Je pense en particulier à la cyberdéfense, domaine dans lequel nos lacunes majeures doivent être réparées, et au renseignement. À cet égard, le projet de loi de programmation militaire reprendra une bonne partie des conclusions de votre commission en ce qui concerne les drones. Je pense aussi aux forces spéciales et à l’acquisition d’avions ravitailleurs, ainsi qu’au renforcement nécessaire de la sécurité maritime.

Le projet de loi de programmation militaire étant actuellement soumis au Conseil d’État et n’ayant pas encore été approuvé par le Conseil des ministres, je ne vais pas vous le présenter en détail. Je puis toutefois vous assurer que l’ensemble de ces inflexions y figureront.

Par ailleurs, puisque vous êtes attachés à l’instauration d’une clause de revoyure, sachez qu’un réexamen de la situation sera prévu à la fin de l’année 2015.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Souhaitons que, à ce moment-là, les conditions économiques seront meilleures qu’aujourd’hui.

En outre, j’ai décidé de sanctuariser, au sein des crédits budgétaires qui me seront affectés, une enveloppe significative pour l’innovation et la recherche : son montant restera le même que cette année au cours des trois prochaines années.

Enfin, je n’ai aucune raison de revenir sur les déclarations par lesquelles le Président de la République, et le Premier ministre ici même lors du débat sur le Livre blanc, ont affirmé leur volonté de garantir au ministère de la défense, pour les trois prochaines années, une dotation budgétaire significative, au même niveau qu’en 2013, et d’assurer la sécurité des ressources exceptionnelles.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

La réunion qui s’est tenue avant-hier avec les associations d’élus, à laquelle M. le Premier ministre a fait allusion il y a quelques instants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge. … a été présentée comme l’illustration du pacte de confiance et de responsabilité voulu par le Président de la République. Seulement, pour que la confiance existe, il faut respecter sa parole et ne pas changer de discours en fonction des circonstances !

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Pour notre part, nous sommes de ceux qui ont toujours pensé que les collectivités territoriales ne pouvaient pas s’exonérer de l’effort de maîtrise de la dépense publique. Lorsqu’un autre gouvernement a envisagé de diminuer les dotations aux collectivités territoriales de 200 millions d’euros, toutes les grandes associations d’élus n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer un « hold-up ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Or voilà que l’État annonce aujourd’hui, par la voix de ceux-là même qui, hier, étaient les plus véhéments, une diminution des dotations de 1, 5 milliard d’euros, sans que ces responsables ne trouvent rien à y redire !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Il y a quelques semaines, le Président de la République déclarait que la hausse des impôts était terminée. Le 14 juillet, il annonçait qu’il ferait tout pour l’éviter, mais qu’on ne pouvait rien exclure.

M. le ministre de l’économie a indiqué il y a peu de temps qu’il faudrait sans doute augmenter les impôts. M. le Premier ministre, prenant connaissance, le 27 juin dernier, d’un rapport de la Cour des comptes sur la dérive du déficit budgétaire, a déclaré ceci : « Je pense que pour 2013, malheureusement, du fait de l’absence de croissance, ce que dit la Cour est vrai ; mais on verra à la fin de l’année. » Qui croire ? C’est bien un problème de confiance !

Pour que la responsabilité existe, il faut assumer ses décisions et leurs conséquences. Or je n’ai pas le sentiment que ce soit le cas lorsque le Gouvernement renvoie aux collectivités territoriales la facture du RSA, de la formation professionnelle et des rythmes scolaires.

Le comble, c’est de présenter comme un effort de l’État la possibilité que vous donnez aux départements de déplafonner le taux des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Vous ne leur donnez rien, vous les incitez à augmenter la fiscalité locale pour financer vos décisions. Mais le malheur veut qu’il n’y ait point deux contribuables, l’un national et l’autre local. Je n’ai pas vu dans les décisions d’avant-hier la volonté de maîtriser la dépense publique, mais tout au plus celle de vous défausser.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, j’ai donc deux questions à vous poser : premièrement, oui ou non faut-il s’attendre à une nouvelle hausse de la fiscalité ?

Oui ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Ne nous dites pas que vous ne savez pas, car cela accréditerait la thèse d’un pilotage à vue. Deuxièmement, oui ou non allez-vous enfin vous attaquer à la réduction des dépenses publiques ?

Non ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

N’invoquez pas l’héritage, parce que vous donneriez le sentiment que vous êtes impuissant et que vous ne croyez pas au changement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce ne sera pas dur de faire aussi bien que vous…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous remercie infiniment de cette question, qui me donne l’occasion de vous rappeler un certain nombre d’éléments qui ont dû vous échapper.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Vous avez parlé de la dépense publique. Vous en avez parlé de façon tellement savante qu’il n’a pas dû échapper à votre sagacité qu’elle avait augmenté de 170 milliards d'euros entre 2007 et 2012. Il n’a pas non plus échappé à votre sagacité que, entre 2007 et 2012, le déficit public a augmenté de 2 %.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il n’a pas non plus échappé à votre sagacité que, entre 2007 et 2012, le déficit des comptes sociaux s’est creusé de manière abyssale.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

J’imagine également que vous êtes tout à fait conscient que la compétitivité de notre économie s’est à ce point dégradée que le déficit du commerce extérieur, alors que nous vous l’avions laissé à zéro en 2002, s’élève aujourd'hui à 65 milliards d'euros, contre un excédent de 150 milliards d'euros en Allemagne.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand on a un tel palmarès, on peut, comme vous l’avez fait, donner des leçons tranquillement à ceux qui héritent d’une situation extrêmement difficile et qui s’emploient à la corriger.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je voudrais maintenant parler plus particulièrement des collectivités territoriales, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… parce que nous n’aurions pas besoin de les mettre à contribution si vous n’aviez pas laissé une telle situation.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sans doute vous souvient-il, monsieur le sénateur, que, pendant la dernière campagne électorale, celui qui était en charge de l’élaboration du programme de votre formation politique avait proposé que l’on prélevât 10 milliards d'euros sur les collectivités territoriales. À l’époque, vous applaudissiez. Quand vous proposez de prélever 10 milliards d'euros, c’est le paradis, mais quand nous prélevons 1, 5 milliard d'euros pour faire face à la situation que vous nous avez laissée, c’est l’enfer !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Enfin, je vais détailler la situation catégorie de collectivité territoriale par catégorie de collectivité territoriale, afin que vous puissiez quitter cet hémicycle en étant totalement tranquillisé sur les décisions que nous avons prises et les conséquences qu’elles auront.

En ce qui concerne les départements, si vous n’aviez pas créé les conditions d’un effet de ciseaux dramatique, si les départements n’étaient pas confrontés aujourd'hui à l’obligation de financer des dépenses exceptionnelles, des dépenses contraintes, qui s’appellent le RSA, la PCH et l’APA, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … avec des ressources que vous avez constamment diminuées au cours des dernières années

Mme Isabelle Debré proteste.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

De Maine-et-Loire !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

… qui était présent à la réunion d’hier : il a remercié le Gouvernement du travail qu’il avait accompli et indiqué que, si ce travail avait été fait au cours des dix dernières années, il aurait eu le plaisir de féliciter le gouvernement qu’il soutenait. Mais vous ne lui avez pas donné ce plaisir, parce que vous avez laissé la situation des départements se dégrader. Pour notre part, nous apportons une compensation de 800 millions d'euros aux départements et nous leur offrons la possibilité de relever le taux des DMTO afin de faire face à leurs charges !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

En ce qui concerne les régions, nous leur offrons un panier de ressources dynamiques qui leur permettra de jouer leur rôle de leader en matière de développement économique.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez creusé les déficits ! Nous nous employons à redresser la situation de la France et nous accompagnons les collectivités locales dans leur développement.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

Depuis l’été dernier, le Gouvernement est mobilisé sur un front stratégique, au cœur des engagements pris par le Président de la République : le logement. Les objectifs, ambitieux – construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux –, sont également nécessaires au regard des besoins de la population, du niveau de rétention foncière et des difficultés du secteur du bâtiment.

En annonçant à la mi-juin une réforme de la fiscalité des plus-values réalisées à l’occasion de cessions immobilières, le Président de la République a confirmé son complet engagement pour la réussite du « choc d’offres » dont le secteur a besoin.

Les mesures initiées par la droite ont contribué à accroître la rétention des biens, en encourageant fiscalement les propriétaires à garder leurs terrains le plus longtemps possible. Ce système a été désastreux pour le marché de l’immobilier. Tous les professionnels du secteur le savent : pour lutter contre les comportements de rétention, il faut au contraire encourager les propriétaires à vendre dans un délai court. Sur le logement, les abattements seront donc allégés et les durées raccourcies.

Par ailleurs, la crise du secteur demandant des mesures rapides, une mesure d’abattement exceptionnel sur les cessions a été annoncée pour 2014. La fluidification du marché est aujourd’hui une urgence nationale, et cette mesure va dans le bon sens.

À quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur cette réforme, notamment sur son calendrier d’application.

Je vous remercie également de la réponse que vous m’apporterez dans les semaines qui viennent concernant le problème spécifique de l’assujettissement aux prélèvements sociaux des plus-values réalisées lors de cessions immobilières et des loyers perçus par les non-résidents. Cette réforme, qui date de juillet 2012, a en effet suscité une polémique, qu’il me semble important de clore rapidement, chez les Français de l’étranger.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Madame la sénatrice, à travers votre question, vous m’invitez à faire un point sur la réforme des plus-values immobilières dans laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous nous engagions afin de favoriser la construction de logements, de fluidifier le marché et de faire en sorte que ceux qui souhaitent accéder à la propriété ou ont vocation à être locataires d’un logement puissent y parvenir dans des conditions financières qui n’obèrent pas leur pouvoir d'achat.

Nous avons donc décidé, comme vous l’avez signalé à l’instant, de modifier le régime applicable aux plus-values immobilières. Il faut rappeler – vous l’avez d'ailleurs fait dans votre question – que ce régime a été modifié en 2011.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

La période d’exonération totale pour les plus-values immobilières était de quinze ans ; elle est passée à trente ans. Le régime d’abattement mis en place était d’autant plus favorable que la durée de détention était longue, ce qui incitait les propriétaires d’immeubles à les garder longtemps, alors que nous avons au contraire besoin de rotation, d’un marché fluide qui permette d’engager des travaux et d’accompagner le secteur du bâtiment, qui est confronté à une crise extrêmement importante, dans son redressement.

C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un nouveau régime de plus-values immobilières, que je vais décrire en quelques mots. Désormais, c’est au bout de vingt-deux ans, et non plus de trente ans, que vous serez totalement exonérés de l’impôt sur le revenu pour les plus-values que vous aurez réalisées. Au bout de trente ans, vous serez exonérés non seulement de l’impôt sur le revenu, mais également des contributions sociales, notamment la CSG, avec un dispositif d’abattement beaucoup plus linéaire et dégressif qui facilitera les cessions.

Par ailleurs, pour réaliser un véritable « choc d’offres » – vous avez vous-même employé cette expression –, il a été décidé de mettre en place, entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, un abattement exceptionnel de 25 %, qui favorisera les transactions, les travaux et les ventes, afin d’atteindre l’objectif de développement de l’activité dans le secteur du bâtiment et d’améliorer l’accès au logement.

J’ajoute que la décision a été prise de mettre fin aux abattements pour détention de propriété foncière, de manière à favoriser la vente de terrains et donc à augmenter la construction de logements neufs dans les mois qui viennent.

Voilà le programme global que nous proposons. Il sera engagé dans les prochaines semaines par des instructions, puis l’ensemble des dispositions seront reprises dans le projet de loi de finances. Il s'agit de lutter contre la crise en accompagnant la croissance, notamment dans le secteur du bâtiment, dont on sait le rôle moteur qu’il joue dans l’économie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 13 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le bilan de la mise en œuvre des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes et des protocoles départementaux.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois ainsi qu’à la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, pour des questions liées à l’emploi du temps de Mme la garde des sceaux, je sollicite l’examen par priorité du titre III avant l’article 10 et, au sein du titre III, de l’article 15 avant l’article 12. J’espère que nous pourrons concilier cette demande avec les impératifs qui s’imposent à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement sait gré au président de la commission des lois de permettre cette réorganisation de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La priorité est de droit.

Nous poursuivons la discussion des articles.

Chapitre IV

Autres dispositions renforçant l’efficacité des moyens de lutte contre la délinquance économique et financière

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 52, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre IV de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. … - Par dérogation aux articles 25 et 27, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public et ayant pour objet la lutte contre la fraude aux finances publiques relèvent de l’article 26. Pour ces traitements, le délai prévu au I de l’article 28 est réduit à un mois et n’est pas renouvelable. Ces traitements sont dispensés de la publication de l’acte réglementaire les autorisant. Le sens de l’avis émis par la commission sur ces traitements est publié. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement vise à améliorer l’efficacité de la lutte contre les grandes fraudes fiscales.

De manière générale, les traitements automatisés de données sont aujourd’hui devenus indispensables pour endiguer le phénomène des fraudes fiscales, qui atteint une ampleur très importante : 60 milliards à 80 milliards d’euros par an selon les estimations produites récemment par les organisations syndicales de l’administration fiscale.

Si l’on y ajoute le montant des cotisations sociales fraudées, situé par la délégation nationale à la lutte contre la fraude dans une fourchette allant de 15, 5 milliards à 18, 7 milliards d’euros annuels, le montant des fraudes aux finances publiques se rapproche de la barre symbolique des 100 milliards d’euros par an.

Lutter contre ces phénomènes prédateurs nécessite bien évidemment l’utilisation des moyens les plus modernes, dans les délais de mise en œuvre les plus brefs. L’exemple de la création en catastrophe du fichier EVAFISC pour régulariser a posteriori le travail de l’administration fiscale au regard de la loi informatique et libertés est éloquent.

Cet amendement simplifie et rend donc plus rapide la possibilité pour les administrations d’utiliser les nouveaux outils informatiques de lutte contre la fraude, en accélérant leur mise en œuvre, tout en maintenant le regard de la CNIL sur les opérations menées afin que cette dernière joue son rôle de garde-fou.

Il importe, à notre sens, que les libertés individuelles soient préservées, autant que l’intérêt général, lequel nous recommande de lutter avec vigueur et obstination contre la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Le vote de cet amendement bouleverserait les libertés publiques, puisqu’il s’agit ici de soumettre les fichiers relatifs aux fraudes fiscales au même traitement que celui qui s’applique aux fichiers liés au renseignement ou à la sécurité nationale. Il nous semble que le principe de proportionnalité n’est pas respecté.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Nous avons le même avis que la commission des lois sur cet amendement. Si cette disposition devait prospérer et être inscrite, à un moment ou à un autre, dans notre ordre juridique, ce ne pourrait être qu’au terme d’une discussion approfondie avec la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, car la question du respect des libertés publiques se pose, comme l’a excellemment dit Mme Klès.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Il est bien évident, dans l’esprit des auteurs de cet amendement, que le regard de la CNIL est fondamental, monsieur le ministre.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 241-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’infraction définie au 4° est punie de sept ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende lorsqu’elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger. » ;

2° L’article L. 242-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’infraction définie au 3° est punie de sept ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende lorsqu’elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger. » –

Adopté.

(Supprimé)

(Non modifié)

Après le 5° du I de l’article 28-1 du code de procédure pénale, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Les délits d’association de malfaiteurs prévus à l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5° et 6° à 8° du présent I ; » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 54, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 80 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« I. – Le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du procureur de la République.

« Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée.

« Lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d’instruction et qu’ils présentent un lien de connexité avec les faits dont il est saisi au sens de l’article 203, le juge d’instruction, après avoir sollicité les réquisitions du procureur de la République de son tribunal, peut rendre une ordonnance constatant l’extension de sa saisine. Il donne avis de cette ordonnance aux parties ainsi qu’au procureur de la République de son tribunal et, le cas échéant, à celui du lieu de commission des faits nouveaux.

« Lorsque le juge d’instruction décide de ne pas étendre sa saisine en application de l’alinéa précédent ou que les faits ne présentent pas de lien de connexité avec sa saisine, il doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui constatent les faits non visés au réquisitoire. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d’instruction, par réquisitoire supplétif, qu’il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l’ouverture d’une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d’un classement sans suite ou de procéder à l’une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République requiert l’ouverture d’une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d’instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 83.

« En cas de plainte avec constitution de partie civile, il est procédé comme il est dit à l’article 86. Toutefois, lorsque de nouveaux faits sont dénoncés au juge d’instruction par la partie civile en cours d’information, il est fait application des dispositions des deux alinéas qui précèdent. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Afin de faciliter le travail des juges d’instruction dans les affaires de délinquance financière et d’en finir avec le soupçon d’entrave aux investigations ayant régulièrement frappé le ministère public depuis de nombreuses années, cet amendement vise à aménager le mode d’extension de la saisine in rem du juge d’instruction lorsque des infractions nouvelles apparaissent dans le cours d’un dossier.

À l’heure actuelle, en cas de découverte de faits nouveaux au sens du code de procédure pénale, le juge d’instruction ne peut pas enquêter et il doit solliciter un réquisitoire supplétif du procureur de la République, qui a le choix soit de saisir le juge de ces faits, soit de garder l’enquête sous son propre contrôle ou de saisir un autre juge. C’est ce que les juristes appellent couramment le « saucissonnage » des procédures en vue de l’enterrement d’affaires.

Afin de simplifier et d’accélérer les informations judiciaires sur ces dossiers sensibles d’infractions financières et de corruption, cet amendement tend à prévoir que, lorsque les nouvelles infractions découvertes par le juge d’instruction sont connexes, au sens du code de procédure pénale, c’est ce même juge qui peut prendre la décision d’étendre sa saisine, après avoir pris l’avis du procureur de la République, mais sans pouvoir être bloqué par ce dernier.

Le juge reste bien entendu libre de ne pas étendre sa saisine s’il l’estime inopportun. Dans ce cas, ou si les faits nouveaux ne présentent pas de lien de connexité, la procédure actuelle continuera à s’appliquer.

Cette modification du code de procédure pénale permettra, de notre point de vue, de renforcer significativement et concrètement l’indépendance des enquêtes judiciaires par rapport au pouvoir exécutif, en écartant toute possibilité institutionnelle de blocage du déroulement de ces enquêtes conduites par les juges d’instruction principalement financiers et anti-corruption.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Notre collègue Foucaud est quelque peu révolutionnaire avec cet amendement, mais nous ne pouvons pas aller aussi loin !

Mon cher collègue, nous comprenons l’esprit de votre amendement, qui vise une logique de rapidité et d’efficacité. Toutefois, on ne pourra sans doute pas le cantonner uniquement à ce champ-là. Par ailleurs, vous contrariez l’un des grands fondements de notre procédure pénale, qui distingue l’autorité qui poursuit, celle qui instruit et celle qui juge.

Votre amendement est véritablement en contradiction avec ce principe fondamental. Aussi, je ne peux que lui donner un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, j’entends votre préoccupation, mais, comme vient de le dire M. le rapporteur, c’est un vrai bouleversement que vous nous proposez.

Tout d’abord, je pense que de telles dispositions relèveraient soit d’une loi organique, soit même, peut-être, d’une réforme constitutionnelle, car elles tendent à imposer un changement réellement profond au regard du principe de séparation des autorités de poursuite, de l’instruction et du jugement, qui est prévu dans notre procédure pénale.

Cette règle est tout simplement la réplique du principe de la séparation des pouvoirs. Pour les libertés individuelles, il vaut mieux que ces différentes phases de la procédure pénale soient séparées. En passant outre le principe de séparation dans les fonctions judiciaires, vous portez réellement atteinte aux conditions d’une justice impartiale pour les justiciables.

De plus, objectivement, face à cette transformation du juge d’instruction en autorité de poursuite, la Cour européenne des droits de l’homme serait fondée à s’appuyer sur l’arrêt Medevdyev pour mettre en cause notre juge d’instruction en tant qu’institution.

Pour ces raisons de fond, et même si j’entends votre préoccupation, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous affirmez entendre notre préoccupation – M. le rapporteur dit même que nous pourrions nous engager dans cette voie, mais pas uniquement dans ce champ-là. Je comprends bien votre argumentation, mais pourquoi ne commencerions-nous pas à travailler sur ce sujet, pour faire évoluer les choses ? Vous le savez, nous avons besoin d’un grand bouleversement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est extraordinaire : on est tenté de bouleverser toute la procédure pénale au détour d’un amendement ! En effet, cette disposition s’appliquera non seulement aux affaires de corruption, mais également à toutes les affaires pénales.

Vous le savez, un certain nombre de juges d’instruction ont eu des problèmes parce qu’ils avaient outrepassé leurs droits. Ils ont été lourdement sanctionnés par la Cour de cassation.

Par ailleurs, je vous rappelle les débats qui ont eu lieu il n’y a pas si longtemps sur les juges d’instruction, lorsque l’on a pu douter de leur impartialité. Si on leur donne le pouvoir d’étendre librement leurs investigations dans tous les domaines, on donnera corps aux critiques que je viens d’évoquer.

Monsieur Foucaud, je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous avez écrit dans votre amendement. En tout cas, je suis épaté que l’on puisse proposer des choses aussi énormes sous le prétexte de lutter contre la corruption ou je ne sais quoi. Sachez que votre proposition s’appliquera à tout le champ de la procédure pénale !

Monsieur Foucaud, vous devriez bien réfléchir à l’opportunité de maintenir votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur Foucaud, l'amendement n° 54 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si c’est là votre conception de la justice, c’est très intéressant !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Laissez-moi terminer, monsieur Hyest ! Je n’ai pas dit que je ne retirais pas l’amendement. J’ai compris le sens de ce que m’ont expliqué tant M. le rapporteur que Mme la garde des sceaux, mais j’ai aussi retenu que tous deux m’ont dit que l’amendement avait du sens sur le fond.

Monsieur Hyest, ce qui est scandaleux, c’est surtout la fraude ! Il faut tenter de l’enrayer.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la garde des sceaux, je souhaite que nous puissions travailler dans cet esprit, que vous avez vous-même évoqué, tout comme M. le rapporteur.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente, mais ce n’est pas à cause de M. Hyest !

Sourires.

(Non modifié)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 230-20, après les mots : « police judiciaire », sont insérés les mots : « ainsi que le service national de douane judiciaire » ;

2° Au 1° de l’article 230-25, les mots : « de police judiciaire » sont supprimés. –

Adopté.

Au troisième alinéa de l’article 180-1 du code de procédure pénale, les mots : « le prévenu est de plein droit renvoyé devant le tribunal correctionnel » sont remplacés par les mots : « l’ordonnance de renvoi est caduque, sauf la possibilité pour le procureur de la République, dans un délai de quinze jours, d’assigner le prévenu devant le tribunal correctionnel ». –

Adopté.

L’article 569 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa du I est remplacée par la phrase suivante :

« I. – Les paquets et cartouches et tous conditionnements de cigarettes et des tabacs manufacturés sont, lors de leur production, importation, introduction, exportation, expédition ou commercialisation, revêtus d’une marque d’identification unique, sécurisée et indélébile, qui permet de garantir leur authentification et leur traçabilité ainsi que d’accéder à des informations relatives aux mouvements de ces cigarettes et de ces tabacs manufacturés de manière à assurer leur interfaçage avec les numérotations logistiques dont les conditionnements extérieurs sont revêtus. »

2° Le second alinéa du I est ainsi rédigé :

« La réalisation de la marque d’identification, la mise en œuvre du système d’authentification et de traçabilité et le traitement informatisé des informations mentionnées au premier alinéa relèvent de la responsabilité de l’État qui ne peut en déléguer la mission qu’à un prestataire qualifié et indépendant des personnes se livrant aux activités de production, d’importation, introduction, exportation, expédition ou commercialisation de cigarettes et de tabacs manufacturés.»

3° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Toute personne se livrant à l’une des activités mentionnées au I est tenue de permettre à l’État ou à son délégataire l’accès aux sites et aux informations liées aux produits ainsi que de s’assurer de la fiabilité des informations afin d’établir le lien entre le produit revêtu de la marque d’identification et lesdites informations. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mon intervention, qui sera très brève, portera sur la recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution de cette disposition, introduite par la commission des lois. Selon moi, elle est irrecevable, et je vous remercie de bien vouloir confirmer mon appréciation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants, afin de permettre à la commission des finances de se prononcer.

La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La séance est reprise.

La parole est à M. François Trucy.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Cet article, inséré par la commission des lois, relève effectivement de l’article 40 de la Constitution, dans la mesure où il accroît les charges de l’État à hauteur d’à peu près 80 millions d’euros.

Il est donc irrecevable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le respect de l’article 40 de la Constitution impose que l’irrecevabilité financière puisse être soulevée à tout moment, à l’encontre non seulement des amendements, mais également des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies.

L’article 9 septies B est déclaré irrecevable par la commission des finances. En conséquence, il ne peut être discuté, et l’amendement n° 122 rectifié n’a plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle que l’amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Milon, Bas, Béchu et Bizet, Mme Bruguière, MM. Cardoux, Cornu et Cointat, Mme Deroche, MM. Doligé, Gilles et Grignon, Mlle Joissains, MM. Laménie, Longuet, Pointereau et Revet et Mme Sittler, était ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Même si cet article ne peut être discuté, je voudrais indiquer aux sénatrices et sénateurs préoccupés par la traçabilité des cigarettes que nous sommes, bien entendu, habités par la même préoccupation qu’eux.

D’ailleurs, des directives actuellement en cours de négociation au sein de l’Union européenne ont pour objet de mettre en place ces dispositions sur l’ensemble du marché intérieur européen, donc également dans notre pays. Je me propose de vous rendre compte, à mesure que les négociations progressent, des conditions dans lesquelles nous nous rapprochons du résultat que les auteurs de cet amendement se proposaient d’atteindre plus rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je trouve étrange que la commission des finances ait pu déclarer ces dispositions irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. En effet, s’il est vrai que leur application pourrait induire des charges pour l’État, elle créerait certainement des recettes bien supérieures !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je me permets d’insister parce que j’interviens au nom de deux autres de nos collègues, dont Jean-Jacques Mirassou, qui souhaitaient prendre la parole sur ce sujet et sont restés à cet effet en séance pendant toute la matinée. Je me réjouis donc des propos tenus par M. le ministre, car ils vont combler l’attente de ces collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Alain Milon avait déposé cet amendement, que j’avais cosigné avec seize de nos collègues. L’application de l’article 40 de la Constitution ne retire rien au fait que nous sommes tout à fait d’accord pour que soient mises en œuvre les dispositions nécessaires à la lutte contre les trafics et la contrebande, ainsi qu’à l’établissement d’une traçabilité.

Tel était le sens de notre amendement de suppression. En effet, l’article 9 septies B n’était pas complet et risquait, en l’état, de créer des disparités de traitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 57, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 9 septies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un état de la mise en œuvre des conventions de coopération judiciaire signées par la France est publié chaque année, en annexe de la loi de finances.

Cette annexe fait figurer l’ensemble des informations mentionnées ci-dessus pour les recours suivants : le nombre de commissions rogatoires internationales envoyées par les magistrats français, le type de contentieux en cause et le nombre, le délai et la précision des réponses obtenues, de la part de chaque État ou territoire sollicité, ce afin d’actualiser annuellement la liste nationale des territoires non coopératifs.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

TITRE I ER TER

PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La France est liée par un réseau de conventions en matière de coopération judiciaire, de même qu’en matière de coopération fiscale.

La coopération judiciaire, à en croire les magistrats, demeure lente et difficile avec certains pays qui ne répondent pas ou ne répondent que partiellement ou tardivement à la commission rogatoire internationale. Cette lenteur de la coopération judiciaire est extrêmement préjudiciable à l’établissement de la vérité et au rendu des jugements dans les affaires de délinquance économique et financière, qui ont souvent une dimension internationale. Ce problème a déjà été dénoncé par plusieurs parlementaires européens, notamment en 1996, dans ce que l’on a appelé « l’appel de Genève ».

En matière fiscale, la coopération internationale a commencé à progresser, non seulement grâce à la signature de nombreuses conventions d’échange de renseignements par la France, mais aussi grâce au contrôle de l’effectivité de cet échange d’informations effectué par les parlementaires.

En particulier, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 visait à obliger le Gouvernement à rendre compte, chaque année, lors de la discussion du projet de loi de finances, de l’état de la coopération fiscale. Cette mesure a permis aux parlementaires de prendre connaissance du nombre de demandes de renseignements en matière de fraude fiscale adressées à la Suisse ou au Liechtenstein, ainsi que du nombre et de la qualité des réponses reçues. Les informations ainsi collectées constituent aussi un critère important pour actualiser la liste française des États et territoires non coopératifs.

Avec cet amendement, nous vous proposons d’adopter une mesure similaire applicable à la coopération judiciaire, afin de permettre aux parlementaires d’en mesurer les avancées et les limites et d’en tenir compte, au même titre que des informations relatives à la coopération fiscale, à l’heure où la France révise sa propre liste des États et territoires non coopératifs. Il s’agirait, en quelque sorte, de garantir un véritable parallélisme des formes entre la coopération fiscale et la coopération judiciaire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, en l’état, la Chancellerie ne dispose pas des informations que vous demandez au travers de cet amendement, pour la simple raison que toutes les demandes de commissions rogatoires internationales ne transitent pas par le bureau de l’entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.

Néanmoins, il est important, pour nous aussi, de pouvoir mesurer la densité et le volume de ces demandes de coopération en matière pénale, ainsi que de connaître les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, notamment du fait de la diversité des systèmes juridiques et, parfois, de la non-correspondance des procédures entre elles.

Vous savez également que l’Union européenne, notamment depuis le programme de Stockholm, organise de plus en plus un espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans celui-ci, les échanges se font de plus en plus d’autorité judiciaire à autorité judiciaire. Pour cette raison, une part importante des demandes de coopération pénale ne transite pas par le bureau de l’entraide internationale.

Cet élément n’en demeure pas moins important, pour informer la représentation nationale, mais aussi pour saisir l’évolution de nos coopérations avec les pays de l’Union européenne et avec les autres pays du monde.

Le Sénat a adopté définitivement, il y a quelques jours, le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous avons procédé à la réécriture de l’article 30 du code de procédure pénale. Le garde des sceaux est désormais tenu de présenter à la représentation nationale un rapport annuel, où pourront figurer les informations que vous demandez, car elles sont à la fois significatives et signifiantes, au-delà de leur contenu brut.

Pour établir ce rapport, nous allons faire remonter des parquets généraux les informations relatives aux demandes de commissions rogatoires émises aussi bien par le ministère public que par les magistrats instructeurs. Compte tenu de cette obligation inscrite à l’article 30 du code de procédure pénale, je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.

Quoi qu’il en soit, compte tenu de ce que je viens de vous dire, je n’ai pas de raison de m’opposer à cette demande d’information émanant de la représentation nationale. Si vous considérez que le rapport annuel prévu par l’article 30 du code de procédure pénale ne suffit pas – tel est pourtant le cas, à mon avis – je m’en remettrai à la sagesse du Sénat. En tout état de cause, nous vous rendrons compte de ces éléments une fois par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur Foucaud, l’amendement n° 57 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je tiens à remercier Mme la garde des sceaux de ses propos et à lui réitérer très sincèrement ma confiance, mais nous préférons nous en tenir à l’avis favorable émis par la commission.

Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 septies B.

L’amendement n° 64, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 9 septies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les IV et V de l’article 66 de la loi n° 2012–1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 sont ainsi rédigés :

« IV. ― Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des aides publiques, sous toutes leurs formes, destinées aux entreprises. Présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre, ce comité est composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour moitié de représentants des administrations compétentes. Avant le dépôt du projet de loi de finances de l’année au Parlement, il établit un rapport public exposant l’état des évaluations réalisées.

« Le rapport peut contenir des recommandations à prolonger ou interrompre tel ou tel dispositif d’aide, selon la qualité de l’évaluation réalisée.

« En cas de manquement évident aux conditions d’utilisation de l’aide publique, il peut recommander aux administrations compétentes, d’exercer leur droit de reprise et, le cas échéant, de solliciter le remboursement des sommes indûment perçues.

« Un comité de suivi régional, composé sur le modèle du comité mentionné au premier alinéa du présent IV, est chargé de la même compétence et des mêmes fonctions dans chacune des régions.

« Les membres du comité national et des comités régionaux exercent leurs fonctions à titre gratuit.

« V. - Le comité national de suivi, ou l’un des comités régionaux de suivi, peut être saisi par les instances représentatives du personnel d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, une organisation syndicale représentative de branche ou la représentation territoriale d’une telle organisation représentative au niveau national, un élu titulaire d’un mandat local ou d’un mandat parlementaire, de toute demande visant à contrôler l’utilisation des aides publiques aux entreprises, sous toutes forme et nature.

« Dans ce cas, le comité national, ou le comité régional saisi, produit un rapport sur la situation ainsi portée à sa connaissance.

« Ce rapport est porté à la connaissance du demandeur. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

TITRE I ER TER

PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 65.

Dans le rapport de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, rendu en 2012, la proposition n° 8 était de « renforcer les prérogatives des institutions représentatives du personnel en matière de prévention de la fraude et de l’évasion fiscale ».

Tels sont les principes que nous défendons au travers des amendements n° 64 et 65, afin de contribuer à la prévention de la fraude fiscale et au repérage, en amont, de schémas d’optimisation fiscale des entreprises parfois aux limites de l’illégalité, voire carrément illégaux.

Ces préoccupations sont tout à fait essentielles : ce serait une lapalissade de rappeler que la fiscalité qui fait le plus l’objet de fraude est celle qui frappe les entreprises, qu’il s’agisse de la taxe sur la valeur ajoutée ou de l’impôt sur les sociétés. De même, lorsque des redressements sont effectués au titre de l’impôt sur le revenu, ils concernent souvent en priorité des revenus d’activités non salariées. Cette remarque vaut également en matière de droits d’enregistrement, où il semble que la fraude touche notamment les cessions de fonds de commerce ou de clientèle.

En plus d’être l’objet d’une fraude massive, la fiscalité des entreprises semble l’unique objet du ressentiment des créateurs de dépenses fiscales. Il serait fastidieux de citer toutes les niches fiscales créées au nom de l’emploi, de l’investissement, de la bonne santé financière des entreprises, du développement général de l’économie et de je ne sais quoi encore. Nous avons multiplié les niches fiscales incitatives, les exonérations temporaires, les modalités spécifiques et dérogatoires de fixation de l’impôt. Le processus est le même pour les cotisations sociales, les impositions locales, et j’en passe !

Le rapport Queyranne identifie 110 milliards d’euros d’aides publiques de l’État ou des collectivités territoriales.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires repère 106 milliards d’euros de niches fiscales et sociales accordées aux entreprises, en général différentes de celles qui figurent dans le rapport Queyranne.

Dans le fascicule du projet de loi de finances consacré à l’évaluation des voies et moyens, ces sommes sont partagées entre 30 milliards d’euros de niches fiscales et 70 milliards d’euros de modalités spécifiques de calcul de l’impôt, ces chiffres ne concernant que les dispositifs dont le chiffrage est possible.

Au fil du temps, ces dispositifs ont constitué un véritable labyrinthe au cœur du code général des impôts qu’empruntent parfois les conseillers en optimisation fiscale. Ils concernent plus de 200 milliards d’euros selon toute vraisemblance, c’est-à-dire plus de dix points de PIB ou plus deux fois le déficit des comptes publics. Ces sommes sont ainsi laissées à disposition, selon des modalités de répartition relativement aveugles, notamment dans le cas des exonérations sociales, et le contrôle de leur utilisation reste très hypothétique.

À dire vrai, si l’on en croit la presse, l’administration fiscale semble bien en peine de contrôler l’un des derniers outils de dépense fiscale apparu dans notre pays, à savoir le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE. Voté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, le CICE devrait atteindre, en vitesse de croisière, un coût annuel situé entre 20 milliards d’euros et 30 milliards d’euros, et il est évident que son utilisation doit être contrôlée.

L’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012 a mis en place un comité de suivi du CICE, aréopage de personnalités éminentes et qualifiées, habilitées à examiner l’usage qui sera fait des aides accordées au titre du crédit d’impôt.

L’amendement n° 65 vise à étendre cette bonne idée aux comités d’entreprise, pour leur permettre d’examiner l’ensemble des flux financiers publics qui sont destinés à l’entreprise et qui peuvent constituer une part non négligeable de ses créances exigibles ou de ses disponibilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 65, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 9 septies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° La troisième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 2323-7-1 est supprimée ;

2° Le 6° de l’article L. 2323-7-2 est ainsi rédigé :

« 6° Flux financiers à destination de l’entreprise, notamment aides publiques directes, allègements de cotisations sociales, remboursements et crédits d’impôts et de taxes ; ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

TITRE I ER TER

PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 64 et 65 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

En ce qui concerne l’amendement n° 64, l’idée de créer un comité de suivi auprès du Premier ministre n’est pas mauvaise, même si la priorité est désormais donnée à la simplification administrative. Je vois malgré tout un obstacle : il n’appartient pas à la loi d’enjoindre au Premier ministre de créer un tel comité, car il peut le faire de lui-même.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 65 vise, entre autres, à supprimer les dispositions prévoyant une contribution du comité d’entreprises au financement de l’expert-comptable chargé de l’aider à examiner les orientations stratégiques de l’entreprise. En effet, il me semble que les dispositions que cet amendement tend à insérer dans ce projet de loi ne présentent pas un lien suffisamment étroit avec celui-ci. Au sens du droit constitutionnel, il s’agirait d’un cavalier législatif.

La commission a donc émis également un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Monsieur le sénateur, nous comprenons parfaitement votre volonté de procéder à un examen précis et constant des conditions dans lesquelles des dispositifs sont mobilisés en faveur des entreprises au titre des dépenses fiscales ou des niches sociales et fiscales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Jean-Jack Queyranne, l’inspecteur général des finances Philippe Jurgensen et un chef d’entreprise se sont vus confier la mission, que vous avez d’ailleurs évoquée, d’examiner la totalité des aides aux entreprises et de proposer des réformes concernant l’attribution de ces aides.

Vous avez remarqué que, sur les quelque 110 milliards d’euros d’aides aux entreprises alloués annuellement, il a été décidé de proposer des redéploiements et d’éviter les doublons, ce qui permettrait de réaliser une économie comprise entre deux milliards d’euros et trois milliards d’euros.

Par ailleurs, vous proposez de mettre en place une structure permanente auprès du Premier ministre pour assurer en continu ce travail de veille. Or le Comité interministériel de modernisation de l’action publique, le CIMAP, qui a pris lui-même l’initiative de demander cette mission d’évaluation des aides aux entreprises, a vocation à mettre en œuvre les préconisations des missions lorsqu’elles sont parvenues au terme de leurs travaux et à assurer leur suivi.

Il existe donc bien une structure placée auprès du Premier ministre qui veille en permanence au suivi des actions engagées au titre de la modernisation de l’action publique, dont les modalités d’aides aux entreprises sont les éléments les plus importants. Ce suivi a fait l’objet d’une communication, hier, lors de la réunion du CIMAP.

Compte tenu de ces éléments nouveaux, qui n’existaient pas avant la mise en œuvre de la modernisation de l’action publique, votre amendement me paraît donc satisfait.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 65, je me rallie aux réserves exprimées à l’instant par M. le rapporteur. Pour les raisons qu’il vient d’évoquer, je vous propose, monsieur le sénateur, de bien vouloir le retirer. Sinon, je serais contraint d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur Foucaud, les amendements n° 64 et 65 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

On me concède, je l’ai entendu dans la réponse qui m’a été apportée, que mon idée est bonne. Nous proposons non un ajout, mais une simple extension des compétences du comité de suivi.

Cette proposition est conforme à notre vision de ce que doit être la gestion de l’entreprise aujourd’hui. En effet, même s’il y a, comme je l’ai indiqué dans mon propos, des personnalités qualifiées pour discuter de la gestion, il existe aussi d’autres instances qui, au sein même de l’entreprise, ont leur importance dans la gestion. C’est le cas, par exemple, des comités d’entreprise. Tel était le sens de l’ajout qui est proposé au travers de cet amendement et qui relève d’une autre forme de gestion de l’entreprise.

Je maintiens donc mes amendements, madame la présidente.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

I. – Après l’article L. 1132-3-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1132 -3 -3. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, auprès des autorités judiciaires ou administratives, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

« En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

II. – Après l’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 6 ter A ainsi rédigé :

« Art. 6 ter A. – Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, auprès des autorités judiciaires ou administratives, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

« En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

« Le présent article est applicable aux agents non titulaires de droit public. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 150, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - L’intitulé du titre VI du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi rédigé :

« Corruption et fraude fiscale ».

II. - Au premier alinéa de l’article L. 1161-1 du code du travail, après le mot : « corruption », sont insérés les mots : « ou de faits relatifs à un délit mentionné à l’article 1741 du code général des impôts ».

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement, qui tend à modifier le texte adopté à l’Assemblée nationale, a pour objet le statut des lanceurs d’alerte, qu’ils viennent du secteur privé ou du secteur public.

Le Gouvernement partage évidemment le souci de permettre, dans l’intérêt général, la dénonciation de faits de fraude fiscale. Il se préoccupe aussi de veiller à la protection des personnes qui effectuent cette alerte, afin de les protéger des sanctions et discriminations.

Nous avons deux problèmes à régler par rapport à la rédaction actuelle du texte : tout d’abord, nous devons fixer le statut des lanceurs d’alerte dans le secteur public ; ensuite, nous devons créer un statut cohérent pour les personnes qui travaillent dans le secteur privé, c'est-à-dire qui sont soumises au droit du travail.

Actuellement, il existe déjà dans le code du travail un dispositif similaire pour les lanceurs d’alerte, qui concerne la dénonciation de faits de corruption. Nous souhaitons que les dispositions relatives à l’alerte en cas de fraude fiscale viennent compléter celles qui concernent la corruption.

Dans un souci de cohérence, nous souhaitons que toutes les alertes, quel que soit leur objet – environnement, santé, corruption, fraude fiscale – soient déclinées selon un même schéma.

La rédaction que propose le Gouvernement vise, d’abord, à bien identifier les personnes auxquelles la dénonciation doit être adressée. Elle tend, ensuite, à assurer le renversement de la preuve pour protéger les lanceurs d’alerte qui, de bonne foi, signalent ces faits de fraude fiscale. Nous proposons que cette rédaction spécifique soit insérée dans le code du travail.

Reste la question des agents de la fonction publique. La rédaction issue de l’Assemblée nationale a actuellement des conséquences imprévisibles sur les sanctions disciplinaires, sur les nominations, sur l’avancement. On me signale également des effets non maîtrisés sur les modulations indemnitaires.

De plus, au moment où le débat se déroulait à l’Assemblée nationale, les organisations syndicales avaient fait savoir qu’elles souhaitaient être consultées. C’est la raison pour laquelle la ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, a entrepris avec elles une discussion dans le cadre de la préparation d’un projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui a été présenté au conseil des ministres du 17 juillet dernier.

Le Gouvernement souhaite que l’ensemble des dispositions relatives à la protection des lanceurs d’alerte ayant la qualité d’agent public figurent dans le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, car ce texte fait l’objet d’une négociation avec les organisations syndicales représentatives du secteur public. Dans le cadre du texte que nous examinons aujourd’hui, nous proposons de nous contenter de la réorganisation cohérente du statut de lanceur d’alerte dans le secteur privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Madame la présidente, vous avez devant vous un rapporteur embarrassé ! En effet, le texte de l’Assemblée nationale, comme Mme la garde des sceaux vient de le rappeler, est extrêmement large.

J’oserai dire, au nom de la commission, qui a évoqué le sujet, que ce texte est trop large. Il couvre, en effet, un champ qui va de la contravention aux crimes, en passant par les délits. Et il est trop large puisque la protection s’étend à toute personne qui porte connaissance de l’une de ces infractions non seulement à une autorité judiciaire ou administrative, mais également à un média – le texte de l’Assemblée nationale l’autorise – ou même à une entreprise concurrente.

La commission a repris la rédaction de cet article pour limiter le champ de ces dispositions aux seuls délits et crimes, à l’exclusion des contraventions. Dans la nouvelle rédaction, le signalement ne peut être effectué qu’auprès d’une autorité judiciaire, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, ou bien auprès d’une autorité administrative, mais pas au-delà.

M. Jean-Jacques Hyest approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Or l’amendement que vous nous proposez, madame la garde des sceaux, est encore plus restrictif, puisque son champ d’application se limite au code du travail, donc aux seuls salariés des entreprises privées. Vous souhaitez en exclure la fonction publique, parce qu’un projet de loi est en cours de gestation dans ce secteur. Vous avancez un autre argument auquel je suis, pour ma part, sensible ; je veux parler de la nécessité d’une concertation avec les personnels de la fonction publique, laquelle n’a pas encore eu lieu.

Il est exclu de retenir le texte de l’Assemblée nationale, ce qui ne nous laisse plus le choix qu’entre la rédaction de la commission et l’amendement défendu par Mme la garde des sceaux.

Ce qui me gêne quelque peu dans votre proposition, madame la garde des sceaux, c’est que, du coup, on ne traitera plus que le secteur relevant du code du travail. Or nous souhaitions, pour notre part, dresser un panorama offrant une vision globale du secteur privé comme de la fonction publique, laquelle tombe déjà sous le coup de l’article 40 du code de procédure pénale. Puisque cet article existe, il ne me paraissait ni idiot ni incohérent de prévoir des mécanismes de protection pour ses utilisateurs.

Pour être cohérent avec moi-même, j’ai envie de m’en rapporter purement et simplement à l’avis de la commission et, dans ce cas, j’émets forcément un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je soutiens l’avis de la commission, qui est défavorable à cet amendement.

Je voudrais souligner que le vocabulaire a fait des progrès. On parle de « lanceurs d’alerte ». En fait, ce sont des délateurs ! Et dans le langage courant, on utilise des termes encore pires.

La rédaction issue de l’Assemblée nationale tendait à étendre la protection. Le statut de lanceur d’alerte aurait vocation à s’appliquer à tout crime, à tout délit, ainsi qu’à toute contravention. On sait ce que sont les sociétés de délation, madame la garde des sceaux ! C’est un sujet auquel vous devez être sensible, du moins l’avez-vous toujours dit. Donc, non, non et non à cette rédaction. Limitons le champ de ces dispositions aux seuls crimes et délits, comme l’a fait la commission des lois, et tenons-nous en à la rédaction que celle-ci a adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je voulais, pour ma part, apporter mon soutien à l’amendement que Mme la garde des sceaux nous soumet. Nous sommes, en effet, dans une société où, pour reprendre un terme qui était à la mode il y a quelques mois, l’ « indignation » tend à traverser les esprits de grand nombre de nos jeunes.

Nous avons vu les meilleurs des élèves de l’École polytechnique et d’autres grandes écoles françaises faire l’objet de plus en plus de sollicitations lors des grandes années de la finance spéculative, celles qui ont vu nombre de nos jeunes ingénieurs de haut niveau rejoindre Londres pour y pratiquer la spéculation.

On a vu également un certain nombre de ces jeunes utilisés dans différentes fonctions d’« optimisation ». Les jeunes juristes de haut niveau ont été recrutés à prix d’or par les entreprises pour aider à faire ce qu’on appelle de l’« optimisation », une tâche qui consiste, en réalité, à aider à la fraude.

Je pourrais citer d’autres exemples de tous ces jeunes de grand talent qui ont été utilisés ces dernières années par notre société pour des missions peu avouables, peu recommandables, ou du moins dont la finalité et l’utilité générale et sociale peuvent susciter quelques doutes.

Dans ces conditions, le fait que beaucoup de jeunes, aujourd'hui, s’indignent et dénoncent tant de dysfonctionnements dans notre société doit être salué. Cela montre, s’il en était besoin, à quel point se sont produites des déviations inacceptables. J’y vois, pour ma part, un fait majeur de ce début du XXIe siècle.

Faut-il laisser sans protection ces jeunes donneurs d’alerte qui, aujourd'hui, s’indignent et remettent en cause ce qui leur est demandé ? On a vu récemment certains grands cerveaux utilisés à des fins d’espionnage dire qu’ils n’en peuvent plus et qu’ils refusent de supporter cela plus longtemps. Ils sont rejoints, par exemple, par ceux qui ont remis des fichiers et qui refusent, à leur tour, de supporter cette situation plus longtemps.

Je crois, madame la garde des sceaux, que le Gouvernement a raison de s’inquiéter du devenir de ces donneurs d’alerte, aujourd'hui, dans notre société. Il a raison de se préoccuper de leur devenir dans les entreprises qui les emploient et dans toutes les organisations sociales où ils sont appelés à intervenir. Je tenais à vous le dire, je trouve extrêmement courageux de vouloir se préoccuper de cette situation, face à la dérive tout à fait inacceptable que l’on a pu noter ces dernières années.

Mes chers collègues, dans le prolongement du livre à succès Indignez-vous !, indignons-nous et reconnaissons que ces donneurs d’alerte ont aujourd'hui un rôle social majeur. Et aidons à ce que notre société puisse accepter l’idée qu’ils ont aujourd'hui une action tout à fait bénéfique pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations futures.

C'est la raison pour laquelle il me semble opportun de soutenir cet amendement n° 150.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 9

Après l’article 40-4 du code de procédure pénale, il est inséré un article 40-5 ainsi rédigé :

« Art. 40-5. – La personne qui a signalé un délit ou un crime commis dans son entreprise ou dans son administration est mise en relation, à sa demande, avec le service central de prévention de la corruption lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous en venons à la discussion de l’article 15, appelé par priorité.

TITRE III (priorité)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Chapitre Ier

Dispositions modifiant le livre IV du code de procédure pénale

Après le chapitre Ier du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la présente loi, il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Des compétences particulières du tribunal de grande instance de Paris et du procureur de la République financier

« Art. 705. – Le procureur de la République financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :

« 1° Délits prévus aux articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 2° bis Délits prévus aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal, lorsqu’ils portent sur la taxe sur la valeur ajoutée, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 3° Délits prévus aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;

« 4° Délits prévus aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues à ces mêmes articles résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.

« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République financier et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.

« Au sein du tribunal de grande instance de Paris, le premier président, après avis du président du tribunal de grande instance donné après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, désigne un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’instruction et, s’il s’agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d’application du présent article.

« Au sein de la cour d’appel de Paris, le premier président, après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, et le procureur général désignent respectivement des magistrats du siège et du parquet général, chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application du présent article ».

« Art. 705 -1. – §(Non modifié) Le procureur de la République financier et les juridictions d’instruction et de jugement de Paris ont seuls compétence pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier. Cette compétence s’étend aux infractions connexes.

« Le procureur de la République financier et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.

« Art. 705 -2. – Le procureur général près la cour d’appel de Paris ou le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions visées à l’article 705, requérir le juge d’instruction initialement saisi de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.

« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu à l’article 705-3 ; lorsqu’un recours est exercé en application de ce même article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République territorialement compétent adresse le dossier de la procédure au procureur de la République financier.

« Art. 705 -3. – L’ordonnance rendue en application de l’article 705-2 peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du procureur général près la cour d’appel de Paris, du procureur de la République ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. Le procureur général près la cour d’appel de Paris ou le procureur de la République peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 705-2.

« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction et du ministère public et notifié aux parties.

« Art. 705 -4. – Le procureur général près la cour d’appel de Paris anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux, la conduite de la politique d’action publique pour l’application de l’article 705. En cas de conflit positif ou négatif de compétence entre le parquet financier et un autre parquet, il lui appartient de mettre fin au conflit en concertation avec le procureur général concerné. En cas de désaccord, le procureur général près la cour d’appel de Paris désigne le parquet compétent. Il est rendu compte des cas de conflits et de leur règlement dans le rapport annuel du parquet général de Paris. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la garde des sceaux, devant le refus de certains de nos collègues de donner à la justice tous les moyens de lutter contre la délinquance économique et financière, je crains que la mesure phare des textes qui nous sont présentés, à savoir la création d’un procureur financier à compétence nationale, ne reste lettre morte.

En effet, après la suppression de la disposition introduite par la commission visant à supprimer partiellement ce que l’on appelle « le verrou de Bercy », l’action du procureur chargé de mettre en mouvement l’action publique reste donc sous la tutelle de l’administration fiscale.

Nous pensons que tout cela est bien regrettable, car la crédibilité de ce procureur financier serait étroitement conditionnée par l’assurance de sa totale indépendance pour la poursuite de délits.

La suppression de ce verrou avait une vertu, et non des moindres, celle d’instaurer une complémentarité d’expertise et de moyens entre l’administration fiscale et la justice. Vous lui avez préféré la subordination de la justice. Or à quoi bon créer un super-procureur doté de superpouvoirs si sa cape, si j’ose dire, reste rangée dans un placard de Bercy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la ministre, vous avez proposé un certain nombre de dispositions, une nouvelle organisation judiciaire, avec pour objectif de lutter efficacement contre la grande délinquance financière. Pour autant, je constate, au travers des amendements déposés sur le présent article, que le soutien de nombre de nos collègues vous fera défaut.

Il est apparemment des grandes luttes qui ne passionnent pas certains élus... La droite au pouvoir a montré qu’elle savait faire preuve d’inertie lorsqu’il s’agissait de lutter contre la délinquance en col blanc. Agitant le chiffon de la petite délinquance et de l’insécurité prétendument liée à l’immigration, elle a su détourner l’attention pour laisser libre cours aux agissements de ceux qui détournent des milliards chaque année.

La lutte contre les atteintes aux objectifs constitutionnels de justice fiscale nécessite de rétablir le rôle central de la justice pénale. Elle implique une indépendance totale de cette justice à l’égard du pouvoir exécutif, en termes tant de nomination que d’action substantielle. C’est la raison pour laquelle nous étions favorables à la suppression du verrou de Bercy.

Je tenais à verser ces éléments au débat avant que nous n’examinions les amendements déposés sur cet article 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame la garde des sceaux, l’instauration de ce procureur de la République financier pose de très nombreuses questions, auxquelles vous n’avez pas apporté de réponses lors de vos différentes interventions.

Premièrement, comment sera nommé ce procureur qui devra traiter des affaires les plus sensibles, politico-financières et internationales ?

La réforme du CSM n’a pas été adoptée. J’avais proposé dans un amendement que ce procureur financier soit nommé après avis conforme et rendu public du CSM, parmi trois propositions du garde des sceaux. Cet amendement a été repoussé, étant d’ordre constitutionnel, mais je souhaite que vous vous engagiez à mettre en place cette procédure de nomination.

Deuxièmement, comment ce procureur de la République financier sera-t-il saisi ? Pourra-t-il être saisi d’affaires qui font encore l’objet d’une enquête préliminaire ? Pour les affaires déjà instruites, en effet, il existe une procédure devant la Cour de cassation.

Comment empêcher le procureur de la République d’un important tribunal doté d’un pôle financier de se saisir de ces affaires et d’ouvrir immédiatement une information ? §Rien n’est prévu dans le texte ! De ce point de vue aussi, le flou est total.

Par ailleurs, le procureur de la République financier se trouvera-t-il, ou non, sous l’autorité du procureur de la République de Paris ? Tout cela me paraît très vague, totalement incertain et bizarrement construit.

Troisièmement, pourquoi ne pas renforcer les pôles financiers interrégionaux existants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il est vrai que ces pôles ont été quelque peu dépouillés au cours des années précédentes et qu’il conviendrait de renforcer leurs effectifs, composés d’agents de l’administration fiscale et des douanes, d’experts-comptables et d’un corps de police spécialisé, entre autres. Pourquoi ne pas s’en tenir là et ne pas décider que le pôle financier de Paris sera compétent pour les affaires susceptibles d’avoir des répercussions internationales ?

Quatrièmement, combien ce dispositif va-t-il coûter ? Bien entendu, le procureur de la République financier ne sera pas un homme seul ; il sera à la tête d’un nouveau pôle. Où sera-t-il installé ? Qui aura-t-il autour de lui ? Quelques substituts, on peut le penser, quelques greffiers, des personnels des douanes, des impôts, des experts-comptables, des spécialistes de la fraude ? Un corps de policiers, à l’instar de celui de la rue du château-des-rentiers, sera-t-il rattaché à ce pôle ? Quel est le coût de cette opération ? Est-il prévu dans votre budget pour 2014 ?

Tant que nous n’aurons pas obtenu de réponses précises et satisfaisantes à toutes ces questions, je serai très réticent quant à cette création aventureuse d’un procureur financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. François Mitterrand disait : « Les institutions de la Ve République ont été dangereuses avant moi, elles le redeviendront après moi. »

Marques d’ironie sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elles sont donc dangereuses aujourd’hui, avec M. Hollande !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Comme je vous citais cette phrase en commission, madame la garde des sceaux, vous m’avez répondu que la réforme du CSM serait adoptée. Bien que nous n’ayons pas ménagé nos efforts, elle ne l’a pas été. Aujourd’hui, tant la procédure de nomination que l’assurance de nominations conformes ne confèrent pas les garanties législatives et constitutionnelles d’une indépendance totale de la justice.

Dans un certain nombre de pays, l’administration fiscale est un outil de contrôle politique. Il est donc indispensable, si l’on veut renforcer les dispositions administratives et créer un procureur financier spécifique, de s’assurer d’une indépendance totale de la justice. Pour le moment, tel n’est pas tout à fait le cas.

Vous nous garantissez absolument, madame la garde des sceaux, que vous accepterez de prononcer des nominations conformes aux propositions du CSM. Je vous en donne acte. Toutefois, en l’absence de garanties législatives et constitutionnelles auxquelles seront tenus, sur le plan institutionnel, l’ensemble de vos successeurs, comment s’assurer qu’il n’y aura pas de dérives ? Ne met-on pas la charrue avant les bœufs ?

Je me prononcerai volontiers pour la création de ce procureur financier, mais je souhaite auparavant obtenir du Gouvernement la garantie absolue qu’il consacrera tous ses efforts à faire aboutir, le plus rapide possible, de la réforme du CSM et, pour ce faire, à rechercher un compromis avec le Parlement.

À défaut, je crains que l’on ne valide trop vite l’instauration de ce procureur financier, eu égard aux garanties constitutionnelles et législatives d’indépendance de la justice qui sont absolument indispensables pour qu’un pays démocratique puisse se doter de ce type d’outils.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaite ajouter quelques brèves observations aux diverses prises de position que nous venons d’entendre.

Je relèverai en particulier certains termes employés par Mme Assassi, qui a exprimé sa préférence et son choix pour ce qui concerne la philosophie de ce texte. Je respecte tout à fait sa pensée. J’ajouterai simplement que l’on peut avoir une position différente sur ce texte pour des motifs d’intérêt général et avec la volonté de réprimer efficacement la fraude fiscale.

Par ailleurs, et cela me résonnait aux oreilles en écoutant mon collègue et ami Jean-Yves Leconte, l’indépendance absolue du parquet est selon moi un non-concept ! En effet, dans notre pays, la justice s’exerce au nom du peuple français, et nous avons toujours eu la volonté, sous toutes les Républiques, de faire en sorte que le « ministère public » – ces mots signifient quelque chose, mon cher collègue ! – agisse au nom de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Sauf à revenir à la conception des parlements d’Ancien Régime, qui a donné les résultats que l’on sait, c’est au pouvoir démocratiquement élu d’énoncer les principes et les choix de politique pénale au nom desquels s’exerce l’action publique.

Il est donc parfaitement cohérent et légitime que le processus de nomination et de poursuite de carrière des membres du ministère public soit distinct, même s’il est assorti de garanties – nous en avons débattu lors du débat sur la réforme constitutionnelle ! –, de celui des juges du siège qui, quant à eux, jugent directement au nom du peuple français et n’ont pas à se soumettre à des directives.

Ajoutons à cela que nous avons parfois, y compris à l’intérieur du même groupe, des approches différentes du résultat à obtenir d’une action politique.

Je trouve ennuyeux que l’on répète à l’envi l’expression « verrou de Bercy », qui vient certainement de quelque part, même si je ne sais pas d’où. Une rumeur contradictoire a en effet été introduite par des manipulateurs d’opinion – cela existe bel et bien ! –, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

... selon laquelle l’action de répression de la fraude fiscale menée par l’administration des finances serait suspecte, insuffisamment efficace, et ne serait pas mue par une volonté assez forte d’aboutir, et selon laquelle le passage par la justice pénale donnerait de meilleurs résultats.

Cette conception participe d’une demande d’affichage, de publicité et de communication qui répond à certains intérêts et à certaines pulsions de la société, mais qui va très fréquemment à l’encontre de l’efficacité de l’action publique. Or nous avons aujourd’hui l’un des systèmes les plus efficaces de répression de la fraude fiscale.

Je partage entièrement le point de vue de Jean-Pierre Michel : l’instauration d’un procureur isolé, non lié à une juridiction spécialisée, n’est pas la meilleure réponse pour améliorer notre système.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J’observe d’ailleurs avec un peu de malignité que le Gouvernement nous a demandé, pas plus tard que la semaine dernière, de ne pas donner de pouvoirs propres au représentant national au sein d’Eurojust, au motif que l’on ne saurait pas comment le faire fonctionner au sein de la hiérarchie judiciaire, parmi les représentants du parquet.

Cette fois-ci, en revanche, le Gouvernement nous propose une solution diamétralement opposée.

Il me semble qu’une démarche efficace consisterait plutôt à concentrer le savoir-faire, la compétence technique et la compétence procédurale au sein de certaines juridictions dotées d’un parquet ayant sa propre spécialité. Je constate avec regret que nous sommes ici dans une forme d’affichage. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L’amendement n° 94 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.

L’amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nos collègues ont presque expliqué l’objet de notre amendement.

Je pense que le procureur de la République financier est un objet judiciaire non identifié. Comment va-t-on l’articuler avec la juridiction interrégionale spécialisée, la JIRS, de Paris, qui va continuer à subsister et qui s’occupe, d’ores et déjà, des affaires complexes ? Celle-ci traite tout de même, nous a-t-on dit, 80 % des affaires !

Ces compétences existent donc bel et bien, même s’il conviendrait de les renforcer. Il arrive d’ailleurs que les autres ministères prêtent leur concours en déléguant leurs techniciens et spécialistes auprès des JIRS.

Il y aura donc des disparités et des conflits de compétences permanents. J’ajoute que le parquet de Paris prend en charge les affaires boursières, qui ont souvent des liens avec des affaires commerciales pouvant avoir des conséquences pénales. Je pourrais ainsi citer des exemples actuels d’affaires pénales liées à un litige commercial entre de grandes sociétés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, mais c’est important !

On a chargé le parquet de Paris de cette tâche. Le procureur de la République financier va-t-il revendiquer, lui aussi, une compétence devant les juridictions commerciales, ou en matière boursière ?

On l’a dit, ce procureur est tout seul, ou alors, il aurait fallu faire le choix d’une juridiction spécialisée. Les juges du tribunal de Paris devront-ils intervenir ?

En fait, cette idée est importée d’Espagne. On le comprend d’ailleurs très bien, puisque, disons-le, la qualité des juges et des procureurs n'y est pas la même qu'en France. On sait parfaitement quels types de pays décident de créer des juridictions spécialisées ! La parfaite honnêteté des magistrats français n’est pas à démontrer. Personne ne nie qu’ils peuvent se tromper, mais jamais on n’a dit que les juges ou les parquetiers français étaient corrompus.

Par conséquent, cette mesure ne sert strictement à rien : elle va créer des conflits de compétences et bouleverser complètement l’équilibre actuel. En outre, les JIRS, qu’elles soient de Paris ou d’ailleurs, pourront se dessaisir de certaines affaires qui ne les intéressent pas. Tout le monde sait que les affaires très complexes ou internationales sont aujourd'hui traitées à Paris.

La JIRS de Paris n’a-t-elle pas bien fait son travail ? Si certaines affaires de fraude fiscale ont pu avancer, c’est précisément grâce au parquet de Paris.

Je vais dire une énormité, mais ce n’est pas grave !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Naguère, un Président de la République a annoncé dans un discours qu’il fallait créer les juridictions de proximité. Nous savions tous que ce n’était pas une bonne solution, car cela créait un échelon supplémentaire ; il valait mieux créer des juges de proximité auprès des juges d’instance, ce qui aurait permis à ces derniers de disposer d’une équipe autour d’eux, une idée qu’ils trouvaient d'ailleurs plutôt intéressante.

Toutefois, le Président de la République avait parlé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Au lieu de lui expliquer que ce n’était pas la bonne solution, tout le monde a donc soutenu cette idée. Évidemment, les juridictions de proximité n’ont pas fonctionné, ce que l’on savait d’avance – c’étaient même les conclusions d’un rapport que la commission des lois avait remis trois mois auparavant !

J’ai l’impression de revivre cet épisode aujourd'hui : on se fait plaisir en créant le procureur financier de la République, mais cela n’améliorera rien.

Au contraire, il faut renforcer les moyens des JIRS, en particulier ceux du parquet de Paris, où les compétences sont grandes. Cela facilitera aussi le travail de la commission des infractions fiscales, car toutes les affaires importantes se situent à Paris, Bobigny et Nanterre, notamment dans le domaine du commerce. Tout dépend de la cour d’appel de Paris, et c’est donc le JIRS de Paris qui sera saisi.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 94 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Je souhaite apporter mon écot et contribuer également à faciliter l’emploi du temps de Mme la garde des sceaux.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je partage très largement les propos de Jean-Pierre Michel, Alain Richard et Jean-Jacques Hyest. Créer le procureur financier de la République, c’est peut-être un bel affichage, mais c’est surtout une fausse bonne idée !

Examinons les faits concrètement.

Premièrement, le procureur financier de la République n’est pas rattaché à une juridiction, ce qui est inédit en France. Après les procureurs près un tribunal, près une cour, près la Cour de cassation, voilà le procureur hors sol !

Deuxièmement, tous nos tribunaux sont organisés selon le principe de la dyarchie : le président et le procureur de la République font, ensemble, fonctionner le tribunal, ce qui est assez compliqué. Avec ce texte, on va créer une sorte de triarchie facultative. Le fait que le procureur financier de la République puisse intervenir dans les affaires de tous les tribunaux posera des problèmes d’organisation judiciaire. Toutefois, ce n’est pas le plus grave…

Troisièmement, Jean-Jacques Hyest l’a très bien expliqué, la création du procureur financier de la République posera un certain nombre de problèmes qui tiennent à sa compétence. Comment sera-t-il déclaré compétent ? Comment aura-t-il connaissance des affaires ? Après le vote du Sénat hier soir, nous savons que, en matière de fraude fiscale, sa compétence ne sera ouverte que si le ministère chargé du budget décide de la lui accorder en le saisissant.

Pour les autres infractions économiques, qui sont soumises aux divers tribunaux et sont très souvent complexes et relèvent à la fois du fiscal, du commercial et du droit des affaires, entre autres, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

... les procureurs sont normalement saisis ; ils accomplissent leur travail et rien ne peut les empêcher d’ouvrir une instruction. Avec ce texte, il faudra donc dessaisir le juge d’instruction localement saisi au profit de celui de Paris, ce qui posera un double problème.

D’un côté, la compétence ne sera pas ouverte, parce que le ministère chargé du budget n’aura pas porté à la connaissance une infraction fiscale. De l’autre, surgiront des conflits de compétences extrêmement importants qu’il faudra trancher. En d’autres termes, il faudra remonter dans la hiérarchie.

Or le procureur général de Paris, qui est chargé de coordonner, n’a aucun pouvoir sur les autres procureurs généraux de France : il occupe le même rang hiérarchique et, de ce fait, ne peut se prévaloir d’aucune prérogative spécifique. On appellera alors la Direction des affaires criminelles et des grâces, la DACG, et le ministère. La compétence du procureur financier de la République dépendra donc du ministre chargé du budget et du garde des sceaux. Ce ne sera donc pas le procureur le plus indépendant au monde, contrairement à ce que l’on nous a affirmé !

De grâce, essayons de faire simple et efficace. Les JIRS font bien leur travail : il faut les renforcer et les laisser faire leur travail. Si vous le souhaitez, madame la garde des sceaux, nous sommes tout à fait d’accord pour que, dans chaque JIRS, soit affecté un procureur adjoint chargé de toutes ces questions financières avec le pôle financier local et, bien sûr, le pôle financier de Paris, qui traite 80 % du contentieux national.

Ce procureur financier sera nommé comme tous les autres procureurs. De ce point de vue, madame la garde des sceaux, nous n’avons pas la moindre critique à émettre sur votre action. Vous vous êtes toujours conformée à l’avis du CSM et vous continuerez à le faire, ce qui est très bien. Je ne doute pas d’ailleurs qu’un jour le Président de la République convoquera le Parlement en Congrès à Versailles pour mettre le droit en accord avec les faits et tiendra compte du vote du Sénat qui permet de le faire quand il le veut. Ce sera l’occasion de réaliser une bonne réforme, pratique pour notre justice.

En résumé, non au procureur financier de la République, parce que c’est un objet juridique non identifié, et oui à des procureurs adjoints auprès de chaque JIRS qui pourraient être chargés plus spécialement de ce contentieux financier.

Pour toutes ces raisons, cet amendement de suppression me paraît parfaitement justifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 115 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je souscris tout à fait aux explications qui viennent d’être données et je rebondirai sur les propos d’Alain Richard, qui a bien cerné le problème : il s’agit d’un affichage médiatique plus que d’une solution juridique.

Du reste, il suffit de lire le rapport de la commission des lois pour avoir la preuve que cet article est, comme l’a souligné Michel Mercier, une « fausse bonne idée », et pour refuser absolument la création du procureur financier de la République.

Nous sommes dans la plus grande confusion, et il ne se dégage aucune vision claire et précise de l’objectif à atteindre, avec les moyens qui vont avec. En effet, nous avons voté hier très clairement le maintien de la commission des infractions fiscales, de ses pouvoirs, ce qui est un choix strictement incompatible avec la création du procureur financier de la République.

Depuis le début de ce débat, madame la garde des sceaux, on a pratiquement passé sous silence ce qui correspondrait à une véritable volonté politique de lutte contre la fraude fiscale et une grande partie de la délinquance financière.

Au cours des dernières années, disons-le, on a assisté à une politique de dépénalisation de ce type d’infraction. S’il risquait d’encourir une peine inférieure à cinq ans de prison ferme, le prévenu pouvait utiliser la composition pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Or la composition pénale, ce ne sont pas des poursuites alternatives, c’est une alternative aux poursuites ! Par conséquent, sur des dossiers importants, avec des risques de cinq ans d’emprisonnement, il peut y avoir simplement une composition pénale, ce qui est en fait une transaction pénale. De cela, on ne parle pas.

Si vous vouliez véritablement lutter contre un certain nombre de ces infractions-là, il fallait changer les dispositions accumulées peu à peu ces dernières années et sortir du champ pénal nombre de ces infractions. Vous ne l’avez pas fait, parce que ce texte a été élaboré très rapidement, pour répondre à une affaire médiatique et en fonction d’un ordre venu d’en haut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le rapport de la commission des lois précise qu’il faut « créer une juridiction à compétence nationale », que « ce nouveau parquet serait autonome ». Le rapporteur y trouve deux avantages principaux : « La garantie d’une autonomie des moyens consacrés à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière ; une meilleure visibilité de la politique de lutte contre la fraude fiscale et la corruption. En particulier, le parquet national financier sera mieux identifié par les autorités judiciaires étrangères. » Si tel est le fondement de ce texte, permettez-moi de dire que c’est un peu léger !

Il est toujours très intéressant de se référer aux rapports établis par la commission saisie au fond. À la page 145, on lit : « Il convient de noter que les compétences ainsi attribuées le sont, comme le précise l’article 15, à la fois au procureur de la République financier, au juge d’instruction et au tribunal correctionnel de Paris. [...] La compétence du nouveau procureur de la République financier s’étend sur des infractions pour lesquelles les JIRS sont, en grande partie, également compétentes. Pour ces infractions, la compétence du procureur de la République financier sera concurrente de celles des JIRS. »

Le procureur de la République financier sera également compétent pour les infractions d’une grande complexité, mais il y aura alors conflit de compétences, pour les infractions ayant une dimension internationale, pour le blanchiment de l’ensemble de ces délits. « Au total, selon l’étude d’impact, environ 100 dossiers seront ainsi probablement transférés au parquet national. »

Je ne parle pas ou peu des infractions boursières, puisqu’il est souligné à la page 147 : « Le projet de loi maintient ainsi la compétence exclusive du TGI de Paris pour l’instruction et le jugement de ces délits, sauf le transfert, du parquet de Paris au procureur de la République financier, de la compétence pour exercer les poursuites. »

Madame la garde des sceaux, il existe déjà beaucoup d’usines à gaz, sur le plan administratif et juridique, qui ne fabriquent pas de gaz !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce système est beaucoup trop complexe, n’apporte aucun plus et résulte, je le répète, d’un message délivré dans l’urgence à l’opinion publique.

M. Thierry Foucaud remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous sommes parvenus à un stade important de ce débat.

Sur cet amendement comme sur les suivants, la commission s'est retrouvée partagée en un nombre égal de voix. Dès lors, elle ne peut qu’émettre un avis de sagesse.

Je voudrais néanmoins, si vous le permettez, mes chers collègues, exprimer deux ou trois idées.

Je précise tout d'abord que la compétence du procureur financier ne se limite pas aux délits de fraude fiscale ; elle s'étend aussi à la grande délinquance financière et économique, à la corruption, aux atteintes à la probité et même aux délits boursiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Toutefois, la question que je pose – je m’adresse à vous de façon solennelle, chers collègues qui hésitez sur cette disposition – est politique : comment pourrons-nous renouer le lien avec un pays qui éprouve une défiance toujours plus grande à l'encontre de ses responsables politiques, qu'ils soient situés à droite, à gauche, au centre ou aux extrémités de l’échiquier, même si la défiance est parfois moins forte à l’égard des extrêmes, malheureusement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Certes, monsieur Mézard, mais, en tant que parlementaires, nous nous devons d'avoir une vision globale de l'action publique. C'est notamment en adressant des signes de ce type que nous pourrons renouer avec cette nécessaire confiance.

J'ai écouté avec attention les propos d’Alain Richard, mais faire de la politique, c'est aussi envoyer des signes. Cela a toujours été le cas. Sans signe, point d'horizon, point de volonté, point de chemin !

Il me semble que la création du procureur financier constituerait un signe fort de notre volonté de lutter contre la grande délinquance économique et financière. Il faut aussi poser la question en ces termes, mes chers collègues, car c’est le fondement même de notre débat.

En proposant de créer le procureur financier, nous avions incontestablement une ambition politique ; il convient ensuite de la décliner très concrètement.

Je reprends les termes du rapport, monsieur Mézard, et Mme la garde des sceaux nous le confirmera tout à l'heure : l'un des avantages du procureur financier sera de garantir qu’un minimum de moyens seront consacrés à la lutte contre la grande délinquance économique et financière. En effet, par définition, les moyens sont toujours fluides, pour ne pas dire instables. Nous devons donc véritablement envisager sa création comme un progrès.

Je soulignerai enfin que le procureur financier sera aussi un interlocuteur, ce qui n'est pas rien. Lorsque l'on demandait à Henry Kissinger : « Et l'Europe ? », il répondait : « Quel numéro de téléphone ? » Nous avons besoin d’une incarnation et, en l’occurrence, tous les acteurs de la justice auront un correspondant, le procureur financier.

Demain, si le parquet européen que nous appelons tous de nos vœux fait son apparition dans le paysage judiciaire, il pourra avoir un interlocuteur français, qui sera forcément le procureur financier. Ni les JIRS, ni les pôles économiques, ni le garde des sceaux ne pourront jouer ce rôle. Je voudrais que nous prenions aussi en compte cette dimension lors des votes que nous allons émettre tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Deux voix ne seront pas de trop pour défendre ce pauvre procureur financier, qui me donne l’impression d’être mort-né !

Comme l’a dit tout à l'heure M. Hyest, il me semble en effet que le procureur financier, à compétence nationale, voire internationale, est une idée à porter.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J'ai bien entendu que le contexte avait changé, mais je ne voudrais pas qu'il ressorte de nos discussions une volonté de mettre en concurrence l’efficacité respective de l'administration fiscale et de la justice. Le but de cette mesure était au contraire d'additionner des forces et des compétences différentes, de mieux les coordonner et de les mutualiser pour être plus efficaces.

En ce sens, le procureur financier et le dispositif qui l’accompagnait – après avoir entendu les uns et les autres, j'ai du mal à conjuguer cette mesure au présent – avaient une réelle cohérence d'ensemble.

Mes chers collègues, vous avez encore le choix de dire que vous croyez à cette idée. Pour moi, ce serait non pas un affichage médiatique, mais un signal fort, positif et compréhensible par tous de notre réelle volonté de lutter contre la corruption et la délinquance fiscale et financière.

Même si l’édifice repose sur un sol assez mouvant, nous pourrions aujourd’hui en poser la première pierre, et tâcher ensuite de construire autour de cette fondation. Je serais vraiment désolée si ce projet était abandonné.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous me pardonnerez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je vais devoir prendre un peu de temps pour développer ma pensée. J'espère que vous apprécierez mon souci de répondre aussi précisément que possible aux diverses questions qui m’ont été posées.

Je note d’emblée que la vigueur de certaines mises en cause m’ont donné le sentiment que leurs auteurs voulaient compenser par une débauche d’énergie l’absence de force et de clarté de leurs arguments.

Je rappelle que je me suis exprimée une trentaine de minutes à la tribune hier et, parmi les diverses interventions, je n’ai pas entendu une seule question à laquelle je n'ai pas répondu hier, soit lors de mon intervention à la tribune, soit à la reprise de séance, lorsque je me suis exprimée durant presque vingt-cinq minutes. Toutefois, par respect pour chacun d'entre vous, c'est très volontiers que je répondrai une nouvelle fois à vos interrogations.

Madame Assassi, j'ai entendu vos observations et vos regrets. J'ai noté également le lien logique que vous établissiez entre la possibilité pour le ministère public, quel qu'il soit, de traiter de toutes les procédures fiscales et la création de ce parquet financier.

Je dois le dire, la rédaction de la commission a donné lieu, hier, à une discussion nourrie, intense et parfois tendue entre M. le ministre du budget et M. le rapporteur. Le texte de la commission était clair : il exprimait très précisément le souhait que les procédures fiscales particulièrement complexes soient réservées au parquet de Paris et que ce dernier puisse en traiter sans passer par la procédure de plainte préalable de l'administration fiscale, qui existe actuellement dans notre droit.

Je souhaite néanmoins que l'on tienne compte d’un certain nombre d’éléments, à commencer par les conditions dans lesquelles la commission des infractions fiscales, la CIF, travaille, et par la façon dont ce texte et les engagements que M. le ministre du budget et moi-même avons pris vont les transformer.

Tout d'abord, sa composition sera modifiée : des juges de l'ordre judiciaire y feront leur entrée, aux côtés des juges de l'ordre administratif et de l'ordre financier.

Ensuite, ses méthodes de travail seront également modifiées. J'ai souhaité ainsi que, dans le rapport qu'elle présentera annuellement, ses critères de saisine soient clairement exposés à la représentation nationale.

Enfin, les conditions dans lesquelles cette commission transmet les procédures au parquet seront aussi très probablement modifiées.

Au-delà, vous avez sans doute noté notre engagement de publier une circulaire commune d'application de ce texte de loi. Ce texte prendra en compte les observations qui ont été très clairement exposées à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais aussi les engagements que nous avons pris sur l'échange d'informations systématiques entre l'administration fiscale et le parquet ; ce dispositif est en train de voir le jour.

D’ici à un an, il me semble que nous y verrons clair. En effet, l'une des grandes difficultés reste que le dispositif n'a, pour l’heure, pas été évalué. Quand on dit que la CIF ne traite que 1 000 affaires par an, c'est une réalité. Néanmoins, personne ne nous explique pourquoi. Certains émettent l'hypothèse qu'elle n'est pas capable de traiter davantage de dossiers et qu'elle se limite volontairement à 1 000 affaires. Toutefois, dans ce cas, quels sont ses critères de sélection ou d'élimination des dossiers ? Et que se passe-t-il avant l’intervention de la commission des infractions fiscales ? Sur tous ces points, le ministre du budget et moi-même nous sommes engagés à faire toute la lumière.

Quoi qu’il en soit, depuis une année, et a fortiori depuis que M. Cazeneuve est chargé du budget, j'ai du mal à imaginer que l'administration fiscale ne transmette pas au parquet les affaires de fraude fiscale se soldant par une transaction, dès lors que celles-ci apparaîtraient liées à la criminalité organisée, au grand banditisme ou à toute autre infraction pénale.

De surcroît, le dispositif d'échange d'informations fiscales et pénales nous permettra de savoir si l'administration fiscale a estimé opportun de transmettre ou a oublié de le faire.

Pour ne rien vous cacher, comme je l'ai dit hier soir, ma responsabilité, en tant que ministre de la justice, est de m'assurer que tout contrevenant à la loi, tout délinquant comprenne que la justice passera. Sur la base de ce principe, y compris les personnes qui ont dissimulé de bonne foi devraient être traduites devant la justice, qui est là non seulement pour condamner, mais aussi pour prouver l'innocence ou établir la bonne foi d’une personne.

Dans l’absolu, par principe, toute situation de fraude devrait être transmise à la justice – c'est d’une certaine façon le sens de l'article 1741 du code général des impôts.

Pourtant, reconnaissons-le, il ne serait vraiment pas raisonnable de procéder ainsi. Il suffit que l'administration fiscale transmette à la justice les affaires fiscales les plus complexes, notamment celles dans lesquelles on présume une fraude fiscale en bande organisée ou qui se caractérisent par une dissimulation. L’instauration d’un dispositif transparent d'échange réciproque d'informations nous permettra de faire en sorte que la justice soit saisie de façon pertinente. De son côté, celle-ci procède à ses propres enquêtes et peut faire des découvertes.

Je prends acte des observations, des réticences et des objections de chacun et j’essaye d’y apporter des réponses. Si vraiment vous ne souhaitez pas permettre la création de ce parquet financier, nous en prendrons acte. Je refuse toutefois la connotation négative associée à la notion d’ « affichage médiatique » – M. Mézard ayant accolé l’adjectif « médiatique » au substantif « affichage » employé par M. Richard.

En revanche, il n’est pas interdit, comme le soulignait M. le rapporteur, d’avoir le souci de la lisibilité des politiques publiques. Partant du constat qu’il y a un vrai problème dans la société, et que nous ne sommes pas armés pour y répondre de la manière la plus efficace qui soit, avec toute la diligence qu'attendent nos concitoyens, nous faisons en sorte d'apporter les réponses les plus lisibles et les plus efficaces possible.

Monsieur Michel, hier, à deux reprises, j’ai déjà répondu à toutes vos questions.

Le procureur de la République financier sera nommé dans les mêmes conditions que tout procureur. À cette fin, le Gouvernement vous présente un projet de loi organique modifiant l’ordonnance de 1958, afin que soit prise en compte dans cette ordonnance la création du procureur de la République financier à compétence nationale.

Comment sont nommés les autres procureurs ? Sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, que nous souhaitons constitutionnaliser. C’est pourquoi le Gouvernement vous a soumis un projet de réforme constitutionnelle.

Nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, vous avez raison de me demander comment j’entends garantir l’indépendance du procureur en cause, puisque la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été adoptée. Néanmoins, posez-vous la question pour tous les procureurs ! Quoi qu’il en soit, je vous apporte les mêmes garanties. Je vous assure, sans réforme constitutionnelle, le principe du respect de l’avis conforme du CSM déjà appliqué par mon prédécesseur, et, avec réforme constitutionnelle, la constitutionnalisation de ce principe.

Je vous le répète, le procureur de la République financier bénéficiera des mêmes garanties que tous les autres procureurs. Si vous avez des inquiétudes pour la nomination du procureur que le Gouvernement souhaite créer, vous devriez avoir les mêmes craintes à l’égard de l’ensemble des procureurs nommés sur tout le territoire, y compris outre-mer ; cela fait presque un empire !

Quant aux procédures, vous vous demandez ce qui se passera si d’autres procureurs se saisissent. Bien évidemment, nous nous sommes posé cette pertinente question. Monsieur Hyest, vous connaissez trop ces affaires pour ne pas savoir comment nous y avons répondu. Nous avons doté le procureur de la République financier d’une compétence concurrente pour toutes les atteintes à la probité.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Richard, tous les membres de cette assemblée savent que vous avez été ministre de la défense. Les plus jeunes ne s’en souviennent peut-être pas, mais, quelques années auparavant, vous aviez été garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette fonction a durablement et profondément frappé les esprits réceptifs.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En tout état de cause, vous étudiez ces questions depuis longtemps. Vous savez bien que le principal intérêt de la compétence concurrente est d’éviter les annulations des actes de procédure accomplis avant la saisine par le procureur. Comment pouvez-vous en faire grief au Gouvernement ? Comment pouvez-vous lui reprocher d’avoir fait preuve de perspicacité et d’avoir pris une mesure de précaution ?

En effet, imaginons qu’une juridiction ou une JIRS ait été saisie d’une affaire et que l’enquête montre qu’il vaut mieux saisir le procureur de la République financier en raison du caractère complexe de la procédure. Si la compétence est exclusive, tous les actes de procédure antérieurs seront annulés. Si elle est concurrente, tout le travail effectué par la juridiction ou par la JIRS préalablement saisie sera repris par le procureur de la République financier à compétence nationale et l’instruction se poursuivra.

Par ailleurs, le procureur de la République financier est placé sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris qui n’est pas hors sol. La formule est sans doute belle, mais je ne suis pas sûre que l’on cultive encore de tomates hydroponiques !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Quant à une éventuelle rivalité, je n’ose y croire. Nous parlons de l’institution judiciaire, du ministère public, de magistrats du parquet auxquels est confiée la haute mission de représenter la société, d’ouvrir des enquêtes préliminaires, de requérir, de garantir les libertés individuelles. Comment peut-on penser qu’ils vont s’amuser à se disputailler telle affaire, telle procédure !

Pour ce qui concerne les moyens, la création d’une trentaine de postes est d'ores et déjà prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 et vous sera prochainement soumise, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’en viens maintenant au coût. Je le dis et je l’assume : la démocratie a un coût. Si nous voulons effectivement lutter contre la fraude fiscale et faire en sorte que les évasions de capitaux qui privent la puissance publique des moyens d’assurer son action au bénéfice des citoyens de notre pays, il faut y mettre le prix, d’autant qu’il s’agit en l’espèce…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Tout à fait, monsieur le rapporteur !

M. Leconte demande des garanties absolues. Je ne connais que les régimes totalitaires pour apporter de telles garanties. Dans une démocratie, on doit mettre en place des règles de droit et d’usage, de façon à s’assurer du bon fonctionnement des institutions.

Monsieur Hyest, comme je vous l’ai déjà indiqué, le procureur n’est pas tout seul ; il n’est pas hors sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je n’ai pas employé cette expression. Je l’ai qualifié d’« objet judiciaire non identifié », c’est pire !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

C’est moi, madame la garde des sceaux, qui ai utilisé ces termes !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais tel n’est pas le cas.

Vous avez évoqué l’Audience nationale espagnole, mais ce n’est pas notre référence. Le Gouvernement n’a pas choisi de créer une juridiction avec un parquet et un pôle d’instruction spécialisés. En revanche, nous le savons, il est nécessaire que les juges d’instruction soient spécialisés, et le procureur de la République financier le sera. C’est essentiel. Il sera spécialisé dans les domaines de la fraude fiscale complexe, des atteintes à la probité, des délits boursiers, avec, dans ce dernier cas, compétence exclusive. Il aura des moyens dédiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la garde des sceaux, me permettez-vous de vous interrompre ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous en prie, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, avec l’autorisation de Mme la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le parquet, d’ores et déjà, n’est-il pas spécialisé ? Vous le savez fort bien, dans les grands parquets, il y a des procureurs adjoints qui sont particulièrement spécialisés. Croyez-vous que les procureurs adjoints chargés du commerce ou des activités boursières à Paris, qui travaillent avec des collaborateurs et avec le concours de la police judiciaire et de la brigade financière, ne sont pas ultra-spécialisés ?

Même dans les parquets de province, le procureur adjoint chargé des affaires financières, notamment des affaires commerciales, joue un rôle extrêmement important pour débusquer non seulement les fraudes fiscales, mais aussi toutes les infractions commises en matière de droit des sociétés.

Il existe d’autres méthodes plus simples qui aboutissent au même résultat que celui que vous recherchez. Le système tel qu’il existe me semble préférable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est votre droit de penser ainsi, monsieur Hyest. J’observe simplement que vous opposez à la création d’un parquet financier avec des moyens dédiés, un procureur adjoint spécialisé dans une juridiction…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Éventuellement, oui ! Toutefois, nous ne sommes pas à la même échelle.

Le Gouvernement estime répondre aux atteintes à la probité, aux techniques de dissimulation de la fraude fiscale complexe, à ses ramifications, notamment internationales. Ne m’opposez pas à un parquet spécialisé qui, à terme, aura une cinquantaine de magistrats, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… une vingtaine de magistrats instructeurs, une cinquantaine de greffiers, un procureur adjoint spécialisé dans une JIRS. Nous ne parlons pas de la même chose ! Le Gouvernement estime que, dans la situation actuelle, c’est une réponse de cette envergure qui convient. Je prends toutefois acte de nos désaccords.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour moi, c’est le procureur de Paris qui est compétent !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est parfaitement votre droit !

Le procureur de Paris a en charge de nombreux contentieux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il est chargé de la délinquance économique et financière, du terrorisme, de la santé, de la piraterie, des crimes contre l’humanité. Vous voulez que le contentieux particulier, très spécialisé, qui est en cause relève non du procureur de la République financier à compétence nationale, parce que c’est un super-procureur et une usine à gaz, mais du procureur de Paris, dont vous faites un super-super-super-procureur !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Quoi qu’il en soit, je vois quelques incohérences dans vos propos.

Quant aux juges d’instruction, je l’ai expliqué aussi hier soir, il y aura une procédure d’habilitation, qui fonctionne déjà dans les JIRS et qui n’est pas un objet non identifié : les premiers présidents du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de Paris, sur avis du président, habiliteront des magistrats, après consultation, comme l’a souhaité la commission des lois, de la commission restreinte de l’assemblée générale des magistrats.

Pour quelles raisons le Gouvernement a-t-il préféré le système qu’il vous propose ?

L’Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi organique l’article 2, qui spécialise les juges d’instruction et prévoit des nominations prédéterminées. Comme nous l’avons expliqué, ce mécanisme fait courir un risque de cloisonnement des contentieux et d’éclatement des procédures. En effet, dans certaines procédures, plusieurs matières peuvent coexister. J’en veux pour preuve la délinquance économique et financière, la fraude fiscale, la criminalité en bande organisée, notamment.

Le système que nous vous soumettons présente une certaine souplesse. De surcroît, le magistrat saisi peut poursuivre l’instruction de l’affaire qu’il a en charge.

Monsieur Hyest, personne n’a pensé une seconde que les juges puissent être corrompus ! Considérez-vous la création du procureur de la République financier comme un acte de défiance vis-à-vis d’eux ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Puisque j’ai mal compris vos propos, mon explication devient nulle et non avenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’était pour rejeter la comparaison avec l’exemple espagnol !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’en prends acte, monsieur le sénateur.

Monsieur Richard, un débat passionnant, j’en conviens et que vous avez fortement contribué à éclairer, s’est récemment déroulé dans cette enceinte sur Eurojust, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice, en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France.

À ce propos, je vous ferai une remarque quelque peu perfide. Aujourd'hui, pour contester la création du parquet financier, vous reprenez un argument que vous aviez soutenu alors, mais pour fonder un raisonnement inverse.

Ainsi, lors de ce débat, à l’issue de votre intervention, il est devenu clair pour le Sénat, jusqu’alors réticent, qu’il ne convenait pas de donner un certain nombre de compétences que lui avait attribuées l’Assemblée nationale à un membre national d’Eurojust, car cela aurait créé un entrelacement pernicieux avec les capacités de ce membre national d’Eurojust à enclencher l’action publique alors qu’il n’appartient pas à l’architecture de notre ministère public.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, justement, ce n’est pas pareil, car ce membre d’Eurojust ne peut pas exercer l’action publique. Il serait dangereux de lui permettre de la déclencher, alors que le procureur financier, dont la compétence sera nationale, exercera une telle responsabilité, grâce, je le répète, à des moyens dédiés.

Une fois de plus, j’ai probablement été trop longue. J’espère du moins ne pas avoir été confuse. Au demeurant, cela n’aura peut-être aucun effet sur vos choix et vos décisions…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Pourquoi un tel aveu d’impuissance ? Vous pouvez le penser, madame la garde des sceaux, mais jamais le dire !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, j’admets que je manque de sens tactique !

Dénégations amusées

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’en suis consciente depuis très longtemps, mais c’est un défaut qui me paraît à la fois rédhibitoire et rattrapable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je crois avoir répondu, monsieur Mercier, à toutes vos interrogations.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’ai écouté avec une grande attention, et répondu avec le plus de précision possible. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attends non pas votre verdict, car je ne me sens pas mise en cause, mais votre décision : nous verrons bien ce que nous faisons et ce que nous disons aux citoyens de notre pays.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’apporter brièvement mon soutien aux propos de Mme la garde des sceaux, en insistant sur un point : nous prendrions un risque considérable si le Gouvernement n’était pas accompagné, au terme de ce débat, dans sa volonté de créer ce parquet spécialisé.

Je voudrais donner les raisons pour lesquelles je soutiens ce que vient de dire Mme la garde des sceaux et pour lesquelles nous aurions grand tort de ne pas la suivre.

J’insisterai tout d’abord sur l’équilibre de ce texte, qui lui confère toute sa pertinence. D’une part, l’administration fiscale aura le pouvoir de procéder aux contrôles qui relèvent de sa compétence et d’appliquer des amendes à ceux qui sont à l’origine de fraudes. D’autre part – c’est une nécessité aux yeux de l’administration fiscale –, la justice sera armée de moyens spécialisés pour poursuivre les fraudeurs, lorsque cela se révèle nécessaire et que l’administration fiscale n’est pas en situation de le faire.

Pourquoi avons-nous besoin de ces deux éléments, sur lesquels se fonde l’équilibre du texte ? Tout d’abord, l’administration fiscale est confrontée à des procédés de fraude fiscale de plus en plus sophistiqués, qui font appel à des moyens de plus en plus opaques, mobilisant trusts, comptes à l’étranger ou paradis fiscaux. Il est nécessaire, compte tenu des effets collatéraux ou induits de ces montages sophistiqués, lesquels, par ailleurs, révèlent parfois d’autres infractions pénales, que la justice puisse faire son travail.

Vous rappeliez tout à l’heure, madame la garde des sceaux, et c’est très important, que 1 000 dossiers seulement sont transmis chaque année à la CIF, la commission des infractions fiscales. L’administration fiscale s’est tout simplement armée avec le temps, en renforçant ses prérogatives de contrôle et sa capacité de sanction pour un certain nombre de dossiers fiscalement complexes. Par ailleurs, elle transmet à la CIF des dossiers de plus en plus sophistiqués, nécessitant des enquêtes de plus en plus poussées, susceptibles de justifier la mobilisation du juge.

Ce n’est donc pas le nombre de dossiers transmis à la CIF, qui reste stable, qu’il faut considérer, mais leur nature, qui a évolué vers une plus grande complexité. Un très grand nombre d’entre eux justifient des compléments d’enquête que seule la justice se trouve en situation d’engager.

J’estime donc quelque peu pervers le raisonnement selon lequel le maintien du monopole de l’administration constituerait une raison suffisante pour rejeter la création du parquet financier.

En réalité, le maintien de ce monopole pour ce qui concerne les poursuites apportera la garantie d’une application très rapide de l’amende après qu’un certain type d’infractions fiscales aura été constaté. En même temps, le juge doit pouvoir aller au-delà de ce que fait l’administration fiscale, grâce aux compétences qui sont les siennes, pour des affaires extraordinairement complexes, et il en est un nombre de plus en plus significatif.

C’est la raison pour laquelle la garde des sceaux et moi-même vous présentons ce texte ensemble. Nous tenons à cet équilibre, que vous auriez grand tort de rompre en ne donnant à cette loi qu’une partie des moyens dont elle a besoin pour aller au bout de l’ambition qu’elle porte, à savoir la lutte résolue contre la fraude fiscale.

En guise de conclusion, je dirai que ce parquet spécialisé est nécessaire pour doter la justice de moyens qu’elle n’a pas toujours eus. En ne lui permettant pas de mener ses investigations à leur terme, nous donnerions aux fraudeurs le sentiment qu’ils peuvent continuer d’agir en toute impunité.

Si nous n’avons pas souhaité remettre en cause le monopole de saisine de l’administration fiscale, c’est pour ne laisser subsister aucun interstice dans lequel les fraudeurs auraient l’impression de pouvoir s’engouffrer. C’est la même raison qui nous conduit à vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, de donner au parquet spécialisé les moyens de conduire son action. Si vous ne le créez pas, vous donnerez une seconde fois le sentiment aux fraudeurs qu’il existe un chemin leur permettant d’échapper à la sanction.

Tel est l’équilibre de ce texte. Il y a une cohérence entre la logique de ce que vous avez nommé le « verrou », qui est celle de Bercy, et celle de l’« écrou », défendue à l’instant par Mme la garde des sceaux.

Ces deux éléments clefs fondent l’équilibre de ce texte. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas dénaturer ce texte en le privant de l’une de ses deux dimensions, qu’il s’agisse de la capacité de Bercy d’engager les contrôles et d’appliquer les sanctions ou de la capacité de la justice de faire son travail lorsqu’elle peut et doit pouvoir conduire ses propres investigations.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Parce que je veux dissiper toute ambiguïté, je tiens à préciser que notre groupe votera ce texte, mais sans doute pas pour les raisons que M. le ministre chargé du budget vient d’évoquer.

Pour ma part, je suis vraiment persuadée que la lutte contre la fraude fiscale nécessite de rétablir le rôle central de la justice, en créant le procureur financier. Certains de mes collègues ont eu l’occasion d’avancer d’autres raisons justifiant notre soutien à ce projet de loi. Je souscris donc complètement aux propositions formulées par M. le rapporteur de la commission des lois.

Toutefois, nous devons également avoir à l’esprit la façon dont ces textes seront compris par nos concitoyens. In fine, nous sommes aussi ici pour leur apporter des réponses sur de tels sujets. Nous voterons pour ce procureur financier, mais il faut être clair : en l’état, son rôle sera amoindri et il manquera de légitimité, parce que le verrou de Bercy ne saute pas et parce que la réforme du CSM a été retoquée.

Nous voterons donc contre les amendements de suppression de l’article 15 proposés par nos collègues et pour ce texte, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Après avoir entendu l’excellente plaidoirie de mon excellent confrère et collègue Alain Anziani en faveur de la création du procureur financier, je ne veux laisser subsister aucune confusion.

Vous prétendez, monsieur le rapporteur, que ce texte est un message adressé aux citoyens. Toutefois, c’est un message aux fraudeurs qu’il devrait envoyer, ce qui est tout à fait différent ! On ne lutte pas efficacement contre la fraude fiscale et la délinquance financière par des messages médiatiques. On lutte efficacement avec des textes concrets et applicables. Telle est la réalité.

Le remodelage de l’article 1741 du code général des impôts et la nécessité d’abandonner la politique de dépénalisation de la délinquance économique et financière, que j’ai évoqués, correspondent également à des réalités ! Seulement, comme vous avez voulu aller extrêmement vite, pour répondre à la difficulté découlant de l’affaire que l’on connaît, vous vous êtes demandé quel message vous pouviez donner. Vous avez alors décidé de créer un procureur financier. Vous auriez pu – pourquoi pas ? – inventer un tribunal spécial. Cela aurait été un message encore plus fort.

Pour notre part, nous demandons de l’efficacité. Or ce texte prévoit une construction beaucoup trop complexe, qui suscitera des conflits de compétences évidents, nous le savons tous. Avec tout le respect que je dois à nos deux excellents et brillants ministres, nous ne pouvons pas être totalement convaincus par les arguments qui nous ont été donnés concernant les conflits de compétences.

Soyons clairs : ce n’est pas parce qu’on vote contre le procureur financier qu’on vote contre la lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Bien au contraire ! Nous considérons que d’autres moyens, d’autres méthodes, plus faciles et plus rapides à mettre en œuvre, doivent être utilisés.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’entends vos propos, monsieur Mézard. À cet égard, je vous rappelle que nous avons déjà eu une discussion de fond sur ce sujet.

Vous ne pouvez pas évoquer un risque de concurrence de compétences ! Tout d’abord, certaines compétences sont exclusives. Ensuite, les compétences d’attribution concurrentes seront, de fait, exclusives. À titre d’exemple, si la compétence d’attribution pour les actes terroristes est, en droit, une compétence concurrente, elle est, de fait, exclusive.

En réalité, une juridiction ne se rend compte qu’elle instruit une affaire de terrorisme qu’après le début de l’instruction. Par la suite, parce qu’il s’agit d’une compétence concurrente, l’affaire monte jusqu’à la section anti-terroriste de Paris, sans annuler les actes. Vous ne pouvez donc pas prétendre que l’existence de compétences concurrentes conduira les procureurs à s’arracher les dossiers.

L’objet de ce texte, c’est de nous donner les moyens de lutter contre les fraudeurs. Par ailleurs, vous avez parlé d’affichage, et nous avons répondu qu’il est extrêmement important d’envoyer des messages à nos concitoyens.

En tout état de cause, je ne comprends pas que vous parliez d’usine à gaz face à un schéma aussi clair et simple, à savoir un procureur financier à compétence nationale, placé sous l’autorité du procureur général. Nous avons réorganisé le dispositif, puisque nous supprimons, vous le savez, les pôles économiques et financiers, qui constituaient justement un échelon de confusion. Vous en convenez, monsieur Mercier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Nous n’avons rien dit à ce sujet ! Nous sommes d’accord.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous aurons désormais à la fois les JIRS, les juridictions interrégionales spécialisées, qui ont une compétence en matière de délinquance économique et financière, et le procureur financier, à compétence nationale. Dans la mesure où le schéma est particulièrement simple, le fait de dénoncer une usine à gaz ne tient pas. Trouvez d’autres arguments !

Je le répète, le schéma est simple : nous mettons en place un parquet financier, sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris, avec des moyens et des effectifs dédiés. Il sera spécialisé dans les contentieux concernant les atteintes à la probité, à savoir la corruption, la fraude, le favoritisme, le conflit d’intérêts, le détournement de fonds publics et les délits boursiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai écouté avec attention l’ensemble de ce débat et je dois dire qu’il n’est pas si facile de prendre position. Néanmoins, mes chers collègues, je tiens à vous indiquer quelle sera la mienne.

Les arguments invoqués ont une certaine force, en particulier ceux de Jean-Pierre Michel. Toutefois, je considère que, quels que soient les inconvénients – et ils sont réels – du dispositif proposé par le Gouvernement, quelque difficulté que suscite éventuellement sa mise en œuvre, l’impérieuse nécessité de lutter contre la fraude, de se donner tous les moyens pour ce faire, il faut voter la création de ce procureur financier. J’ajoute que la puissance de conviction de Mme le garde des sceaux n’a pas été sans effet sur mon choix.

Je mesure, bien entendu, les inconvénients d’une telle solution, mais je sais aussi la force que nous donnerons ainsi à notre combat contre cette fraude, un combat qui requiert des moyens à la hauteur de l’ampleur du fléau.

Quoi qu’il en soit, une institution peut toujours être améliorée et l’expérience nous permettra d’avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 3 rectifié, 94 rectifié bis et 115 rectifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe du RDSE, l'autre, du groupe UMP.

Je rappelle que la commission s’en est remis à la sagesse du Sénat, cependant que le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici le résultat du scrutin n° 318 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 15 est supprimé et les amendements n° 85 rectifié, 107 rectifié, 146, 108 rectifié, 139 et 149 n'ont plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, était ainsi libellé :

I. - Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 3° du présent article et infractions connexes.

III. - Alinéa 14, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi qu'aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu'ils sont commis en bande organisée ou lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que les infrastructures prévues à ces mêmes articles résultent d'un des comportements mentionnés aux 1° à 4° de l'article 705 du présent code

Les amendements identiques n° 107 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Delahaye et Guerriau, et n° 146, présenté par M. Charon, étaient ainsi libellés :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

Les amendements identiques n° 108 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Delahaye et Guerriau, et n° 139, présenté par M. Charon, étaient ainsi libellés :

Alinéa 14, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi qu’aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou qu’il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues à ces mêmes articles résultent d’un des comportements mentionnés aux 1) à 5) de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales

L'amendement n° 149, présenté par le Gouvernement, était ainsi libellé :

I. – Alinéa 16, première phrase

Supprimer les mots :

Le procureur général près la Cour d’appel de Paris ou

II. – Alinéa 19

1° Première phrase

Supprimer les mots :

du procureur général de la Cour d’appel de Paris,

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

Le procureur général près la cour d’appel de Paris ou

III. – Alinéa 21, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

Nous en revenons à présent, au sein du chapitre Ier du titre III, à l’article 12.

(Non modifié)

Avant l’article 704 du code de procédure pénale, il est ajouté un chapitre Ier intitulé : « Des compétences des juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière » et comprenant les articles 704 à 704-4, dans leur rédaction résultant des articles 13 et 14 de la présente loi. –

Adopté.

L’article 704 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent, la compétence territoriale d’un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort de plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement des infractions suivantes : » ;

2° Au 1°, après la référence : « 434-9, », est insérée la référence : « 434-9-1, » ;

3° Il est rétabli un 10° ainsi rédigé :

« 10° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ; »

4° Le dix-huitième alinéa est supprimé ;

5° Au dix-neuvième alinéa, les mots : « et à l’alinéa qui précède » sont supprimés.

« Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président, après avis du président du tribunal de grande instance donné après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, désigne un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’instruction et, s’il s’agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d’application du présent article. Le procureur général, après avis du procureur de la République, désigne un ou plusieurs magistrats du parquet chargés de l’enquête et de la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application du présent article.

« Au sein de chaque cour d’appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président, après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, et le procureur général désignent respectivement des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 92 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 131 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Au vingtième alinéa, après le mot : « comprennent », sont insérés les mots : « un procureur de la République adjoint, » ;

...° Le vingt et unième alinéa est ainsi rédigé :

« Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance, désignent respectivement un procureur de la République adjoint, un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d'instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d'application du présent article. » ;

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne voudrais pas que l’on prétende, sous prétexte que nous avons refusé de créer le procureur financier, que nous abandonnons toute idée de disposer d’une juridiction spécialisée comme il en existe une en matière de terrorisme. Pour nous, cela suppose un renforcement des JIRS – c’est l’objet du présent amendement – et l’extension au territoire national de la compétence du procureur de la République de Paris, du juge d’instruction et du tribunal correctionnel de Paris – c’est l’objet de l’amendement n° 4, que je présente par la même occasion.

Ainsi, dans les affaires d’une très grande complexité, telles celles qui impliquent des ressortissants étrangers, comme c’est le cas en matière de terrorisme ou dans d’autres domaines, ce sont le tribunal de Paris et le parquet de Paris qui sont compétents, et ils disposent d’une compétence nationale. Si un tel système fonctionne bien dans les domaines où il s’applique d’ores et déjà, il devrait également bien fonctionner pour traiter les affaires complexes liées à la délinquance économique et financière dans son ensemble – et pas seulement la fraude fiscale, monsieur le ministre.

Je le répète, ce n’est pas parce que nous avons voté contre le procureur financier que nous sommes défavorables au renforcement des moyens permettant de mieux lutter contre la délinquance économique et financière et contre la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je considère l’avoir défendu tout à l’heure, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 131 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Lors de l’examen du texte en commission, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure, cet amendement a obtenu autant de voix en sa faveur qu’en sa défaveur. Aussi la commission s’en remet-elle à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le procureur de la République adjoint chargé du suivi de l’activité des JIRS existe déjà.

Par ailleurs, le Gouvernement considère que la solution proposée par les auteurs de ces trois amendements identiques constitue un pis-aller. Elle n’est pas à la hauteur de la réponse que nous entendons apporter pour contrer les atteintes à la probité, la fraude fiscale au sens large, la corruption et les délits boursiers.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis rigoureusement défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié, 92 rectifié bis et 131 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 95 rectifié ter est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 130 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement des affaires visées au présent article qui apparaissent relever de la compétence de plusieurs tribunaux dont la compétence territoriale est étendue au ressort de plusieurs cours d’appel, le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris voient leur compétence étendue au territoire national. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L'amendement n° 95 rectifié ter également, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, qui sont en retrait par rapport à la proposition initiale du Gouvernement de créer un procureur financier à compétence nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 4, 92 rectifié bis et 131 rectifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'UDI-UC, l'autre, du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici le résultat du scrutin n° 319 :

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° 148, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le ressort de certaines cours d’appel, dont la liste est fixée par décret, un tribunal de grande instance est compétent pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement de ces infractions, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité.

« La compétence de ces juridictions s’étend aux infractions connexes.

« Un décret fixe la liste de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions. »

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement vise à permettre que soit créée par décret, dans le ressort de certaines cours d’appel, une compétence du tribunal de grande instance en matière d’enquête, de poursuite, d’instruction.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Allons ! Ce que nous faisons est plus sérieux que cela, vous l’avez dit vous-même : nous faisons du droit ! Vous chercherez à me séduire en d’autres circonstances. Pour l’instant, je veux juste vous convaincre.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’en reviens à l’amendement. Il s’agit en fait d’éviter de démanteler le pôle économique et financier de Bastia, puisque nous avons décidé de faire des efforts particuliers en prévoyant de nouveaux effectifs et en dotant ce pôle, par une circulaire pénale territoriale, de moyens pour l’enquête, la poursuite et l’instruction.

L'amendement est adopté.

L'article 13 est adopté.

(Non modifié)

I. – L’article 704-1 du code de procédure pénale est abrogé.

II. – Les articles 705, 705-1, 705-2 et 706-1-1 du même code deviennent, respectivement, les articles 704-1, 704-2, 704-3 et 704-4.

III. – Au deuxième alinéa de l’article 704-2 du même code, dans sa rédaction résultant du II du présent article, la référence : « 705-2 » est remplacée par la référence : « 704-3 ».

IV. – À la première phrase et à la fin de la dernière phrase du premier alinéa et au dernier alinéa de l’article 704-3 du même code, dans sa rédaction résultant du II du présent article, la référence : « 705-1 » est remplacée par la référence : « 704-2 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 93 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 116 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement est défendu puisqu’il s’inscrit dans la logique de tous les amendements que j’ai déjà présentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L'amendement n° 93 rectifié bis est également défendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ainsi que l'amendement n° 116 rectifié, monsieur le président !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En vertu de sa propre logique, évidemment différente de celle qu’a invoquée M. Hyest, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 2 rectifié, 93 rectifié bis et 116 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par M. de Montgolfier.

L'amendement n° 109 rectifié bis est présenté par MM. Détraigne, Delahaye et Guerriau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 495-16 du code de procédure pénale, les mots : « ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale » sont supprimés.

L’amendement n° 86 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 109 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Cet amendement vise à lever la restriction existant actuellement concernant la procédure du « plaider coupable », qui ne peut s’appliquer en matière fiscale.

Cela permettrait d’éviter un engorgement de la justice et de faciliter le déroulement des procédures qui seront engagées une fois le texte entré en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission émet un avis défavorable : il n’y a pas lieu d’élargir cette procédure par rapport au sens qui lui avait été donné à l’origine.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis fortement défavorable.

Nous avons eu une discussion hier soir sur ce sujet, à propos d’un amendement de Mme Benbassa tendant à éliminer complètement le recours à la CRPC – comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – en matière de fraude fiscale.

Pour notre part, nous consentons à permettre le recours à la CRPC pour les délits les moins graves, qui emportent les conséquences les moins lourdes, afin de répondre à la demande de l’OCDE, de l’UNODC – United Nations Office on Drugs and Crime – et du Groupe anti-corruption du Conseil de l’Europe, le GRECO, tous organismes internationaux qui contribuent sérieusement à la lutte contre la corruption.

J’ajoute que, dans ces cas, si l’on peut isoler un élément constitutif de corruption et si la qualité de l’auteur ou de la victime justifie une audience en correctionnelle, nous y ferons droit, même si le préjudice n’est pas considérable. Je m’y suis engagée par circulaire.

Nous sommes donc plutôt dans la logique inverse : celle d’éviter le recours à la CRPC. Adopter cet amendement reviendrait à envoyer un message profondément brouillé : alors que nous entendons bien montrer notre détermination à lutter contre la fraude fiscale, nous autoriserions un large recours à une procédure, certes conforme au droit, mais qui se caractérise avant tout par sa discrétion. Ce serait pratiquement raturer l’essentiel de ce que nous essayons de dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 109 rectifié bis est retiré.

Je rappelle que l’article 15, examiné par priorité, a été supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 96 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deux premiers alinéas de l’article 706-1 du code de procédure pénale sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :

« 1° Délits prévus par les articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 3° Délits prévus par les articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;

« 4° Délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues par ces articles résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.

« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République de Paris et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement tend à créer une compétence nationale pour le tribunal de grande instance de Paris et le parquet de Paris pour les affaires extrêmement complexes : il s’inscrit donc dans la logique des amendements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Mercier, considérez-vous que l'amendement n° 96 rectifié bis est défendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deux premiers alinéas de l’article 706-1 du code de procédure pénale sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :

« 1° Délits prévus par les articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;

« 3° Délits prévus par les articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;

« 4° Délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ;

« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.

« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République de Paris et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Comme sur les amendements précédents, l’avis est défavorable.

Je dois avouer ma surprise : les auteurs de ces amendements nous expliquent que le procureur financier, dont les compétences sont très précisément définies, est une sorte de « super-procureur » et ils n’en proposent pas moins de donner au procureur de Paris des compétences nouvelles, alors que celles qui lui sont attribuées englobent plusieurs grands chapitres de contentieux.

Mon avis défavorable est donc cohérent par rapport à ceux que j’ai déjà émis, mais il répond aussi à l’exigence de vraisemblance que vous-mêmes, messieurs les sénateurs, affirmez vouloir conférer à la lutte contre la fraude fiscale et les atteintes à la probité.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 et 96 rectifié bis.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l'amendement n° 133 rectifié, satisfait, n'a plus d'objet.

I. –

Non modifié

II. –

Non modifié

III. –

Non modifié

IV. – L’article 706-1-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 706 -1 -1. – Les articles 706-80 à 706-88, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus :

« 1° Aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal ;

« 2° Aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

« 3° Par le troisième alinéa de l’article 414 et par l’article 415 du code des douanes, lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans.

« Les articles mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 3°. »

V. –

Non modifié

« Art. 706 -1 -2. – Les articles 706-80 à 706-87, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus au dernier alinéa des articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce. »

VI. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 6, présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il s’agit d’un amendement de conséquence lié à la suppression du procureur de la République financier.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

M. Hyest a évidemment raison de tirer les conséquences de la suppression du procureur financier. Pour ma part, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l'article 16 est supprimé, et les amendements n° 97 rectifié bis et 121 rectifié n’ont plus d’objet. Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces derniers :

L'amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, était ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 706-1-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 706-1-3. – Les articles 706-80 à 706-88, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement :

« 1° Des délits prévus par les articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal ;

« 2° Des délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

« 3° Du blanchiment des délits mentionnés aux 1° et 2°. »

L'amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :

A. – Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

B. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

III. – L’article L. 706-1-3 du même code est ainsi rédigé :

C. – Alinéa 5

Remplacer la référence :

Art. 706-1-1

Par la référence :

Art. 706-1-3

D. – Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Delahaye et Guerriau, est ainsi libellé :

Après l’article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l’article 1743 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. … - L’innocence des personnes pénalement poursuivies sur le fondement de l’article 1741 est établie et l’action publique éteinte à leur égard lorsque la décharge, soit des impositions considérées comme éludées par la plainte, soit des pénalités prévues par l’article 1729 du code général des impôts qui ont été appliquées à celles-ci, a été prononcée pour un motif autre qu’un vice de procédure, par une juridiction compétente pour statuer sur l’établissement de ces impositions.

« L’exécution d’une décision juridictionnelle ayant prononcé une condamnation sur le fondement de l’article 1741 du code général des impôts est suspendue jusqu’à la décision de la cour de révision, dans les conditions prévues au 5° de l’article 622 du code de procédure pénale et, au plus tard, jusqu’à ce que le juge de l’impôt ait définitivement rejeté les demandes tendant à la décharge des impositions et des pénalités en cause ».

II. - L’article 622 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° L’innocence du condamné a été établie dans les circonstances mentionnées à l’article 1744 du code général des impôts. Dans ce cas, la cour de révision doit obligatoirement prononcer l’annulation de la condamnation ».

III. - Après l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. … - Lorsque l’administration a déposé une plainte sur le fondement de l’article 1741 du code général des impôts alléguant qu’une imposition a été éludée, la juridiction compétente, pour statuer sur l’établissement de cette imposition, doit obligatoirement se prononcer sur tous les moyens soulevés au soutien des recours tendant à sa décharge. »

La parole est à M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Lorsque l’administration reproche à un contribuable d’avoir gravement manqué à ses obligations fiscales, deux actions sont engagées.

La première tend à l’établissement des impositions éludées, et le contentieux correspondant est porté, selon la nature du prélèvement, devant la juridiction administrative ou devant la juridiction judiciaire, celle-ci ne statuant pas dans une formation répressive.

La seconde vise à sanctionner les comportements qui caractériseraient une fraude fiscale. Les poursuites sont engagées devant le tribunal correctionnel.

Ces deux procédures sont indépendantes. Il en résulte notamment que les décisions rendues par les juridictions administratives ne s’imposent pas au juge pénal. Il peut donc arriver qu’un contribuable soit condamné sur le plan pénal alors même qu’il aura obtenu du juge de l’impôt le dégrèvement des impôts litigieux.

Une affaire récente illustre ce cas de figure : l’affaire Smart City. Saisie, la Cour de cassation a jugé que l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’encourait pas la critique au motif « que les poursuites pénales engagées sur le fondement de l’article 1741 du code général des impôts et la procédure administrative tendant à fixer l’assiette et l’étendue des impositions fiscales étant, par leur nature et leur objet, différentes et indépendantes l’une de l’autre, la décision de la juridiction administrative ne saurait avoir, au pénal, l’autorité de la chose jugée ».

S’il est exact que les poursuites pénales et la procédure administrative diffèrent par leur nature et leur objet, ce constat ne peut suffire à justifier qu’un contribuable soit condamné pénalement pour avoir éludé des impôts dont le juge administratif décide qu’ils n’étaient pas dus.

Le projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, s’il est adopté en l’état, multipliera ces situations puisqu’il fait figurer parmi les circonstances aggravantes les cas d’abus de droit, dont l’appréciation est particulièrement délicate.

Le présent amendement reprend et complète l’amendement que M. Gilles Carrez avait présenté en 2012 et qui avait été rejeté au motif qu’un contribuable peut être dégrevé pour des vices de forme étrangers au débat pénal. Aussi se borne-t-il à encadrer l’indépendance des procédures dans le seul cas où le contribuable obtient un dégrèvement pour des raisons qui tiennent au fond. Il tire les conséquences de la portée pratique de toute décision du juge de l’impôt : il doit notamment en résulter l’extinction des poursuites lorsque la juridiction répressive ne s’est pas encore prononcée ou que la révision d’une condamnation est déjà intervenue.

Par ailleurs, l’amendement prévoit que, lorsque l’affaire est pendante à la fois devant le juge de l’impôt et le juge répressif, et que celui-ci statue en premier lieu et condamne le contribuable, l’exécution du jugement est suspendue tant que le juge de l’impôt ne s’est pas prononcé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’avis de la commission ne peut qu’être défavorable précisément parce qu’il y a deux procédures distinctes : d’un côté, la procédure administrative, de l’autre, la procédure pénale.

Vous proposez, mon cher collègue, qu’il y ait une sorte d’autorité de la chose jugée de la procédure administrative sur la procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Tout à l’heure, j’ai parlé d’amendement révolutionnaire. Eh bien, ce serait, là aussi, une grande révolution dans notre droit ! Nous sommes plus conservateurs que cela !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Les deux procédures n’ont pas la même nature ni le même objet : la procédure pénale vise à sanctionner la fraude fiscale, alors que la procédure administrative, elle, vise à fixer l’assiette de l’impôt et à déterminer le recouvrement aussi bien de l’impôt dû que des pénalités.

Ces procédures doivent demeurer autonomes. Comme vient de le dire M. le rapporteur, la décision administrative n’a pas la force de la chose jugée ; elle ne peut donc pas s’imposer au tribunal correctionnel, par exemple.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je retire l’amendement, monsieur le président !

(Non modifié)

I. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 693 du même code, les références : « 705, 706-1 » sont remplacées par les références : « 704-1, 705 ».

II. – À l’avant-dernier alinéa du I de l’article 706-2 du même code, la référence : « 705 » est remplacée par la référence : « 704-1 ».

III. – Au dernier alinéa du même I, les références : « 705-1 et 705-2 » sont remplacées par les références : « 704-2 et 704-3 ».

IV. – Au dernier alinéa de l’article 706-42 du même code, les références : « 705 et 706-17 » sont remplacées par les références : « 704-1, 705 et 706-17 ».

V. – À l’article 5 de la loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime, les références : « 705-1 et 705-2 » sont remplacées par les références : « 704-2 et 704-3 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 98 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L'amendement n° 98 rectifié bis est défendu !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je conviens que la coordination est nécessaire, mais la cohérence exige que j’émette un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 7, 98 rectifié bis et 117 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

(Non modifié)

I. – Les chapitres Ier à III du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale sont applicables sur tout le territoire de la République.

II. – Le III de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-823 du 19 août 2004 portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 154, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

sur tout le territoire de la République

par les mots :

en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 18 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Chapitre II

Dispositions modifiant le code de l’organisation judiciaire

(Non modifié)

Le titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII

« Dispositions particulières au tribunal de grande instance de Paris

« Art. L. 217 -1. – Est placé auprès du tribunal de grande instance de Paris, aux côtés du procureur de la République, un procureur de la République financier, dont les attributions sont fixées par le code de procédure pénale.

« Art. L. 217 -2. – Par dérogation aux articles L. 122-2 et L. 212-6, le procureur de la République financier, en personne ou par ses substituts, exerce le ministère public auprès du tribunal de grande instance de Paris pour les affaires relevant de ses attributions.

« Art. L. 217 -3. – Par dérogation à l’article L. 122-4, le procureur de la République financier et ses substituts n’exercent les fonctions de ministère public que pour les affaires relevant de leurs attributions.

« Art. L. 217 -4. – Les dispositions législatives du code de l’organisation judiciaire faisant mention du procureur de la République ne sont applicables procureur de la République financier que si elles le prévoient expressément. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 99 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 118 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L’amendement n° 99 rectifié bis également !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ainsi que l’amendement n° 118 rectifié, monsieur le président !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 8, 99 rectifié bis et 118 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l'article 19 est supprimé, et les amendements identiques n° 102 rectifié bis et 132 rectifié n’ont plus d’objet. Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces derniers :

L'amendement n° 102 rectifié bis, présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC, et l'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, étaient tous deux ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Dispositions particulières au tribunal de grande instance de Paris

« Art. L. 217-1. - Est placé auprès du tribunal de grande instance de Paris, sous l’autorité du procureur de la République, un procureur de la République financier ayant rang de procureur de la République adjoint, dont les attributions sont fixées par le code de procédure pénale. »

Chapitre III

Dispositions transitoires et de coordination

(Non modifié)

Les juridictions mentionnées au premier alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent compétentes pour poursuivre l’instruction et le jugement des affaires en cours, sans préjudice de la possibilité d’un dessaisissement au profit des juridictions mentionnées aux articles 704 et 705 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, selon les procédures définies aux articles 704-2, 704-3, 705-2 et 705-3 dudit code, dans leur rédaction résultant de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 100 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. - Remplacer les mots :

aux articles 704 et 705

par les mots :

à l’article 704

II. - Remplacer les références :

704-2, 704-3, 705-2 et 705-3

par les références :

705, 705-1 et 705-2

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L’amendement n° 100 rectifié bis est défendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Tout comme l’amendement n° 119 rectifié, monsieur le président !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 9 rectifié, 100 rectifié bis et 119 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

L'article 20 est adopté.

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La sous-section 7 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI est complétée par un article L. 621-20-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 621 -20 -3. – Les procès-verbaux ou rapports d’enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d’être soumis à l’appréciation de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers peuvent être communiqués par le procureur de la République financier, le cas échéant après avis du juge d’instruction, d’office ou à leur demande :

« 1° Au secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, avant l’ouverture d’une procédure de sanction ;

« 2° Ou au rapporteur de la commission des sanctions, après l’ouverture d’une procédure de sanction. » ;

2° L’article L. 621-15-1 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « immédiatement le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « dans les meilleurs délais le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République financier » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par le mot : « financier » ;

c) Le dernier alinéa est supprimé ;

3°À l’article L. 621-17-13, les mots : « près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par le mot : « financier ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 101 rectifié bis est présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

procureur de la République financier

par les mots :

procureur de la République de Paris

II. – Alinéa 7

procureur de la République financier

par les mots :

procureur de la République de Paris

III. – Alinéas 8 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 101 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

L’amendement n° 120 rectifié est également défendu, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les quatre amendements suivants sont présentés par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 10 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

procureur de la République financier

par les mots :

procureur de la République de Paris

L'amendement n° 11 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

procureur de la République financier

par les mots :

procureur de la République de Paris

L'amendement n° 12 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 13 rectifié est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter ces quatre amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix les amendements identiques n° 101 rectifié bis et 120 rectifié.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, les amendements n° 10 rectifié, 11 rectifié, 12 rectifié et 13 rectifié n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 20 bis, modifié.

L'article 20 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 42, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Après l'article 20 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est créé à compter du 1er janvier 2014 un pôle interministériel de lutte contre l'opacité financière, constitué de représentants compétents des ministères de l'intérieur, de la justice, de la défense et de l'économie.

Ce pôle est chargé de définir une stratégie d'analyse et de riposte visant à entraver l'opacité financière organisée, à développer une expertise quant à ces pratiques et à assurer une coopération européenne de lutte en la matière.

Un décret en Conseil d'État fixe la composition de ce pôle interministériel de lutte contre l'opacité financière.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cet amendement tend à créer, à compter du 1er janvier 2014, un pôle interministériel de lutte contre l’opacité financière, composé de représentants des ministères de l’intérieur, de la justice, de la défense et de l’économie. Cette instance serait chargée de définir une stratégie d’analyse et de riposte visant à lutter contre l’opacité financière organisée, à développer une expertise quant à ces pratiques et à assurer une coopération européenne de lutte en la matière.

Pourquoi formuler une telle proposition ? Parce que la fraude et l’évasion fiscale demeurent massives du fait d’une opacité financière organisée et de pratiques qui s’adaptent sans cesse aux nouvelles législations européennes ou nationales. Pour lutter efficacement contre ces fléaux, la France doit se doter d’un pôle de lutte spécifique qui allie coopération, renseignement et adaptation régulière aux pratiques de fraude et d’évasion fiscale.

Toutes les grandes banques sont dotées de services appelés « pôles de projets stratégiques ». Or, derrière ces mots, se cache en réalité toute une structure de conseil à l’usage des grands clients, pour leur permettre de contourner les dispositions fiscales et leur donner, avant même que les directives européennes et textes de loi en la matière n’entrent en application, des réponses techniques à cette fin.

Plusieurs des personnes que nous avons auditionnées au sein de la commission d’enquête ont fourni des exemples extrêmement précis de cette rapidité d’adaptation aux réglementations. Il faut donc concevoir des outils de coopération, mettant en œuvre à la fois des moyens informatiques et, quand c’est nécessaire, des moyens juridiques.

En 1995, en Espagne, a été adopté un accord de coopération entre les ministères de la justice, de l’intérieur, de l’économie et des finances, ainsi que l’agence de l’administration fiscale de l’État. Cet accord a donné lieu à la création d’un bureau spécial – fiscalia especial – pour la répression des délits économiques en relation avec la corruption. On a bien compris que les choix français n’étaient pas du même ordre pour ce qui est des compétences judiciaires de cette instance ! Quoi qu'il en soit, cet outil ne se cantonne pas à une stricte fonction juridique et judiciaire : il joue également un rôle de formation, d’organisation et de réflexion sur l’adaptation des méthodes de lutte contre les délits en question en fonction de leur évolution.

Voilà pourquoi la France doit, à mon sens, se doter d’un programme de lutte complet, comprenant ce type de dispositifs. C’est dans cette perspective que je propose la création de ce pôle interministériel.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Madame Lienemann, vous proposez la création d’un pôle chargé de définir une stratégie d’analyse et de riposte visant à lutter contre l’opacité financière organisée, à développer l’expertise quant à ces pratiques et à assurer une coopération européenne de lutte en la matière.

Cette mesure pourrait être source de redondances, en raison de la création de l’office prévu par le Gouvernement. Elle risquerait au surplus de rendre le dispositif d’ensemble complexe et peu lisible.

En effet, dans le cadre des orientations fixées par le Gouvernement pour améliorer la transparence de la vie publique et renforcer les moyens de lutter contre la délinquance financière et fiscale, il a été décidé de créer, au sein de la direction centrale de la police judiciaire, d’un office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, ou OCLIFF. Cet office aura pour champ de compétences les infractions relevant du droit pénal des affaires, les infractions fiscales complexes, les atteintes à la probité et aux règles encadrant le financement de la vie politique, sans oublier les infractions connexes à celles entrant dans son domaine d’intervention.

Composé d’environ quatre-vingt-dix fonctionnaires de police, militaires de la gendarmerie et officiers fiscaux judiciaires, cet office comprendra la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale et la brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité financière. Des offices de liaison de la direction générale des douanes et des droits indirects ainsi que de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes compléteront ces effectifs, de manière à assurer une parfaite coordination des services de l’État.

Dans le même esprit, un officier de liaison de l’OCLIFF sera affecté, au sein de TRACFIN, au traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins.

Comme tout office central, l’OCLIFF sera chargé de mener des enquêtes judiciaires dans son domaine de compétence, de recueillir et de centraliser tous renseignements ou informations à des fins opérationnelles ou documentaires. Il assurera également le suivi et l’exploitation de tout dispositif de signalement mis en œuvre dans son champ de compétences et constituant, pour la France, le point de contact central dans les échanges internationaux.

Ce projet suppose notamment l’adoption d’un décret simple créant l’office central et modifiant l’article du code de procédure pénale qui fixe la liste des offices centraux de police judiciaire à compétence nationale. Ce décret recueille actuellement les contreseings des ministres de la justice et de l’économie et des finances.

Madame la sénatrice, sous le bénéfice de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame Lienemann, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

J’ai bien entendu les observations de M. le ministre. Notre commission d’enquête, qui a notamment auditionné de nombreux spécialistes bancaires, a généralement admis que des compétences spécialisées étaient nécessaires pour que nous puissions nous adapter rapidement aux évolutions de la fraude fiscale. Je ne doute pas qu’elle formulera des propositions plus opérationnelles, ou à tout le moins plus conformes à la complémentarité des rôles par rapport à l’office central et à la nécessité de spécialiser certaines compétences sur cet axe particulier.

Eu égard à la création d’un nouvel outil, il me semble plus pertinent d’attendre la conclusion des travaux de notre commission d’enquête pour déterminer un modus operandi tenant compte de ce nouveau dispositif. C’est la raison pour laquelle je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 42 est retiré.

Mes chers collègues, reprenant maintenant le cours normal de la discussion des articles, nous en venons à l’examen des dispositions du titre II.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES ET DOUANIÈRES

Après l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 10 bis ainsi rédigé :

« Art. L. 10 bis. – Dans le cadre des procédures prévues au titre II du présent livre, à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, les documents, pièces ou informations que l’administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101, L. 114 et L. 114 A ou, en application des dispositions relatives à l’assistance administrative, par les autorités compétentes des États étrangers. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 10 bis. – Dans le cadre des procédures prévues au titre II du présent livre, à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, les documents, pièces ou informations que l’administration utilise. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Au cours des débats consacrés au présent texte, deux points nous ont particulièrement divisés : premièrement, le monopole de Bercy dans certaines procédures et, deuxièmement, la licéité des preuves ; c’est de ce second point qu’il est ici question.

Je commencerai mon propos par une réflexion générale : lorsqu’un événement très grave survient dans notre pays – un meurtre, par exemple –, il n’est pas rare de lire dans la presse que la police « s’efforce d’utiliser toutes les informations mises à sa disposition ».

On m’objectera qu’en matière de fraude fiscale il n’y a ni meurtre ni victime. Eh bien si, précisément, il y a des victimes ! De fait, la fraude fiscale représente 50 à 60 milliards d’euros de recettes en moins chaque année. Cet argent, il faut donc aller le chercher ailleurs, par exemple en relevant le taux de la TVA, en augmentant le tarif des cantines scolaires, etc. Nous sommes donc bien face à des faits suffisamment graves pour justifier qu’on utilise, dans cette lutte contre la fraude, toutes les informations disponibles.

Par cet amendement, il s’agit de permettre à l’administration fiscale d’exploiter tous les renseignements dont elle dispose dans le cadre des procédures de contrôle, d’imposition et de rectification.

En la matière, la commission des lois du Sénat a rétabli la rédaction initiale du présent texte, qui précise que seules pourraient être utilisées les preuves transmises par l’autorité judiciaire ou communiquées dans le cadre de l’assistance administrative internationale. Il s’agit là d’un rétrécissement significatif du champ des possibilités offertes à l’administration par rapport à la rédaction transmise par l’Assemblée nationale, qui intégrait, elle, les informations issues du droit de communication que l’administration fiscale peut exercer à l’égard d’autres administrations, d’autorités indépendantes ou de tiers.

Cet amendement tend, au contraire, à élargir le dispositif à tout mode de preuve. À cette fin, l’obligation procédurale de transmission régulière serait supprimée.

Il s’agit, notamment, de répondre à une situation, qui fut celle de l’affaire HSBC, dans laquelle des tiers transmettent directement et spontanément des informations à l’administration fiscale. En l’état actuel du droit, l’utilisation de ces informations est impossible, comme l’a montré mon homologue de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, dans un récent rapport sur la liste HSBC.

Il y a là une forme de paradoxe : l’administration pourrait utiliser des informations volées puis achetées, pour peu qu’elles transitent par les institutions autorisées, mais ne pourrait pas en faire usage si elles lui sont remises spontanément et gratuitement ! L’amendement que je défends permettra de lever cette difficulté.

Rien, juridiquement, ne s’oppose à ce que l’administration puisse recourir à toute forme de preuve, quelle qu’en soit l’origine. La Cour européenne des droits de l’homme laisse une grande liberté en la matière. L’Allemagne, dont chacun peut convenir qu’il s’agit d’un État de droit, procède d’ailleurs depuis longtemps déjà à l’achat de listes de fraudeurs. L’amendement de la commission des finances ne va toutefois pas jusque-là.

Le principe de loyauté de la preuve ne s’applique que dans le cadre des procédures civiles. La chambre criminelle de la Cour de cassation considère ainsi comme recevables des preuves qui auraient été volées.

Il faut rappeler que l’administration des douanes dispose d’ores et déjà de la possibilité de rémunérer des aviseurs et, donc, de procéder à l’achat d’indications. L’amendement que je propose ne permettrait toutefois pas à l’administration fiscale de voler des informations ou d’encourager quelqu’un à commettre un tel vol pour son compte.

Il correspond à une réalité, car la transmission de listes par des particuliers ou des organisations privées n’est pas un cas de figure théorique : après la liste HSBC, il y a eu d’autres cas où des informations ont été dérobées et rendues publiques de manière désintéressée.

Le présent amendement serait donc efficace, et l’atteinte qu’il est susceptible de porter aux libertés publiques me paraît proportionnée à l’objectif d’intérêt général qu’il vise.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 142, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 10 bis. – Dans le cadre des procédures prévues au titre II du présent livre, à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que l’administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance soit dans les conditions prévues au chapitre II du titre II de la première partie ou aux articles L. 114 et L. 114 A, soit en application des droits de communication qui lui sont dévolus par d’autres textes, soit en application des dispositions relatives à l’assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

C’est avec regret que la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement de M. Marc. Cet amendement permet en effet la transmission d’éléments illicites en dehors de toute procédure connue, et notamment sans visa de l’autorité judiciaire. Or il nous semble nécessaire de conserver ce contrôle de l’autorité judiciaire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

La précaution évoquée par le rapporteur à l’instant est légitime. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour exploiter les preuves transmises à l’administration fiscale dont les modalités de transmission étaient licites lorsque leur source ne l’était pas.

Je comprends pourtant le souci qu’exprime M. Marc, qui vise à permettre à l’administration fiscale de disposer de l’ensemble des éléments qui permettent de poursuivre. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de votre assemblée.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 16 B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » ;

bis (nouveau) Après le V de l’article L. 16 B, il est inséré un V bis ainsi rédigé :

« V bis. – Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, ou les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale. »

2° Après le deuxième alinéa du 2 de l’article L. 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10 bis lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » –

Adopté.

Le titre II du code des douanes est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Sécurisation des contrôles et enquêtes

« Art. 67 E. – Dans le cadre des contrôles et enquêtes prévus par le présent code, à l’exception de ceux prévus à l’article 64, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que les agents des douanes utilisent et qui sont régulièrement portés à leur connaissance dans les conditions prévues à l’article 343 bis, ou en application des dispositions relatives à l’assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers. » –

Adopté.

L’article 64 du code des douanes est ainsi modifié :

1° Après le septième alinéa du a du 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article 67 E, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le présent code. » ;

« 2°

c) Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, ou les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 65 du code des douanes, il est rétabli un 8° ainsi rédigé :

« 8° L’administration des douanes peut recevoir et utiliser les documents et renseignements qui lui sont transmis par toute personne étrangère aux administrations publiques et amenant directement soit la découverte d'infractions qu'elle est chargée de rechercher et de réprimer, soit l'identification des auteurs de ces infractions. Cette personne est dénommée un aviseur. Les aviseurs peuvent être rémunérés par l'administration des douanes dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des douanes. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Cet amendement tend à inscrire dans la loi une pratique de l’administration des douanes prévue par un simple arrêté ministériel de 1957, afin de sécuriser au niveau législatif le travail des enquêteurs des douanes avec leurs informateurs, communément appelés « aviseurs » dans les textes réglementaires.

Sa rédaction est inspirée de celle de l’article 15-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, qui sécurise sur le plan législatif les indicateurs des services de police et de gendarmerie.

L’amendement renvoie à l’arrêté ministériel existant pour ce qui concerne la gestion de la rémunération des aviseurs, d’ores et déjà encadrée par ce texte réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Sur cet amendement, nous nous en remettons à l’avis du Gouvernement dans la mesure où la rémunération d’aviseurs est une pratique ancienne, qui permet à l’administration des douanes, sur la base des informations obtenues, de procéder à des constatations en flagrant délit et de mettre fin à des flux illicites de marchandises.

Dès lors que le dispositif est appliqué depuis longtemps sans que cela ne pose de difficultés, il me semble que l'avis du Gouvernement nous permettrait de mesurer l’utilité et la pertinence de cet amendement, dont le principe nous paraît fondé.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Compte tenu des modifications rédactionnelles qui ont été apportées à cet amendement, le Gouvernement y est favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quater.

L'amendement n° 55, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre VIII du code des douanes est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. 215 -… – Ceux qui détiennent ou transportent des sommes, titres ou valeurs pour un montant supérieur au seuil fixé à l’article L. 152-1 du code monétaire et financier doivent, à première réquisition des agents des douanes, justifier de leur origine régulière.

« Ceux qui ont détenu, transporté, vendu, cédé ou échangé lesdites sommes titres ou valeurs sont également tenus de justifier de leur origine régulière à toute réquisition des agents des douanes formulée dans un délai de trois ans à partir du moment où les sommes, titres ou valeurs ont cessé d’être entre leurs mains.

« Lorsque les personnes ne justifient pas de l’origine régulière des sommes, titres ou valeurs, ceux-ci sont saisis en quelque lieu qu’ils se trouvent et les personnes sont poursuivies et punies conformément aux dispositions de l’article 415 du présent code.

« Lorsqu’ils auront eu connaissance que celui qui leur a délivré les justificatifs ne pouvait le faire valablement ou que celui qui leur a vendu, cédé, échangé ou confié les sommes, titres ou valeurs n’était pas en mesure de justifier de leur origine régulière, les détenteurs et transporteurs seront condamnés aux mêmes peines et les sommes, titres ou valeurs seront saisies et confisquées dans les mêmes conditions que ci-dessus, quelles que soient les justifications qui auront pu être produites. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Au moins autant que la maîtrise des dépenses publiques ou la hausse des prélèvements obligatoires, la lutte contre la fraude fiscale constitue l’un des meilleurs moyens de réduire nos déficits publics et, partant, notre dette publique.

Afin de mieux lutter contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale – notamment les escroqueries à la TVA – le travail illégal, mais aussi contre le blanchiment et les infractions financières, il est nécessaire de renforcer les moyens de contrôle de l’administration des douanes sur les mouvements physiques d’espèces.

À ce jour, seule une déclaration au moment du franchissement des frontières, à l’entrée comme à la sortie du territoire, est exigée des personnes transportant plus de 10 000 euros en espèces. Mais aucun contrôle n’est possible sur le reste du territoire.

Il est proposé de donner l’outil juridique nécessaire aux agents de contrôle pour appréhender les sommes transportées en espèces sur l’ensemble du territoire national lorsque leur montant est supérieur à ce même seuil de 10 000 euros et que la personne est dans l’incapacité de justifier de leur origine légale. Ainsi, seront appréhendés plus facilement les avoirs provenant des fraudes fiscales et du blanchiment des activités criminelles.

L’amendement calque la procédure de contrôle sur celle qui s’applique aux biens dont les personnes doivent justifier de la détention régulière à première réquisition des douanes sur l’ensemble du territoire national et renvoie, pour la sanction de l’infraction, au texte relatif au délit douanier de blanchiment, qui est le plus adapté en l’espèce.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous souhaitons, là encore, entendre l’avis du Gouvernement.

Cet amendement vise certes à renforcer l’efficacité des contrôles, mais nous nous sommes interrogés sur la disproportion au regard de l’objectif poursuivi, dans la mesure où il introduit une sorte de présomption d’illicéité des sommes transportées physiquement au-delà d’un certain montant.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je comprends parfaitement le souhait de renforcer le pouvoir des agents des douanes en matière de blanchiment, et les auteurs de cet amendement expriment une préoccupation que nous partageons. Toutefois, la disposition proposée semble y apporter une réponse à nos yeux inadaptée.

La constatation de l’infraction de blanchiment sanctionnée à l’article 415 du code des douanes par une peine privative de liberté de deux à dix ans et une amende comprise entre un et cinq fois le montant des sommes repose sur le cumul de trois éléments : premièrement, un flux monétaire transfrontalier ; deuxièmement, l’existence d’une infraction douanière, qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de contrefaçon ou de contrebande ; troisièmement, la connaissance par la personne de l’origine illicite des sommes transportées.

L’amendement que vous proposez, madame Pasquet, tend à étendre les sanctions très sévères prévues à cet article à la seule détention de sommes d’argent supérieures à 10 000 euros sans qu’aucune infraction ait été constatée par ailleurs. Cette mesure, si elle s’inscrit dans la réflexion, déjà engagée avec le présent projet de loi, sur le renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment, apparaît cependant excessive et très fragile au regard des principes constitutionnels et des engagements européens de la France.

Dès lors, il me semble nécessaire de poursuivre la réflexion, notamment avec vous, afin de renforcer de manière efficace et proportionnée l’action de la douane, en ciblant plus directement le critère de l’intentionnalité dans l’infraction de blanchiment douanier, et dans le strict respect de la Constitution.

Je vous propose donc, madame la sénatrice, de retirer cet amendement ; à défaut je serai contraint d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Il me semblait que, à partir du moment où l’on demande aux personnes de justifier la détention de ces sommes en espèces, on peut en déterminer l’origine et savoir s’il y a ou non infraction.

Toutefois, dans l’attente d’une réflexion plus poussée sur le sujet, je retire l’amendement.

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 561-2 est complété par un 18° ainsi rédigé :

« 18° La caisse des règlements pécuniaires des avocats. » ;

2° L’article L. 561-3 est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII. – Les caisses des règlements pécuniaires des avocats exercent leur vigilance sur l’origine et la destination ainsi que sur le bénéficiaire effectif des fonds, effets ou valeurs qui sont déposés par les avocats pour le compte de leurs clients. Elles ne sont pas soumises aux dispositions du présent chapitre, lorsque le règlement pécuniaire contrôlé se rattache à une activité relative aux transactions mentionnées au I, pour laquelle il est fait application des dispositions du II. » ;

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 561-17, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Par dérogation aux articles L. 561-15 et L. 561-16, la caisse des règlements pécuniaires des avocats communique la déclaration au bâtonnier de l’ordre dont elle dépend. La caisse des règlements pécuniaires des avocats informe l’avocat réalisant le règlement pécuniaire faisant l’objet de la déclaration de soupçon transmise au bâtonnier du barreau dont dépend l’avocat. » ;

4° Le I de l’article L. 561-36 est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° Par la commission de contrôle des caisses des règlements pécuniaires des avocats, pour les caisses des règlements pécuniaires des avocats. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Mohamed Soilihi.

L'amendement n° 30 est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

L'amendement n° 31 est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le II de l’article L. 561-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les avocats sont réputés satisfaire à l’obligation de déclaration prévue aux articles L. 561-15 et L. 561-16, lorsqu’ils réalisent le règlement pécuniaire accessoire à l’une des opérations visées au I par l’intermédiaire d’une caisse des règlements pécuniaires des avocats. » ;

L'amendement n° 112 est ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elles sont soumises aux dispositions du présent chapitre, lorsque le règlement pécuniaire contrôlé se rattache à une activité relative aux transactions mentionnées au I, sauf lorsqu’il est fait application des dispositions du II.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Comme l’a dit madame la garde des sceaux, le 20 juin dernier, à l’Assemblée nationale, les caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, ne sont pas des banques au sens de la directive d’octobre 2005, et ne constituent pas une profession.

Elles ont été créées pour rejeter toute opération irrégulière au regard des contrôles qu’elles opèrent depuis dix-sept ans en application des dispositions réglementaires et de l’article 8 de l’arrêté du 5 juillet 1996.

Ces contrôles sont relatifs à l’intitulé et à la nature des affaires, à la provenance des fonds crédités sur les sous-comptes « affaires » des avocats, à l’identité des bénéficiaires des règlements et à la justification du lien entre les règlements pécuniaires des avocats et les actes juridiques et judiciaires qu’ils accomplissent dans le cadre de leur exercice professionnel.

À lui seul, ce texte démontre la qualité de la CARPA comme outil de nature déontologique qui, sous le contrôle du bâtonnier, refusera toute opération présentant une irrégularité au sens de cet article 8.

C’est la différence fondamentale avec un établissement financier, qui ne peut qu’exécuter l’instruction de son client, concrétisée par un moyen de paiement, sauf incident ; la CARPA, elle, refusera tout simplement que l’opération se réalise si les contrôles auxquels elle est astreinte font apparaître des irrégularités, et en informera l’avocat, dont elle est le partenaire actif dans le cadre du secret professionnel partagé.

A contrario, en aucun cas un établissement financier n’est en mesure de procéder, pour un de ses clients, à de tels contrôles. C’est pour cela qu’il réalise l’opération concrétisée par un moyen de paiement, tout en procédant à une déclaration de soupçon, s’il le juge utile.

La CARPA, adossée à une banque déjà soumise à la déclaration de soupçon, est en état de refuser purement et simplement l’opération qui, n’étant pas réalisée, ne fera pas l’objet d’une telle déclaration.

L’Union nationale des caisses d’avocats, l’UNCA, indique qu’il n’y aura pas de déclaration de soupçon par la CARPA, car une opération traitée par elle, aura précisément bénéficié de « clignotants au vert ». L’UNCA ajoute qu’à la moindre irrégularité elle refusera de traiter l’opération.

L’amendement n° 31 est un amendement de repli.

L’avocat est toujours tenu par son devoir de vigilance, de connaissance du client, des ayants droit éventuels et des motifs du montage financier, dans les limites de l’article L. 561-3 du code monétaire et financier. Cette obligation demeure avec cet amendement, qui tire la conséquence du fait que la CARPA est bien le mandataire de l’avocat et son partenaire dans le cadre du secret professionnel partagé.

Dans le cas où une opération, en pratique extrêmement rare, n’aurait pas été rejetée à l’issue des contrôles et nécessiterait une déclaration, il reviendrait à la CARPA, au regard des contrôles réglementaires auxquels elle est astreinte, de la réaliser, et non plus à l’avocat. Il n’y aura pas de déclaration concomitante de l’avocat et de la CARPA dans la mesure où celle-ci aura procédé aux contrôles inhérents au règlement pécuniaire.

Cela n’exonère évidemment en rien l’avocat de son obligation de vigilance en amont. Soit cette vigilance est réalisée en amont par l’avocat et, dans ce cas, il n’y aura pas de mouvement de fonds suspect. Soit l’avocat n’a rien trouvé à redire à l’analyse du dossier, et c’est alors la CARPA qui décèle les irrégularités lors du versement des fonds. Dans l’absolu, elle rejette l’opération mais, en tout état de cause, si déclaration de soupçon il devait y avoir, c’est bien à la CARPA d’y procéder auprès du bâtonnier de l’ordre du barreau dont dépend l’avocat, en informant ce dernier, comme le prévoit le sous-amendement adopté par l’Assemblée nationale.

Quant à l’amendement n° 112, il vise à réécrire à la forme affirmative la seconde phrase de l’alinéa 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 30.

Je comprends bien la susceptibilité des avocats, mais j’attire l’attention sur le fait que l’avocat peut être la victime de son client, de bonne ou de mauvaise foi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… présumé innocent, certes, mais qui peut se révéler coupable au terme de la procédure. C’est plutôt une protection de l’avocat que de permettre aux CARPA, si elles constatent quelque mouvement frauduleux ou si elles s’interrogent sur la provenance des fonds, de pouvoir, par le biais du bâtonnier – la procédure a été encadrée –, signaler l’origine frauduleuse ou prétendument frauduleuse des fonds. L’intervention du bâtonnier devrait dédramatiser le contrôle réalisé sur les comptes de la CARPA.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 31, qui prévoit qu’il n’est pas besoin d’astreindre l’avocat à l’obligation de déclaration dans la mesure où la CARPA y sera astreinte. Il est nécessaire de le prévoir, car il peut y avoir deux niveaux, des sommes différentes, un certain nombre de manœuvres.

À cet égard, je veux dire que nous avons été surpris par un chiffre : un seul signalement a été fait à TRACFIN par les avocats. Je connais beaucoup d’avocats et de barreaux qui considèrent que le barreau devrait aussi faire davantage d’efforts dans la gestion des fonds.

La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 112.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.

Je ne suis pas certaine que la volonté d’exclure la profession d’avocat des contraintes prévues dans le cadre de la lutte contre le blanchiment lui rende service, même si j’entends les inquiétudes quant à la suspicion. Aucune profession n’est, par nature, suspectée, mais toutes doivent contribuer à la lutte contre le blanchiment.

La commission des lois du Sénat a déjà modifié substantiellement le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La difficulté tient essentiellement au fait que l’article 10 quinquies provient d’un amendement parlementaire, surgi en séance publique, qui n’a pas fait l’objet des concertations nécessaires et souhaitables avec la profession d’avocat. Cet amendement a d’ailleurs été sous-amendé, afin d’introduire le filtre du bâtonnier dans les déclarations de soupçon. Cette précision est de nature à lever la défiance que l’on pouvait éventuellement avoir à l’égard de la profession.

La commission des lois est allée plus loin, excluant du champ des sommes pouvant faire l’objet d’une déclaration de soupçon celles qui émanent d’une procédure juridictionnelle ou d’une consultation juridique. À ma connaissance, c’est là l’essentiel des fonds confiés aux CARPA.

Pour l’honneur même de la profession d’avocat, il est souhaitable que celle-ci apparaisse bien comme contribuant à la lutte contre le blanchiment.

Pour le reste, je relève que la profession elle-même s’interroge et s’organise. Vous le savez, le « parlement » de la profession se trouve dans une période intérimaire à la suite de la démission du président du Conseil national des barreaux. L’intérim de la présidence est assuré ; les élections auront lieu le 6 septembre prochain et la profession elle-même est en train de travailler à la réforme de sa propre gouvernance. Elle a formulé des propositions de réforme du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession, notamment celle prévoyant que serait accordé à la commission de contrôle un pouvoir de coercition, de façon à agir au sein de la profession.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale préservait au moins le passage par le bâtonnier. La commission des lois du Sénat a restreint considérablement le champ des sommes concernées. Quant à la profession, elle-même souhaite échapper aux soupçons. Or le fait qu’il n’y ait qu’un seul signalement – M. le rapporteur vient de le rappeler – autorise toutes les suspicions. Au demeurant, peut-être n’y a-t-il pas matière à ce qu’il y ait plus de signalements ! Mais si, en plus, on sort 90 % des sommes du dispositif, selon moi, on ne fera qu’alimenter la suspicion. Ce ne serait pas rendre service à la profession.

Peut-être M. Mohamed Soilihi acceptera-t-il, dans ces conditions, de retirer ses amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la garde des sceaux, je vous remercie de voler au secours de l’honneur des avocats.

Je veux rassurer M. le rapporteur : il ne s’agit pas de préserver la susceptibilité des avocats. Le système fonctionne, et c’est pour cette raison qu’il n’y a qu’un signalement. Dès lors, pourquoi vouloir changer la loi au seul motif qu’il y a des soupçons ? Quelles études, quelles inspections ont permis d’arriver à ces conclusions ? Je regrette que les choses se fassent dans la précipitation, sans aucune étude préalable.

Je ne développerai pas plus longuement mon argumentation. Il ne s’agit pas de camper sur des positions, mais, jusqu’à preuve du contraire, un système qui fonctionne doit perdurer. Le risque, c’est qu’il y ait désaffection des avocats vis-à-vis de la CARPA ? Après tout, l’avocat pourrait dire à son client : « Débrouillez-vous avec vos fonds, la CARPA ne s’en occupe pas ! » Cela constituerait une menace pour le système des CARPA, qui, je le rappelle, sert à financer des missions de service public, telles que les permanences pénales, par exemple. C’est pour cette raison que j’insiste.

La CARPA est un instrument utile et même nécessaire non seulement pour les avocats, mais aussi pour les justiciables.

En conséquence, je maintiens mes trois amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 10 quinquies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 18 juillet 2013, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la représentation des Français établis hors de France.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq.