Intervention de Annie David

Réunion du 13 juillet 2011 à 14h45
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, cela ne vous surprendra pas, ayant voté contre ce projet de loi lors de son examen en première lecture, nous voterons de nouveau contre après la réunion de la commission mixte paritaire, dussiez-vous invoquer les fameux « 62 % de sondés » ou qualifier mon intervention de « caricaturale », monsieur le ministre.

En effet, la commission mixte paritaire n’a pas vraiment permis d’aboutir à une véritable répartition des richesses, comme nous l’appelions de nos vœux ; vous-même semblez pourtant y être attaché, monsieur le ministre.

Pour notre part, nous avons été surpris par certaines déclarations que nous avons entendues dans la discussion générale en première lecture.

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez affirmé : « Il y a deux ans, au moment où notre pays traversait, comme le reste du monde, une crise d’une ampleur sans précédent, le Président de la République a voulu que s’engage une réflexion pour permettre une meilleure répartition des fruits de l’effort collectif. » Une telle déclaration appelle tout de même quelques observations.

D’abord, vous donnez voix à un rapport qui a été remis au Président de la République le 16 mai 2009 ; vous auriez pu trouver plus récent… Et on peut légitimement se demander pourquoi le Gouvernement a attendu plus de deux ans pour proposer enfin une mesure présentée comme devant renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Certains l’expliquent par la proximité de l’élection présidentielle… Je vous laisserai le soin de nous répondre sur ce point, monsieur le ministre.

Par ailleurs, ce rapport n’est pas exempt de critiques. En effet, pour justifier toute sa théorie selon laquelle la part des salaires n’aurait pas radicalement diminué dans le partage des richesses, il se fonde évidemment sur le chiffre le moins gênant : la valeur ajoutée au coût des facteurs de production. Cela permet de conclure que la baisse « n’atteindrait que deux à trois points de valeur ajoutée » sur la période étudiée.

Même si nous ne sommes pas d'accord sur le chiffre retenu, nous notons tout de même, à l’instar de Sylvain Lapoix dans un article de Marianne, que : « Trois points de baisse ramenés au PIB français représenteraient la bagatelle de 55 milliards à 60 milliards d’euros en moins pour les salaires. » Et là, on peut dire que c’est une perte sèche pour le pouvoir d’achat des salariés !

En outre, de nombreux économistes s’accordent à dire, à l’image de Michel Husson, que le véritable enjeu est celui de la répartition de la valeur ajoutée entre deux facteurs : les dividendes et les salaires.

Selon des données fournies par l’INSEE, les salaires nets représentaient 45, 8 % de la valeur ajoutée en 1980, contre 37, 4 % en 2008, soit une perte d’un peu plus de 8 %. Sur la même période, la part de la valeur ajoutée dédiée aux dividendes est passée de 3, 1 % à 8, 4 %, soit une progression de 5, 3 %.

La tendance principale est un transfert des salaires vers les profits équivalant à 8, 8 points de valeur ajoutée. Michel Husson précise : « Du côté des profits, la majeure partie de l’augmentation est allée au versement de dividendes. En 1980, les revenus ainsi distribués par les entreprises représentaient 4, 2 % de leur masse salariale, et cette proportion est passée à 12, 9 % en 2008. Autrement dit, les salariés travaillaient 72 heures par an pour les actionnaires en 1980. En 2008, c’est 189 heures. » Voilà le constat !

Enfin, ce projet de loi ne peut décemment pas être présenté comme étant la conséquence du rapport Cotis. En effet, celui-ci préconisait un partage des richesses en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et, enfin, un tiers pour l’entreprise. Voilà d’ailleurs qui devrait faire plaisir à notre collègue Serge Dassault, lui qui nous propose cela lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale…

Bien qu’une telle solution ne nous convienne pas complètement, car elle revient à rémunérer à l’identique travail et spéculation, elle est tout de même plus ambitieuse que la prime exceptionnelle au cœur de ce projet, une mesure unanimement dénoncée par toutes les instances dans lesquelles siègent les organisations syndicales représentatives, et pour cause !

Même si la loi précise que cette prime ne doit pas avoir d’incidence sur les augmentations de salaires, nombreux seront les employeurs qui considéreront avoir déjà satisfait à leurs obligations dans le cadre des négociations annuelles obligatoires ; vous le savez pertinemment, monsieur le ministre.

Pourtant, seules les augmentations de salaires, dès lors qu’elles sont notables, profitent durablement à l’économie, car elles sont réinjectées dans la consommation. Par ailleurs, elles sont à la fois égalitaires, car tous les salariés y ont droit, sécurisées, car il est difficile d’y revenir une fois qu’elles sont acquises, et justes, car le salaire doit rester la rémunération logique du travail que les salariés produisent.

C’est exactement l’inverse des primes, qui, elles, sont flexibles et individuelles et ne sont soumises à aucune cotisation sociale. Elles ne contribuent donc pas à financer ce formidable outil émancipateur qu’est la sécurité sociale, alors que vous annoncez dans le même temps le passage des quarante et une annuités aux quarante et une annuités et demie pour la retraite !

Vous présentez cette mesure comme automatique et technique, en oubliant au passage de préciser que la question principale est celle du financement de la sécurité sociale.

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