Intervention de Annie David

Réunion du 13 juillet 2011 à 14h45
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Les Français payent le prix de la multiplication des mesures d’exonérations et d’exemptions de cotisations sociales. Non content de ne pas vous attaquer résolument aux niches sociales, que la Cour des comptes dénonce comme étant les principales responsables du déficit de la sécurité sociale, vous en créez une nouvelle aujourd'hui.

Vous créez aujourd'hui une prime qui ne devrait pas dépasser les 700 euros et qui devrait ne concerner que 4 millions de salariés au maximum, mais que tous nos concitoyennes et concitoyens subiront.

Cela ne peut décemment pas s’appeler du partage de la richesse. En l’occurrence, 20 millions de salariés seront oubliés ; les retraités ou bénéficiaires de minima sociaux ne pourront rien espérer. Quant aux fonctionnaires, ils sont soumis depuis deux ans à un strict gel des salaires, c’est-à-dire à une baisse importante de leur pouvoir d’achat compte tenu de l’inflation.

Ce que veulent les salariés, et on les comprend, ce sont des augmentations de leur pouvoir d’achat, donc des augmentations de salaires. En 2010, le salaire mensuel de base a progressé en moyenne de 1, 8 %. Mais, en tenant compte de l’inflation, la hausse n’aura été que de 0, 3 %.

D’ailleurs, à l’occasion de l’adoption récente d’une proposition de loi relative à l’apprentissage par le Parlement, la majorité a adopté, avec votre soutien, une disposition permettant aux employeurs qui le souhaitent de proposer en lieu et place des heures supplémentaires une modification temporaire du contrat de travail d’un temps partiel à un temps plein.

Là encore, une telle mesure prend les apparences d’une fausse générosité. Bien entendu, les salariés seront ravis de pouvoir un temps bénéficier d’un temps plein. Mais que l’on ne s’y trompe pas : il s’agit là d’une mesure temporaire. Une fois les besoins passés, les salariés retourneront à leur précarité. Ceux qui ont le plus à y gagner, ce sont naturellement les employeurs, qui pourront ainsi se dispenser de la majoration de 25% applicable aux heures complémentaires. Mais, surtout, cela porte un mauvais coup à notre droit du travail, dans la mesure où la jurisprudence se fonde de manière constante sur la généralisation des heures complémentaires pour requalifier ces contrats à temps partiel en contrats à temps plein, une requalification qui, contrairement à votre mesure, est définitive.

Nous exigeons donc que les salaires, les traitements et les pensions soient augmentés. Les dépenses consécutives à une telle mesure profiteront naturellement aux salariés, mais aussi – faut-il le préciser ? – aux comptes sociaux.

Nous considérons également qu’il est grand temps d’ouvrir de nouveau le chantier d’un juste financement de la sécurité sociale. À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, le groupe CRC-SPG avait proposé par voie d’amendements des solutions rapides, concrètes et crédibles. Le rapporteur s’y est systématiquement opposé, renvoyant le débat au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez refusé le débat en vous contentant, de manière quasi systématique, d’une réponse lapidaire : « défavorable ».

Or nous proposions de cesser progressivement les exonérations de cotisations sociales. Selon M. Vasselle, le rythme que nous proposions était trop rapide. Nous en tiendrons compte pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que la majorité UMP du Sénat ne puisse pas s’abriter derrière un tel argument.

Pour autant, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle la suppression de telles exonérations nuirait à l’emploi. Au contraire, nous savons que ce sont ces exonérations, parce qu’elles portent essentiellement sur les emplois peu ou pas qualifiés, qui créent des mécanismes dits de « trappes à bas salaires », donc de la précarité.

D’ailleurs, il serait intéressant que le Gouvernement nous remette prochainement un rapport effectuant le rapprochement entre les entreprises qui bénéficient le plus de ces exonérations et les dividendes qu’elles reversent à leurs actionnaires. Ces résultats pourraient nous surprendre. Nous pourrions ainsi découvrir que les « assistés », puisque le terme est à la mode, ne sont pas nécessairement celles et ceux auxquels on pense… auxquels vous pensez, monsieur le ministre.

Nous avons également proposé, là encore en vain, de responsabiliser socialement les entreprises, en modulant leur taux de cotisations sociales en fonction de leur politique salariale. Le principe est simple : les entreprises qui favorisent l’emploi et le rémunèrent correctement paieraient moins de cotisations sociales que celles qui préfèrent distribuer massivement les productions de richesses aux actionnaires.

Selon la Commission européenne, entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 %, tandis que le PIB, notamment en raison des gains de productivité, augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %.

Par ailleurs, la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure – 29 % contre 15 % – à celle de leurs cotisations sociales. Il faut donc inverser la logique. Pourquoi ne pas réfléchir à l’instauration d’une cotisation sociale sur les dividendes ? Est-il acceptable que les salariés paient les pots cassés de la crise alors que la ponction sur la richesse produite opérée par les actionnaires continuerait comme avant ? Pour qu’il n’en soit pas ainsi, nous pouvons élargir l’assiette des cotisations aux profits non investis ou établir une contribution spécifique sur les profits distribués.

De la même manière, et pour mettre fin aux techniques de contournement de financement de la sécurité sociale, nous avons proposé, là encore sans succès, de soumettre tous les revenus du travail, y compris les revenus indirects, à cotisations sociales.

Par là je vise, notamment, l’intéressement, la participation – vous avez eu l’occasion, il y a un instant, monsieur le ministre, de nous dire tout le bien que vous en pensiez – l’épargne salariale, le plan d’épargne retraite populaire, le PERP, ou le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, qui sont exonérés, tout du moins partiellement, de cotisations sociales ; c’est d’ailleurs leur seule raison d’être.

Si ceux qui soutiennent la participation veulent parler répartition des richesses, qu’ils prévoient des mécanismes d’augmentation des richesses et de plafonnement de distribution des dividendes. N’oublions pas qu’en pleine crise, alors que des milliers d’emplois étaient détruits, les groupes du CAC 40 ont dégagé 75 milliards d’euros de bénéfices. Sur cette somme, 35 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires sous forme de dividendes.

Les salariés ont l’impression qu’ils ont permis, par leurs efforts ou par les licenciements dont ils ont été victimes, à une minorité de personnes d’accaparer la majorité des dividendes produits.

Tout cela nous conduira, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, à voter contre ce projet de loi, non que nous entendions priver de cette prime les rares salariés concernés par elle, …

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