Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, « qui peut comprendre qu’on distribue plus de 80 milliards d’euros aux actionnaires – précisément 82, 3 milliards d’euros en 2010 – et que, dans le même temps, on explique aux salariés qu’il n’y a pas de quoi augmenter les salaires ? » Je me permets, en toute modestie, de reposer cette question puisqu’elle émane, excusez du peu, de la plus haute autorité de l’État, et que tout le monde se la pose encore, particulièrement les salariés !
Il paraît, en effet, que l’objectif de l’article 1er du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, dont le parcours législatif s’achève aujourd'hui, n’est finalement pas d’augmenter le pouvoir d’achat, mais avant tout une question justice, d’équité et de meilleur partage de la valeur. C’est ce qu’a affirmé tout à l’heure M. le ministre.
Il est vrai que cet article prévoit seulement que les salariés dont l’entreprise verse des dividendes en augmentation sur les deux derniers exercices pourront bénéficier d’une négociation. Mais des échappatoires ont aussi été évoquées, par exemple par le biais du rachat de ses propres actions ou grâce à l’organisation de souscription d’actions à taux préférentiel.
Est-il possible que ce qui serait accordé d’une main soit discrètement repris de l’autre sur la participation ou la rémunération ? Comment pourra-t-on s’assurer qu’un tel système ne devienne pas un marché de dupes ? Nous verrons bien…
Quoi qu’il en soit, réjouissons-nous plutôt qu’après avoir donné aussi largement satisfaction à un syndicat de médecins libéraux le matin par la grâce de la proposition de loi « Fourcade », le Gouvernement se soucie un peu des salariés l’après-midi ! Inutile de jouer les Cassandre et surtout de donner à cette mesure plus d’importance qu’elle n’en a visiblement.
Nous sommes, en revanche, beaucoup plus inquiets de la contradiction aiguë à laquelle s’expose le Gouvernement au regard des prescriptions de sa dernière loi de programmation des finances publiques et de ce nouveau texte. La création de cette niche sociale supplémentaire devrait s’accompagner de la suppression d’une autre niche d’un montant équivalent. Je ne suis pas le seul à souligner ce point, la même remarque ayant été formulée sur différentes travées. Or tel n’est pas le cas. Il est vrai qu’on a oublié d’évaluer le coût de cette niche, ce qui ne suffit bien sûr pas à supprimer le problème, celui d’une nouvelle aggravation des déficits de l’État via le déficit de la sécurité sociale – nous pourrions en débattre – sur la seule initiative du Gouvernement.
Certes, il était à craindre qu’à force de multiplier les lois et les règlements comme les petits pains le Gouvernement finisse par ne plus s’y retrouver lui-même !
Cependant, il ne peut quand même pas avoir déjà oublié les raisons pour lesquelles il défendait, il y a seulement quelques jours, rien moins qu’un projet de réforme constitutionnelle pour s’empêcher lui-même de céder, dorénavant, à la tentation du déficit. Quelle performance ! Il n’aura cette fois même pas attendu que la réforme soit définitivement adoptée pour ne pas la respecter !
Nous avions, en effet, exprimé la crainte que cette « règle d’équilibre » des finances publiques, assortie d’un monopole institué au profit des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ne suffirait pas à remplacer l’absence de volonté politique : ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale nous en fournit malheureusement l’exacte confirmation.
Bien que les articles « d’équilibre » des finances sociales ne soient plus, à ce stade, en débat, permettez-moi, pour conclure, de souligner le caractère peut-être prématuré de ces rectifications en cours d’année. Tel n’était d’ailleurs pas l’objet initialement prévu pour les lois rectificatives de finances sociales, destinées à consacrer une modification importante et brutale de contexte ou une évolution de grande ampleur.
Or le seul événement d’ampleur qui subsiste reste malheureusement la perspective de 17 milliards d’euros de déficit du régime général à l’horizon 2014 et l’absence chronique – que nous dénonçons régulièrement – de volonté et de projet du Gouvernement, qui se contente visiblement de prendre régulièrement la température de l’ONDAM et continue à saigner le patient au prétexte qu’il faut le purger pour son bien !
Comme l’a conclu tout à l'heure ma collègue Raymonde Le Texier, nous voterons contre ce texte, vous l’avez bien compris.