Il s’agit en effet d’un texte bref, de nature plutôt technique, et heureusement assez peu clivant au sein de notre assemblée. Il constitue d’abord une réponse à une exigence précise du Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 2012.
C’est aussi un texte qui ne concerne directement qu’une part extrêmement réduite de nos concitoyens. En effet, à la fin du mois de décembre 2011, seuls 2 345 jeunes Français disposaient du statut de pupille de l’État et, depuis une dizaine d’années, nous n’observons pas d’évolution significative du volume de cette population, sinon une légère baisse.
En même temps, il s’agit d’un texte qui fait sens, précisément parce que le nombre très réduit de personnes auquel il s’attache concerne essentiellement des enfants, de très jeunes enfants, qui comptent parmi les plus vulnérables de nos compatriotes. Il est de notre devoir, du devoir de l’État de protéger aussi efficacement que possible.
La qualité de pupille de l’État réaffirme en effet le caractère solidaire et protecteur de la République, non seulement pour les enfants nés sous X, mais, plus largement, pour tous les enfants à qui il n’a pas été donné de bénéficier d’une cellule familiale sereine et épanouissante, pour peu qu’il y ait eu une cellule...
En l’état actuel du droit, les présidents des conseils généraux assument la responsabilité d’octroyer le statut de pupille par arrêté, dans les conditions prévues à l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.
Dans un délai de trente jours après la date d’émission, cet arrêté peut être contesté par un proche via un recours qui peut l’amener à assumer la charge de l’enfant et soustraire ce dernier à un placement en vue d’adoption.
Encore faut-il pour cela que les tiers et les proches motivés puissent être dûment informés. Or, on le sait, ce n’est malheureusement pas toujours le cas aujourd’hui. Et c’est pourquoi le Conseil constitutionnel a enjoint au législateur d’apporter une modification au droit, au plus tard au 1er janvier 2014.
Le Conseil d’État a, quant à lui, proposé de remplacer l’article L. 224-8 par des dispositions nouvelles et clarifiées, soumises ce jour à notre assemblée.
L’objet de ce projet de loi est donc de mettre fin à une incertitude juridique, dommageable d’abord aux enfants eux-mêmes, mais aussi aux proches et aux tiers motivés par la prise en charge de l’enfant et son accompagnement.
Les nouvelles dispositions éteindront définitivement le droit d’agir après trente jours pour les personnes ayant reçu la notification de possibilité de recours. Il faudra toutefois veiller à ce que le plus grand nombre de personnes ayant qualité pour agir et qui n’auraient pas été en mesure de manifester un intérêt pour l’enfant avant la date de l’arrêté faute d’en avoir eu connaissance puissent être informées le plus rapidement possible.
Cette nouvelle législation, si elle est adoptée, ce dont nous ne doutons pas, va désormais permettre à ces personnes de voir leur action de recours recevable tant que l’enfant n’aura pas été placé en vue d’une adoption.
Dans une société caractérisée par une mobilité géographique toujours plus élevée de ses membres, où ceux-ci sont de plus en plus souvent appelés pour des raisons économiques, sociales ou plus personnelles à vivre dans une autre région, voire dans un autre pays que celui où ils ont leurs attaches familiales, les délais permettant d’être informés et d’engager des démarches pour revendiquer la prise en charge d’un enfant devenu pupille de l’État n’étaient en effet plus en adéquation avec les réalités de notre temps.
Il s’agit donc d’une évolution salutaire de notre droit, qui tend à l’extraire quelque peu d’un mécanicisme souvent trop déshumanisé, notamment en ce qui concerne les questions d’enfance et de petite enfance.
D’autres points du texte proposé nous paraissent, eux aussi, particulièrement opportuns dans une logique de plus grande humanisation du droit et des démarches juridiques et administratives que les écologistes réclament avec permanence et insistance depuis longtemps.
Ainsi, le tribunal pourra désormais autoriser le demandeur dont le recours n’aurait pas abouti à exercer un droit de visite dans l’intérêt de l’enfant.
Car, même si le souhait d’adoption d’un enfant par un tiers est légitime – en la matière, la demande ne cesse de progresser dans notre pays et peine à être satisfaite –, il faut aussi être conscient que l’adoption n’est pas une situation anodine et qu’elle est loin de toujours satisfaire le besoin de filiation que développe un enfant jusqu’à très tard dans sa vie d’adulte.
Préserver autant que possible pour un enfant des liens avec des personnes proches et qui ont bien connu ses parents nous paraît en général être plutôt un atout pour son développement personnel à venir.
Autre disposition importante, le texte proposé conditionne la volonté d’assumer la charge de l’enfant à une exigence de recevabilité de la demande, ce qui devrait permettre d’éviter, autant que faire se peut, des recours qui seraient de nature abusive.
Toutes ces dispositions sécuriseront l’intérêt et la situation de l’enfant, et garantiront les droits tant de la famille d’adoption que de la famille biologique.
Cet équilibre est fondamental si nous voulons aussi faciliter le retour à une certaine stabilité dans la vie de ces jeunes et de leurs familles, alors qu’ils traversent des moments souvent très difficiles.
En conclusion, vous l’aurez évidemment compris à travers mon propos, le groupe écologiste votera résolument en faveur de ce texte, qui comble un vide juridique important et permet de sécuriser le statut de pupille de l’État dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. §