Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons à cette heure quelque peu tardive vient modifier les modalités d’admission en qualité de pupille de l’État.
Oui, il est essentiel de sécuriser le statut de pupille et de prévenir tout risque de recours ultérieur à l’admission d’un enfant dans cette situation.
La qualité de pupille de l’État réaffirme le caractère solidaire et protecteur que doit jouer la République, tout particulièrement auprès des enfants nés sous X ou, plus largement, auprès de tous ceux qui n’ont pas la chance de bénéficier d’une cellule familiale sereine et épanouissante.
Les pupilles de l’État sont des enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque leur filiation n’est pas établie ou est inconnue.
Ce sont des enfants remis par leurs parents, qui consentent valablement à l’adoption, remis par l’un de leurs parents, et dont l’autre ne s’est pas manifesté durant six mois, ou bien encore des enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait de l’autorité parentale ou qui ont été déclarés abandonnés par le tribunal de grande instance.
Les enfants pupilles de l’État bénéficient en effet d’une tutelle spécifique.
L’article L. 224-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la tutelle des pupilles de l’État est assurée par le représentant de l’État dans le département. Ce dernier est désigné comme tuteur, ainsi que par le conseil de famille des pupilles de l’État.
Les services de l’aide sociale à l’enfance assurent la prise en charge de ces enfants.
Les présidents des conseils généraux assument la responsabilité d’octroyer le statut de pupille par arrêté, dans les conditions prévues par l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.
Dans un délai de trente jours après la date de l’arrêté, celui-ci peut être contesté par un proche via un recours qui l’amène à assumer la charge de l’enfant et soustrait ce dernier à un placement en vue d’une adoption.
Mais encore faut-il, mes chers collègues, que les tiers et les proches motivés soient dument informés, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
À ce jour, le Conseil constitutionnel a censuré l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, qui n’assurait pas aux personnes habilitées les moyens de contester la reconnaissance d’un enfant comme pupille de l’État.
Ainsi, ce projet de loi tire les conclusions de la décision du 27 juillet 2012 du Conseil constitutionnel, qui avait jugé les dispositions contraires à la Constitution.
Mme la ministre ayant cité tout à l’heure l’extrait de cette décision que je voulais porter à votre connaissance, mes chers collègues, je m’abstiendrais de le faire, ce qui nous fera gagner un peu de temps. §
Le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2014 l’abrogation du premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.
Aussi, afin d’éviter tout vide juridique au 1er janvier 2014, il nous faut préciser les dispositions actuellement en vigueur.
Pour éviter les écueils de l’inconstitutionnalité, il nous faut rétablir la possibilité d’un recours effectif contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État.
Dans le même temps, nous devons apporter des éclaircissements quant aux modalités de la procédure d’admission concernant les personnes jugées capables de s’opposer à l’admission d’un enfant en tant que pupille de l’État.
Ce projet de loi permettra une clarification des procédures qui s’imposent aux conseils généraux, ainsi qu’une harmonisation des pratiques.
La reconnaissance d’un tel statut étant définitive, il est essentiel qu’il soit entouré de toutes les garanties nécessaires, en particulier la possibilité de recours des personnes de l’entourage de l’enfant, qui doit pouvoir aller jusqu’à la possibilité d’en obtenir la garde.
Si nous ne légiférions pas pour trouver de nouvelles dispositions avant le 1er janvier 2014, les conséquences seraient graves. Car l’alinéa premier est la base légale de l’arrêté d’admission, et donc aussi du recours contre lui. En son absence, toute admission de pupille de l’État pourrait être empêchée ! Ces enfants seraient alors privés d’un statut destiné à assurer leur protection, et tout projet d’adoption serait impossible à mettre en œuvre.
L’adoption est un sujet sensible. Elle permet à l’enfant de retrouver un cadre stable et une famille lui assurant l’amour et la protection dont il aura besoin tout au long de sa vie.
Il est donc de notre devoir de définir clairement l’accès au statut de pupille et de faire en sorte que toutes les parties concernées soient tenues informées des tenants et aboutissants dans les délais impartis.
Selon l’enquête annuelle de l’Observatoire de l’enfance en danger, au 31 décembre 2011, 2 345 enfants ont le statut de pupilles de l’État, c’est-à-dire qu’ils sont potentiellement adoptables, soit parce qu’ils sont sans filiation, soit parce qu’ils ont fait l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon.
La répartition des pupilles de l’État est très inégale sur le territoire : la moitié des départements en comptent moins de quinze, tandis que le Nord, le Pas-de-Calais et la Seine-Saint-Denis en dénombrent plus de cent chacun.
En 2011, 1 007 nouveaux enfants ont obtenu le statut de pupille, dont 628 nés sous X, quand 1 065 enfants sont sortis du statut, 70 % ayant été adoptés, 17 % ayant atteint la majorité et 10 % ayant été repris par leur famille.
Parallèlement, 5 887 agréments d’adoption ont été délivrés en 2011, plus de 7 000 demandes ayant été traitées par les conseils généraux.
Au total, 22 747 agréments sont en cours de validité, soit un chiffre dix fois supérieur à celui des enfants susceptibles d’être adoptés.
L’âge moyen de l’ensemble des pupilles s’élève à moins de huit ans. Il diffère selon les conditions d’admission : les enfants « sans filiation » sont généralement admis dès leur naissance et perdent la qualité de pupilles au terme de quelques mois, par la voie de l’adoption, tandis que les orphelins ainsi que les enfants admis sur décision judiciaire sont les plus âgés et demeurent souvent pupilles jusqu’à leur majorité.
Pour ces derniers, l’admission est presque toujours précédée par une prise en charge, parfois longue, par l’aide sociale à l’enfance.
Ce n’est le cas que pour deux enfants sur cinq parmi ceux qui on été remis par un ou deux parents.
Le statut de pupille est très important, car il permet de prendre en charge ces enfants, qui n’ont pas ou plus de famille susceptible d’en assumer la charge et de garantir notamment leur droit à une vraie vie familiale !
Il reste que près d’un tiers des pupilles de l’État ne sont pas adoptés. Entre 2005 et 2011, un jugement d’adoption a constitué le motif de sortie du statut de pupille pour 67 % d’entre eux. Ce taux atteint 80 % pour les enfants sans filiation, qui sont au demeurant adoptés le plus rapidement. Mais il ne s’établit qu’à 18 % pour les orphelins. De surcroît, les enfants les plus âgés sont rarement adoptés. Les enfants présentant des besoins spécifiques liés à leur état de santé ou faisant partie d’une fratrie bénéficient également moins souvent d’un placement en vue de l’adoption.
Une réforme de la législation dans ce domaine était plus que nécessaire pour combler le vide juridique.
Le présent projet de loi précise l’intérêt à agir et les modalités de recours devant le tribunal de grande instance contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Est ainsi indiqué le champ des personnes qui ont le droit de contester l’arrêté faisant de l’enfant un pupille de l’État, selon le ministère chargé de la famille : sont visés le père de naissance, ainsi que les membres de la famille de la mère et du père de naissance lorsque l’enfant est né sous X.
Comme le montrent les statistiques transmises par la Chancellerie en 2012, depuis 2000, le nombre de déclarations judiciaires d’abandon oscille entre 150 et 200 par an, ce qui semble bien peu élevé au regard du nombre d’enfants placés.
Le dernier rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, sur la situation des pupilles met en exergue de fortes disparités départementales. Il recommande d’ailleurs d’approfondir la question, en particulier en examinant les incidences d’une culture ou d’une pratique des services départementaux en matière de protection de l’enfance.
En France, nous devons améliorer la situation de ces enfants. D’ailleurs, l’’UNICEF, en rappelant que, dans notre pays, un enfant sur cinq est pauvre, nous y engage. Il s’agit d’aider les parents, de mettre fin à la multiplication des contentieux, qui fragilise l’harmonie familiale, notamment celle des familles monoparentales, de plus en plus nombreuses et particulièrement touchées par le risque de pauvreté. Parmi ces dernières, quatre familles sur cinq sont dirigées par des femmes seules, dont un tiers vivent sous le seuil de pauvreté.
D’autres points du présent projet de loi nous paraissent importants. Je citerai notamment le fait que texte conditionne la volonté d’assumer la charge de l’enfant à la recevabilité, ce qui permet d’éviter les recours abusifs.
En outre, les nouvelles dispositions qui nous sont soumises établissent les conditions permettant d’éteindre définitivement le droit d’agir. Elles garantissent le placement de l’enfant dans une famille en vue de son adoption et font obstacle à toute restitution ultérieure de l’enfant par la nouvelle famille adoptive.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe socialiste sont favorables à l’adoption de ce texte, qui apporte des précisions majeures relatives au statut de pupille de l’État. La protection de l’enfant sera alors renforcée et son adoption pourra avoir lieu plus rapidement. Le code de l’action sociale et de la famille prévoit en effet que les pupilles « doivent faire l’objet d’un projet d’adoption dans les meilleurs délais. »