Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 18 juillet 2013 à 21h45
Arrêté d'admission en qualité de pupille de l'état — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État n’appelle pas de réserve de la part des membres du groupe UDI-UC, qui le voteront volontiers dans la rédaction qui nous est soumise.

J’aborderai, tout d’abord, les dispositions du texte, puis je développerai quelques considérations émises par mon groupe, plus particulièrement par ma collègue Muguette Dini, qui ne peut malheureusement pas assister ce soir à ce débat.

Nous comprenons la nécessité de réviser certains articles du code de l’action sociale et des familles, afin de clarifier des textes très anciens, rédigés à des époques où le nombre de pupilles de l’État et les conditions d’abandon étaient très différents.

Les précisions concernant tant les délais relatifs à l’arrêté d’admission qui permettront d’harmoniser les pratiques des conseils généraux que les personnes ayant qualité à agir sont indispensables. La liste de ces personnes, auxquelles l’arrêté devra être notifié, est également importante, de même que le point de départ du délai de recours.

Le texte que nous examinons constitue indéniablement une avancée par rapport au droit existant. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.

En revanche, madame la ministre, de nouveaux progrès pourraient être réalisés ; je souhaite vous en faire part.

Tous les sénateurs, en particulier ceux qui ont siégé ou qui siègent dans les conseils de famille, s’interrogent sur la qualité de pupille de l’État. On peut légitimement se demander pour quelles raisons un enfant dont le désintérêt des parents est manifeste doit attendre trois ou quatre ans, voire beaucoup plus, avant que le juge prononce son abandon au titre de l’article 350 du code civil. Pendant ce laps de temps, il est confié à une pouponnière, à une ou plusieurs familles d’accueil, ou encore à un établissement. Un tel placement sera inévitablement source d’instabilité et de troubles définitifs chez l’enfant.

Au Québec, la durée maximale d’hébergement d’un enfant se trouvant dans les conditions évoquées ci-dessus, laissée à l’appréciation du juge, ne peut être supérieure à douze mois s’il est âgé de moins de deux ans, à dix-huit mois s’il est âgé de deux à cinq ans et à vingt-quatre mois au-delà. Les services doivent rechercher une stabilité accrue pour les enfants et une participation active des parents, le maintien dans la famille étant toujours privilégié, mais non pas impératif au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.

La mission conduite sur ce sujet par ma collègue Muguette Dini, au mois de septembre 2010, proposait d’envisager l’introduction, dans la législation française, de délais maximaux de placement des enfants en danger établis en fonction de leur âge, au-delà desquels une solution de vie stable devrait avoir été trouvée.

Comme au Québec, l’application de cette règle serait conditionnée à l’accompagnement effectif des parents et, dans tous les cas, laissée à l’appréciation du juge, qui pourrait toujours y déroger en raison de circonstances particulières.

Hormis la question de l’abandon volontaire ou imposé par la loi et de la stabilité de vie de l’enfant concerné, se pose celle des pupilles de l’État handicapés placés dans des familles d’accueil.

Ces familles, qui se voient confier des enfants adoptables très jeunes, quelquefois lourdement handicapés, et auxquels elles peuvent être très attachées, hésitent à les adopter avant qu’ils atteignent l’âge de dix-huit ans. En effet, d’une part, elles perdraient le salaire qui leur est versé et, d’autre part, elles auraient à leur charge ces enfants, qui demandent des soins et traitements souvent onéreux. Ne faudrait-il pas réfléchir à l’adoption de ces enfants avant leur majorité et maintenir le versement à la famille d’une aide substantielle ?

Enfin, le couperet de l’âge de la majorité, qui donne théoriquement l’autonomie totale aux pupilles de l’État, se révèle souvent une catastrophe, ces jeunes adultes pouvant se retrouver à la rue, sans ressources et sans référent. Même si la plupart des conseils généraux continuent à s’en occuper, le risque est grand pour certains de plonger dans des difficultés sociales dont ils auront bien du mal à sortir.

Avant de terminer mon propos, je ne peux m’empêcher de faire une comparaison – Muguette Dini s’est exprimée en ce sens en commission – entre deux décisions du Conseil constitutionnel : celle qu’il a rendue sur le sujet dont nous traitons ce soir et celle sur le harcèlement sexuel. Pourquoi la première d’entre elles, qui ne concerne en fait que quelques dizaines d’enfants, peut-elle disposer d’un délai de six mois avant d’être appliquée, alors que la seconde a dû être appliquée immédiatement, interdisant ainsi l’examen de plus de 500 procédures en cours et laissant dans un grand désarroi, pour ne pas dire plus, les victimes qui n’auront eu aucun recours ? Elles auraient, elles aussi, bien aimé disposer d’un délai suffisant pour réagir. Pourquoi une telle différence ?

Afin de ne pas achever mon intervention sur cette note pessimiste, je veux remercier Mme la rapporteur de la clarté de son exposé, utile à nos débats. §

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