Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 17 juillet 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Je le rappelle, ces travaux sur la fiscalité des activités numériques, vrai sujet d’éviction du produit fiscal par un certain nombre de grandes entreprises, rejoignent les préoccupations de la communauté internationale exprimées au sein non seulement de l’OCDE mais également de l’Union européenne, dans le cadre des réflexions autour de l’érosion des bases fiscales.

Il s’agit, à travers les réflexions sur le projet BEPS – en français : « érosion des bases d’imposition et transfert des bénéfices » – de faire en sorte que les grands groupes ne puissent pas procéder à l’érosion de leur assiette fiscale en faisant échapper à l’impôt un certain nombre d’activités qui justifieraient d’être taxées.

Permettez-moi d’insister, à cet égard, sur le travail important effectué par l’inspection générale des finances à travers le rapport sur les prix de transfert, qui concerne plus particulièrement les modalités d’optimisation fiscale émanant des entreprises. Je sais que ce travail a inspiré nombre de réflexions de l’Assemblée nationale et du Sénat, qu’il a pu également nourrir des amendements qui nous seront soumis au cours de ce débat.

Ce sont là des questions essentielles et éminemment stratégiques, sur lesquelles il nous faut légiférer en prenant le temps de la concertation avec les entreprises et, surtout, en prenant le temps de nous assurer que les dispositifs que nous aurons arrêtés sont juridiquement pertinents et efficaces.

Nous aurons à évoquer de nouveau ces questions au cours la discussion générale et à l’occasion de l’examen des amendements.

Je veux, en quelques mots, insister sur quelques dispositions le projet de loi et évoquer le parti qui a été le nôtre au moment où nous en avons élaboré, en étroite liaison avec la garde des sceaux, l’architecture globale.

Je dirai d’abord que la force de ce texte est qu’il n’oppose pas l’administration fiscale et l’administration de la justice ; au contraire, il crée les conditions d’une meilleure articulation entre ces deux administrations, afin que le fraudeur n’ait aucun espace lui permettant d’échapper au contrôle et à la sanction lorsque celle-ci est justifiée.

Ce parti que Mme la garde des sceaux, Pierre Moscovici et moi-même avons décidé de prendre doit nous permettre de donner davantage de moyens à nos administrations et faire en sorte que ces dernières, ensemble, soient plus fortes qu’elles ne l’ont jamais été pour lutter efficacement contre la fraude, notamment la fraude fiscale de grande ampleur.

D’abord, comme l’a rappelé Mme la garde des sceaux à l’instant, pour contrer les systèmes de fraude qui mobilisent soit des sociétés écrans, soit des comptes à l’étranger, soit des trusts – c'est-à-dire des procédés qui ajoutent de l’opacité à l’opacité, permettant ainsi au fraudeur d’échapper au contrôle et à la sanction –, nous devons mettre en place des dispositifs d’enquête spéciale qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas être mobilisés pour ce type d’infractions.

C’est ainsi que la police judiciaire d’enquête fiscale pourra désormais disposer de moyens nouveaux pour aller au bout de ses investigations. Aussi bien l’administration fiscale que l’administration judiciaire pourront mobiliser ces moyens, dans le cadre d’une coopération renforcée, d’une meilleure articulation entre l’administration fiscale et le juge judiciaire, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister est l’intérêt que représente, pour la lutte contre la fraude fiscale, la mobilisation d’informations qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas être utilisées.

Le rapport récemment élaboré par M. le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, concernant les conditions dans lesquelles ont pu être utilisées les informations comprises dans la liste HSBC, a montré que la difficulté à laquelle nous avions été confrontés résultait de l’impossibilité, pour nous, d’utiliser des éléments qui nous avaient été communiqués par des procédés licites à partir du moment où la source de ces informations n’était pas licite. Une décision de la Cour de cassation nous avait ainsi empêchés d’exploiter la totalité des éléments de la liste HSBC.

Par conséquent, nous avons décidé de rendre possible l’utilisation d’éléments communiqués de façon licite à l’administration, notamment à l’administration fiscale, y compris lorsque la source ne l’est pas. C’est là un progrès absolument considérable, dont nous saurons faire le meilleur usage lorsqu’il s’agira de traquer les fraudeurs.

Le troisième élément très important est le renforcement des sanctions pénales de toute nature qui seront opposées au fraudeur dès lors que ses agissements auront été découverts.

La garde des sceaux a indiqué tout à l’heure que les amendes seraient alourdies – elles pourront aller jusqu’à 2 millions d’euros –, ainsi que les peines d’emprisonnement – jusqu’à sept ans.

Notre volonté est également de faire en sorte que les personnes morales – notamment les entreprises qui sont à l’origine de fraudes de grande ampleur – puissent voir leurs biens saisis, y compris les sommes déposées sur des comptes d’assurance vie. Il s’agit là de mesures de confiscation qui n’existaient pas jusqu’à présent et qui pourront désormais être mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale.

Voilà les quelques éléments du présent texte sur lesquels je tenais à m’appesantir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les travaux des commissions ont permis d’améliorer sensiblement ce projet de loi. Je songe aux cinq articles supplémentaires, à caractère fiscal ou douanier, qui sont notamment dus au travail de M. le rapporteur général de la commission des finances, François Marc.

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