Notre volonté n’est pourtant pas de couper des têtes, mais, plus modestement, de rétablir l’égalité de tous devant l’impôt, comme le disait à l’instant M. le ministre du budget.
La fraude fiscale complexe n’est pas moins grave que le banditisme. Les deux vont d’ailleurs souvent de pair, l’une permettant de blanchir le produit frauduleux de l’autre. Elle donne naissance à une sorte de délinquance propre, sans cadavre ni violence, au moins à première vue.
Ses victimes sont pourtant nombreuses, et l’argent détourné se compte en milliards. Nous n’en connaissons pas le montant exact, mais il semble osciller entre 30 milliards et 80 milliards d’euros. Une estimation avance même le chiffre très impressionnant de 1 000 milliards à l’échelle européenne. Ce sont là des gisements de ressources qui permettraient de réduire la dette et de relancer la croissance.
Je voudrais donc commencer par féliciter Mme la garde des sceaux et M. le ministre du budget pour la somme considérable de travail que représentent ces deux textes et pour leur engagement déterminé et constant contre cette nouvelle forme de délinquance.
La commission des lois a renforcé les moyens d’enquête, alourdi les sanctions, créant en particulier une infraction de fraude fiscale en bande organisée, punie très lourdement, de sept ans d’emprisonnement et d’une amende de 2 millions d’euros ; elle a également soutenu toutes les mesures de recouvrement, perfectionnant, en particulier, les mécanismes de saisie.
Ces trois volets de mesures faisant l’objet d’un large consensus, je ne m’y attarderai pas, pour mieux me concentrer sur les trois grands points qui font encore débat.
Le premier d’entre eux porte sur diverses questions de procédure. Une interrogation les résume : les nouvelles règles de procédure respectent-elles l’équilibre entre les nécessités de la lutte contre la grande délinquance et les droits fondamentaux des citoyens, auxquels notre commission s’est toujours montrée attachée ?
À mes yeux, cet équilibre est respecté. Nous l’avons même renforcé.
Choquée par le renversement de la preuve en matière de blanchiment, qui imposait d’apporter une preuve négative, la commission l’a supprimé.
Nous avons également refusé de modifier les règles de prescription, auxquelles il ne faut toucher que d’une main tremblante, pour reprendre une expression ancienne mais qui inspire toujours la commission de lois.
Après de longs débats, nous avons approuvé l’extension des techniques spéciales d’investigation au délit de fraude fiscale en bande organisée. Cela n’allait pas de soi, notamment en ce qui concerne la garde à vue de quatre jours, appliquée aujourd’hui à la criminalité organisée.
Nous avons, encore, admis les preuves illicites, en maintenant toutefois la condition d’un visa de l’autorité judiciaire, qui nous paraît être une garantie indispensable.
Nous avons, enfin, tout à fait compris la nécessité d’un statut du repenti.
Parmi ces questions de procédure, demeure un point qui fera l’objet d’amendements et sur lequel je reviendrai donc plus amplement par la suite : la protection des lanceurs d’alerte.