Intervention de Alain Anziani

Réunion du 17 juillet 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani, rapporteur :

Pour certains, il s’agit moins de dénonciation que de délation : le mot a été prononcé en commission des lois.

Il nous a semblé que le texte de l’Assemblée nationale était trop large. Nous avons donc essayé d’en réduire à la fois le champ, en le cantonnant aux délits et aux crimes et en en excluant les contraventions, et les cibles, en les limitant aux alertes lancées auprès de l’autorité judiciaire, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, ou d’une autorité administrative, alors que le texte de l’Assemblée nationale prévoyait que pouvaient aussi être prises en considération les alertes adressées à un média, voire à une entreprise concurrente.

Le deuxième point en débat a trait à la nouvelle organisation judiciaire, que Mme la garde des sceaux a bien voulu nous rappeler. Aujourd’hui, l’organisation est complexe, comprenant quatre niveaux : les tribunaux de grande instance, les pôles de l’instruction, les trente-six pôles économiques et financiers et les huit juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS.

Les auditions nous ont permis de comprendre que cette complexité était dépassée et que certains pôles économiques et financiers devaient disparaître afin que leurs moyens servent à conforter les JIRS. Nous soutenons ce transfert.

Le procureur financier donnera certainement lieu à un grand débat. La commission des lois soutient sa création, même si des avis divergents se sont exprimés. Il nous paraît important d’afficher notre volonté de lutte en l’incarnant dans une personne. Cela garantira l’autonomie des moyens consacrés à cette lutte. Ce procureur sera, en outre, l’interlocuteur privilégié des services d’enquête nationaux et, à terme, européens, quand le parquet européen aura été créé.

Nous nous sommes beaucoup interrogés, comme vous, madame la garde des sceaux, sur la question de la coordination en cas de conflits de compétence. J’admire la confiance que vous placez dans l’intelligence de la justice, mais c’est naturellement conforme à votre rôle.

Nous avons prix acte de la suppression des instructions individuelles, effective depuis votre circulaire du mois de septembre. Toutefois, subsiste une sorte d’angoisse : que se passera-t-il si les conflits de compétence entre deux JIRS persistent ? Une solution pourra-t-elle être rapidement trouvée ? J’ai entendu que vous pourriez y contribuer au moyen d’une circulaire générale. On avance aussi que les procureurs maîtrisent l’art de la concertation.

Il nous est néanmoins apparu plus prudent de prévoir un mécanisme subsidiaire, qui pourrait, après la concertation, prendre la forme d’un arbitrage du procureur général de la cour d’appel de Paris. Il lui reviendrait alors de dire en dernier ressort si tel ou tel point est de la compétence de la cour d’appel de Lyon ou de celle de Marseille, par exemple. Nous serons très attentifs à ce que vous nous direz sur cette question.

Le dernier point en débat concerne ce que l’on appelle le « verrou de Bercy » ; je reprends cette expression usitée, tout en sachant que M. le ministre du budget ne la prise guère. Je voudrais d’ailleurs le remercier de la qualité de son exposé – elle est habituelle ! – comme de la hauteur de ses ambitions et saluer le travail qu’il a engagé depuis quelques mois pour le redressement de nos comptes publics : c’est un objectif que nous partageons tous.

Depuis 1920, s’est installée une tradition, bien française, qui consiste à interdire à l’autorité judiciaire d’engager ou de prolonger des poursuites pénales contre la fraude fiscale sans l’autorisation du ministère du budget. On en comprend le sens ; il vient encore d’être rappelé.

Il s’agit d’une question complexe et je ne vous ferai pas croire qu’elle n’appelle que des réponses simples. La commission des lois a confirmé, ce matin, l’orientation du texte en faveur de l’assouplissement de ce verrou, quand la commission des finances, cher François Marc, a pris une position contraire. Je sais également que le groupe socialiste, notamment, ne partage pas notre position.

Permettez-moi néanmoins d’avoir l’audace, sinon l’outrecuidance, d’insister, même si ma mission est de simplement rapporter. Nous avons été frappés par une question d’un magistrat que nous avons auditionné : le ministère du budget aurait-il porté plainte contre Jérôme Cahuzac ? Voilà une question ouverte !

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