Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet loi que nous examinons aujourd’hui a les apparences d’un texte foisonnant puisque son volume s’accroît au fil des différentes étapes de la procédure législative – mais il en est souvent ainsi ! Il n’en constitue pas moins un texte important, car il permet notamment de renforcer l’information et les prérogatives des administrations fiscale et douanière pour mieux cibler les contrôles, déceler les fraudes et, bien entendu, les sanctionner.
La commission des finances s’est saisie pour avis de ces parties du texte, celles touchant aux dispositions pénales ou à l’organisation judiciaire relevant pleinement du champ de compétence de la commission des lois. Le texte de la commission des lois a ainsi intégré dix amendements de la commission des finances, dont quatre articles nouveaux.
Si ce texte constitue une étape importante dans la lutte contre la fraude, il convient toutefois de souligner qu’il s’inscrit dans un mouvement qui a pris de l’ampleur ces deux dernières années puisque pratiquement toutes les lois de finances rectificatives que nous avons eu à examiner depuis deux ans ont comporté des volets importants de lutte contre la fraude fiscale. Cela montre que celle-ci ne constitue pas fondamentalement un sujet de clivage politique.
Certes, des nuances existent, comme nous avons pu le voir ces dernières semaines sur la question du retour en France des avoirs non déclarés à l’étranger, puisque, d’un côté, une proposition de loi a été déposée par quelques députés UMP en faveur d’une amnistie tandis que, de l’autre, le ministre du budget a, dans une circulaire du 21 juin, annoncé l’application du droit commun et, « pour tenir compte de la démarche spontanée du contribuable », une réduction de la majoration pour manquement délibéré et de l’amende. Il s’agit de faire preuve d’une relative clémence en comparaison des dispositions qui seront appliquées une fois que le présent projet de loi sera entré en vigueur, de manière à inciter les « évadés fiscaux » au retour en France.
Ce dispositif concilie donc la sanction de la fraude et l’incitation au retour. Il a déjà démontré son efficacité puisqu’il a produit un effet sensible sur les déclarations d’avoirs à l’étranger. On nous indique en effet que les avocats fiscalistes constatent depuis quelque temps un afflux de clients souhaitant régulariser leur situation – on ne peut que s’en réjouir –, craignant l’alourdissement des sanctions prévues par le texte et comprenant qu’il deviendra de plus en plus difficile de dissimuler leurs comptes à l’étranger.
La détermination accrue à lutter contre la fraude fiscale, largement partagée, me semble-t-il, résulte de la crise financière. Dans une période où chacun est appelé à participer au redressement de nos comptes publics, il est indispensable d’éviter que des revenus échappent frauduleusement à l’impôt. À cela s’ajoute le fait que nos concitoyens peuvent parfois avoir le sentiment que l’État est plus prompt à combattre la « petite fraude ordinaire » qu’une fraude complexe, habile, astucieuse et mondialisée, pour laquelle l’administration ne dispose pas toujours des moyens d’investigation adaptés ou de sanctions suffisamment dissuasives.
Il était donc nécessaire, madame la ministre, monsieur le ministre, d’agir rapidement, car la fraude fiscale traduit un comportement de « passager clandestin ». Elle va à l’encontre des fondements de notre idéal républicain : la contribution commune doit, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », et non en fonction de leur habileté à échapper aux règles.