Si l’article 10 était voté dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois, l’administration fiscale ne pourrait pas exploiter une liste de fraudeurs qui lui serait transmise par un particulier, ce qui aboutirait à une situation analogue à celle que l’on a rencontrée au début de l’affaire dite de la « liste HSBC ».
Mes chers collègues, il est grand temps, me semble-t-il, de renoncer en ce domaine aux fausses pudeurs, qui me rappellent un peu le vieux Tartuffe ! Comme le montre le rapport du 10 juillet dernier rédigé par le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert, la liste HSBC a préalablement été remise à l’administration fiscale. Or le document n’a pu être exploité qu’après saisine par le parquet de Nice et transmission à la direction générale des finances publiques.
Par comparaison, je tiens à rappeler que, en vertu de l’histoire, les douanes disposent déjà d’un cadre juridique et de moyens financiers – M. le ministre du budget y sera sensible – pour rémunérer leurs « aviseurs » et, par conséquent, acquérir des preuves. On m’expliquait cela dès l’époque lointaine où j’étais inspecteur des finances, lors de la « tournée », où l’on mettait déjà en relief cette différence de droit procédural et de moyens financiers entre l’administration des douanes et celle des impôts.
Je pense donc, mes chers collègues, qu’il serait sage d’adopter l’amendement de François Marc, rapporteur pour avis de la commission des finances, ou, à tout le moins, son amendement de repli visant à revenir au texte de l’Assemblée nationale.
Pour conclure, je voudrais évoquer deux des amendements que j’ai déposés. Ils résultent de contrôles sur pièces et sur place que j’ai effectués auprès de la direction générale des finances publiques au début de l’année.
Il s’agit de tirer les leçons de l’examen des dossiers de procédure de contrôle fiscal que j’ai pu réaliser grâce à vos collaborateurs et avec leur pleine coopération, monsieur le ministre. Ces amendements visent à combler les lacunes que présentent aujourd’hui des instruments essentiels de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales des entreprises multinationales dans deux domaines : d’une part, les procédures applicables aux prix de transfert et, d’autre part, l’abus de droit.
Le premier amendement tend à modifier l’article 57 du code général des impôts, afin d’introduire une présomption simple de transfert anormal de bénéfices en cas de transferts de fonctions et de risques hors de France. Ainsi, il est envisagé de retourner la charge de la preuve pour certaines situations « à risque », comme la restructuration d’entreprise, qui peut être motivée par des comportements fiscaux discutables.
Le second amendement vise à rectifier l’article L. 64 du livre des procédures fiscales pour renforcer la procédure de l’abus de droit, en élargissant son champ d’application aux cas où les actes mis en cause répondraient à un motif essentiellement, et non plus exclusivement, fiscal.
Ainsi, l’abus de droit permettrait de sanctionner les montages ayant pour « motif essentiel d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » en s’appuyant sur une application littérale des textes, contraire à l’esprit de leurs auteurs.
C’est la leçon que je tire de l’examen des dossiers de contrôle fiscal que j’ai pu réaliser auprès de vos services, monsieur le ministre : dans le cadre de montages internationaux complexes, il me semble relativement aisé, pour un groupe lui-même complexe, de démontrer l’existence d’un élément économique, aussi faible et secondaire soit-il. Cela fait ainsi obstacle à l’application de l’abus de droit, qui suppose qu’il s’agisse d’un objectif exclusivement fiscal.
Les deux dispositifs que je propose ont été repris, et je m’en réjouis, dans le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’optimisation fiscale des entreprises, dit rapport « Muet-Woerth », dont le Gouvernement a d’ailleurs annoncé vouloir s’inspirer dans la perspective du prochain projet de loi de finances. Peut-être nous confirmerez-vous ce point, monsieur le ministre ?
En outre, j’ai pu constater que le groupe CRC avait déposé des amendements identiques aux miens. §