Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 17 juillet 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Les prix de transfert ne sont pas uniquement dommageables aux ressources fiscales du pays, ils sont également néfastes à son redressement industriel et économique. Pour les grandes entreprises, ils constituent en effet un moyen de redistribuer leurs capacités productives en fonction de ce qu’elles jugent opportun : coûts fiscaux plus faibles ou coût du travail plus faible. Il y a donc une grande urgence à agir, en cohérence avec la volonté de redressement productif du pays.

Enfin, je l’ai dit, si l’on veut être opérationnel face à ce virus mutant, il faut mettre en place une cellule permettant un travail d’information, de suivi, de connaissance des systèmes informatiques, dans le cadre de compétences renforcées et, souvent, interministérielles. Elle devra nous permettre de mieux anticiper les nouvelles formes de délinquance qui s’installent en riposte à l’évolution de nos législations. Certes, j’ai bien noté, madame la ministre, l’apparition d’un parquet financier, qui permettra un certain type d’intervention.

Je terminerai mon intervention en évoquant la question du verrou de Bercy. Comme nombre de mes collègues, j’ai nourri de nombreuses hésitations sur ce sujet. Philosophiquement, je pense qu’il n’est pas légitime de maintenir ce verrou. Deux exigences de nature républicaine s’opposent. La première, c’est la recette de l’État, qui doit engranger au maximum les recettes dues. Un État faible dans ses ressources et son action ne peut pas être un État républicain efficace. La seconde exigence, c’est le principe d’égalité de traitement devant la loi, dont nous devons être les garants auprès de nos concitoyens.

Ne l’oublions pas, la négociation n’appartient pas à la réalité historique de notre pays. Nous ne sommes pas un pays anglo-saxon. Nous considérons que la légitimité du droit n’est pas la juste négociation de ce qui est acceptable par les uns et les autres. Le droit dit ce qui est juste, ce qui doit être respecté par tous de la même manière. Culturellement, la négociation ne correspond pas à notre philosophie, même si l’État français, de la royauté à la République, a toujours conservé, par pragmatisme, des espaces de négociation, dans la mesure où une loi trop rigide peut parfois entraîner de graves dérives.

Toutefois, le doute s’est aujourd’hui insinué s’agissant de l’égalité de traitement des citoyens devant l’impôt. Certes, j’ai bien entendu l’argument invoqué à la fois par François Rebsamen, François Marc et le ministre, selon lequel la négociation serait plus efficace. Je leur réponds : pas toujours !

Dans le cas, souvent très révélateur de nos fragilités, de la fraude à la TVA, notamment sur les quotas de CO2, une intervention judiciaire rapide est nécessaire. Elle permet d’établir la preuve qu’il y a bien eu fraude, de déterminer où elle a eu lieu et de découvrir la personne qui en est responsable.

Surtout, nos concitoyens doutent de la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement devant la loi. Personnellement, j’étais plutôt favorable à la position défendue par notre collègue Alain Anziani. Cependant, après avoir entendu les engagements pris par le ministre, qui s’efforcera de nous informer régulièrement des différents arbitrages rendus et de la mise en œuvre du suivi de la fraude fiscale, je suis conduite à réviser ma position. A priori, il vaut mieux une mutation lente, avec la forte mobilisation d’une administration fiscale motivée, plutôt qu’une confusion des responsabilités. J’aurais donc tendance à accepter de m’en tenir aux propositions du ministre. Néanmoins, si l’égalité républicaine s’avérait ne pas être garantie avec suffisamment de clarté, il faudrait bien finir par lever le verrou de Bercy.

Quoi qu’il en soit, nous sommes au début d’un grand mouvement, qu’il faudra mener avec beaucoup plus de volontarisme que par le passé. Comme je le disais tout à l’heure, la question de l’égalité devant l’impôt et des moyens de l’État doit faire partie de nos préoccupations si nous voulons défendre nos valeurs républicaines. §

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