Je voudrais, après Mme la garde des sceaux qui s’est exprimée juste avant la suspension de la séance, remercier l’ensemble des orateurs de toutes les sensibilités représentées dans cet hémicycle pour la qualité de leurs interventions dans ce débat, qui témoigne de l’importance du travail qui a été réalisé par votre assemblée.
Monsieur le rapporteur, j’ai apprécié, comme Mme la garde des sceaux, les interrogations que vous avez formulées à cette tribune, dont je comprends qu’elles soient exprimées et qui peuvent être considérées comme légitimes dans leur fondement, même si je n’y apporte pas la même réponse que la vôtre. Je vais vous redire pourquoi en quelques mots.
D’abord, je comprends parfaitement la préoccupation de l’égalité des citoyens face à l’impôt que vous avez exprimée, à l’instar de Virginie Klès et Marie-Noëlle Lienemann.
Ce principe d’égalité devant l’impôt prend un relief très particulier, car finalement l’impôt c’est la contribution aux charges communes, c’est la manifestation que tous les citoyens sont capables, ensemble, et sans que puisse se poser la moindre interrogation sur l’égalité, de contribuer au fonctionnement des grands services publics que sont la justice, l’éducation, la sécurité, l’hôpital.
Par conséquent, il n’est pas possible de déroger à ce principe d’égalité devant l’impôt, qui n’est rien d’autre qu’une manière de réaffirmer le principe d’égalité devant les charges communes. Je veux redire mon très grand attachement à ce principe.
Mesdames les sénatrices, monsieur le rapporteur, le dispositif actuel est-il de nature à remettre en cause le principe d’égalité devant l’impôt ?
Vous semblez considérez que oui, sous prétexte que des transactions pourraient intervenir devant l’administration fiscale, qui remettraient en cause ce principe.
Je veux d’abord rappeler qu’aucune transaction devant l’administration fiscale ne pourrait avoir lieu en dehors du cadre juridique voté par la représentation nationale. C’est cette dernière qui définit les règles de droit qui s’appliquent en matière fiscale et l’administration fiscale comme le juge judiciaire ont à cœur l’une et l’autre de veiller à ce que le droit soit rigoureusement appliqué tel qu’il a été voté par la représentation nationale.
Si j’ai proposé tout à l’heure que nous puissions rendre compte devant les commissions des assemblées, et devant votre assemblée, des conditions dans lesquelles le droit que vous avez voté est appliqué par l’administration lorsqu’il s’agit de matière fiscale, c’est précisément parce que je sais que l’administration dont j’ai la responsabilité est particulièrement soucieuse de faire en sorte que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur face à ceux qui s’en sont éloignés et qui se sont livrés à la fraude fiscale.
Les rapports qui seront remis à votre assemblée dans les années qui viennent concernant l’application des critères à partir desquels l’administration procède à des transactions, les sommes qui sont récoltées au terme de ces transactions, globalement et en moyenne par dossier, la mise en évidence de la typologie des dossiers dont l’administration aura à connaître et l’effort de transparence que nous consentirons non seulement sur le fonctionnement de l’administration en amont de l’intervention de la CIF, mais également sur l’activité de cette dernière après que sa composition aura été revue, constituent autant d’éléments qui permettront à votre assemblée de constater que l’administration fiscale, dans toute sa rigueur, applique les règles de droit à l’élaboration desquelles vous concourrez avec l’exigence que l’on a vu à l’œuvre dans cet hémicycle au cours de l’après-midi.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, après avoir évoqué le principe d’égalité devant le droit et la loi, c’est la question de la capacité de l’administration fiscale à dénoncer des infractions pénales auxquelles elle serait confrontée.
J’ai assez mal vécu quelques propos, dans cet hémicycle ou ailleurs, selon lesquels nous ne pouvons faire confiance à l’administration fiscale, et parfois même encore moins au ministre qui la dirige, pour communiquer au juge des éléments laissant soupçonner une infraction.
Je veux tout de même rappeler ce qu’est le droit en la matière. L’article 40 du code de procédure pénale oblige toute autorité constituée à informer la justice des crimes et délits dont elle aurait été le témoin ou qu’elle aurait pu constater, et les fonctionnaires, plus que tout autre parce qu’ils ont la charge, dans l’exercice de leurs prérogatives administratives, de veiller à l’application du droit, a fortiori lorsqu’ils sont là pour procéder aux contrôles sur des matières propices à prendre connaissance d’infractions, doivent respecter ces dispositions.
Aussi, je ne pense pas que nous ayons intérêt, quel que soit notre niveau de responsabilité, que nous soyons membres d’un gouvernement ou membres de la représentation nationale, à laisser soupçonner les fonctionnaires de ne pas respecter les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.
Monsieur le rapporteur, mesdames Klès et Lienemann, les fonctionnaires de Bercy ont une haute idée de leur fonction, de la tâche qui est la leur.