Séance en hémicycle du 17 juillet 2013 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au procureur de la République financier.

Dans la discussion générale commune, nous en sommes parvenus à la réponse du Gouvernement aux orateurs.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Je voudrais, après Mme la garde des sceaux qui s’est exprimée juste avant la suspension de la séance, remercier l’ensemble des orateurs de toutes les sensibilités représentées dans cet hémicycle pour la qualité de leurs interventions dans ce débat, qui témoigne de l’importance du travail qui a été réalisé par votre assemblée.

Monsieur le rapporteur, j’ai apprécié, comme Mme la garde des sceaux, les interrogations que vous avez formulées à cette tribune, dont je comprends qu’elles soient exprimées et qui peuvent être considérées comme légitimes dans leur fondement, même si je n’y apporte pas la même réponse que la vôtre. Je vais vous redire pourquoi en quelques mots.

D’abord, je comprends parfaitement la préoccupation de l’égalité des citoyens face à l’impôt que vous avez exprimée, à l’instar de Virginie Klès et Marie-Noëlle Lienemann.

Ce principe d’égalité devant l’impôt prend un relief très particulier, car finalement l’impôt c’est la contribution aux charges communes, c’est la manifestation que tous les citoyens sont capables, ensemble, et sans que puisse se poser la moindre interrogation sur l’égalité, de contribuer au fonctionnement des grands services publics que sont la justice, l’éducation, la sécurité, l’hôpital.

Par conséquent, il n’est pas possible de déroger à ce principe d’égalité devant l’impôt, qui n’est rien d’autre qu’une manière de réaffirmer le principe d’égalité devant les charges communes. Je veux redire mon très grand attachement à ce principe.

Mesdames les sénatrices, monsieur le rapporteur, le dispositif actuel est-il de nature à remettre en cause le principe d’égalité devant l’impôt ?

Vous semblez considérez que oui, sous prétexte que des transactions pourraient intervenir devant l’administration fiscale, qui remettraient en cause ce principe.

Je veux d’abord rappeler qu’aucune transaction devant l’administration fiscale ne pourrait avoir lieu en dehors du cadre juridique voté par la représentation nationale. C’est cette dernière qui définit les règles de droit qui s’appliquent en matière fiscale et l’administration fiscale comme le juge judiciaire ont à cœur l’une et l’autre de veiller à ce que le droit soit rigoureusement appliqué tel qu’il a été voté par la représentation nationale.

Si j’ai proposé tout à l’heure que nous puissions rendre compte devant les commissions des assemblées, et devant votre assemblée, des conditions dans lesquelles le droit que vous avez voté est appliqué par l’administration lorsqu’il s’agit de matière fiscale, c’est précisément parce que je sais que l’administration dont j’ai la responsabilité est particulièrement soucieuse de faire en sorte que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur face à ceux qui s’en sont éloignés et qui se sont livrés à la fraude fiscale.

Les rapports qui seront remis à votre assemblée dans les années qui viennent concernant l’application des critères à partir desquels l’administration procède à des transactions, les sommes qui sont récoltées au terme de ces transactions, globalement et en moyenne par dossier, la mise en évidence de la typologie des dossiers dont l’administration aura à connaître et l’effort de transparence que nous consentirons non seulement sur le fonctionnement de l’administration en amont de l’intervention de la CIF, mais également sur l’activité de cette dernière après que sa composition aura été revue, constituent autant d’éléments qui permettront à votre assemblée de constater que l’administration fiscale, dans toute sa rigueur, applique les règles de droit à l’élaboration desquelles vous concourrez avec l’exigence que l’on a vu à l’œuvre dans cet hémicycle au cours de l’après-midi.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, après avoir évoqué le principe d’égalité devant le droit et la loi, c’est la question de la capacité de l’administration fiscale à dénoncer des infractions pénales auxquelles elle serait confrontée.

J’ai assez mal vécu quelques propos, dans cet hémicycle ou ailleurs, selon lesquels nous ne pouvons faire confiance à l’administration fiscale, et parfois même encore moins au ministre qui la dirige, pour communiquer au juge des éléments laissant soupçonner une infraction.

Je veux tout de même rappeler ce qu’est le droit en la matière. L’article 40 du code de procédure pénale oblige toute autorité constituée à informer la justice des crimes et délits dont elle aurait été le témoin ou qu’elle aurait pu constater, et les fonctionnaires, plus que tout autre parce qu’ils ont la charge, dans l’exercice de leurs prérogatives administratives, de veiller à l’application du droit, a fortiori lorsqu’ils sont là pour procéder aux contrôles sur des matières propices à prendre connaissance d’infractions, doivent respecter ces dispositions.

Aussi, je ne pense pas que nous ayons intérêt, quel que soit notre niveau de responsabilité, que nous soyons membres d’un gouvernement ou membres de la représentation nationale, à laisser soupçonner les fonctionnaires de ne pas respecter les dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.

Monsieur le rapporteur, mesdames Klès et Lienemann, les fonctionnaires de Bercy ont une haute idée de leur fonction, de la tâche qui est la leur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Par conséquent, ils s’emploient, avec beaucoup de méticulosité, à appliquer l’article 40 et à transmettre à la CIF et à la justice tous les crimes et délits qu’ils constatent pour faire en sorte que la justice puisse poursuivre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Le troisième point sur lequel je voudrais insister c’est que nous, nous souhaitons, à Bercy, que la justice puisse disposer de moyens supplémentaires pour poursuivre, et qu’elle poursuive aussi souvent que cela est nécessaire.

L’administration fiscale a non seulement besoin des juges pour poursuivre lorsqu’elle constate des infractions, mais elle a confiance dans la justice pour pouvoir aller au bout des instructions et des sanctions qui doivent être mobilisées pour appliquer le droit car des infractions ont été constatées.

Tout ce que nous avons voulu faire avec Mme la garde des sceaux, ensemble plutôt que d’opposer nos administrations l’une à l’autre, c’est de faire en sorte que, par l’effort de transparence dont je vous ai parlé d’abord, par la recomposition de la Commission des infractions fiscales ensuite, par la mise en place du parquet financier par ailleurs, et par la possibilité que nous donnons au Parlement de contrôler les conditions dans lesquelles tout cela se met en œuvre, il n’y ait plus aucun espace laissé au fraudeur dès lors que celui-ci veut échapper à la justice.

C’est cette articulation, qui est exigeante, nouvelle, que nous voulons mettre en œuvre, plutôt que d’opposer la justice à l’administration fiscale.

Enfin, je veux terminer en revenant sur un argument que j’ai entendu et qui mérite d’être pris en compte et analysé. Je dirai à M. le sénateur Bocquet, qui a également évoqué cet argument, que nous l’avons à l’esprit lorsque nous raisonnons sur de telles questions.

Vous avez indiqué que, dès lors que la justice et l’administration fiscale peuvent poursuivre, aucune opportunité n’est donnée au fraudeur de profiter du temps supplémentaire qui lui est accordé pour s’échapper.

Je veux simplement dire que, à partir du moment où nous opposerions l’administration fiscale à l’administration judiciaire ou à la justice, dès lors que nous donnons la possibilité à la justice et à l’administration fiscale de poursuivre ensemble, l’administration fiscale ne pourrait plus appliquer aucune amende sur des dossiers sur lesquels la justice s’est saisie elle-même.

Entre le moment où l’administration fiscale constate un manquement et le moment où elle applique les sanctions éventuelles, il s’écoule en moyenne six mois. Le temps judiciaire est long, pour des raisons qui tiennent au fait qu’il protège nos libertés, qu’il donne la possibilité à celui qui est mis en cause de se défendre, qu’il existe des procédures permettant l’intervention d’un avocat – nous y tenons, car nous sommes, Mme la garde des sceaux et moi-même, attachés aux libertés publiques –, parce qu’il y a des procédures en appel et en cassation, aux termes desquelles il est possible de percevoir l’amende, mais sans lesquelles il n’est pas possible de la percevoir.

Aussi longtemps que le temps judiciaire court, il n’est pas possible, si l’administration fiscale n’a pas été saisie en premier et si c’est le juge qui a été actionné, de percevoir les amendes dont le contribuable est redevable.

Je ne pense pas, par conséquent, qu’il soit juste de dire qu’il est neutre de mettre en concurrence les deux administrations sur l’efficacité du dispositif et la capacité de l’administration fiscale à percevoir ce qui lui est dû, car le temps de l’administration fiscale et le temps de la justice sont différents. Si nous nous mettons en concurrence, nous perdrons toute l’efficacité de l’articulation entre ces deux administrations. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il faille le faire.

Enfin, pour terminer sur ce point, il est souvent avancé que cela existe dans d’autres pays d’Europe et que nous serions bien inspirés de regarder ce qui se passe ailleurs pour l’importer chez nous.

Monsieur le rapporteur général, vous avez pris l’exemple de l’administration fiscale italienne poursuivant la fraude, la Guardia di Finanza, qui dispose de pouvoirs d’enquête fiscale dont l’administration fiscale française ne dispose pas.

L’administration fiscale italienne dont vous avez parlé et loué l’efficacité est effectivement efficace, parce qu’elle est une espèce de « mix », dans les moyens qu’elle peut mobiliser, entre l’administration fiscale française et la police judiciaire française, mais il s’agit là d’un modèle très différent de celui qui prévaut chez nous et, par conséquent, très difficilement transposable, sauf à revoir complètement l’organisation des choses dans notre pays.

Par ailleurs, dernier point, tout ce qui peut s’exercer en termes de contrôles sur l’administration fiscale ne peut pas s’exercer sur des pouvoirs constitués pour des raisons qui tiennent à la séparation des pouvoirs.

Montesquieu disait : « Il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Par conséquent, vous aurez énormément de difficultés à procéder à des contrôles sur le juge, soucieux de son indépendance autant que nous le sommes nous-mêmes, et qui, parce qu’il est dans un système de séparation des pouvoirs renforcé, n’a pas à rendre de comptes devant vos assemblées des conditions dans lesquelles il exerce sa mission.

Il me semble important que, à un moment donné, le Parlement dispose d’une capacité de contrôle sur la manière dont ces affaires sont traitées par l’administration.

Je vous dis tout cela simplement pour rappeler que, sur ces sujets, nous avons intérêt – c’est ce que nous avons voulu avec Mme la garde des sceaux – à reconnaître à la fois le travail des juges et le travail de l’administration fiscale, car nous avons confiance dans les juges et l’administration fiscale pour leur permettre d’avancer de concert. C’est la raison pour laquelle nous voulons articuler leurs interventions, plutôt que de les rendre plus difficiles en opposant l’administration fiscale et l’administration judiciaire.

Je voudrais remercier le rapporteur général M. François Marc, qui rappelait à juste titre l’ampleur des demandes de rectification spontanée.

La fraude fiscale, c’est le fait d’éluder l’impôt au détriment de l’administration. Une réparation pécuniaire de ce préjudice, qui a un caractère pécuniaire, peut, dans bien des cas, constituer une sanction suffisante. C’est d’ailleurs l’analyse des juridictions de jugement, puisque seules 10 % environ des condamnations comprennent des peines d’emprisonnement ferme, souvent parce que l’amende est jugée de nature à permettre la réparation.

Monsieur Bocquet, vous avez exprimé à plusieurs reprises, au cours de votre intervention, la préoccupation de voir le dispositif à l’égard des entreprises renforcé. Le rapport de l’Inspection générale des finances sur les prix de transfert, le travail que vous avez réalisé vous-même au sein de votre commission d’enquête témoignent de la nécessité de renforcer les dispositifs de contrôle à l’égard de l’optimisation fiscale des entreprises, qui, parfois, « tangentent » la fraude fiscale, et parfois même traversent la frontière entre optimisation et fraude.

Nous avons, sur ce plan, la volonté d’inscrire des dispositions en loi de finances plutôt que dans ce projet de loi, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, votre commission d’enquête n’a pas encore remis ses travaux. Or parmi les propositions auxquelles elle aboutira certaines pourront s’inscrire dans un ensemble d’éléments législatifs susceptibles de figurer en loi de finances.

Du reste, pour des raisons de cohérence globale, il est à la fois important et opportun de disposer d’un ensemble de mesures, au terme des travaux de votre commission, des études juridiques qui restent à mener et de la concertation avec les entreprises, avant d’introduire ces éléments dans le prochain projet de loi de finances.

Monsieur Bocquet, je vous le confirme d’ores et déjà, les amendements que vous avez déposés au titre du présent texte sont autant de pistes que nous avons à l’esprit et dont nous étudions la traduction dans le domaine législatif.

J’indique à M. Alfonsi que, sur la question de la licéité des preuves, nous tenons compte des remarques qu’il a formulées, afin de pouvoir utiliser des sources illicites dans le cadre des procédures d’investigation, dès lors que celles-ci ont été transmises de manière licite. Le présent projet de loi prend en compte ce cas de figure. Il était important que vous le rappeliez.

Je remercie Mme Benbassa de la qualité de son intervention, et lui dis à quel point nous sommes déterminés – comme elle en a émis le vœu – à faire en sorte que nous puissions, au cours des années à venir et dans le cadre du présent texte, renforcer la lutte contre les sociétés écrans, les trusts et l’utilisation de comptes non déclarés à l’étranger. Les combats que mène la France au sein de l’Union européenne pour l’échange automatique d’informations comme pour la création d’une liste d’États et de territoires non coopératifs à l’échelon communautaire sont autant d’éléments qui témoignent de notre volonté d’aller plus vite et plus loin, grâce à une ambition plus grande, en matière de lutte contre la fraude fiscale.

M. Pillet a raison de rappeler que la précédente majorité a créé de nouveaux instruments de lutte contre la fraude fiscale, dont la police fiscale. Toutefois, je souligne que ces outils ont été considérablement renforcés depuis un an, dans le cadre des deux projets de loi de finances rectificative pour 2012, de la loi de finances initiale pour 2013 et du texte aujourd’hui débattu. Au reste, pour notre part, nous n’avons jamais souhaité mettre en œuvre des dispositifs de type Rubik. Nous n’envisageons pas non plus de dispositions législatives organisant l’amnistie, mesures que certains parlementaires ont pu proposer au cours des derniers mois, de ceux qui se sont mis en contravention avec le droit.

Je ne m’attarderai pas sur l’ensemble des sujets que M. Rebsamen a détaillés et que je viens d’évoquer : ils sont, par leur contenu, en cohérence avec le présent projet de loi.

Je veux dire à M. Marini que nous avons apprécié ses propos dépourvus d’esprit partisan et la hauteur de vue qui a présidé à un certain nombre de ses prises de position. Concernant l’érosion des bases fiscales, les prix de transfert ou encore la fiscalité du numérique, nous souhaitons naturellement pouvoir travailler dans l’esprit qu’il a indiqué.

Mme Goulet ainsi que MM. Fortassin et Chiron sont intervenus sur un certain nombre de sujets sur lesquels nous menons un combat au sein de l’OCDE et de l’Union européenne. J’ai indiqué à l’instant, en répondant à Mme Benbassa, quel était notre agenda européen et international. Je confirme que nous restons très vigilants face à l’érosion des bases fiscales et à la nécessité de promouvoir l’initiative BEPS, ou base erosion and profit shifting, au sein de l’OCDE.

De même, madame Lienemann, nous veillerons attentivement à ce que l’Europe puisse appliquer en son sein et négocier, avec les pays tiers, des conventions de type FATCA.

Enfin, monsieur Arthuis, vous avez évoqué un certain nombre d’enjeux très importants et très intéressants, dont nous aurons à débattre en examinant des amendements que vous avez déposés. De nombreuses questions que vous soulevez comme celle des redevances sont autant de sujets que nous sommes prêts à étudier, et que nous traiterons lors de la discussion de vos amendements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Pour ma part, je serai plus brève que M. le ministre du budget. En effet, M. Cazeneuve vient de reprendre assez longuement les observations les plus saillantes des orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale.

Je tiens de nouveau à remercier chacune et chacun d’entre eux de la très grande qualité et de la densité de leurs interventions. Le présent texte appelle précisément une réflexion de cette qualité et de cette densité. Nous traitons en effet de questions ardues.

Certes, il n’est pas difficile de nous entendre sur les principes – à savoir lutter résolument contre la fraude fiscale, être en mesure d’en saisir la complexité et combiner les instruments, les moyens et les intervenants nécessaires pour garantir la meilleure efficacité de cette lutte. Nous voulons non seulement sanctionner et punir mais aussi dissuader : à défaut d’éradiquer la fraude fiscale, rendons au moins cette pratique, qui est une infraction pénale, plus risquée, plus difficile et plus stigmatisante socialement, autant que faire se peut !

Reste cependant la question suivante : quel type de réponse construire pour traduire dans les faits ces principes et cette exigence ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous l’avons bien compris à travers vos interventions successives, des interrogations subsistent et des divergences demeurent quant à la manière de procéder. Vos propos n’en laissent pas moins entendre ou disent clairement que le texte présenté par le Gouvernement répond de manière efficace au but visé.

J’ai entendu des interrogations sur deux sujets majeurs, au-delà des autres questions qui seront débattues dans la suite de nos débats dans la mesure où elles font l’objet de divers amendements : il s’agit, d’une part, de la création du procureur financier à compétence nationale et, d’autre part, de la préséance de la procédure fiscale dans le traitement de certaines affaires.

Tout d’abord, j’évoquerai la création du procureur financier à compétence nationale. Je remercie les sénatrices et sénateurs qui soutiennent cette initiative, et qui en ont souligné à la fois l’importance et la pertinence. À cet égard, je sais gré à M. le rapporteur Alain Anziani de ses interrogations quant à la confiance que j’accorde aux magistrats. Cette confiance se fonde, dans notre pays, sur des pratiques, sur des comportements et sur une longue histoire. Les procureurs des diverses juridictions et des divers parquets ont prouvé leur capacité à partager et à transférer des procédures vers le lieu garantissant la plus grande efficacité, selon la complexité du cas traité.

Certes, des mésententes peuvent se faire jour ponctuellement, et notre droit contient un certain nombre de dispositions applicables en pareil cas. C’est vrai qu’en créant un procureur financier à compétence nationale dans le ressort de la cour d’appel de Paris, on institue un dispositif particulier. En l’occurrence, vous pouvez vous interroger sur un conflit de compétences entre le procureur de Paris et le procureur financier à compétence nationale, voire entre le parquet de Paris et un autre parquet, notamment une juridiction interrégionale spécialisée, ou JIRS.

Lorsqu’il s’agit d’une information judiciaire, la procédure est très simple et claire. Par ailleurs, dans le cas d’une enquête préliminaire, et lorsque le ministère public est concerné, diverses pratiques existent. Je songe bien sûr à l’arbitrage du procureur général dans le cas d’une question interne. S’y ajoutent les arbitrages opérés entre procureurs généraux : ces derniers ont eux-mêmes présenté plusieurs exemples de contentieux très précis sur lesquels ils se sont entendus, soit pour confirmer l’attribution d’une procédure, soit pour transférer cette dernière.

Dans tous les cas, se pose la question suivante, qui ne peut être asséchée : à quel moment le niveau de complexité perçu atteint-il un degré tel qu’un transfert de procédure apparaît nécessaire ?

C’est pour prévenir tout risque d’un transfert à un mauvais moment que nous avons choisi de retenir une compétence concurrente pour le procureur financier à compétence nationale. Si une procédure doit être transférée d’une JIRS au procureur financier à compétence nationale, sa transmission peut avoir lieu à n’importe quel moment, car la compétence concurrente a pour effet d’éviter l’annulation des actes pris par la première juridiction.

Ainsi, en résolvant par avance cette difficulté, nous évitons de perdre du temps au titre de ces procédures, du seul fait de cette compétence concurrente.

À ce propos, je rappelle simplement qu’un schéma analogue existe pour les actes terroristes. La section antiterroriste de Paris, qui, en réalité, traite de manière exclusive et exhaustive des affaires de terrorisme, dispose en effet d’une compétence concurrente. Dans l’ensemble des parquets de France, aucun problème ne se fait jour pour transférer une affaire à cette section dès lors que certains éléments de l’enquête laissent à penser qu’il s’agit d’une affaire terroriste. Si un parquet d’un autre ressort a déjà entamé l’instruction de ce dossier, ses actes ne sont pas annulés. Je le répète, cette méthode ne pose aucun problème. Un tel exemple illustre la capacité de nos magistrats à s’entendre, conformément à l’intérêt général, pour confier une affaire à la juridiction la plus pertinente et la plus judicieuse.

La création du procureur financier à compétence nationale a reçu l’adhésion des orateurs du groupe socialiste et apparentés. Il a également emporté l’approbation des sénateurs du groupe CRC, et je leur en sais gré. J’ai entendu les questions posées par M. Bocquet. Malgré ces interrogations, qui, à ses yeux, appellent un travail supplémentaire, je crois avoir compris qu’il apportait son soutien à ce dispositif.

De la part des sénateurs de l’opposition, j’ai parfois perçu un rejet complet de cette mesure. J’en prends acte. Certaines oppositions sont définitives, sans argumentation. D’autres soulèvent certaines questions, fondées sur les arguments exposés par M. le procureur de Paris. Je ne m’appesantirai pas sur l’autorité que présentent ces motifs. Toutefois, il me semble bon que le législateur prenne les distances nécessaires pour se pencher sur l’institution judiciaire en tant que telle et sur la volonté résolue que nous exprimons : nous doter des moyens de lutter contre la fraude fiscale, contre toutes les atteintes à la probité et contre la corruption. Il est nécessaire de confier à l’institution judiciaire des armes spécifiques et identifiées pour agir efficacement contre ces fléaux.

En d’autres termes, le procureur financier à compétence nationale disposera de moyens dédiés, que j’ai détaillés à la tribune et que je rappellerai très rapidement : ce nouveau parquet bénéficiera d’une centaine de créations d’emplois, soit une cinquantaine de postes réservés à des magistrats – dont vingt-deux magistrats du parquet, dix juges d’instruction, des juges du siège en première instance et des conseillers à la cour d’appel, au terme, naturellement, d’une montée en puissance – et une cinquantaine de greffiers.

Spécialisé dans ce domaine, ce procureur financier disposera d’attributions concurrentes concernant les atteintes à toutes les formes de probité, qu’il s’agisse de corruption, de conflits d’intérêts, de favoritisme ou de détournement de biens publics. S’y adjoint une compétence en matière de fraude fiscale complexe, dont la dimension internationale englobe les techniques particulières de dissimulation et les ramifications transfrontalières. Toutes ces fraudes seront soumises au procureur financier à compétence nationale, qui disposera également d’une compétence exclusive en matière de délits boursiers.

Il s’agit donc bien d’une compétence à part entière, déclinée en diverses spécialisations et assortie de moyens dédiés.

Parallèlement, j’ai entendu des interrogations concernant les juges du siège. Certains ont notamment évoqué l’Audiencia Nacional espagnole. Je souligne néanmoins que ce pays présente une organisation judiciaire absolument différente de la nôtre. §

N’ayant pas souhaité créer une entité de ce genre, nous sommes restés dans l’architecture de l’institution judiciaire en nous interrogeant sur la spécialisation des magistrats du siège, notamment des juges d’instruction. Nous nous sommes demandé comment faire pour éviter que les moyens et les effectifs supplémentaires que nous envisageons ne se diluent dans l’ensemble du ministère public.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs souhaité introduire dans le projet de loi organique une disposition visant à spécialiser les juges du siège et à procéder à leur nomination dans les conditions que vous savez.

Nous avons fait valoir le défaut essentiel dont souffrait ce dispositif : une rigidité qui tend à cloisonner les contentieux. Nous savons pourtant qu’un certain nombre d’affaires peuvent articuler de la fraude fiscale, de la matière économique et financière, mais également de la criminalité organisée.

Dans ces cas-là, il est bon qu’un magistrat saisi puisse poursuivre l’instruction de l’affaire. Nous estimons donc que le dispositif prévu par l’Assemblée nationale ne convient pas, et nous nous en sommes expliqués. Votre commission des lois a fait sien l’avis du Gouvernement, considérant que ce dispositif n’était pas souhaitable.

Nous vous proposons par conséquent un mécanisme autorisant le premier président, sur avis du président du tribunal de grande instance, à habiliter les magistrats. Il ne s’agit pas d’une innovation, un tel dispositif existe déjà dans les juridictions interrégionales spécialisées, et fonctionne bien jusqu’à maintenant. §

Votre commission des lois a également choisi d’introduire une obligation de consultation de la commission restreinte de l’assemblée générale des magistrats. Le Gouvernement y voit une garantie supplémentaire de spécialisation et de compétence, et considère donc cette idée recevable. Plus encore, elle est bienvenue !

Nous créons donc un parquet financier à compétence nationale spécialisé, bénéficiant de moyens dédiés et de magistrats au profil déterminé, se préoccupant exclusivement des matières suivantes : atteintes à la probité, fraude fiscale complexe à dimension internationale, délits boursiers, sans oublier les infractions à la taxe sur la valeur ajoutée. S’y ajouteront des juges du siège, également spécialisés, habilités par le premier président, sur avis du président et de cette commission restreinte. Nous attribuerons à ce dispositif des moyens dédiés en effectifs, en lieux et en logistique.

On peut effectivement considérer qu’il n’y a pas lieu de changer le dispositif actuel. Mais en quoi cela viendrait à l’appui de nos efforts particuliers pour lutter contre les atteintes à la probité, contre la corruption et contre les fraudes ? Le Gouvernement vous assure qu’il se donne, par ces moyens-là, la capacité de permettre à l’institution judiciaire d’y concourir.

S’ajoute à cela la question de l’amont, c'est-à-dire la détection des infractions. Nous voulons que l’institution judicaire soit active pour repérer les infractions relevant de ces contentieux. À cette fin, la création de l’Office central de lutte contre les atteintes à la probité est importante.

Cet Office central aura une compétence très large et très profonde. Il sera composé d’officiers de police judiciaire issus de différents corps : policiers, gendarmes, mais aussi douaniers et fonctionnaires de l’administration fiscale. Vous l’avez bien noté, bénéficiant d’attributions élargies, il pourra être saisi directement par le parquet financier à compétence nationale.

La prévalence de la procédure fiscale, en termes de transactions, demeure, avec le dispositif qui vous a été présenté par le ministre du budget. Cependant, le parquet financier à compétence nationale, dans la mesure où il peut dorénavant mobiliser l’Office central sur les procédures, notamment en matière de fraude fiscale complexe, gagne de réelles compétences d’investigation au regard de la situation actuelle.

Aujourd’hui, en effet, lorsqu’un procureur identifie une fraude fiscale à l’occasion d’une procédure sur un autre contentieux, il la qualifie de blanchiment de fraude fiscale et saisit la brigade de répression, les officiers de police judiciaire qui sont à sa disposition. Avec l’Office central, nous disposerons d’officiers de police judiciaire spécialisés dans ce type d’investigations. Le parquet aura donc ainsi une capacité plus grande à enquêter sur les fraudes fiscales complexes.

Avec le ministre du budget, comme celui-ci l’a dit à plusieurs reprises, nous avons beaucoup travaillé. Nos responsabilités diffèrent par leurs natures.

La pression la plus forte repose sur le ministre du budget, qui a l’obligation de faire en sorte que celles et ceux qui cherchent à échapper à l’impôt échouent. Ceux-là ne s’acquittent pas de leurs obligations et ne contribuent pas aux charges communes, ils ne participent pas au financement de l’appareil d’État, des services publics. Ils portent atteinte à tout ce qui fait de la citoyenneté une réalité pratique, c'est-à-dire à la possibilité pour tous les citoyens d’accéder à certains services relevant de la sphère publique : l’éducation, la santé, les services sociaux, les infrastructures, le transport. Tous ces services sont indispensables et concourent à l’égalité dans la société. Le ministre du budget porte donc la responsabilité de faire en sorte que l’État récupère effectivement les sommes qui lui sont dues et qui lui échappent.

Ma responsabilité consiste à m’assurer que toute infraction à la loi reçoit la punition prévue, à un moment ou à un autre, par la représentation nationale et qui est inscrite dans le code pénal.

Nous avons donc beaucoup travaillé. J’ai d’abord affirmé, par réflexe, que, quelle que soit la situation du fraudeur, quand une transaction, quelle qu’elle soit, aura été conclue, elle ne pourra pas empêcher le déclenchement de l’action publique.

Nous avons cherché des solutions à partir de cette exigence. Nous avons aussi étudié les chiffres des dernières années. Ils confirment, malheureusement, ce que vous avez été plusieurs à exprimer à la tribune : assez peu de procédures aboutissent, les délais ne révèlent pas une diligence extraordinaire, les sanctions ne sont pas particulièrement dissuasives. En tout état de cause, le juge judiciaire ne peut prononcer que des amendes, et non le recouvrement de l’impôt, rôle qui revient au juge administratif

Vous l’avez remarqué, notre souci a été d’aggraver considérablement les amendes, afin que le juge puisse sanctionner sérieusement. Nous nous sommes engagés, le ministre du budget et moi-même, en respectant la cohérence de nos politiques respectives, pénale et fiscale, dans une meilleure articulation entre ces politiques. Nous avons donc pris un certain nombre de dispositions pratiques, très précises, visant à faciliter l’échange d’informations et la transparence dans le travail des uns et des autres.

Des juges de l’ordre judiciaire seront intégrés à la commission des infractions fiscales, la CIF, aux côtés des juges de l’ordre administratif et de l’ordre financier qui la composent actuellement.

L’obligation de présenter au Parlement chaque année un compte rendu de l’activité de la CIF nous permettra d’éclairer un certain nombre de points essentiels sur lesquels nous ne disposons pas d’éléments tangibles aujourd’hui. Il est incontestablement nécessaire d’évaluer les procédures traitées par cette commission. Aucun d’entre nous n’est indifférent au fait que celle-ci examine depuis sa création à peu près un millier d’affaires par an. Cette stabilité est dénuée d’explication logique et évoque une contingence arithmétique, une sorte de quota, liée à sa capacité maximale de traitement.

Ce rapport annuel, présenté par le ministre du budget à la représentation nationale, éclairera le profil de ces affaires et les causes de cette stabilité statistique. Il nous permettra également d’étudier la typologie des affaires transmises au parquet. L’institution judiciaire confirme, en effet, le faible nombre de condamnations, et leur faible ampleur, mais fait valoir que les affaires qui lui parviennent n’encourent que des sanctions relativement modestes.

Ce rapport permettra donc d’y voir plus clair et de connaître la typologie des affaires transmises par la CIF à l’institution judiciaire. Il permettra sans doute aussi d’élaborer plus précisément les critères de saisine de cette commission et les conditions de poursuites.

L’engagement du ministre du budget de rendre compte au Parlement chaque année constitue donc un effort de transparence susceptible de nous permettre de mieux apprécier la situation afin de déterminer s’il est éventuellement possible de concilier l’efficacité et le déclenchement automatique, ou au moins plus fréquent, de l’action publique.

Pour ma part, je ne renonce pas – et ce souci est partagé, à mon sens, par tous les parlementaires – à veiller à ce que l’État rentre dans ses fonds. Les sommes éludées par la dissimulation, la fraude fiscale et l’évasion fiscale doivent rentrer dans les caisses de l’État. En effet, nous ne pouvons pas continuer à exiger des efforts de ceux qui disposent de revenus de personnes physiques et à permettre que ceux qui ont dissimulé les leurs paient l’impôt et les pénalités sans être sanctionnés plus avant.

Nous avons donc le souci de faire prévaloir le droit. Les dispositions que nous avons mises en place nous permettront, à mon sens, d’avancer significativement dans cette direction.

Nous avons vraiment travaillé en bonne intelligence, en nous préoccupant de l’efficacité comme de la lisibilité. Nous le savons bien, en effet, autant les citoyens qui connaissent la difficulté et y sont confrontés à titre individuel comprendront qu’il est important de réintégrer l’argent évadé dans les caisses de l’État, autant ils ne comprendraient pas que ces comportements ne fassent pas l’objet de sanctions lorsqu’elles sont méritées.

Nous allons donc travailler ensemble afin de faire en sorte qu’aucune affaire méritant d’être transmise à la justice ne lui échappe. C’est là un engagement fort et formel pris par le ministre du budget

M. le ministre délégué acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Il y a d’autres sujets, sur lesquels nous reviendrons probablement à la faveur de l’examen des amendements. Je vous remercie, une fois encore, d’avoir apporté autant d’éclairage, d’exigence et d’intelligence dans la réflexion sur ce projet de loi. Le sujet n’était pas facile à traiter, et les réponses étaient difficiles à ajuster, mais il me semble que nous nous approchons du meilleur possible. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

TITRE Ier

Dispositions renforçant la poursuite et la rÉpression des infractions en matiÈre de dÉlinquance Économique, financiÈre et fiscale

Chapitre Ier

Atteintes à la probité

(Non modifié)

I. – Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-22 ainsi rédigé :

« Art. 2 -22 . – Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions suivantes :

« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ;

« 2° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;

« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;

« 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être agréées. »

II. – L’article 435-6 du code pénal est abrogé et la sous-section 3 de la section 2 du chapitre V du titre III du livre IV du même code est supprimée.

III. –

Suppression maintenue

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Au travers de l’article 1er, je souhaite revenir sur le travail que nous avons réalisé durant ces dernières semaines. Se sont succédé, pour être débattues ici, des réformes plus ou moins ambitieuses en matière de probité de la vie publique, notamment les projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique et ceux qui portent, aujourd’hui, sur la lutte contre la délinquance économique et financière. Certes, ces réformes étaient plus ou moins ambitieuses, mais l’essentiel n’est-il pas d’avancer dans le bon sens, quand d’autres se seraient endormis sur leurs lauriers ?

Le rejet systématique par nos collègues de droite et un peu au-delà des textes proposés démontre bien l’inertie qui les caractérise lorsqu’il s’agit de lutter contre l’une des délinquances les plus importantes : la délinquance économique et financière.

Madame la garde des sceaux, vous en êtes pleinement consciente, ces réformes rendent nécessaire l’adoption du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature

M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Pourtant, même de cette indépendance, le Sénat n’en a pas voulu, alors que celle-ci est nécessaire à la bonne application des textes précités et, au-delà, de l’ensemble de notre corpus législatif.

Mes chers collègues, l’édiction des plus beaux principes, ou, plus modestement, le renforcement des dispositions pénales relatives à la fraude fiscale que nous allons examiner dans quelques instants, n’est utile que si le magistrat chargé de mettre en mouvement la justice bénéficie d’une légitimité inébranlable et d’une indépendance incontestable. Entendons-nous bien, indépendance ne veut pas dire, je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises, absence de collaboration entre les différents pouvoirs.

C’est peut-être d’ailleurs la perspective d’une coopération renforcée entre la justice et l’administration fiscale par la mise en place d’un procureur de la République financier à compétence nationale qui fait peur à ceux qui, dans cette enceinte, rejettent cette mise en place. §Nous voudrions nous en distinguer, car, même si nous avons quelques interrogations, nous pourrons soutenir la création de ce procureur financier.

Mes chers collègues, craignez-vous que cette coopération renforcée, que cette complémentarité entre les services fiscaux et judicaires, soit trop efficace ? Pour notre part, nous ne le pensons pas.

Les amendements l’attestent, dans un contexte où les tribunaux sont sous-équipés, une instance nationale dotée de plus de moyens que les autres peut agacer.

Pour notre part, nous estimons que la lutte contre les atteintes aux objectifs constitutionnels de justice fiscale nécessite des outils juridiques appropriés et des dispositifs d’investigation renforcés. Il est indispensable de rétablir le rôle central de la justice pénale en matière de fraude fiscale. Si la mise en place d’un procureur de la République financier à compétence nationale peut y contribuer, nous ne nous y opposerons pas.

D’un point de vue organisationnel et dans un souci d’efficacité, la mise en place de ce procureur répond à plusieurs préoccupations. L’objectif visé est d’améliorer le traitement des infractions présentant un haut degré de complexité de par leur caractère dissimulé, nous le verrons dans le cadre des articles suivants. Il est aussi de faire le lien entre différents faits, parfois connexes, qui peuvent avoir été commis en plusieurs lieux sur le territoire national et, souvent, au niveau international.

Pour ce faire, le procureur de la République financier sera doté d’une compétence concurrente à celles des juridictions financières existantes et bénéficiera d’une autonomie au sein du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que de moyens renforcés, qui, je l’espère, madame la garde des sceaux, seront suffisants.

Pourtant, je tiens à le souligner, une chose lui manque pour le moment, et j’espère être rassurée sur ce point – vous l’avez partiellement fait, madame la garde des sceaux – : sa totale indépendance.

La réforme du Conseil supérieur de la magistrature est pour le moment repoussée, ce qui, je ne vous le cache pas, soulève quelques interrogations concernant la mise en place de ce procureur à compétence nationale et renforcée, dont le mode de nomination est de la plus haute importance pour l’application effective des différentes dispositions que nous allons adopter. Mais après tout, il ne disposera pas plus ni moins que les autres d’une meilleure garantie d’indépendance.

Quelles sont les intentions prochaines du Gouvernement ? Après l’adoption de ce texte, attendrez-vous l’adoption définitive du projet de loi réformant le Conseil supérieur de la magistrature pour nommer le premier procureur de la République financier ? Je pose la question maintenant car je suppose que vous y répondrez dans le cadre de l’examen des amendements.

Il me semble important que nous puissions en débattre, car un certain nombre d’amendements, notamment concernant les procédures pénales et l’adaptation de cette disposition dans un certain nombre d’autres codes, découlent forcément de l’application de la mise en place, si elle était adoptée par le Sénat ou, en dernier ressort, par l'Assemblée nationale, du procureur de la République financier, et des pouvoirs de contrôle qui lui seront alors dévolus.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 28, présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet article est une curiosité dans notre droit. Mais on innove ! De toute façon, on ne tient plus compte de rien.

Actuellement, l’action publique est engagée par le ministère public. On n’a pas privatisé jusqu’à présent, avec tous les problèmes de manipulation qui peuvent en découler, l’action publique pour ce qui concerne les crimes et délits relatifs à des faits portant atteinte à la probité, pour faits de corruption, de blanchiment ou autres. Je rappelle que les élus locaux, et donc les maires, sont concernés.

Je vous rends attentifs au fait que vingt et une catégories d’associations – visées aux articles 2–1 à 2–21 du code de procédure pénale – sont autorisées à se porter partie civile. Mais elles peuvent le faire parce qu’il y a, dans tous les cas, des victimes ou des intérêts en jeu, comme ceux de la Résistance ou des anciens combattants. Aucune association entendant lutter contre la corruption ne s’est jamais, j’y insiste – on s’y est déjà opposé ! –, substituée à l’action publique. C’est complètement fou !

D’ailleurs, s’agissant des associations de lutte contre la toxicomanie, on a pris la précaution de préciser qu’elles ne pouvaient se porter partie civile que si le ministère public avait engagé une action. Or là, on ne prend même pas cette précaution.

J’attire votre attention, mes chers collègues, sur toutes les manipulations de ces associations. On m’objecte que celles-ci seront agréées. Mais certaines voudront faire croire à une corruption généralisée. À la moindre occasion, avec toutes les conséquences que cela aura dans les médias, pour l’opinion publique, le mal sera fait, vous le verrez bien, même si les personnes incriminées sont blanchies.

Madame la garde des sceaux, vous ne vouliez plus donner d’instructions au parquet. Eh bien, ce seront ces associations qui en donneront, car instruction il y aura forcément ! Franchement, c’est ri-di-cu-le ! Et c’est dangereux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… pour l’équilibre de notre droit.

Je n’ai pas l’habitude de tenir de tels propos, mais là je vous assure que les dispositions proposées sont extrêmement graves. Dans notre société, on ne se rend plus compte des dégâts que l’on est en train de causer : on détruit progressivement tout ce qui fait la qualité de notre droit.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. François Pillet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’amendement vise, dans son objet, la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Comme je vous l’ai dit ce matin, l’objet de cet amendement précise qu’il appartient au ministère public d’engager les poursuites en matière de fraude fiscale. Or l’article 1er ne vise pas la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il vise d’autres délits, tels que la corruption, les atteintes à la probité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je tenais simplement à dissiper ce malentendu.

Sur le fond, le texte n’invente rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Aujourd’hui, des associations peuvent déjà se constituer partie civile dans un certain nombre de domaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Vous en avez évoqué un, mais je pourrais tout autant citer le domaine de l’environnement, de la protection contre les incendies ou encore des discriminations.

Je comprends vos inquiétudes, mon cher collègue, mais n’oublions pas que, dès le texte initial, la constitution de partie civile a été encadrée

M. Jean-Jacques Hyest est dubitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Je comprends tout à fait vos propos, monsieur Hyest, mais vous ne pouvez pas dire que les associations vont donner des instructions individuelles. Elles pourront se constituer partie civile.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous rappelle qu’elles doivent remplir un certain nombre de conditions : leur objet social doit être clairement de lutter contre la corruption ; elles doivent avoir cinq ans d’existence au moment où elles se constituent partie civile ; elles sont agréées…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Non, et vous le savez parfaitement, monsieur Longuet !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Vous êtes contre les privatisations, sauf pour le parquet !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

D’ailleurs, des dispositions visant à lutter contre les actions abusives sont prévues. Le juge, dès la procédure, pourra prononcer un certain nombre de sanctions.

On peut évidemment sous-estimer le mal que représente la perte de confiance de la société dans ses institutions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ce sont les associations qui alimentent la crise de confiance !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… fragilisées par la corruption, la fraude fiscale, les infractions liées au favoritisme, au détournement de biens publics, aux conflits d’intérêts, et considérer que les choses peuvent continuer ainsi. Mais, je l’ai dit précédemment, la société civile doit pouvoir agir dans la société, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… encadrée par le droit, et c’est ce que nous sommes en train de faire.

Il n’y a pas de comparaison possible entre le fait que le garde des sceaux pouvait donner – il le peut encore d’ailleurs ! – des instructions individuelles, en vertu de l’article 30 du code de procédure pénale, ce que nous renonçons à faire, nous rendons impossibles ces instructions individuelles, et le fait que des associations puissent se constituer partie civile.

Aussi, je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

J’abonde dans le sens de mon collègue Jean-Jacques Hyest. Je veux ajouter un élément qui me paraît être une curiosité du texte tel qu’on veut nous le faire adopter.

Si le texte est voté dans la rédaction qui semble être soutenue par le Gouvernement, le procureur de la République financier se trouvera, en matière de fraude fiscale, incapable juridiquement d’engager une procédure. Voilà un magistrat de l’ordre judiciaire auquel on refuse tout un pan des poursuites pénales dont on dit qu’elles sont parfaitement légitimes pour assurer ne serait-ce que l’équilibre sociologique face à la pieuvre – c’est le terme qui a été employé – qu’est la fraude fiscale.

Parallèlement, alors que l’on dépouille un magistrat de l’ordre judiciaire de la possibilité de décider d’une poursuite fondamentale, on accorde à des associations la possibilité de déclencher l’action publique.

Tel que l’article est rédigé, sauf erreur de ma part, cette association pourra déposer une plainte ; si celle-ci est classée sans suite, elle pourra saisir le juge d’instruction, qui lancera alors une procédure. Cette association aura ainsi pris la place d’un magistrat de l’ordre judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je le dis très clairement, en reprenant absolument les termes employés ce matin en commission par notre collègue Alain Richard, nous sommes en train de privatiser la justice pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je dois dire que cette disposition m’interpelle, car elle pose de véritables problèmes.

La constitution de partie civile par des associations n’est pas une nouveauté, et ce n’est d’ailleurs pas ce qui est dit. Simplement, dans une matière qui concerne fondamentalement la défense des intérêts de l’État, il est indispensable, nous le savons tous, et j’y insiste – c’est pour cette raison que je soutiens ici la position de la commission des finances et du ministère des finances –, qu’il revienne à l’État de déclencher les poursuites.

Vous allez loin, je vous l’ai déjà dit.

Madame la garde des sceaux, je vous fais confiance, mais imaginez que d’autres, demain, soient au pouvoir, qui n’aient pas votre attachement pour la liberté… Avec tout ce que vous êtes en train de nous construire, ils n’auront pas besoin de mettre en place de nouveaux textes !

Il nous faut être extrêmement vigilants, quant à notre organisation institutionnelle et quant à notre organisation judiciaire. On peut multiplier les grandes déclarations et les messages à l’opinion publique – car c’est cela, votre priorité ! – mais reste le fond, et là, je ne peux pas accepter, comme je le lis dans le rapport, que la constitution de partie civile de ces associations puisse porter sur des infractions telles que le manquement au devoir de probité : concussion, corruption passive et trafic d’influence ; sur des infractions de corruption et trafic d’influence : corruption active et trafic d’influence, corruption ou trafic d’influence impliquant un agent public ; sur des infractions de recel ou de blanchiment du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions précitées ; et enfin, et je vous cite toujours, monsieur le rapporteur, sur des « délits d’influence illicite sur les votes lors des élections législatives, cantonales et municipales. »

Vives exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Alors, continuez comme ça ! Je trouve vraiment qu’après tous les discours que je vous ai entendu prononcer ces dernières années, nous sommes sur une mauvaise pente, et c’est très grave.

Il est très grave, en effet, que des associations même déclarées depuis cinq ans et justifiant d’un agrément puissent se constituer partie civile en la matière.

Je suis tout à fait d’accord, à partir du moment où il y a renvoi devant les tribunaux, pour que des associations qui se battent contre la corruption et le trafic d’influence puissent s’exprimer à la barre et défendre leurs positions. Elles pourraient même le faire avant, devant le juge d’instruction, une fois l’instruction ouverte. Je trouverais cela légitime et juste. Mais que vous leur donniez le pouvoir de déclencher l’action publique, c’est un glissement progressif non vers le plaisir, madame la garde des sceaux, mais vers des méthodes que nous ne saurions accepter !

Je le redis, ces dernières semaines, ces derniers mois, au nom d’un souci tout démagogique de l’opinion publique et de certains médias, vous vous engagez sur un terrain sur lequel mon groupe ne peut pas vous suivre.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

À mon sens, ce que nous décidons ce soir est le contraire de ce que nous avons voté hier, à votre demande, madame le garde des sceaux !

Hier, j’ai voté le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en pensant vraiment que l’on pouvait améliorer la situation en affirmant le rôle du parquet, son indépendance, et en restaurant ses membres dans toute leur qualité de magistrat. Aujourd’hui, l’article 1er du texte que vous nous soumettez consiste à dire que l’action publique sera déclenchée par des associations…

Il semble tout à fait normal que des associations puissent ester en justice quand elles défendent les intérêts de leurs membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Mais, dans ce texte, il s’agit d’associations qui défendent un intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Or c’est au procureur, à l’État, de représenter l’intérêt général, et à personne d’autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Que les associations interviennent après que l’action publique a été déclenchée par le procureur de la République, une fois l’affaire renvoyée devant le juge, cela ne pose aucun problème. Mais c’est au procureur de la République de mettre en mouvement l’action publique, et à personne d’autre. Sinon, tout ce que nous avons voté hier se trouve réduit à néant.

Nous voterons donc l’amendement de M. Hyest parce que nous pensons ainsi faire œuvre utile pour notre organisation judiciaire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je voudrais réagir à ce que je viens d’entendre parce que, lors d’autres débats, notamment à propos de la Cour pénale internationale, la question était de savoir s’il fallait conserver le monopole du déclenchement de l’action publique, certains étant partisans de le supprimer pour, justement, aller plus loin.

À vous entendre, certaines associations se comporteraient comme des professionnels de la constitution de partie civile…

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Évidemment ! Il en existe qui gagnent de l’argent avec cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Mais des limites sont aussi posées : on ne peut pas déclencher l’action publique de manière abusive, sous peine d’être condamné à des amendes.

Vous dénoncez la disposition ici prévue comme absolument nouvelle et scandaleuse. Mais ce n’est pas le cas. On ne déclenche pas l’action publique simplement parce que l’on a envie de le faire ou parce que l’on est un professionnel de la constitution de partie civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je comprends mal cet émoi, car qu’y a-t-il de nouveau ? Aujourd’hui, si vous êtes à la tête d’un syndicat, vous pouvez vous constituer partie civile. Si vous êtes à la tête d’une association, vous pouvez vous constituer partie civile. Il y a toutefois une condition : l’intérêt à agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

On a vu dans l’affaire des bien mal acquis, concernant le Gabon, l’association Transparency International se constituer partie civile et la Cour de cassation admettre la recevabilité de sa constitution de partie civile, en lui reconnaissant intérêt à agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Dans ce texte, nous ne faisons que nous inscrire dans cette philosophie en la prolongeant, et nous posons deux conditions : l’ancienneté de cinq ans et, évidemment, l’agrément.

Pourquoi le Gouvernement le propose-t-il ? C’est que, dans les hypothèses qui sont les nôtres, il y a relativement peu de victimes. C’est bien là la difficulté : dans certaines affaires de corruption, par exemple, vous n’avez parfois aucune victime. À ce moment-là, on donne à l’association la faculté de se constituer partie civile, mais c’est une possibilité fortement encadrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est que l’État ne fait pas son travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je rappelle que toutes les catégories d’associations figurant dans le code de procédure pénale se réfèrent à la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres ou, par exemple, à la défense de l’enfance, de la Résistance ou à la lutte contre l’antisémitisme. Il y a des victimes, cela ne se confond donc pas avec l’intérêt général.

Je rappelle que les conditions pour être partie civile une fois que l’instruction est ouverte et que la juridiction de jugement est saisie ne sont plus du tout les mêmes. La Cour de cassation l’admet parfois.

D’ailleurs, le cas que vous citez, monsieur le rapporteur, si l’on veut être exact, s’inscrivait dans ce contexte : l’action publique avait été mise en mouvement par les procureurs. Je ne veux pas qu’il y ait de confusion.

Je vous l’assure, et vous le constaterez de vous-même si vous examinez les textes, c’est bien la première fois que l’on accorde à des associations le droit de poursuivre en une matière qui, normalement, relève de la défense de l’intérêt général et donc de l’État et des magistrats du parquet.

S’il n’y avait plus d’État, ce serait pareil ! C’est la justice privée, c’est tout ce que l’on veut !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va donc être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Rebsamen, le scrutin n’étant pas encore ouvert, vous souhaitez sans doute prendre la parole pour explication de vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Non, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.

Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Une suspension de séance en plein scrutin public ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Rebsamen, elle n’est pas de droit. C’est au président de séance de décider.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Si donc vous le décidez, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous allons interrompre nos travaux, mais pas plus de cinq minutes, monsieur Rebsamen !

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani, rapporteur. Mes chers collègues, la commission vous propose un sous-amendement.

Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Ce sous-amendement serait ainsi rédigé : « Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée, en ce qui concerne les infractions suivantes : ».

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis favorable, car manifestement la rédaction de l’article 1er posait problème.

Nous assumons parfaitement le fait d’avoir voulu donner aux associations, dans ce domaine particulier, la possibilité d’agir : il n’était pas acceptable que certaines infractions ne fassent pas l’objet de poursuites. Le Gouvernement a posé des conditions exigeantes, notamment en ce qui concerne l’agrément. De surcroît, je rappelle que le juge pouvait prononcer immédiatement les dommages et intérêts.

Ce sous-amendement, de mon point de vue, améliore la rédaction de l’article et permet de lever des inquiétudes. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, vous aviez annoncé la mise aux voix par scrutin public de l’amendement n° 28 tendant à supprimer l’article 1er. Comment peut-on sous-amender un amendement de suppression ? Tout cela est très nouveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Pour lever tout risque de contradiction, je vais déposer un amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur le rapporteur, de toute manière, je suis tenu de procéder aux mises aux voix dans l’ordre de discussion des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’est déjà bien, compte tenu du contexte !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voilà pourquoi je mettrai d’abord aux voix l’amendement n° 28, qui vise à supprimer l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J’avais la même interrogation que M. Hyest : comment sous-amender un amendement de suppression ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Même observation, mais nourrie d’une jurisprudence récente.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… en ce qu’il avait recueilli un large consensus, a été retiré par M. le président de la commission des lois, rapporteur du texte, au motif qu’un sous-amendement ne peut pas aller contre les dispositions de l’amendement qu’il affecte.

Or le sous-amendement proposé par M. le rapporteur vise précisément à rétablir ce que l’amendement de M. Hyest tend à supprimer ! Très franchement, c’est une manœuvre de sous-préfecture !

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, je précise qu’il s’agit non plus d’un sous-amendement, mais d’un amendement.

En effet, je suis saisi d’un amendement n° 156, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

à la partie civile

Insérer les mots :

, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée,

Je mets aux voix l’amendement n° 28.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 317 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements n° 156 et 82 n’ont plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de l’amendement n° 82, présenté par Mme N. Goulet :

I. - Après l’alinéa 7

Insérer douze alinéas ainsi rédigés :

« ... - Une association se proposant, par ses statuts, de lutter contre la corruption est tenue de déclarer annuellement :

« 1° Le montant total des subventions publiques reçues ;

« 2° Le montant et l’origine des dons de personnes physiques ou morales d’un montant supérieur à 50 € ;

« 3° Le nombre de ses adhérents ;

« 4° Les immeubles bâtis et non bâtis détenus ;

« 5° Les valeurs mobilières détenues ;

« 6° Les comptes bancaires courants, les livrets et les autres produits d’épargne détenus ;

« 7° Les biens mobiliers divers détenus ;

« 8° Les véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions détenus ;

« 9° Les biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l’étranger détenus ;

« 10° Les autres biens détenus ;

« 11° Le passif. »

II. - En conséquence, alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. 2 - 22. - I. - Toute association ...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’amendement n° 77, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l’article 131–27 du code pénal, les mots : « dix ans » sont remplacés par les mots : « quinze ans ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Ainsi que nous avons eu l’occasion de le souligner dans la discussion générale, la délinquance fiscale et financière ne remplit pas forcément les colonnes de l’actualité juridique, compte tenu, notamment, du rôle joué par la Commission des infractions fiscales, « sas » pour les uns, « verrou », pour les autres.

Le fait est que la délinquance en « col blanc », telle qu’on la qualifie parfois, ne surcharge pas vraiment les tribunaux !

Comme on le rappelle à juste titre dans le tome I de l’annexe Évaluation des voies et moyens, relatif aux recettes, au chapitre consacré au contrôle fiscal, les procédures correctionnelles engagées en la matière concernent, bon an mal an, environ un millier de dossiers.

La plupart des procédures engagées, conclues par des condamnations, amènent cependant à constater la relative clémence des juridictions concernées. La situation la plus fréquente est, en effet, la publication d’une décision portant amende et peine d’emprisonnement avec sursis.

Les peines de prison avec sursis sont prononcées dans 80 % à 88 % des condamnations, tandis que les peines d’amende avec titre exécutoire sont prononcées dans 30 % à 40 % des situations.

Il est donc assez rare que la fraude fiscale vous conduise derrière les barreaux – environ 10 % des affaires définitivement jugées –, même si la tendance est un peu à la hausse ces derniers temps.

Notons, cependant, et c’est là l’objet de notre amendement, que les peines complémentaires d’interdiction d’exercer certaines fonctions de direction d’entreprise ou professions libérales sont presque aussi souvent prononcées que les peines d’emprisonnement.

Sur la période 2003-2011, couverte par le document budgétaire annexé, on compte en effet 541 peines d’emprisonnement ferme et 430 peines complémentaires d’interdiction d’exercer.

Notre amendement vise à augmenter le quantum de la peine complémentaire, d’autant que celle-ci prend souvent, dans les procédures dont nous venons de parler, le caractère de peine principale.

À la vérité, il nous semble pédagogique et intéressant à la fois qu’une plus forte pénalisation des agissements de certains fraudeurs par interdiction de gérer une entreprise, d’exploiter un cabinet d’expertise comptable ou de professer en matière d’avocat-conseil en fiscalité puisse constituer un outil dissuasif dans la mise en œuvre des schémas de fraude fiscale.

Au demeurant, le travail d’ores et déjà accompli par la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, qui s’est réunie ces dernières semaines, montre, s’il en était encore besoin, qu’au-delà de tel particulier ou de telle entreprise usant de fraude, c’est un réseau plus complexe d’acteurs et d’intervenants qui est à chaque fois mobilisé pour la mener à bien.

Il convient donc que ce réseau puisse connaître aussi les rigueurs de la justice.

C’est le sens de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement avait prévu de s’en remettre à la sagesse du Sénat. Néanmoins, compte tenu de nos échanges, je m’aligne sur l’avis favorable de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le relèvement de la peine ne nous pose pas en lui-même un problème philosophique insurmontable.

Toutefois, en l’espèce, il pose difficulté dans la mesure où, depuis quelque temps, nous modifions systématiquement les peines, en les revoyant d’ailleurs à la hausse, sans nous assurer que ces peines sont encore cohérentes avec celles qui sont prévues plus généralement dans le code pénal pour d’autres infractions.

Nous traitons ici d’une infraction contre les biens, même s’il s’agit du bien public. Or certaines atteintes aux personnes, c’est-à-dire des infractions graves, ne sont-elles pas réprimées moins sévèrement ? Il faudrait à tout le moins le vérifier, au nom de la cohérence du code pénal et de notre échelle des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Autre bémol à la démonstration de mon excellent collègue, on nous dit depuis des années – on aurait d’ailleurs presque fini par me convaincre ! – que les peines ne sont pas dissuasives. N’est-ce pas ce qui a été affirmé au moment de l’abolition de la peine capitale ?

Croyez-vous vraiment que la peine prévue ici sera plus dissuasive ? Certainement pas ! Sera-t-elle-même appliquée ? On peut en douter quand on voit les peines habituellement prononcées en matière de fraude fiscale par les tribunaux !

Il est vrai, je veux bien l’admettre, que les tribunaux correctionnels n’ont pas à connaître des infractions les plus graves. Pour reprendre les exemples cités à l’instant, on poursuit, certes, le maçon portugais ou l’épicier du coin, mais les fraudeurs les plus gros, non !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. On va finir par avoir des problèmes avec le Portugal !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Donc, j’émets une réserve sur ce point. Je pense qu’avant d’augmenter systématiquement des peines, nous devrions vérifier que le code pénal est encore cohérent, ce dont je ne suis plus du tout certain.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Une nouvelle fois, nous ne prenons pas le bon chemin.

Chers collègues de la majorité, si pour vous la solution consiste simplement à augmenter toutes les peines, je vous rappellerai qu’il n’y a pas si longtemps encore – c’est-à-dire jusqu’à il y a environ un an et demi –, chaque fois que le gouvernement précédent choisissait cette réponse pénale, vous hurliez, et moi avec vous, considérant à juste titre que ce n’était pas la solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Passer de dix à quinze ans ne résout absolument rien au problème. Dans ces matières, il faut déjà que les textes applicables donnent lieu au prononcé de sanctions significatives. Or aller dans ce sens, c’est risquer de mettre en cause l’indépendance de la justice. En effet, si, pour la plupart des infractions, nos peines sont très largement supérieures à celles qui sont pratiquées dans les autres pays, les magistrats ont cependant souvent le pouvoir de prononcer des sanctions inférieures au maximum qui figure dans les textes. C’est la réalité !

Par conséquent, prétendre que l’on donnera un signal à l’opinion en passant de dix à quinze ans peut être plaisant en termes de communication, mais cela ne résout strictement rien !

Pour ma part, j’essaie d’être cohérent avec les positions que je n’ai cessé de défendre, ici même, depuis des mois et des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Permettez-moi tout d’abord de préciser, mes chers collègues, qu’il m’est arrivé de lutter, avec la commission des lois du Sénat, contre l’augmentation systématique des peines sous la précédente législature.

Par ailleurs, j’ai vérifié la durée de la peine maximale pour un certain nombre de délits : elle est fixée à dix ans. Pourquoi la porterait-on à quinze ans pour ce délit spécifique ?

Je l’ai expliqué ce matin, madame le garde des sceaux, et il me semble que la commission des lois partageait mes vues, nous sommes en train de détruire progressivement, au gré des événements, tout ce qui fait notre échelle des peines, et dans le sens d’une aggravation. Avant de procéder à des modifications, il faudrait peut-être se demander si les peines que nous envisageons ici sont cohérentes avec l’ensemble de celles qui sont prévues dans le reste du code pénal. Ici, je le dis, ce n’est pas le cas !

Ce qu’indiquait M. Mézard est également vrai, chers collègues de la majorité : sous la précédente législature, vous hurliez à chaque fois que nous augmentions les peines. Aujourd’hui, vous en voulez toujours plus…Je trouve effectivement que vous n’êtes pas très cohérents avec vous-mêmes !

M. André Reichardt applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Chacun peut dire ce qu’il veut, chers collègues de l’opposition, mais je pense que, pour ce qui est de la cohérence, il faut éviter de se donner des leçons !

Que vous n’acceptiez pas ce que nous proposons par cet amendement est une chose, mais au moins admettez que nous ne revenons ni sur nos positions…

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. … ni sur ce que nous avons toujours dénoncé, à savoir la volonté affichée pendant des années, par les gouvernements de droite, d’augmenter les peines destinées à frapper les plus petits

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Donc, pas d’amalgame, et sachons distinguer entre tous les délits ! Il est question ici d’un délit spécifique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

… l’évasion et la fraude fiscales, qui, dans la plupart des cas, est commis de façon tout à fait consciente, voire avec l’appui de conseillers pour mieux aider au contournement de la règle et mettre en œuvre une évasion optimisée en vue d’un plus grand enrichissement.

Ce délit est donc spécifique, et les délinquants sont pleinement conscients de leurs actes. On ne peut donc invoquer la perversion, la folie, des nécessités sociales ou des particularités culturelles pour justifier les actes de ces délinquants-là.

Certes, il faut certainement revoir l’échelle des peines, mais, s’agissant d’un délit spécifique qui a une très forte incidence sur l’intérêt général, sur les ressources de la Nation et, par conséquent, sur le bien-être de toutes et de tous, nous pensons qu’il est important d’augmenter la peine pour lui conférer, oui, chers collègues, un caractère dissuasif. Nous le pensons, nous l’affirmons et nous l’assumons, sans aucune remise en cause de nos positions précédentes.

En outre, sur la question de l’indépendance de la justice, ne mélangeons pas tout ! Comme vous en conviendrez, monsieur Mézard, l’indépendance de la justice, ce n’est pas laisser aux juges toute latitude pour faire ce qu’ils veulent quand ils le veulent. C’est le résultat de la mise en cohérence des différents pouvoirs, chacun étant ensuite libre d’agir dans sa sphère de compétence.

Nous pensons donc qu’il est nécessaire d’augmenter la durée maximale de la peine et de la porter de dix à quinze ans pour ce délit qui, je le répète, est spécifique. Ce faisant, nous restons cohérents avec toutes les positions que nous avons défendues sur les précédents textes. Nous n’avons pas de leçons à recevoir en la matière !

Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

J’ai attentivement écouté les arguments de Jacques Mézard. Effectivement, l’augmentation du quantum des peines complémentaires en la matière n’est peut-être pas d’une efficacité prouvée. Mais, car il y a un mais, chers collègues, comment pouvez-vous nous donner des leçons, quand vous n’avez cessé pendant cinq ans d’augmenter toutes les peines, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. … alors que précisément nous visons la fraude fiscale ? Il ne faudrait tout de même pas exagérer !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Même si j’émets des doutes sur le fait que cette disposition soit d’une grande efficacité, c’est tout de même un signal que nous adressons aux fraudeurs fiscaux et je prends cette mesure comme telle. Sur le principe, on ne peut que soutenir cet amendement et, pour une fois, vous qui avez augmenté toutes les peines, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Le seul délit pour lequel ils ne veulent pas augmenter les peines, c’est la fraude fiscale !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… vous qui avez même prévu des peines planchers, obligeant les magistrats à remplir les prisons, alors qu’il vaudrait mieux favoriser la réinsertion, vous devriez nous rejoindre et soutenir cet amendement.

Jacques Mézard a été cohérent avec lui-même, car il s’est effectivement opposé à toutes les augmentations de peine que vous avez votées. Vous nous en proposiez une chaque semaine !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Alors, pour une fois, joignez-vous à nous sur cette question de la fraude fiscale ! Sans cela, nous allons finir par croire que vous ne voulez pas d’une aggravation des peines pour les fraudeurs…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

De quoi débattons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs ? L’article 131-27 du code pénal dispose que l’interdiction d’exercer est soit définitive, soit temporaire. Dans ce dernier cas, elle ne peut excéder dix ans.

J’entends parfaitement vos observations, monsieur Hyest. Effectivement, pour les délits, la peine maximale est en général de dix ans. Quoi qu’il en soit, une pagaille monumentale s’est installée dans notre échelle des peines depuis un certain nombre d’années. L’incohérence est totale !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’amendement tend à faire passer la durée maximale de la sanction temporaire de dix à quinze ans. Il s’agit d’un maximum, charge au juge d’apprécier !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En outre, dans ce cas particulier, l’interdiction peut être définitive. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, permettez-moi de m’étonner : que la sanction puisse être définitive ne vous heurte pas, mais vous prophétisez la fin du monde si elle est portée à quinze ans lorsqu’elle est temporaire ?

Je ne crois pas que nous soyons à la veille de l’Apocalypse, tout de même !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le signal ainsi adressé aux fraudeurs, comme l’a évoqué M. Rebsamen, doit être pris en considération.

Je confirme donc l’avis favorable du Gouvernement sur cet amendement n° 77.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L’article 131-38 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, s’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, au dixième du chiffre d’affaires moyen annuel de la personne morale prévenue, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits » ;

2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le crime a procuré un profit direct ou indirect, ce montant peut être porté au cinquième du chiffre d’affaires moyen annuel de la personne morale accusée, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 135, présenté par MM. P. Dominati et de Montgolfier, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Dominati.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

L’Assemblée nationale a souhaité durcir le texte initial en adoptant un article additionnel instaurant une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires de la personne morale en cas d’infraction pénale. Cette amende peut être portée à 20 % du chiffre d’affaires en cas de récidive.

En proposant cet amendement de suppression, nous entendons, non pas contester un éventuel durcissement du projet de loi ou la volonté du législateur de mieux graduer l’échelle des peines, mais simplement trouver un système qui soit en cohérence avec la réalité de la situation des personnes morales.

Mes chers collègues, les personnes morales, ce sont les sociétés ! Généralement, les amendes pouvant leur être appliquées sont multipliées par cinq par rapport à celles que l’on peut prononcer à l’encontre des personnes physiques.

Ici, l’amende est assise sur le chiffre d’affaires, ce qui pose problème.

Tout d’abord, le chiffre d’affaires est difficile à cerner.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Des différences peuvent être constatées selon que l’entreprise réalise des bénéfices ou se trouve en grandes difficultés financières, selon qu’il s’agit d’une filiale ou d’un groupe de sociétés.

Il aurait donc été préférable d’opter pour une base de calcul qui tienne compte du montant de l’infraction, plutôt que du chiffre d’affaires.

Il n’est pas réaliste qu’une société puisse vivre avec une épée de Damoclès de cette nature et de cette importance. À partir du moment où un litige apparaît avec l’administration, la société est obligée d’inscrire des provisions dans ses comptes. Or provisionner 10 %, voire 20 % du chiffre d’affaires peut directement causer de graves difficultés de trésorerie à la société, voire des difficultés financières, notamment à l’égard des banquiers qui lui prêtent de l’argent.

Par conséquent, l’amende visée ici pourrait véritablement mettre en péril les personnes morales, puisque ce sont elles qui sont visées ici, et donc affecter la vie économique des entreprises.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article, libre à vous ensuite de trouver un autre critère, cette fois fondé sur le montant de l’infraction, et non sur un élément aussi difficilement quantifiable que le chiffre d’affaires des sociétés concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission a un avis radicalement différent de celui qui vient d’être exprimé sur cette mesure qui, je le crois, est une disposition de fond.

La réflexion menée à l’Assemblée nationale a été la suivante : la sanction aujourd'hui prononcée à l’encontre des personnes morales est parfois très faible, ce qui peut pousser certains à une sorte de spéculation très cynique. En définitive, l’infraction va si peu leur coûter qu’ils peuvent avoir intérêt à la commettre !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Le rempart que nous construisons ici me semble donc tout à fait justifié et, en matière économique, ce rempart ne peut être que le chiffre d’affaires.

En précisant que le taux est appliqué au chiffre d’affaires moyen, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus « à la date des faits », nous permettons une prévisibilité. Un taux de 20 % est prévu, certes, mais en cas de récidive. Enfin, nous avons cadré un peu plus les dispositions de l’Assemblée nationale, d’ailleurs pour des considérations de constitutionnalité, en indiquant que l’infraction devait avoir procuré un profit direct ou indirect.

Il y a donc un lien entre la nature de l’infraction, le fait que celle-ci entraîne, ou pas, des profits, les taux appliqués et l’utilisation du chiffre d’affaires comme assiette de l’amende. C’est vraiment, me semble-t-il, un amendement cohérent, qui marque une forte évolution de notre droit en la matière.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement n° 135.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Pour les mêmes raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable. La rédaction proposée par la commission des lois est très bonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je suis très sensible aux arguments de Philippe Dominati. Il faudrait effectivement que l’on nous explique : sachant que les entreprises sont obligées de provisionner pour risques, comment passer en compte d’exploitation une provision représentant 10 % du chiffre d’affaires sans remettre en cause la vie économique de l’entreprise ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il suffit de ne pas s’exposer au délit ou au crime !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il y a là quelque chose qui m’échappe.

Lorsqu’une décision définitive est prise, on peut admettre qu’une sanction soit appliquée à la personne morale se traduisant par une amende égale à 10 % du chiffre d’affaires et à 20 % en cas de récidive. Mais avant que la décision ne soit prise, il faut provisionner la somme, obligation qui, sous le contrôle du commissaire aux comptes, pèse sur l’entreprise. Cette provision est évidemment une charge qui expose l’entreprise à une fragilité bilancielle et qui peut la priver de tout accès au crédit, crédit bancaire ou crédit fournisseur, alors que la décision n’est pas définitive.

Je souhaite donc savoir comment vous traitez ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Longuet, j’ai beaucoup de mal à comprendre comment vous pouvez défendre l’idée qu’une entreprise provisionne le risque qu’elle prend à frauder.

M. Gérard Longuet proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Cette dame ne comprend vraiment pas la comptabilité !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Pardonnez-moi de n’être qu’une femme, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je n’envisageais pas d’intervenir, puisque je pense exactement la même chose que Mme Klès.

Cependant, je ne peux pas ne pas réagir aux mots tout à fait méprisants que vient de prononcer notre collègue Gérard Longuet – notamment l’expression « cette dame » – et qui figureront dans le compte rendu intégral de nos travaux.

Mme Klès, comme tout le monde, comprend très bien votre raisonnement, mon cher collègue : vous pensez qu’il faut provisionner le montant de l’amende éventuelle qui sera prononcée, et donc considérer que la fraude est inscrite dans les faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Quand on a un litige, on est obligé de provisionner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le mieux, c’est de ne pas même envisager de frauder. Dans ce cas, nul besoin de provisionner le montant de l’amende éventuelle ! Voilà ce qu’a expliqué Mme la rapporteur, car c’est ainsi dont il est coutume de désigner la personne qui rapporte au nom de la commission saisie au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

J’ai proposé un mécanisme ; je n’ai pas eu de réponse autre que de principe. Je partage globalement le constat formulé par mon collègue Gérard Longuet d’une méconnaissance évidente du monde de l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il n’y a pas que vous qui connaissiez l’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

En cas de litige, il faut provisionner. Il n’y a pas nécessairement fraude, il y a même sans doute contestation de la fraude.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Une personne morale, c’est-à-dire une entreprise, peut contester une première décision en faisant appel. En attendant, le dispositif prévu à l’article 1er bis risque purement et simplement de la mettre à genoux !

Vous pouvez choisir de multiplier par dix ou par cent et plus le montant du produit de la fraude, et là, cela a du sens, mais prendre pour base de calcul de l’amende le chiffre d’affaires, alors que l’on ne sait pas si c’est celui d’une filiale, d’un groupe, s’il s’agit d’une entreprise en bonne ou en mauvaise santé financière, cela démontre une très profonde méconnaissance des mécanismes du monde de l’entreprise et du monde économique en général. C’est très regrettable, surtout si cette méconnaissance est partagée par une majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Non, vous confondez l’optimisation fiscale et la fraude !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je suis interloquée.

Vous faites procès à la gauche de cet hémicycle, gauche dont est issu l’actuel gouvernement, de ne rien comprendre à l’entreprise.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais nous savons que les provisions ont un objet, un motif. Il y a des provisions pour amortissement, des provisions pour risques.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’image que vous donnez de l’entreprise est tout de même étonnante : vous nous dites que l’entreprise doit provisionner pour un risque judiciaire lui-même lié à la commission, par ses dirigeants, de délits ou de crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C’est de cela qu’il s’agit. L’article 1er bis concerne les délits et les crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Nous parlons des personnes morales, non des dirigeants, ce n’est pas la même chose !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne suis pas persuadée que vous rendiez service aux entreprises en les défendant de cette façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Si un crime ou un acte délictueux est commis, le commissaire aux comptes est tenu d’en informer le procureur de la République.

Les provisions sont constituées lorsque, à la suite d’une vérification fiscale, l’administration notifie un projet de redressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

S’ouvre alors un dialogue entre l’administration et le contribuable, la société en l’occurrence, et, par prudence, si l’on pense qu’il y a matière à redressement, effectivement, dans l’attente de la décision, on constitue une provision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ce n’est que la traduction d’un principe de précaution visant lui-même à répondre à une exigence de sincérité des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je pense donc qu’il ne faut pas se prendre la tête sur ces questions !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mon cher collègue, vous aurez l’occasion de vous exprimer, mais je ne peux pas vous donner la parole en cet instant, car vous êtes déjà intervenu.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, je réitère ma demande de rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Longuet, je ne peux pas vous donner la parole pour l’instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

C’est dommage, car que je voulais simplement présenter mes excuses à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

J’ai eu une réaction spontanée mais, sur le fond, Jean Arthuis a dit ce que je pense et que j’aurais pu exprimer plus gentiment. Voilà qui est dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 75, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ou, s’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, ou du plus élevé des deux rapports, soit le dixième du chiffre d’affaires moyen annuel de la personne morale prévenue, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus à la date des faits, soit le cinquième de son résultat net. » ;

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n° 75 et 76, qui portent sur le même article et procèdent de la même logique.

Nous risquons de retrouver le débat que nous avons déjà eu tout à l’heure à propos de l’amendement n° 77, qui a toutefois été voté, et je remercie ceux qui ont permis qu’une majorité se dégage en faveur de son adoption. J’espère que ces deux amendements recevront le même accueil, mais c’est à vous, chers collègues, qu’il appartiendra d’en décider.

Nos collègues députés ont introduit dans le projet de loi une sorte d’arme de dissuasion massive, constituée par un relèvement assez sensible du quantum de l’amende encourue par les personnes morales, c'est-à-dire les entreprises, en matière de comportements criminels ou délictueux.

En l’état actuel du droit, l’article 131-38 du code pénal fixe au quintuple de l’amende encourue par une personne physique commettant l’infraction celle qui est encourue par une personne morale.

Bien évidemment, comme l’a montré la discussion du texte au Palais-Bourbon, ce quintuple peut se révéler suffisamment faible pour que certaines entreprises, notamment les plus grosses d’entre elles – voilà de quoi nous parlons – intègrent dans certains schémas le coût éventuel d’une condamnation, sans que cela leur pose de problèmes majeurs.

L’objet de l’article 1er bis apparaît donc clairement : alourdir sensiblement la peine pour dissuader de commettre le délit ou le crime fiscal et financier qui y sont visés.

À la vérité, mes chers collègues, cet article est plus intéressant par son aspect dissuasif que par ce que rapporteraient éventuellement les amendes particulièrement significatives qui en découleraient.

C’est d’ailleurs pour renforcer le pouvoir dissuasif de cet article que nous préconisons de fixer le quantum de la peine d’amende à raison soit de la règle du quintuple, soit de celle qui prend en compte le chiffre d’affaires, soit, enfin, de celle qui prend en compte le résultat net.

Pourquoi une telle démarche ? Tout simplement parce que les réalités économiques d’aujourd’hui nous indiquent que certaines entreprises peuvent obtenir un résultat particulièrement significatif sans pour autant que le chiffre d’affaires soit très important, notamment quand il s’agit de structures dédiées à l’absorption des résultats tirés de l’activité d’exploitation et de production de biens ou de services.

C’est singulièrement le cas pour les holdings, dont le résultat est souvent le produit de la seule remontée des dividendes versés par les filiales d’exploitation et dont le chiffre d’affaires est donc bien faible.

C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 136, présenté par MM. P. Dominati et de Montgolfier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer le mot :

dixième

par le mot :

vingtième

II. - Alinéa 3

Remplacer le mot :

cinquième

par le mot :

dixième

La parole est à M. Philippe Dominati.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Cet amendement est de même nature que le précédent, à la différence qu’il divise par deux les plafonds prévus, qui seraient ainsi respectivement de 5 % du chiffre d’affaires et de 10 %, en cas de récidive.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour souligner que cet amendement ne concerne que les personnes morales et en aucun cas les personnes physiques, et je reviens sur la réponse que m’a faite Mme la garde des sceaux sur l'amendement n° 135.

Pour une personne morale, 10 % ou 5 % du chiffre d’affaires, cela correspond à une somme énorme qui peut mettre en difficulté une entreprise.

Je souhaiterais sinon une étude d’impact du moins un bilan de l’application de ce dispositif, après quelque temps de mise en œuvre, notamment dans des entreprises en difficulté, afin que nous sachions combien d’entreprises ont dû mettre la clé sous la porte, à la suite d’un simple litige avec l’administration fiscale, parce qu’au lieu de retenir comme base de calcul de l’amende le montant du produit de l’infraction, multiplié par cinq ou par dix, vous avez préféré le chiffre d’affaires.

Il faut faire preuve de réalisme et prendre en compte la gestion concrète de l’entreprise. L’occasion m’en a été donnée au travers de cet amendement de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 76, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsqu’il s’agit d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende encourue par les personnes morales est de 1 000 000 €. Lorsque le crime a procuré un profit direct ou indirect, ce montant peut être porté au plus élevé de deux rapports, soit le cinquième du chiffre d’affaires moyen annuel de la personne morale accusée, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, soit le tiers du résultat net. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La commission est défavorable à ces trois amendements.

M. Bocquet propose en fait trois plafonds : le premier est le plafond actuel, soit cinq fois le montant de l’amende encourue ; le deuxième plafond, dont nous avons tout à l’heure discuté, c’est 10 % du chiffre d’affaires ; enfin, il propose de créer un troisième plafond correspondant à 20 % du résultat net de l’entreprise. Il nous semble qu’une telle disposition nuit à la lisibilité du droit.

Il en va de même pour l’amendement n° 76 et, bien sûr, pour l’amendement n° 136 qui, comme l’a souligné M. Dominati, est un amendement de repli.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements, et pour les mêmes motifs.

J’ajoute que je m’interroge sur la constitutionnalité de l’amendement n° 75.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 78, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7° de l’article 131-39 du code pénal, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement procède de la même logique que ceux que nous avons déjà défendus au regard de la responsabilité pénale des personnes morales.

Contrairement à certains de nos collègues, nous pensons qu’il n’est pas juste que seules les personnes physiques soient inquiétées en matière de délinquance financière ; c’est en quelque sorte faire comme si les dérives constatées procédaient des seuls errements de l’âme humaine, lors même que c’est bien souvent un système, un mode de fonctionnement économique, qui se trouve en question.

Ne retenir de la délinquance financière que les atermoiements et petits arrangements entre individus revient, par exemple, à faire porter sur les seules épaules de M. Jérôme Kerviel la responsabilité des difficultés de la Société Générale, alors que, de toute évidence, c’est aussi le mode de gestion du risque par la banque qui était en cause.

Pour en revenir à notre amendement, il s’agit, là encore, d’accroître le quantum des peines complémentaires d’interdiction d’exercer certaines activités ou professions pour les personnes morales condamnées.

Une telle démarche permettra, soit dit en passant, de rendre plus transparentes les règles s’appliquant à tous en matière de gestion et de direction d’entreprise.

Tel est le sens de l’amendement que nous soumettons à votre réflexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement est similaire à celui que nous avons précédemment examiné, à la différence notable qu’il concerne toutes les peines encourues par les personnes morales. Ce champ nous semble extrêmement large. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Cet amendement, qui concerne de multiples peines, nous paraît excessif. Nous y sommes donc défavorables.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase de l’article 132-12, les mots : « est égal à dix fois celui qui est prévu par la loi qui réprime ce crime » sont remplacés par les mots : « pour les personnes morales est doublé » ;

2° À la fin des deux premiers alinéas de l’article 132-13, les mots : « est égal à dix fois celui qui est prévu par la loi qui réprime ce délit » sont remplacés par les mots : « pour les personnes morales est doublé » ;

3° À la fin de l’article 132-14, les mots : « est égal à dix fois celui qui est prévu par la loi qui réprime ce délit en ce qui concerne les personnes physiques » sont remplacés par les mots : « aux personnes morales est doublé ». –

Adopté.

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° La sous-section 1 du chapitre IV du titre II du livre III est complétée par un article 324-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 324-6-1. – Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues à la présente section est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.

« La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’une des infractions prévues à la présente section est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;

2° Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV est complété par un article 432-11-1 ainsi rédigé :

« Art. 432-11-1. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice de l’infraction prévue à l’article 432-11 est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;

3° La section 1 du chapitre III du même titre III est complétée par un article 433-2-1 ainsi rédigé :

« Art. 433-2-1. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’une des infractions prévues à la présente section est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;

4° Après l’article 434-9-1, il est inséré un article 434-9-2 ainsi rédigé :

« Art. 434-9-2. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’une des infractions prévues aux articles 434-9 et 434-9-1 est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;

5° La sous-section 3 de la section 1 du chapitre V du titre III du livre IV est complétée par un article 435-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 435-6-1. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’une des infractions prévues aux articles 435-1 à 435-4 est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » ;

6° La sous-section 3 de la section 2 du même chapitre V est complétée par un article 435-11-1 ainsi rédigé :

« Art. 435 - 11-1. – La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’une des infractions prévues aux articles 435-7 à 435-10 est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l’infraction ou d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa des articles 432-10 et 432-12, les mots : « de 75 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction » ;

2° Au premier alinéa des articles 433-2, 434-9-1, 435-2, 435-4, 435-8, 435-10 et 445-1 et à l’article 445-2, les mots : « de 75 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, » ;

3° Au premier alinéa des articles 432-11, 433-1 et 434-9, à l’article 435-1 et au premier alinéa des articles 435-3, 435-7 et 435-9, les mots : « de 150 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, » ;

4° À la fin du premier alinéa de l’article 432-15, les mots : « de 150 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit de l’infraction » ;

5° Au premier alinéa de l’article 432-14, les mots : « de 30 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par Mme N. Goulet.

L'amendement n° 68 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

L’amendement n° 14 a été retiré.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 68.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement soulève la question du délai de reprise de l’administration. Nous proposons que ce délai soit, en tout état de cause, porté à cinq années, au lieu de trois, comme c’est le cas aujourd’hui.

Nous l’avons déjà souligné, la fraude fiscale, dont le coût estimé pour les finances publiques est particulièrement significatif – c'est le moins que l'on puisse dire ! –, utilise aujourd’hui des armes et des outils sans cesse plus perfectionnés, mobilisant toutes les failles de ce véritable maquis qu’est devenue l’imposition des sociétés et convoquant un ensemble de plus en plus important d’avocats, de conseillers fiscalistes et de comptables prêts à mettre en œuvre leurs compétences en échange de ce qu’il convient d’appeler, du point de vue des entreprises, la « maîtrise des coûts fiscaux ».

Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, mais il faut remarquer que, si l’impôt sur le revenu, avec son barème progressif, présente toutes les caractéristiques d’une contribution citoyenne aux charges publiques, en pleine application de nos principes constitutionnels, l’impôt sur les sociétés, la TVA ou je ne sais encore trop quelle autre contribution ayant, de ce point de vue, perdu beaucoup de leurs vertus.

Un ami syndicaliste de la métallurgie m’a confié qu’il avait récemment assisté à une scène pour le moins stupéfiante. Un expert comptable, venu présenter au comité d’entreprise, à la demande de l’employeur, les résultats annuels de l’entreprise, avait tenu un discours proprement sidérant, expliquant à qui voulait l’entendre que, selon la façon dont ils étaient présentés, les comptes de l’entreprise pouvaient, au choix, afficher soit un léger résultat positif, soit un résultat équilibré, soit même, moyennant quelques artifices comptables bien utilisés, un résultat déficitaire de quelques centaines de milliers d’euros…

Avouons que cette présentation audacieuse n’est pas de bonne publicité pour la profession de commissaire aux comptes, ni pour celle d’expert comptable, mais la morale de l’histoire nous est connue.

Dans le budget d’une entreprise, le poids des impôts à payer fait très souvent, et de plus en plus fréquemment, l’objet d’une forme de provision. En général, l’entreprise se fixe, par principe, une somme donnée à payer, déployant ensuite tous les outils pour ne pas la dépasser, coûte que coûte.

Chacun s’en doute, cette démarche est d’autant plus aisée à mettre en œuvre quand l’entreprise présente un caractère transnational, que son origine soit étrangère ou hexagonale.

Toujours est-il que la pleine efficacité des schémas d’optimisation et leur caractère de plus en plus sophistiqué, qui les rend, de fait, moins décelables que par le passé, mettent l’administration fiscale face à une adversité de mieux en mieux armée et toujours plus en mesure de faire la loi, si l’on peut dire.

Repérer les schémas d’optimisation, débrouiller dans cet ensemble ce qui peut parfois procéder de la fraude ou de l’évasion, cela demande des moyens, matériels et humains, et souvent du temps.

Allonger le délai de reprise de l’administration, comme nous le proposons, permettra de répondre à ces exigences, d’ores et déjà retenues par la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, qui en avait fait l’une de ses propositions, sous le numéro 38, en préconisant un sensible allongement des délais en matière de fraude avérée.

Dans ce cas précis, il s’agit du délai de reprise de caractère général qu’il convient d’accroître en vue de ménager les meilleures conditions de prévention de la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement part d'une bonne intention, mais la commission des finances y est défavorable, car il allonge le délai de prescription de droit commun, qui a déjà été porté à dix ans en cas de fraude.

La situation actuelle constitue, à nos yeux, un bon compromis.

Le délai de reprise pourrait évoluer pour prendre en compte d'autres cas de fraude justifiant son extension, mais il semble préférable de maintenir à trois ans le délai de droit commun, afin de préserver la sécurité juridique des contribuables qui n'ont pas fraudé.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Le Gouvernement est du même avis que la commission, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, je rappellerai que des dispositions concernant les délais de reprise ont déjà été prises dans un certain nombre de cas très ciblés, notamment grâce au travail du rapporteur général de la commission des finances. Dans les cas de demande d'entraide administrative, le délai de reprise a, par exemple, été allongé de deux ans.

Il est, par conséquent, toujours possible, sur des sujets particuliers et dans des conditions spécifiques, de procéder à l'allongement du délai de reprise. Des mesures ont déjà été adoptées par votre assemblée ; cela pourrait se reproduire aussi souvent que nécessaire pour faire face à des situations spécifiques.

Par ailleurs, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, en cas de fraudes de grande ampleur impliquant des trusts ou des comptes à l'étranger, les délais de reprise sont portés à dix ans.

Ensuite, nous sommes réticents, car un tel allongement du délai de reprise irait de pair avec un allongement des contrôles effectués par l'administration fiscale, et donc avec une diminution de leur nombre. Nous devons trouver un équilibre entre l’indispensable régularité des contrôles et la nécessité que l'administration fiscale dispose du temps requis pour certains cas particuliers.

La pratique actuelle permet d'atteindre les deux objectifs : il n'est donc pas nécessaire de déséquilibrer l'existant. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement ; sinon, il y sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je comprends les préoccupations de notre collègue. La question de la prescription est importante. Cependant, il ne faut pas procéder à des modifications parcellaires. Si cela est nécessaire, un projet de réforme globale devra être envisagé.

Notre groupe ne votera donc pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On en a fait des rapports sur la question des prescriptions !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 43, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l’article 435-9 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avec cet amendement, qui fait référence à l’article 435-9 du code pénal, nous tenons bel et bien à réparer une des lacunes de notre droit.

Il s’agit d’incriminer la corruption menée et accomplie auprès de ressortissants étrangers, dès lors que ceux-ci présentent la particularité d’exercer une fonction élective ou publique. En clair, este visé ici le fait de s’assurer du concours d’un fonctionnaire, d’un parlementaire, d’un responsable gouvernemental d’un pays étranger, singulièrement pour mener des actions de fraude fiscale.

Une telle démarche ne peut évidemment qu’être condamnée, d’autant qu’elle est, hélas, parfaitement probable. Il suffit par exemple de se rendre compte de ce que l’on peut trouver comme « incitations » à l’évasion fiscale sur les sites de certains gouvernements étrangers pour se rendre compte de quoi il s’agit et pour comprendre comment des phénomènes allant bien au-delà de la simple évasion peuvent très vite se produire.

C’est donc pour réparer ce manque de notre droit que nous vous proposons d’adopter cet amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Sur la forme, j'avais indiqué en commission que l'amendement aurait dû viser l'article 435-4 du code pénal, et non l'article 435-9.

Sur le fond, le trafic d'influence commis à destination d'un agent public d'un État étranger n'est aujourd'hui pas pénalisé et cette lacune s’explique certainement. C'est la raison pour laquelle je serais heureux de connaître la position du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Vous le savez, nous avons toujours souhaité faire en sorte que la corruption d'agents publics étrangers soit combattue. C'est la raison pour laquelle le gouvernement de Lionel Jospin avait pris, au début des années deux mille, des dispositions en ce sens, qui avaient constitué un progrès important.

Nous sommes cependant confrontés à une difficulté : le trafic d'influence est une qualification juridique qui n'a pas de contenu international. Si nous adoptons une mesure au plan français sans qu’il y ait de définition internationale, la disposition ne serait pas efficiente.

C'est la raison pour laquelle je propose au Sénat de ne pas retenir cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 123, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 1er quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 495-7 du code de procédure pénale, la référence : « à l’article 495-16 » est remplacée par les références : « aux articles 321-1, 321-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10, 445-1 à 445-2-1 et 495-16 du code pénal, des infractions réprimées par le code électoral ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à exclure les infractions qui relèvent des questions de corruption ou celles qui sont réprimées par le code électoral de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC.

En effet, cette procédure présente deux inconvénients.

D’une part, elle ne fait que rarement l’objet de publicité. Notre amendement tend à donner davantage de visibilité à ces affaires.

D’autre part, cette procédure pourrait donner lieu à des atténuations de peine, ce qu’il s’agit d’éviter.

Notons que l’inclusion des délits de corruption était l’une des principales critiques portées à cette procédure du « plaider-coupable » lors de sa création. C’est peut-être le moment d’y mettre fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Sur le premier point soulevé par Mme Benbassa, j’indique que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité donne lieu en réalité à une décision publique : l’ordonnance d'homologation, rendue en audience publique. Il y a donc bien publicité de la décision.

En termes d'opportunité, les auditions que nous avons pu effectuer ont montré que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité était utile dans tous les domaines.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je comprends parfaitement la préoccupation de Mme Benbassa et, pour parler très franchement, je la partage. Mais cette demande émane essentiellement des organismes internationaux – je pense notamment à l’OCDE, à l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, et au GRECO, le Groupe d’États contre la corruption, qui traitent de la corruption internationale et de ses ramifications. Il y a bien un rapprochement entre le droit anglo-saxon et notre droit continental. Nous avons tenu à prendre en considération cette demande.

Dans le même temps, vous avez raison, madame Benbassa, il est important de dire très clairement, et je le fais ici au nom du Gouvernement pour que cela soit consigné dans le compte rendu intégral des débats, que cette procédure, à laquelle nous consentons pour faire droit à cette demande internationale, ne doit pas concerner les délits graves ou des personnes dont il serait plus fondé qu'elles comparaissent devant le tribunal correctionnel.

Par circulaire, je veillerai à demander que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui est homologuée par le juge mais proposée par le procureur de la République, soit réservée aux faits les moins graves. Même dans ces cas, si la nature du préjudice ou la qualité de l'auteur le justifient, la procédure doit être renvoyée devant le tribunal correctionnel.

Pour cette raison, je vous suggère, madame Benbassa, de retirer votre amendement, auquel je suis défavorable. Cependant, je tenais à ce que le Journal officiel atteste la pertinence incontestable de votre proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je retire mon amendement, monsieur le président !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Merci, madame la sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C'est pourtant dommage !

Chapitre II

Blanchiment et fraude fiscale

(Non modifié)

Au second alinéa du I de l’article 28-2 du code de procédure pénale, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et le blanchiment de ces infractions ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 81, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article 324-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'origine des biens et revenus est présumée illicite. »

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 44, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de dissimulation de l’infraction, le délai de prescription de l’action publique commence à courir au jour où l’infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement participe des mêmes préoccupations que celles que nous venons de développer au regard du délai de reprise.

Il s’agit ici de mettre en place un dispositif, de caractère évidemment exceptionnel, qui fasse partir le délai de prescription d’une date différente de celle qui est a priori retenue par le droit.

Le point de départ de la prescription – normalement, le ixième jour de l’année civile ordinaire retenu par principe pour un délai de trois années révolues en matière de délits -, a été mis en question, à plusieurs reprises, par la jurisprudence

En effet, comme on peut le lire sur le site de la Cour de Cassation, de longue date, la chambre criminelle admet que le point de départ de la prescription de l’action publique peut être reporté au-delà du jour de la commission des faits lorsque l’infraction, bien qu’instantanée, s’accompagne de manœuvres de dissimulation de nature à faire obstacle à sa révélation.

Relèvent notamment de cette jurisprudence, dit la Cour, les infractions d’abus de biens sociaux, d’atteinte à la liberté d’accès et d'atteinte à l’égalité dans les marchés publics – dont les exemples sont nombreux.

Dans un arrêt du 20 février 2008, la chambre criminelle a, pour la première fois, décidé qu’il en était également ainsi en matière d’entente et a approuvé une cour d’appel qui, pour écarter la prescription de l’action publique, avait retenu que le délit d’entente poursuivi n’avait été révélé, dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, qu’au jour de la dénonciation des faits par des élus du conseil régional, l’existence de l’entente étant dissimulée par la régularité apparente des procédures d’appel d’offres restreint et par la collusion relevée entre les entreprises, les partis politiques et l’exécutif régional.

De façon également novatrice, la chambre criminelle a jugé, dans un second arrêt du 19 mars 2008, que le délai de prescription de l’action publique en matière de trafic d’influence ne commence à courir, en cas de dissimulation, qu’à partir du jour où l’infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites.

La portée de cet arrêt doit être bien comprise : cette décision ne constitue pas un revirement de la jurisprudence bien établie de la chambre selon laquelle, lorsque le délit de trafic d’influence ou de corruption est caractérisé par la perception illicite d’avantages, le délai de prescription peut être reporté au-delà du jour où a été scellé le pacte de corruption jusqu’au jour du dernier versement ou de la dernière réception des choses promises.

Elle offre la possibilité aux juges du fond de fixer le point de départ de la prescription postérieurement à cette dernière date, dès lors qu’ils constatent que les faits litigieux ont été dissimulés, ce qui en l’espèce était établi par le fait que l’infraction avait été dissimulée par la conclusion d’un contrat fictif et par l’utilisation d’une structure écran.

La solution retenue, qui permet d’accroître l’efficacité des poursuites des faits de corruption ou de trafic d’influence, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France – notamment dans le cadre de l’OCDE, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne ou des Nations unies – se justifie pleinement par la nature même du délit, généralement occulte.

Le report du point de départ de la prescription de l’action publique est également admis par la chambre criminelle lorsque l’infraction instantanée s’exécute sous forme de remises successives de fonds ou d’actes réitérés.

Dans la mesure où ces différents actes réitérés, tous identiques, se rattachent, dans l’esprit de l’agent, à une opération délictueuse d’ensemble, ils se fondent en une infraction unique, la prescription ne commençant à courir qu’à compter du jour de la consommation de la dernière infraction, ce qui permet d’allonger le délai de prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Pour toutes ces raisons, nous soumettons cet amendement à la réflexion de tous, en espérant qu’il sera adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Vaste débat ! L’Assemblée nationale avait effectivement formalisé un article tendant à généraliser la jurisprudence de la Cour de cassation à tous les délits, puisque l’article 8 du code de procédure pénale ne vise que les délits.

En commission, un amendement du Gouvernement tendant à revenir sur cette généralisation a été adopté, considérant que beaucoup d'attention et de réflexion étaient requises pour légiférer en matière de prescription et qu’il conviendrait même de s'appuyer préalablement sur une étude d'impact. On ne pouvait donc, à l'occasion d'un texte sur la fraude fiscale, généraliser la prescription en matière d'infraction occulte à tous les délits.

Après avoir adopté l'amendement de Mme la garde des sceaux, la commission a logiquement rejeté celui de M. Bocquet.

J’indique en outre que, si l'on retenait votre amendement – ce qui n’est pas la position de la commission –, il serait étrange de ne viser que les délits, et pas les crimes. Ainsi, la corruption de magistrat, qui est un crime, ne serait pas concernée, même si elle était révélée après avoir été dissimulée. On peut aussi penser à un assassinat, qui serait dissimulé, jusqu’à ce qu’on retrouve le corps… Il apparaîtrait alors anormal que le délai de prescription soit beaucoup plus long pour les délits que pour les crimes.

Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

M. le rapporteur a dit l'essentiel. Nous avons déjà eu ce débat à l’Assemblée nationale, et il ressurgit ici. Notre jurisprudence sur la prescription, de l'avis général des magistrats, fonctionne bien et a permis, jusqu'à maintenant, de sanctionner lorsque nécessaire.

Certes, il ne s'agit que d'une jurisprudence et je comprends la préoccupation des parlementaires qui souhaitent la consolider en lui donnant une base législative. Mais il me paraît délicat, au stade actuel – c'est ma seule réserve, je l'ai également émise à l’Assemblée nationale –, d'introduire ces dispositions sans travailler l'économie générale du droit de la prescription.

Je ne voudrais pas que nous prenions des risques et que demain, comme le rapporteur vient de l'envisager, les magistrats ne soient plus en mesure de sanctionner adéquatement, avec la souplesse que permet aujourd'hui la jurisprudence.

Je propose que nous travaillions ensemble puisque se manifeste, dans les deux chambres, un souci de consolidation de cette jurisprudence. Mais ne prenons pas le risque de la fragiliser en cherchant à la consolider ! Différons plutôt cette consolidation, pour y travailler ensemble…

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Bocquet, l'amendement n° 44 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 58, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À l’article 324-3 du code pénal, les mots : « jusqu’à la moitié de » sont remplacés par le mot : « à ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement participe de la logique de dissuasion à l'œuvre dans notre démarche vis-à-vis des opérations de fraude diverses et variées. Il vise ici, en particulier, le blanchiment de sommes illégalement perçues.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 324-3 du code pénal est ainsi rédigé : « Les peines d’amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment », ce qui signifie, pour être concret, que le tribunal peut prononcer une peine d’amende de 375 000 ou de 750 000 euros, selon les cas de figure, dans les affaires de blanchiment ponctuel, avéré, régulier ou dissimulé.

Une peine d’amende complémentaire peut être prononcée, à raison sans doute du montant de l’opération de blanchiment et de la valeur des biens et des fonds faisant l’objet de l’opération. Elle est aujourd’hui « plafonnée », si l’on peut dire, à la moitié de la valeur de ces biens ou fonds.

On rappelle cependant qu’il ne s'agit là que d'une simple latitude laissée à l'appréciation du tribunal compétent, comme pour les peines d’ores et déjà prévues aux articles 324-1 et 324-2.

Nous proposons, pour notre part, de relever le niveau de la peine d’amende complémentaire à la valeur des biens ou des fonds, en vue de conférer une vertu encore plus dissuasive aux dispositifs en vigueur. Le blanchiment de fonds occultes s’inscrivant délibérément dans une sorte de carrousel de fraudes fiscales que nous pourrions qualifier de « complémentaires », il convient de le pénaliser plus fortement et de créer les conditions du prononcé de sanctions plus sévères en ces matières.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

En cas de blanchiment, l'amende peut aujourd'hui atteindre la moitié de la valeur des biens ; les auteurs de l'amendement proposent d'aller jusqu'à la totalité. Si je n’ai pas, à titre personnel, de position tranchée sur cet amendement, la commission a, pour sa part, émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne suis pas loin de rejoindre les sentiments partagés du rapporteur : j’entends l'argument favorable à la moitié, mais je ne serais pas choquée par une saisie de la totalité…

Si l'on sanctionne pour dissuader, autant, peut-être, ne pas le faire à moitié…

Mais je ne suis pas censée réfléchir à haute voix ! §Je m'en remettrai donc, à cette heure tardive, à la sagesse du Sénat !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, l'article 2 bis est rétabli dans cette rédaction.

I. – Le dernier alinéa de l’article 1741 du code général des impôts est complété par une phrase et trois alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, les poursuites sont engagées dans les conditions prévues par le code de procédure pénale :

« - lorsque les faits ont été portés à la connaissance de l’autorité judiciaire dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction ouverte pour d’autres faits ;

« - lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées qu’ils résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.

« L’administration est informée sans délai des poursuites engagées dans ces conditions. »

II. – Après l’article L. 227 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 227-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 227-1. – Pour le délit de fraude fiscale prévu à l’article 1741 du code général des impôts, l’administration fiscale a le droit, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger, après accord du procureur de la République ou du procureur de la République financier, dans les conditions définies aux articles L. 247 à L. 251 du présent livre, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées qu’ils résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du présent livre.

« L’acte par lequel le procureur de la République ou le procureur de la République financier donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l’action publique.

« L’action publique est éteinte lorsque l’auteur de l’infraction a exécuté dans le délai imparti les obligations résultant pour lui de l’acceptation de la transaction. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 110 rectifié bis est présenté par MM. Delahaye et Arthuis.

L'amendement n° 114 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collin, Fortassin, Baylet, Chevènement et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 143 est présenté par M. Marini.

L'amendement n° 147 est présenté par M. Marc.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l'amendement n° 110 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cet amendement a pour objet de permettre à l'administration fiscale de conserver la plénitude de ses compétences en matière de poursuites pour fraude fiscale.

Nous pensons que ces poursuites nécessitent une expertise et une expérience avérées, et que ces compétences sont rassemblées autour de Bercy et du réseau des directions départementales des finances publiques. Il nous semble très important d'assurer une homogénéité de traitement, s'agissant notamment des entreprises.

Les magistrats, dont nous apprécions particulièrement l'autorité et les compétences, risquent, à un horizon de moyen terme sinon de long terme, de ne pas disposer des moyens matériels et humains nécessaires pour faire diligence.

Donc, par souci d'efficacité, nous pensons qu’il est judicieux de maintenir ce qu’il est convenu d'appeler le « verrou de Bercy ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 114 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Notre amendement répond aux objectifs qui viennent d'être exposés, et bien exposés, par Jean Arthuis.

En cette matière, il est absolument indispensable que ce que l’on appelle improprement le « verrou de Bercy », mais qui est en fait le pouvoir de l'administration fiscale, soit maintenu en l'état.

Il s’agit, en matière de fraude fiscale, de partir des articles 1741 et suivants du code général des impôts. L’article 1741, en particulier, dispose en substance que sont susceptibles de sanctions pénales tous ceux qui opèrent une dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt.

Dans notre pays, le juge de l’assiette et du recouvrement de l’impôt est le juge administratif. C’est notre réalité depuis fort longtemps, et cela fonctionne relativement bien. Les dispositions pénales prévues en particulier à l’article 1741 du code général des impôts sont forcément très larges. Cet article permet de poursuivre au pénal tous ceux qui, d’une manière volontaire, échappent à l’impôt.

Or, dans l’immense majorité des contrôles, on découvre une dissimulation volontaire, ce qui veut dire que des dizaines de milliers de cas sont susceptibles d’aller devant les tribunaux.

La Commission des infractions fiscales a été créée en 1977 pour éviter ce que l’on appelait à l’époque – je plaidais alors des affaires pour l’administration – « l’arbitraire de Bercy ». Elle opère un tri selon un certain nombre de critères pour faire en sorte que soient renvoyés devant les juridictions pénales des dossiers considérés comme très importants ou, il faut le dire, exemplaires – et l’exemplarité n’est pas forcément la même dans un petit département qui abrite peu d’activités économiques et dans un grand département. Pour cela, madame la garde des sceaux, il n’est nul besoin d’adaptation d’instruction générale

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette solution est raisonnable. Sans ce tri, je ne sais vraiment pas comment on ferait pour traiter tous les dossiers, et les conséquences seraient catastrophiques, y compris pour le ministère de la justice.

Il me paraît donc indispensable de maintenir le régime actuel, qui fonctionne tout de même dans de bonnes conditions et qui, de surcroît, facilite pour l’administration fiscale les recherches, la transaction et le recouvrement de l’impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 143 n'est pas soutenu.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l’amendement n° 147.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le présent amendement vise à supprimer l’article 2 ter. Il s’agit d’une initiative personnelle ; toutefois, les échanges qui ont eu lieu hier après-midi en commission des finances laissent penser qu’elle est soutenue par la grande majorité de ses membres.

L’article 2 ter tend à lever partiellement le « verrou de Bercy ». Ainsi, il autorise l’engagement de poursuites pour fraude fiscale directement par l’autorité judiciaire lorsqu’une fraude fiscale est apparue à l’occasion d’une instruction portant sur d’autres faits ou lorsqu’elle est commise en bande organisée.

Les dérogations qui sont proposées au « monopole » de l’administration peuvent paraître limitées. Toutefois, elles remettent en cause le principe même d’une organisation déjà ancienne et qui a démontré sa pertinence.

À l’appui de cet amendement, je rappellerai brièvement les trois arguments que j’ai développés dans mon intervention générale.

Premier argument : l’administration sanctionne déjà lourdement la fraude par le biais des sanctions fiscales. D’ailleurs, la poursuite systématique par le juge pénal de la fraude fiscale pourrait fragiliser le principe de proportionnalité des peines. C’est pourquoi les poursuites pénales doivent être réservées aux fraudes les plus graves, ce à quoi l’administration s’attache, déposant près de mille plaintes par an au titre du délit de fraude fiscale.

Deuxième argument : l’engagement de poursuites pénales parallèlement aux procédures de redressement pourrait freiner le recouvrement des impôts éludés et des pénalités appliquées. Je précise, mes chers collègues, que le montant des pénalités notifiées s’est élevé à 2, 5 milliards d’euros en 2012.

Troisième argument : seule l’administration fiscale dispose des compétences et, nous semble-t-il, des moyens humains pour faire face à une fraude d’une complexité croissante. En outre, l’autorité judiciaire verrait sinon son « stock » d’affaires augmenter substantiellement, ce qui pourrait nuire à son bon fonctionnement et à la sanction effective de la fraude fiscale.

Je précise enfin que l’autorité judiciaire a la possibilité de prendre directement l’initiative de poursuites concernant les délits de blanchiment de fraude fiscale.

Pour l’ensemble de ces motifs, je propose la suppression de l’article 2 ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, je reprendrai la position qui a été celle de la commission des lois.

Monsieur Arthuis, pas de malentendu entre nous : il n’est à aucun moment proposé par la commission de déposséder l’administration fiscale de tout son pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Marc a d’ailleurs précisé, et je lui en sais gré, que le texte de la commission est limité à trois cas.

Le premier cas est celui où le juge – ou le parquet –, à l’occasion d’une enquête ou d’une information, découvre un fait de fraude fiscale. Aujourd’hui, il ne peut pas s’en occuper. Nous proposions qu’il puisse le faire.

Le deuxième cas est celui où le procureur de la République est informé d’un fait de fraude fiscale complexe, et j’insiste sur ce critère de complexité. Les autres faits de fraude fiscale ne sont donc pas concernés, ce qui fait tomber toute l’argumentation fondée sur le grand nombre d’affaires qui viendraient engorger les tribunaux.

Nous ciblons uniquement la fraude fiscale complexe, qui est définie à plusieurs reprises : il s’agit notamment de la fraude fiscale commise en bande organisée ou qui s’accompagne de manœuvres – il en existe cinq ou six cas –, c'est-à-dire susceptible de « flirter » – je suis prudent dans les termes que j’emploie – avec le grand banditisme, que nous avons évoqué aujourd'hui.

Dans ces cas de fraudes fiscales complexes qui peuvent, je le disais, flirter avec le grand banditisme, je ne suis pas choqué que le procureur de la République ait les moyens de faire son travail, sans que cela nuise, d’ailleurs, aux recettes fiscales.

Il reste un troisième cas, celui de la transaction. Toujours s’agissant uniquement de fraudes fiscales complexes, dont je viens de rappeler la nature, nous proposons que la transaction soit validée par le procureur de la République. Cela ne me choque pas non plus parce qu’il y a, je le répète, un principe d’opportunité des poursuites. Ce n’est pas parce que le protocole sera soumis au procureur de la République que celui-ci va automatiquement le refuser !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Au contraire, cette procédure donnera forcément lieu à cette articulation, cette concertation, ce dialogue, que les uns et les autres ont réclamés depuis le début de la discussion.

À mon avis, ce n’est pas dissuasif. La peur du gendarme, en l’occurrence, la peur du parquet, devrait même favoriser la transaction, sachant qu’en cas de refus le dossier est déjà entre les mains du procureur de la République… Il s’agit donc d’un élément plus incitatif qu’inhibiteur en matière de transaction.

Telle est la position adoptée par la commission. Je ne reprendrai pas les arguments sur l’efficacité financière, ils ont été abondamment développés en début d’après-midi.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 2 ter.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ayant eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, je reprendrai simplement les arguments que j’ai développés en m’adossant à ce que vient de dire le rapporteur à l’instant.

Le cas qu’il vient d’évoquer, c’est-à-dire une fraude fiscale qui tangente la grande délinquance financière, faisant appel à un dispositif complexe, opaque et pouvant être commise en bande organisée, constitue le type même de ces cas qui font l’objet, de la part de l’administration fiscale, d’une transmission du dossier à la justice par l’intermédiaire de la Commission des infractions fiscales.

Ce qui est intéressant dans le dispositif que nous avons proposé à la représentation nationale, c’est que le doute qu’elle a aujourd’hui se transformera peu à peu en certitude, puisque nous lui communiquerons un état extrêmement précis des dossiers examinés par l’administration fiscale, des conditions et des critères à partir desquels elle transige ainsi que des raisons pour lesquelles elle ne transige pas, en transmettant à la justice, par l’intermédiaire de la Commission des infractions fiscales, qui sera recomposée et dont l’activité sera rendue plus transparente, les dossiers les plus compliqués, les plus litigieux, les plus problématiques.

Je ne peux pas laisser dire devant le Sénat que, sur des cas de fraude complexe du type de ceux qui viennent d’être décrits à l’instant par le rapporteur, il pourrait y avoir une forme de complaisance au sein de l’administration fiscale qui conduirait cette dernière à ne pas transmettre au juge des éléments constitutifs de fraude fiscale aussi manifeste et avérée ; c’est faux !

C’est comme si je disais, en tant que ministre du budget, responsable de l’administration de Bercy, que j’ai quelques doutes, compte tenu de la manière dont le parquet a pu fonctionner par le passé, sur la manière dont les magistrats du parquet mettront en mouvement l’action publique concernant un certain nombre de fraudes commises par des personnalités qui, par leur activité, pourraient avoir vocation à être protégées…

On ne lutte pas contre la fraude fiscale dans la suspicion à l’égard des administrations qui sont chargées de rechercher les fraudeurs et de mettre en mouvement l’action publique. Moi, j’ai confiance dans les magistrats du parquet - et dans les magistrats du siège - lorsqu’ils poursuivent. Je ne fais peser sur eux aucune forme de suspicion et la garde des sceaux s’est exprimée tout à l’heure de façon extrêmement claire sur l’absence totale de complaisance de la justice à l’égard de ceux qui fraudent de façon manifeste.

Pour ma part, je ne puis accepter qu’il y ait une confiance de fait à l’égard de la justice et une suspicion de fait à l’égard de l’administration fiscale, pas davantage que je ne pourrais accepter une confiance de fait à l’égard de l’administration fiscale et une suspicion de fait à l’égard de la justice.

Aujourd'hui, avec la garde des sceaux, nous créons les conditions d’une confiance en l’administration de la justice et en l’administration fiscale, dont nous réarticulons l’intervention pour rendre la lutte contre la fraude fiscale plus efficace afin de ne laisser aucun espace de respiration aux fraudeurs. Voilà la démarche qui est la nôtre, et je pense que c’est la bonne.

Il y a quelque chose de théologique, compte tenu de l’objet du texte, dans l’opposition de la logique du verrou, qui existerait à Bercy, à une logique de l’écrou, qui prévaudrait place Vendôme. À Bercy, il n’y a pas de verrou, mais c’est une véritable catapulte qui envoie désormais vers la place Vendôme les dossiers les plus compliqués. Il n’existe pas non plus place Vendôme une logique de l’écrou à tout prix consistant à tout pénaliser sur tous les sujets ; c’est une logique d’équilibre qui prévaut et qui veut que la peine appliquée soit à la hauteur de l’infraction constatée.

Je souhaite vraiment que nous profitions de l’examen de ce texte, qui est porté à la fois par le ministère de la justice et par le ministère de l’économie et des finances, pour sortir de ces débats théologiques qui nous conduisent à afficher de bien mauvaises idées par rapport à la réalité de la lutte contre la fraude fiscale, et pour essayer au contraire de rechercher de façon très pragmatique les solutions les plus adéquates.

Je demande aux sénateurs de faire confiance et à la justice et à l’administration fiscale travaillant ensemble pour atteindre à une efficacité accrue dans la lutte contre la fraude fiscale. (

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer dans la discussion générale, ma position est balancée entre deux exigences. L’engagement du Gouvernement de produire un rapport régulier sur la situation m’a amenée à faire confiance a priori à cette nouvelle relation avec la justice que le ministre du budget appelle de ses vœux, mais une confiance vigilante et mesurée.

Monsieur le ministre, j’aurais, selon vous, mis en cause l’administration fiscale qui ne transmettrait à la justice tous les éléments en sa possession que si elle le juge opportun. Je n’ai jamais dit cela et je ne crois pas que l’on cache des choses a priori à Bercy.

Pour autant, puisque vous parlez de théologie, je ne crois pas à l’infaillibilité pontificale et encore moins à l’infaillibilité « bercyenne ». §Le grand avantage de la procédure judiciaire tient au fait qu’elle est publique, ce qui, en la matière, est important.

J’entends bien votre argument et souhaite que l’on modifie les comportements en faisant preuve de vigilance et d’attention collectives. Toutefois, dans certains cas, nous aurions pu avoir un meilleur rendement fiscal si Bercy avait saisi plus rapidement la justice. En effet, les enquêtes judiciaires ouvrent des champs d’investigation qui n’entrent pas nécessairement dans les compétences ou les possibilités de l’administration.

J’illustrerai mon propos avec deux exemples. Le premier concerne la fameuse TVA sur les quotas de carbone. L’Union européenne a estimé que le montant de la fraude s’élevait à 5 milliards d’euros, dont 1, 6 milliard pour la France. Il ne s’agit donc pas d’une petite affaire. La Direction nationale des enquêtes fiscales avait détecté l’existence de ces fraudes mais n’avait pu saisir ni leur ampleur ni le côté « serpent » du système. C’est là qu’est le problème. Si l’on avait déclenché rapidement les procédures judiciaires, nous aurions probablement pu mieux mesurer l’ampleur de cette fraude et donc, sans doute, mieux récupérer l’impôt fraudé.

Le second exemple concerne les carrousels de TVA. La nature même du carrousel est d’émietter la responsabilité entre de multiples acteurs, prête-noms mais aussi sociétés-écrans. Dans certains cas, on ne peut se contenter d’une simple investigation de Bercy pour démêler l’écheveau et des investigations judiciaires sont alors nécessaires. La crainte que l’on peut avoir est que ces dernières ne soient pas déclenchées suffisamment rapidement. Une procédure plus systématique de transmission pourrait nous faire espérer plus d’efficacité.

Toutefois, comme je l’ai dit tout à l'heure, je pense qu’il ne faut pas avoir de position théologique en la matière. Nous devons veiller à ce que Bercy, lorsque cela est nécessaire, sente cette exigence de déclenchement plus rapide des opérations judiciaires. Le rapport annuel qui nous sera remis nous permettra alors de voir si nous allons plus vite, plus fort et plus efficacement.

Je le rappelle, nos concitoyens nourrissent quelques doutes à l’encontre de toute boîte noire qui n’est pas soumise à une validation collective des choix. Dès lors, toutes les suspicions peuvent demeurer et la foi ne suffit pas à les lever !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, je sais qu’en toute matière une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

J’entends toutes vos interrogations, mais je vous renvoie au texte en discussion : ses dispositions y répondent point par point.

L’administration devrait saisir la justice plus tôt ? Mais précisément, dans le projet de loi que nous soumettons à votre délibération, nous proposons qu’en cas de présomption de fraude fiscale complexe de grande ampleur la police judiciaire d’enquête fiscale puisse désormais être mobilisée. Cette dernière pourra d’ailleurs mettre en œuvre des modalités d’enquête beaucoup plus intrusives que celles qui prévalaient jusqu’à présent.

Les carrousels de TVA ou la TVA sur les quotas de carbone, que vous avez cités, répondent précisément à ce critère de grande complexité, notamment en ce qu’ils recourent à de multiples acteurs pour échapper à l’impôt.

Toute l’architecture du texte que nous vous proposons est destinée à faire en sorte que la sanction soit rapide sans remettre en cause la possibilité pour l’administration fiscale de percevoir les recettes dont elle a besoin, dans un contexte de finances publiques dont vous savez ce qu’il est. Nous ferons aussi la démonstration que ceux qui ont voulu échapper à l’impôt ne pourront le faire longtemps et qu’ils paieront ce qu’ils doivent. Enfin, nous pourrons percer la réalité de ces dispositifs complexes, établir les responsabilités et identifier les fraudeurs.

L’équilibre du texte, c’est cela. Et c’est la raison pour laquelle nous proposons de ne pas le remettre en cause, au risque sinon d’être moins efficients avec ce texte que nous ne l’étions auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mes chers collègues, ce qu’il est convenu d’appeler, un peu péjorativement il est vrai, le « verrou de Bercy » est en fait le monopole des poursuites des faits de fraude fiscale de l’administration des impôts. Même si l’on admet que les procédures en la matière puissent être exorbitantes du droit commun, cela n’est pas sans poser certaines difficultés.

En effet, même lorsqu’ils découvrent des faits de fraude à l’occasion d’enquêtes en cours, les magistrats ne peuvent les poursuivre. À l’inverse, lorsque des faits ne pouvant être poursuivis que par la voie pénale, par exemple, la corruption, sont découverts au cours d’investigations de l’administration fiscale, ils ne sont pas mécaniquement transmis à l’autorité judiciaire et échappent donc parfois aux poursuites qu’ils auraient pourtant méritées.

On peut toutefois également entendre les arguments pragmatiques selon lesquels les fraudeurs, dont seule l’administration fiscale est à même de réellement mettre en évidence les agissements, doivent être frappés avec force et célérité là où ils ont péché, c’est-à-dire financièrement, afin d’éviter de leur part toute manœuvre dilatoire.

Ce qui me semble ressortir avec certitude de ce débat délicat, c’est la nécessité de voir se développer une meilleure coordination entre l’autorité judiciaire et l’administration fiscale. Le texte qui nous est soumis comporte à cet égard des avancées. Je pense notamment aux échanges d’informations prévus à l’article 3 ter ainsi qu’à l’ouverture de la composition de la Commission des infractions fiscales, prévue à l’article 3 bis D.

Il nous semble donc important d’accompagner de manière progressive et durable cette amorce d’évolution, et c’est dans cet esprit que les écologistes s’abstiendront sur ces amendements de suppression de l’article 2 ter.

Mme Cécile Cukierman proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je crois toutefois que l’amendement de notre rapporteur, M. Anziani, a eu le très grand mérite de briser un tabou et d’ouvrir ce débat complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le débat a démontré que les lignes avaient bougé : il n’existe aucun groupe dans lequel se dégage une unanimité parfaite en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La liberté de parole qui prévaut dans mon groupe me permet d’intervenir à titre personnel et d’émettre un avis totalement différent de celui d’un certain nombre de ses membres.

Le constat que je dresse est assez simple et repose sur deux éléments incontestables.

Le premier est qu’il sera impossible de démontrer techniquement que ce système n’aboutit pas à donner exclusivement à l’administration la faculté de décider de l’opportunité des poursuites. Aucune affaire de fraude fiscale ne peut passer en jugement devant un tribunal correctionnel si l’administration n’a pas saisi la Commission des infractions fiscales. Entendez-moi bien : ce n’est pas la CIF qui pose problème, c’est le fait qu’il revient à l’administration de décider de sa saisine.

Le second élément, factuel, a été donné par la Cour des comptes dans son rapport de février 2010. Le constat qu’elle dresse ne va pas dans le sens des objectifs affichés par ce texte : « Les plaintes pour fraude fiscale déposées par l’administration auprès des juridictions pénales sont passées de 860 en 2000 à 992 en 2008. Cependant, cette progression résulte entièrement de l’augmentation des plaintes visant des entrepreneurs du bâtiment […], qui représentent près du tiers des plaintes en 2008. Une part très élevée de ces plaintes concerne des maçons originaires d’un même pays méditerranéen dont la surreprésentation peut avoir deux causes : ils mettent en œuvre des schémas de fraude simples et, de fait, ils se défendent peu. »

J’ai entendu tout à l'heure que l’on défendait l’existence de la Commission des infractions fiscales et du monopole des poursuites de l’administration fiscale au motif qu’il ne faut pas créer de concurrence entre l’administration fiscale et le procureur de la République. Il s’agit d’une erreur ! On ne crée absolument pas de concurrence ! Imaginez-vous un procureur de la République entamer une enquête préliminaire ou même saisir un juge d’instruction en se privant de l’expertise de l’administration fiscale ? Ce n’est jamais le cas, en pratique.

En la matière, nous n’avons donc pas à craindre une guerre des administrations à l’image de la guerre des polices. Au contraire, les uns et les autres collaboreront évidemment à cette œuvre commune.

De plus, l’idée selon laquelle cela pourrait entraver le recouvrement des sommes dues me paraît techniquement fausse. Aussi bien le Conseil d’État que la chambre criminelle de la Cour de cassation ont toujours rappelé que les deux procédures étaient totalement distinctes.

À ce titre, on peut donc imaginer qu’une personne soit condamnée pour fraude fiscale avant que le tribunal administratif ait statué sur son recours en matière purement fiscale et que, à l’inverse, car cette solution existe, la personne soit condamnée pour fraude fiscale alors que le tribunal administratif, dans la même affaire, a annulé tous les redressements que l’administration avait engagés ou mis en recouvrement contre elle.

L’administration a toujours la possibilité de récupérer les sommes. Elle dispose d’ailleurs d’une arme extraordinaire du simple fait qu’elle crée son propre titre, à savoir l’avis de mise en recouvrement ou l’avis d’imposition. Il n’y a donc sur ce point aucune difficulté : l’administration pourra continuer à remplir les caisses de l’État !

Si l’on veut faire disparaître toute suspicion à l’égard de l’administration, il faut donner la parole au procureur de la République. Je crois d’ailleurs que ce dernier ne sera pas plus mauvais juge que l’administration en matière d’opportunité des poursuites…

Enfin, vous avez noté que la Commission des infractions fiscales se voit transmettre mille dossiers par an. Comment voulez-vous qu’elle en reçoive plus encore ? Elle ne pourra, de fait, en traiter davantage, au risque de créer un goulet d’étranglement.

En définitive, je pense que ces amendements ôtent une partie de leur crédibilité aux objectifs affichés par les promoteurs du projet de loi. Je souscris au texte rédigé par notre collègue Alain Anziani et adopté par la commission des lois. Cette rédaction avait le mérite de consacrer une première évolution - celle que vous évoquiez, madame Lienemann - vers un État de droit où, me semble-t-il, il appartient aux magistrats de décider et non à l’administration.

Mme Cécile Cukierman applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’avais été séduit par les arguments de notre rapporteur, tout en conservant un doute. En effet, si la Commission des infractions fiscales est bloquée, comment la justice, avec ses moyens, pourrait-elle faire mieux ?

Je ne suis certain ni d’une solution ni d’une autre. Monsieur le ministre, il faut que l’argent rentre, avez-vous dit. Je pense quant à moi qu’il faut punir ceux qui fraudent. C’est cela, le but de la répression ! Pour quelle autre raison instituer des peines ? Si l’on veut mettre un terme à la fraude fiscale, il faut poursuivre les fraudeurs !

MM. François Marc et François Rebsamen opinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Voilà la priorité. Certains nous prédisent que l’argent ne rentrera plus… J’avoue que je ne goûte guère l’argument !

La lutte contre la fraude fiscale est plus efficace quand elle est menée par des spécialistes de la matière plutôt que par des services qui ne la connaissent pas.

J’observe d’ailleurs, madame le garde des sceaux, que si l’article 2 ter n’est pas adopté, créer le procureur financier ne sera plus nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En tout état de cause, mon groupe est divisé sur cette question. Je n’aime pas beaucoup entendre dire que certains écouteraient Bercy, tandis que d’autres tourneraient leurs regards vers la place Vendôme… Ce n’est pas vrai ! Je crois que l’on peut se faire une opinion, et évoluer à l’écoute des arguments des uns et des autres. À cet égard, j’ai même entendu des magistrats affirmer que le système actuel était préférable à la transmission de tous les dossiers à la justice, car celle-ci n’a pas les moyens de les traiter…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Telle est la réalité ! N’obstruons pas les services de la justice, qui ont déjà beaucoup de difficultés à remplir leurs missions, alors que les administrations fiscales comptent des spécialistes dans leurs rangs.

Par ailleurs, si cet article est adopté, que devient l’article 40 du code de procédure pénale, aux termes duquel tout officier public ou fonctionnaire qui acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis au parquet ? C’est la vraie question, que personne ne veut poser. Seul M. le rapporteur l’a fait, en proposant une solution à mon sens un peu excessive.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous sommes là à un point nodal du débat.

Je veux dire d’emblée que le groupe CRC n’a pas abordé cette discussion avec une opinion arrêtée. Je vous demande, mes chers collègues, de nous en faire crédit. Les arguments fort bien exposés par M. le rapporteur nous amènent à nous ranger à l’avis de la commission.

Au cours des mois de travail que nous avons consacrés à ce sujet, nous avons trop souvent entendu mettre en cause la commission des infractions fiscales. En particulier, des magistrats compétents, sérieux, responsables et respectables ont soulevé ce problème de manière récurrente.

J’entends bien les propos de M. le ministre du budget, que je crois sincères. Cependant, nous faisons ici le droit. On nous dit que davantage d’enquêtes sont diligentées aujourd'hui ; cela signifie qu’il y en avait moins avant. Pourquoi cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La commission d’enquête sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l’évasion des capitaux a auditionné hier M. Falciani. L’affaire HSBC remonte tout de même à 2009 : ce n’est que quatre ans plus tard que les choses semblent enfin bouger. Ainsi, dans les conclusions de son excellent rapport, notre collègue député Christian Eckert « s’interroge sur le délai constaté avant que le parquet de Paris n’ouvre, fin avril 2013, une information judiciaire ». Par conséquent, l’argument relatif à la rapidité d’action de l’administration fiscale est à relativiser singulièrement, de même, d’ailleurs, que l’argument financier. Lors de la discussion générale, on a souligné que la problématique était à la fois budgétaire et financière ; c’est un fait, mais elle est aussi politique.

S’il y a un signal à donner aujourd’hui, c’est bien celui-ci : il ne faut pas en rester au « verrou » de Bercy. À la page 49 de son rapport, M. Eckert ajoute que « même si, à l’heure actuelle, on peut constater une certaine accélération de l’histoire sur ces sujets, il est probable que ce processus n’aboutisse pas dans l’immédiat, et que de nouvelles affaires HSBC ou affaires UBS éclatent à l’avenir ».

Il nous faut donc nous doter d’un outil efficace pour demain et pour toujours ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’avis de M. le ministre du budget sur ces amendements de suppression est clair et cohérent ; il était en outre attendu.

De son côté, M. le rapporteur de la commission des lois a pris une position assez courageuse, fondée sur une autre approche, qui a été développée par notre collègue François Pillet. Je ne reviendrai pas sur son analyse, mais ses arguments méritent un examen attentif.

Si l’on est pour la création du procureur financier, on admet que des associations, l’administration fiscale ou d’autres personnes puissent engager des poursuites, par dérogation au principe de l’exclusivité du parquet.

On peut, au contraire, considérer que seul le parquet est compétent, sur un même territoire, pour les différentes matières, quitte à ce que des procureurs adjoints ou des substituts du procureur soient spécialisés dans tel ou tel domaine.

En ce qui me concerne, je penche plutôt pour la seconde option, que j’estime plus protectrice des droits des citoyens et du principe d’égalité sur tout le territoire national, mais je souhaiterais entendre l’avis de Mme le garde des sceaux avant de me prononcer définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Notre groupe est unanime sur cette question, comme souvent d’ailleurs…

M. Michel Mercier rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je le redis, notre texte fondamental, en matière de fiscalité pénale, est l’article 1741 du code général des impôts. Sur le fondement de ce texte au champ très large, on peut poursuivre tant des infractions fiscales particulièrement graves et complexes, qui justifient pleinement des poursuites pénales – Mme Lienemann a évoqué les fraudes à la taxe carbone –, que de simples dissimulations commises par des artisans ou des commerçants.

Des vérifications et des contrôles sont alors conduits par l’administration fiscale. Tout part de là. Ensuite, l’administration peut décider ou non de déposer une plainte, après avis conforme de la commission des infractions fiscales.

Tant que vous ne voudrez pas revoir le dispositif de l’article 1741, en opérant une véritable distinction entre les affaires fiscales graves qui justifient des poursuites pénales et celles qui doivent être réglées dans le cadre administratif, nous serons confrontés à de grandes difficultés.

La situation actuelle me semble raisonnable, à moins de considérer, monsieur le rapporteur, que Bercy fasse mal son travail. C’est ce que vous dites très clairement à la page 60 de votre rapport : « il est, en revanche, particulièrement regrettable que l’autorité judiciaire ne puisse avoir connaissance des faits de fraude fiscale complexe, notamment lorsqu’elle est commise par le recours à des montages juridiques sophistiqués ou à des structures implantées à l’étranger ». Il est particulièrement grave de considérer que le ministère des finances ne fait pas son travail dans de tels cas ! Viser, comme vous le faites aux termes de votre rapport, l’« atténuation » du pouvoir de Bercy n’a guère de sens sur le plan juridique. Une telle démarche soulève des difficultés d’interprétation considérables. Soit on maintient le système actuel, comme nous le croyons raisonnable, soit on le réforme.

J’ajoute que, pour notre part, nous sommes contre la création du procureur financier. Notre demande de suppression de l’article 2 ter répond donc à une logique sur ce plan aussi !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je voudrais répondre aux différents intervenants sur trois points.

En premier lieu, en ce qui concerne la « liste HSBC », monsieur Bocquet, le rapport de Christian Eckert dit exactement le contraire de ce que vous en concluez. Sur ces sujets, il importe d’être d’une précision et d’une rigueur intellectuelle absolues.

La « liste HSBC » n’a pas été dissimulée par l’administration fiscale à la justice pendant des années, puisque la seconde, en l’espèce le procureur Éric de Montgolfier, l’a transmise à la première en 2009. L’administration fiscale a traité cette liste avec une suspicion permanente, de multiples acteurs considérant qu’elle avait été modifiée pour éviter que des personnages importants ne se trouvent obligés de rendre des comptes.

Qu’en est-il en réalité ? Lorsque j’ai pris mes fonctions actuelles, j’ai demandé au directeur général des finances publiques de me donner toutes explications relatives à cette liste. Par ailleurs, j’ai proposé aux rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées, qui ont un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, de procéder auprès de l’administration fiscale à toutes les investigations qu’ils estimeraient utiles. M. Eckert vient de rendre publics les résultats de ses travaux ; il est parvenu à la conclusion que l’administration fiscale avait fait son travail et que si elle n’a pas mené jusqu’à leur terme certaines des investigations et procédures qu’elle avait engagées, c’est parce que la Cour de cassation a considéré qu’elle ne pouvait le faire, en raison du caractère illicite de la source.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Voilà la vérité ! C’est le droit précisé par une décision de la Cour de cassation qui a entravé partiellement l’action de l’administration fiscale.

M. Eckert a constaté en outre que l’action publique n’a été enclenchée qu’en 2013, après l’expression d’Arnaud Montebourg et de moi-même.

Tels sont les faits, incontestables : la démonstration du rapport Eckert est implacable. Et il faudrait maintenant que ceux qui ont été diligents soient suspectés et que ceux qui ne l’ont pas tous été autant voient leur pouvoir renforcé ? Je ne comprends pas cette logique !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Messieurs Bocquet et Anziani, si vous avez encore des doutes, je vous invite à demander aux sénateurs, qui ont eux aussi un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, de faire le même travail que M. Eckert : si un décalage entre mes propos et la réalité se fait jour, je le reconnaîtrai volontiers, considérant que, en ces matières, il faut faire preuve de la plus grande rigueur et de la plus grande honnêteté intellectuelle.

En deuxième lieu, M. Hyest a insisté sur le fait que l’objectif premier doit être de sanctionner les fraudeurs, et non de récupérer des ressources fiscales.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Je suis d’accord, mais je souligne que les sommes recouvrées représentent non pas un cadeau consenti subitement par les fraudeurs, mais le produit de la sanction qui leur a été appliquée en raison de l’infraction commise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pas seulement ! Ils acquittent aussi l’impôt qu’ils auraient dû payer en premier lieu.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Bien entendu ! Les fraudeurs doivent payer les impôts dont ils sont redevables, augmentés de pénalités.

En troisième lieu, je ne suis pas d’accord avec ceux qui soutiennent que la concurrence entre l’administration fiscale et la justice ne serait pas de nature à permettre aux fraudeurs d’étendre leurs pratiques ou de gagner du temps, voire qu’elle favoriserait la lutte contre la fraude.

Je souligne que lorsqu’une fraude est constatée par le juge, l’amende n’est pas payée avant le terme de la procédure judiciaire, qui peut comprendre la première instance et un appel, peut-être suivi d’un pourvoi en cassation. S’il faut attendre tout ce temps pour percevoir le montant de l’amende, l’efficacité du dispositif risque de s’en trouver singulièrement obérée.

Si, en revanche, nous maintenons le temps court de l’administration fiscale en permettant à celle-ci d’intervenir avec plus d’efficacité, grâce au concours de la police fiscale, dont les moyens sont renforcés, alors nous aurons instauré un dispositif beaucoup plus fort que l’actuel !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix les amendements identiques n° 110 rectifié bis, 114 rectifié et 147.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, l'article 2 ter est supprimé et l'amendement n° 59, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, n’a plus d’objet. Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes :

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 18 juillet 2013 :

À neuf heures cinquante :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (751, 2012-2013) ;

Rapport de M. Richard Yung, rapporteur pour le Sénat (750, 2012-2013).

2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (690, 2012-2013) ;

Rapport de M. Alain Anziani et Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (738, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 739, 2012-2013) ;

Avis de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (730, 2012-2013).

3. Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au procureur de la République financier (691, 2012-2013) ;

Rapport de M. Alain Anziani et Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (738, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 741, 2012-2013).

À quinze heures cinq :

4. Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir :

5. Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.

6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État (744, 2012-2013) ;

Rapport de Mme Isabelle Pasquet, fait au nom de la commission des affaires sociales (760, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 761, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 18 juillet 2013, à zéro heure cinquante.