Cela aura pour conséquence de créer un nouveau vivier de main-d’œuvre à bas coût dans un secteur par définition déjà précaire et d’accroître les difficultés pour les apprentis et leurs familles. Rien ne garantit pourtant que la complémentarité de ces contrats sera assurée pour l’obtention du ou des diplômes préparés, tant les emplois dits « saisonniers » sont divers.
Un autre article du texte crée la possibilité d’effectuer un contrat d’apprentissage dans les entreprises d’intérim. Là encore, si l’opportunité pour l’entreprise est évidente, elle l’est beaucoup moins pour l’apprenti, qui doit être engagé dans une mission longue et formatrice de un à trois ans, ce qui ne correspond nullement à la vocation de l’intérim.
La proposition de loi prévoit également la possibilité de renouveler une fois un contrat de professionnalisation à durée déterminée, alors que ce dernier peut déjà durer douze mois, et jusqu’à vingt-quatre mois dans certains cas. Où est l’amélioration ? Cela revient à créer des contrats précaires pouvant durer jusqu’à quarante-huit mois, en dehors de la législation du travail concernant les CDD ; autrement dit, on aura des CDD sans les garanties qui y sont liées ! C’est ce que font d’ailleurs souvent les entreprises qui prolongent les contrats d’apprentissage.
Nous sommes également opposés à la possibilité d’effectuer un contrat de professionnalisation chez un simple particulier employant un salarié pour ses besoins personnels : services à la personne, travaux du bâtiment, etc. En effet, le manque d’encadrement et de contrôle sur ce type d’emplois en fait la voie royale vers tous les abus.
Avec de tels emplois, vous en conviendrez, des conditions comme le nombre d’heures de travail par semaine ou l’objectif de formation risquent fort de ne pas être remplies. Le particulier, qui n’est employeur que ponctuellement et à hauteur de ses besoins, ne saurait contribuer à la formation. Qui peut se persuader du contraire ?
L’objectif de cette mesure est clair : favoriser les particuliers employeurs, avec des embauches à moindre coût, en faisant se succéder les apprentis.
Autre élément participant de cette logique qui tend à faire du contrat d’alternance un contrat de travail ordinaire : le fait qu’une préparation opérationnelle à l’emploi, ou POE, puisse déboucher sur l’embauche en contrat d’apprentissage. Nous y sommes opposés. En effet, la POE a pour objectif de permettre à une personne au chômage d’accéder à une formation lui permettant d’accéder ensuite à une offre de poste précise transmise à Pôle emploi. Elle doit donc déboucher sur un véritable contrat de travail répondant aux besoins de l’entreprise, et non sur de l’apprentissage.
Ce dernier ne doit pas être considéré comme un contrat de travail banalisé et, surtout, ne doit pas représenter pour l’entreprise une alternative à une embauche réelle, certes plus coûteuse, mais constituant la seule solution envisageable au regard de la lutte contre le chômage et contre la précarité des salariés.
Enfin, last but not least, cette proposition de loi crée des « sections apprentissage » permettant de faire des stages en centres de formation d’apprentis dès la troisième et abaisse parallèlement à 14 ans l’âge minimum pour souscrire un contrat d’apprentissage, au mépris de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans et de l’interdiction du travail des enfants.
Quant aux dispositions sur les groupements d’employeurs, elles instaurent une déréglementation totale au profit des entreprises, en permettant l’adhésion d’un employeur à deux groupements et en élargissant cette possibilité à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ainsi qu’aux collectivités territoriales. Les salariés sont donc considérés comme des variables d’ajustement pour les entreprises – mais on reconnaît bien là votre façon de voir les choses ! –, qui peuvent les mettre à la disposition des autres employeurs du groupement.
Mais ces salariés sont ainsi placés dans une situation de grande précarité puisque aucune obligation d’embauche en CDI n’est prévue et que le salarié mis à disposition, contrairement à l’intérimaire, ne perçoit précisément pas de prime de précarité. Une fois de plus, on rogne en modifiant le cadre juridique !
Quant à l’ouverture du groupement d’employeurs aux collectivités, elle permet, à l’évidence, de généraliser l’externalisation des emplois, au détriment des emplois publics, que vous vous êtes par ailleurs donné pour tâche de supprimer dans le cadre de la RGPP.
Enfin, les dispositions concernant les stages et le contrat de sécurisation professionnelle, sont, malgré leur titre alléchant, largement insuffisantes.
La situation des stagiaires n’est nullement améliorée. Ainsi, il n’y a pas trace, dans ce texte, de revalorisation de la gratification accordée aux apprentis ni de l’ouverture de droits à cotisation pour la retraite ou le chômage.
Le contrat de sécurisation professionnelle, quant à lui, n’est en réalité qu’un aménagement du licenciement économique. Il ne permet pas de prévenir ou d’éviter un licenciement : il ne fait qu’offrir un parcours d’accompagnement pour une reconversion. Il n’apporte aucune garantie d’emploi ultérieur. Parler de sécurisation professionnelle est donc largement exagéré !
Pour toutes ces raisons, nous voteront contre cette proposition de loi.