Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 17 juillet 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Articles additionnels après l'article 1er quater

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Cet amendement soulève la question du délai de reprise de l’administration. Nous proposons que ce délai soit, en tout état de cause, porté à cinq années, au lieu de trois, comme c’est le cas aujourd’hui.

Nous l’avons déjà souligné, la fraude fiscale, dont le coût estimé pour les finances publiques est particulièrement significatif – c'est le moins que l'on puisse dire ! –, utilise aujourd’hui des armes et des outils sans cesse plus perfectionnés, mobilisant toutes les failles de ce véritable maquis qu’est devenue l’imposition des sociétés et convoquant un ensemble de plus en plus important d’avocats, de conseillers fiscalistes et de comptables prêts à mettre en œuvre leurs compétences en échange de ce qu’il convient d’appeler, du point de vue des entreprises, la « maîtrise des coûts fiscaux ».

Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, mais il faut remarquer que, si l’impôt sur le revenu, avec son barème progressif, présente toutes les caractéristiques d’une contribution citoyenne aux charges publiques, en pleine application de nos principes constitutionnels, l’impôt sur les sociétés, la TVA ou je ne sais encore trop quelle autre contribution ayant, de ce point de vue, perdu beaucoup de leurs vertus.

Un ami syndicaliste de la métallurgie m’a confié qu’il avait récemment assisté à une scène pour le moins stupéfiante. Un expert comptable, venu présenter au comité d’entreprise, à la demande de l’employeur, les résultats annuels de l’entreprise, avait tenu un discours proprement sidérant, expliquant à qui voulait l’entendre que, selon la façon dont ils étaient présentés, les comptes de l’entreprise pouvaient, au choix, afficher soit un léger résultat positif, soit un résultat équilibré, soit même, moyennant quelques artifices comptables bien utilisés, un résultat déficitaire de quelques centaines de milliers d’euros…

Avouons que cette présentation audacieuse n’est pas de bonne publicité pour la profession de commissaire aux comptes, ni pour celle d’expert comptable, mais la morale de l’histoire nous est connue.

Dans le budget d’une entreprise, le poids des impôts à payer fait très souvent, et de plus en plus fréquemment, l’objet d’une forme de provision. En général, l’entreprise se fixe, par principe, une somme donnée à payer, déployant ensuite tous les outils pour ne pas la dépasser, coûte que coûte.

Chacun s’en doute, cette démarche est d’autant plus aisée à mettre en œuvre quand l’entreprise présente un caractère transnational, que son origine soit étrangère ou hexagonale.

Toujours est-il que la pleine efficacité des schémas d’optimisation et leur caractère de plus en plus sophistiqué, qui les rend, de fait, moins décelables que par le passé, mettent l’administration fiscale face à une adversité de mieux en mieux armée et toujours plus en mesure de faire la loi, si l’on peut dire.

Repérer les schémas d’optimisation, débrouiller dans cet ensemble ce qui peut parfois procéder de la fraude ou de l’évasion, cela demande des moyens, matériels et humains, et souvent du temps.

Allonger le délai de reprise de l’administration, comme nous le proposons, permettra de répondre à ces exigences, d’ores et déjà retenues par la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, qui en avait fait l’une de ses propositions, sous le numéro 38, en préconisant un sensible allongement des délais en matière de fraude avérée.

Dans ce cas précis, il s’agit du délai de reprise de caractère général qu’il convient d’accroître en vue de ménager les meilleures conditions de prévention de la fraude fiscale.

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