Cet amendement participe des mêmes préoccupations que celles que nous venons de développer au regard du délai de reprise.
Il s’agit ici de mettre en place un dispositif, de caractère évidemment exceptionnel, qui fasse partir le délai de prescription d’une date différente de celle qui est a priori retenue par le droit.
Le point de départ de la prescription – normalement, le ixième jour de l’année civile ordinaire retenu par principe pour un délai de trois années révolues en matière de délits -, a été mis en question, à plusieurs reprises, par la jurisprudence
En effet, comme on peut le lire sur le site de la Cour de Cassation, de longue date, la chambre criminelle admet que le point de départ de la prescription de l’action publique peut être reporté au-delà du jour de la commission des faits lorsque l’infraction, bien qu’instantanée, s’accompagne de manœuvres de dissimulation de nature à faire obstacle à sa révélation.
Relèvent notamment de cette jurisprudence, dit la Cour, les infractions d’abus de biens sociaux, d’atteinte à la liberté d’accès et d'atteinte à l’égalité dans les marchés publics – dont les exemples sont nombreux.
Dans un arrêt du 20 février 2008, la chambre criminelle a, pour la première fois, décidé qu’il en était également ainsi en matière d’entente et a approuvé une cour d’appel qui, pour écarter la prescription de l’action publique, avait retenu que le délit d’entente poursuivi n’avait été révélé, dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, qu’au jour de la dénonciation des faits par des élus du conseil régional, l’existence de l’entente étant dissimulée par la régularité apparente des procédures d’appel d’offres restreint et par la collusion relevée entre les entreprises, les partis politiques et l’exécutif régional.
De façon également novatrice, la chambre criminelle a jugé, dans un second arrêt du 19 mars 2008, que le délai de prescription de l’action publique en matière de trafic d’influence ne commence à courir, en cas de dissimulation, qu’à partir du jour où l’infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites.
La portée de cet arrêt doit être bien comprise : cette décision ne constitue pas un revirement de la jurisprudence bien établie de la chambre selon laquelle, lorsque le délit de trafic d’influence ou de corruption est caractérisé par la perception illicite d’avantages, le délai de prescription peut être reporté au-delà du jour où a été scellé le pacte de corruption jusqu’au jour du dernier versement ou de la dernière réception des choses promises.
Elle offre la possibilité aux juges du fond de fixer le point de départ de la prescription postérieurement à cette dernière date, dès lors qu’ils constatent que les faits litigieux ont été dissimulés, ce qui en l’espèce était établi par le fait que l’infraction avait été dissimulée par la conclusion d’un contrat fictif et par l’utilisation d’une structure écran.
La solution retenue, qui permet d’accroître l’efficacité des poursuites des faits de corruption ou de trafic d’influence, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France – notamment dans le cadre de l’OCDE, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne ou des Nations unies – se justifie pleinement par la nature même du délit, généralement occulte.
Le report du point de départ de la prescription de l’action publique est également admis par la chambre criminelle lorsque l’infraction instantanée s’exécute sous forme de remises successives de fonds ou d’actes réitérés.
Dans la mesure où ces différents actes réitérés, tous identiques, se rattachent, dans l’esprit de l’agent, à une opération délictueuse d’ensemble, ils se fondent en une infraction unique, la prescription ne commençant à courir qu’à compter du jour de la consommation de la dernière infraction, ce qui permet d’allonger le délai de prescription.