Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 17 juillet 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Article 2 ter nouveau

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Ayant eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, je reprendrai simplement les arguments que j’ai développés en m’adossant à ce que vient de dire le rapporteur à l’instant.

Le cas qu’il vient d’évoquer, c’est-à-dire une fraude fiscale qui tangente la grande délinquance financière, faisant appel à un dispositif complexe, opaque et pouvant être commise en bande organisée, constitue le type même de ces cas qui font l’objet, de la part de l’administration fiscale, d’une transmission du dossier à la justice par l’intermédiaire de la Commission des infractions fiscales.

Ce qui est intéressant dans le dispositif que nous avons proposé à la représentation nationale, c’est que le doute qu’elle a aujourd’hui se transformera peu à peu en certitude, puisque nous lui communiquerons un état extrêmement précis des dossiers examinés par l’administration fiscale, des conditions et des critères à partir desquels elle transige ainsi que des raisons pour lesquelles elle ne transige pas, en transmettant à la justice, par l’intermédiaire de la Commission des infractions fiscales, qui sera recomposée et dont l’activité sera rendue plus transparente, les dossiers les plus compliqués, les plus litigieux, les plus problématiques.

Je ne peux pas laisser dire devant le Sénat que, sur des cas de fraude complexe du type de ceux qui viennent d’être décrits à l’instant par le rapporteur, il pourrait y avoir une forme de complaisance au sein de l’administration fiscale qui conduirait cette dernière à ne pas transmettre au juge des éléments constitutifs de fraude fiscale aussi manifeste et avérée ; c’est faux !

C’est comme si je disais, en tant que ministre du budget, responsable de l’administration de Bercy, que j’ai quelques doutes, compte tenu de la manière dont le parquet a pu fonctionner par le passé, sur la manière dont les magistrats du parquet mettront en mouvement l’action publique concernant un certain nombre de fraudes commises par des personnalités qui, par leur activité, pourraient avoir vocation à être protégées…

On ne lutte pas contre la fraude fiscale dans la suspicion à l’égard des administrations qui sont chargées de rechercher les fraudeurs et de mettre en mouvement l’action publique. Moi, j’ai confiance dans les magistrats du parquet - et dans les magistrats du siège - lorsqu’ils poursuivent. Je ne fais peser sur eux aucune forme de suspicion et la garde des sceaux s’est exprimée tout à l’heure de façon extrêmement claire sur l’absence totale de complaisance de la justice à l’égard de ceux qui fraudent de façon manifeste.

Pour ma part, je ne puis accepter qu’il y ait une confiance de fait à l’égard de la justice et une suspicion de fait à l’égard de l’administration fiscale, pas davantage que je ne pourrais accepter une confiance de fait à l’égard de l’administration fiscale et une suspicion de fait à l’égard de la justice.

Aujourd'hui, avec la garde des sceaux, nous créons les conditions d’une confiance en l’administration de la justice et en l’administration fiscale, dont nous réarticulons l’intervention pour rendre la lutte contre la fraude fiscale plus efficace afin de ne laisser aucun espace de respiration aux fraudeurs. Voilà la démarche qui est la nôtre, et je pense que c’est la bonne.

Il y a quelque chose de théologique, compte tenu de l’objet du texte, dans l’opposition de la logique du verrou, qui existerait à Bercy, à une logique de l’écrou, qui prévaudrait place Vendôme. À Bercy, il n’y a pas de verrou, mais c’est une véritable catapulte qui envoie désormais vers la place Vendôme les dossiers les plus compliqués. Il n’existe pas non plus place Vendôme une logique de l’écrou à tout prix consistant à tout pénaliser sur tous les sujets ; c’est une logique d’équilibre qui prévaut et qui veut que la peine appliquée soit à la hauteur de l’infraction constatée.

Je souhaite vraiment que nous profitions de l’examen de ce texte, qui est porté à la fois par le ministère de la justice et par le ministère de l’économie et des finances, pour sortir de ces débats théologiques qui nous conduisent à afficher de bien mauvaises idées par rapport à la réalité de la lutte contre la fraude fiscale, et pour essayer au contraire de rechercher de façon très pragmatique les solutions les plus adéquates.

Je demande aux sénateurs de faire confiance et à la justice et à l’administration fiscale travaillant ensemble pour atteindre à une efficacité accrue dans la lutte contre la fraude fiscale. (

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