Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 17 juillet 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Article 2 ter nouveau

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer dans la discussion générale, ma position est balancée entre deux exigences. L’engagement du Gouvernement de produire un rapport régulier sur la situation m’a amenée à faire confiance a priori à cette nouvelle relation avec la justice que le ministre du budget appelle de ses vœux, mais une confiance vigilante et mesurée.

Monsieur le ministre, j’aurais, selon vous, mis en cause l’administration fiscale qui ne transmettrait à la justice tous les éléments en sa possession que si elle le juge opportun. Je n’ai jamais dit cela et je ne crois pas que l’on cache des choses a priori à Bercy.

Pour autant, puisque vous parlez de théologie, je ne crois pas à l’infaillibilité pontificale et encore moins à l’infaillibilité « bercyenne ». §Le grand avantage de la procédure judiciaire tient au fait qu’elle est publique, ce qui, en la matière, est important.

J’entends bien votre argument et souhaite que l’on modifie les comportements en faisant preuve de vigilance et d’attention collectives. Toutefois, dans certains cas, nous aurions pu avoir un meilleur rendement fiscal si Bercy avait saisi plus rapidement la justice. En effet, les enquêtes judiciaires ouvrent des champs d’investigation qui n’entrent pas nécessairement dans les compétences ou les possibilités de l’administration.

J’illustrerai mon propos avec deux exemples. Le premier concerne la fameuse TVA sur les quotas de carbone. L’Union européenne a estimé que le montant de la fraude s’élevait à 5 milliards d’euros, dont 1, 6 milliard pour la France. Il ne s’agit donc pas d’une petite affaire. La Direction nationale des enquêtes fiscales avait détecté l’existence de ces fraudes mais n’avait pu saisir ni leur ampleur ni le côté « serpent » du système. C’est là qu’est le problème. Si l’on avait déclenché rapidement les procédures judiciaires, nous aurions probablement pu mieux mesurer l’ampleur de cette fraude et donc, sans doute, mieux récupérer l’impôt fraudé.

Le second exemple concerne les carrousels de TVA. La nature même du carrousel est d’émietter la responsabilité entre de multiples acteurs, prête-noms mais aussi sociétés-écrans. Dans certains cas, on ne peut se contenter d’une simple investigation de Bercy pour démêler l’écheveau et des investigations judiciaires sont alors nécessaires. La crainte que l’on peut avoir est que ces dernières ne soient pas déclenchées suffisamment rapidement. Une procédure plus systématique de transmission pourrait nous faire espérer plus d’efficacité.

Toutefois, comme je l’ai dit tout à l'heure, je pense qu’il ne faut pas avoir de position théologique en la matière. Nous devons veiller à ce que Bercy, lorsque cela est nécessaire, sente cette exigence de déclenchement plus rapide des opérations judiciaires. Le rapport annuel qui nous sera remis nous permettra alors de voir si nous allons plus vite, plus fort et plus efficacement.

Je le rappelle, nos concitoyens nourrissent quelques doutes à l’encontre de toute boîte noire qui n’est pas soumise à une validation collective des choix. Dès lors, toutes les suspicions peuvent demeurer et la foi ne suffit pas à les lever !

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