Intervention de Jean-Luc Fichet

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 23 juillet 2013 : 1ère réunion
Consommation — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet, rapporteur pour avis :

L'objectif du projet de loi est de rétablir la confiance entre les différents acteurs de l'économie, car cette confiance est au coeur de la reprise économique. Rétablir la confiance passe par l'amélioration de l'information des consommateurs, sur leurs droits, et sur la nature des biens et services achetés. Cela passe aussi par la garantie de l'existence d'une voie de recours, efficace, peu coûteuse et collective lorsque les consommateurs sont victimes des manquements de certains professionnels. Cela passe enfin, de manière plus générale, par un rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises. Avec ce texte, le consommateur devient un acteur clé de la régulation.

Notre commission s'est saisie pour avis des articles relatifs à l'action de groupe, des articles relatifs à l'information du consommateur sur la réparabilité des produits et la durée des garanties légales, des articles concernant les indications géographiques et de deux mesures ponctuelles relatives aux transports.

Les articles 1 et 2 du projet de loi introduisent dans notre législation une action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. C'est l'aboutissement d'un débat long de près de trente ans, auquel le Sénat a largement contribué. Le projet de loi reprend en grande partie les conclusions du rapport de nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung de décembre 2010.

Les consommateurs lésés par les pratiques frauduleuses d'un professionnel au regard des règles du droit de la consommation et du droit de la concurrence pourront ainsi obtenir, de manière collective, la réparation de leur préjudice matériel individuel. Pour cela, une association de consommateurs agréée au niveau national pourra introduire une action de groupe devant l'un des huit tribunaux de grande instance compétents. Si le professionnel est reconnu responsable par le juge, il devra, une fois le jugement devenu définitif, procéder à des mesures de publicité afin que les consommateurs concernés puissent se manifester et obtenir une indemnisation.

Dans la mesure où les préjudices matériels individuels subis par les consommateurs sont souvent des préjudices d'un faible montant, l'absence de procédure collective efficace a longtemps fait obstacle à la juste réparation des victimes. Cette absence a conduit à la perpétuation, par certaines entreprises, de comportements illégaux, représentant souvent des sommes cumulées conséquentes, et nuisant à un bon fonctionnement de l'économie.

À l'heure de la crise économique, il est plus que jamais essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les mécanismes, y compris contentieux, de régulation du marché. L'action de groupe est une procédure profondément démocratique, en ce qu'elle facilite l'accès de chacun à la justice.

Le dispositif encadre bien les risques de dérives pour les entreprises, avec un système de filtre par les associations de consommateurs. N'importe qui ne pourra pas introduire d'action de groupe, et le juge examinera systématiquement la recevabilité du recours.

S'il ne relève pas de notre compétence, en tant que commission du développement durable, de nous prononcer dans le détail sur la procédure prévue, ce texte est en revanche l'occasion pour nous d'affirmer fortement la nécessité d'une extension, sans trop tarder, de l'action de groupe à la santé et à l'environnement.

Il faut néanmoins souligner que certaines problématiques environnementales pourront d'ores et déjà se trouver incluses dans le champ d'application du dispositif prévu.

On constate d'ailleurs actuellement le développement d'un contentieux autour des démarches de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Trois associations ont par exemple déposé plainte, en février dernier, contre l'entreprise coréenne Samsung. Elles estiment que les engagements éthiques de la marque induisent le consommateur en erreur, dans la mesure où des violations sévères du droit du travail ont été constatées dans les usines de ses fournisseurs en Chine. À partir du moment où les démarches RSE deviennent un argument dans la vente de biens, une action de groupe pourra tout à fait être engagée par une association sur le fondement du non-respect de ces démarches éthiques, dans la mesure où cela constitue une pratique commerciale trompeuse.

Cela reste toutefois insuffisant. Il faudrait que trois types de dommages au moins soient ouverts à l'action de groupe : les dommages résultant des activités de santé, les dommages résultant des produits alimentaires, enfin, les dommages résultant des atteintes environnementales. Ces dommages comprennent à la fois les atteintes à la santé des personnes, du fait d'une catastrophe environnementale, mais aussi les dommages matériels qu'ils peuvent subir. Les exemples sont nombreux, du scandale de l'amiante aux marées noires sur nos plages bretonnes.

Pour éviter une multiplication des recours abusifs et un risque de déstabilisation pour les entreprises, il faudra prévoir un filtre. On pourrait, sur le modèle de l'action de groupe créée par le projet de loi, donner l'intérêt à agir aux associations environnementales. Pour autant, il faudra régler la question de leur représentativité qui fait aujourd'hui souvent débat. L'intérêt à agir pourrait également être donné aux agences sanitaires et environnementales de l'État, voire dans certains cas aux collectivités territoriales. Cette question devra être tranchée.

L'article 3 du projet de loi introduit une définition de la notion de consommateur. Elle transpose mot pour mot la définition retenue dans la directive de 2011 sur les droits des consommateurs. Elle ne pose pas de problème particulier.

L'article 4 met à la charge du professionnel une obligation générale d'information du consommateur sur les lieux de vente. Les informations à fournir comprennent les principales caractéristiques du bien ou du service, son prix, ou encore l'identité du professionnel. Point important : le fabricant doit également informer le vendeur de la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l'utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est répercutée par le vendeur au consommateur.

L'article 4 bis, ajouté par l'Assemblée nationale, vise à demander un rapport au Gouvernement sur les modalités d'une modulation de l'éco-participation versée par les metteurs sur le marché, en fonction de la durée de vie des produits.

L'article 6 impose de mentionner, dans les conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation, la mise en oeuvre et le contenu de la garantie légale de conformité et de la garantie relative aux défauts de la chose vendue. C'est un apport important du point de vue de l'information du consommateur, qui ne risquera plus d'acheter, dans le cadre d'une garantie commerciale, des prestations déjà couvertes par les obligations légales du vendeur.

L'article 7 consolide les dispositions relatives aux garanties applicables aux contrats de consommation. La garantie légale de conformité, que le consommateur peut mettre en oeuvre en cas de non-conformité du bien dans un délai de deux ans, est renforcée. La période de présomption de non-conformité, durant laquelle le consommateur n'a pas à faire la preuve de l'antériorité du défaut, passe de six à douze mois. C'est là un apport important du texte, dans la mesure où c'est précisément durant cette période de présomption que la garantie légale peut être mise en oeuvre facilement par le consommateur. Au-delà, il lui faut des moyens d'expertise qu'il n'a généralement pas, ou qui sont coûteux.

L'article 7 bis, ajouté par l'Assemblée nationale, prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur l'économie circulaire.

Attendu de longue date, l'article 23 propose, d'une part, la mise en place d'indications géographiques pour les produits manufacturés, d'autre part, un mécanisme préventif de protection des noms des collectivités territoriales.

Ce n'est pas la première fois que ces sujets sont évoqués par le Parlement. Un projet de loi, examiné en 2011 par la commission des affaires économiques du Sénat, et une proposition de loi déposée en 2012 à l'Assemblée nationale, n'avaient pu aboutir, faute de dispositifs suffisamment précis. La nouvelle mouture propose des mécanismes complets et cohérents, dont la mise en oeuvre rapide permettra de répondre à des besoins de plus en plus pressants.

Les indications géographiques pourraient concerner plus d'une centaine de produits industriels et artisanaux français, qu'il s'agisse des dentelles de Calais, de la tapisserie d'Aubusson ou encore du granit de Bretagne. Nul n'ignore ici le succès des indications géographiques protégées, mises en oeuvre depuis vingt ans au niveau européen pour les produits agro-alimentaires. Elles représentent aujourd'hui près de 20 % du chiffre d'affaires des industries agro-alimentaires françaises, et 30 % de la valeur de leurs exportations.

L'extension de ce dispositif aux produits manufacturés répond à une demande forte exprimée par les producteurs, dans un contexte où la pression concurrentielle liée à la mondialisation accroît l'importance de la différenciation des produits comme moyen d'attirer la clientèle. Les indications géographiques permettent de mettre en avant les qualités des savoir-faire locaux, et par conséquent de soutenir le dynamisme du tissu économique rural. Cette démarche est également dans l'intérêt des consommateurs, qui sont de plus en plus attachés à l'authenticité et à la qualité de ce qu'ils achètent.

L'Union européenne a décidé de se pencher activement sur cette question. Toutefois, l'harmonisation communautaire est un processus de longue haleine, qui peut prendre quelques années. Or le besoin est réel et immédiat. Le projet de loi cherche donc à anticiper cette évolution.

Il introduit dans le code de la propriété intellectuelle une définition ainsi qu'une procédure nationale d'homologation des indications géographiques pour les produits manufacturés. Il instaure également un dispositif préventif de protection des noms des collectivités territoriales, qui repose sur deux éléments : un mécanisme d'alerte des collectivités territoriales à l'occasion du dépôt d'une demande d'enregistrement d'une marque contenant leur dénomination, et un droit d'opposition auprès de l'INPI.

Ce dispositif viendra soutenir les collectivités territoriales qui ne jouent pas à armes égales avec certains acteurs économiques qui cherchent à usurper leur dénomination pour tirer profit de leur réputation. Aujourd'hui, elles peuvent seulement engager une procédure judiciaire, avec les coûts et les incertitudes que cela comporte. Nous avons tous en tête le véritable parcours du combattant du village de Laguiole qui, après maintes procédures devant le juge, n'a toujours pas obtenu gain de cause face à l'entrepreneur qui a fait enregistrer la marque Laguiole dans 38 des 45 catégories de produits répertoriées par l'INPI.

En ce qui concerne le mécanisme d'alerte lui-même, il est prévu que les collectivités qui souhaitent en bénéficier se signalent auprès de l'INPI. Sans doute aurait-il été préférable de mettre en place un système plus automatique, en particulier à destination des petites collectivités. Mais toutes les solutions envisageables se heurtent à la question des moyens de l'INPI et à un problème de droit international des marques. Je m'en tiens donc à la solution proposée par le Gouvernement, qui me paraît raisonnable.

De façon similaire, j'aurais été favorable à l'ouverture du droit d'opposition aux indications géographiques agro-alimentaires et aux appellations d'origine. Mais là encore, la question des moyens de l'INPI me convainc de maintenir, au moins dans un premier temps, une différence de régime avec les indications géographiques pour les produits manufacturés.

Nous avons en effet tout à gagner à ce que ces deux innovations soient mises en oeuvre rapidement. L'article 24 garantit l'effectivité des dispositions précédentes, par la mise en place de sanctions pénales renforcées en cas de fraude aux indications géographiques pour les produits manufacturés.

L'article 56 définit, de la même manière pour chaque mode de transport - ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien - un régime de sanctions administratives en cas de manquement aux obligations communautaires relatives à la protection des droits des passagers. Il s'agit d'une disposition à caractère essentiellement technique.

L'article 69 définit un régime de sanctions administratives pour la profession récente de moto-taxi. Il permet notamment le retrait de la carte professionnelle en cas d'infraction à la réglementation. Le régime de stationnement de l'ensemble des taxis, motos et voiture, est par la même occasion revu, pour tirer les conséquences d'une récente décision du Conseil constitutionnel. Je ne m'y attarde pas, mais je signale simplement que le régime des taxis-motos diverge encore fortement de celui des taxis-voitures, pour un service presque identique rendu à l'usager. Sans doute faudra-t-il un jour envisager une certaine forme de convergence.

Sur ces divers articles, je soumets à votre examen quelques amendements visant notamment à renforcer l'information et la protection du consommateur.

À l'article 2, je vous propose de réduire la durée de remise du rapport faisant le bilan de l'action de groupe, de quatre à trois ans, et d'indiquer explicitement que ce rapport devra étudier les modalités de son extension à la santé et à l'environnement. Trois ans suffisent pour un premier retour d'expérience, et il convient de mettre la pression sur le Gouvernement sur la question de l'extension de l'action de groupe.

À l'article 4, je vous propose trois amendements. Le premier rend obligatoire l'information du consommateur sur la date jusqu'à laquelle les pièces détachées seront disponibles, et non plus la période pendant laquelle elles sont disponibles. La référence à une date offre une plus grande simplicité de gestion pour l'industriel, et surtout une meilleure lisibilité pour le consommateur. Mon deuxième amendement prévoit que le consommateur soit informé sur le coût moyen prévisible de réparation du bien acheté. Au-delà de la disponibilité des pièces, c'est en réalité le coût prévisible de la réparation qui constitue le facteur principal dans le choix opéré par le consommateur de réparer ou non son bien. Prévoir une obligation, souple dans sa formulation, de fournir une estimation prévisible du coût de réparation permettra d'orienter davantage le choix du consommateur vers des biens durables. Enfin, le troisième amendement rétablit la confirmation par écrit, au moment de l'achat du bien, de la date jusqu'à laquelle les pièces détachées seront disponibles. L'information est certes déjà communiquée au consommateur avant l'achat, mais il est nécessaire de prévoir une confirmation par écrit dans le contrat, notamment pour des motifs d'opposabilité.

À l'article 7, et c'est probablement l'amendement le plus important, je vous propose d'allonger la période de présomption d'antériorité du défaut de douze à dix-huit mois au sein de la garantie légale de conformité.

La durée totale de la garantie légale est actuellement de deux ans. En pratique cependant, une fois la période de présomption de non-conformité achevée, il est presque impossible pour le consommateur de faire jouer la garantie légale. Sans aller jusqu'à porter la durée de présomption à deux ans, comme cela peut être le cas dans certains pays, par exemple au Portugal, il s'agit de la porter à dix-huit mois, afin de faciliter sa mise en oeuvre pour le consommateur et d'encourager la réparation.

Pour finir, je vous propose d'adopter deux amendements de suppression des articles 4 bis et 7 bis qui demandent une fois de plus des rapports au Gouvernement. Je crois qu'il faut lutter contre la prolifération de ces rapports, qui sont rarement remis dans les temps. En outre, leur suppression n'empêche pas le Gouvernement de se pencher sur les questions visées, loin de là.

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