Intervention de Alain Fauconnier

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 juillet 2013 : 1ère réunion
Consommation — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier, rapporteur :

Nous n'avons pas été trop de deux pour appréhender ce texte. Martial Bourquin s'est chargé du chapitre 1er sur l'action de groupe, du chapitre V sur la modernisation des moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du chapitre VI, portant diverses dispositions. Pour ma part, je me suis occupé du chapitre II qui transpose la directive du 25 octobre 2011 relative à la consommation, du chapitre III sur le crédit et l'assurance, et du chapitre IV sur les indications géographiques protégées pour les produits non-alimentaires.

Notre travail préparatoire a privilégié une approche collégiale. Les auditions étaient ouvertes et les délégués des groupes politiques y ont participé avec assiduité. Nous avons travaillé avec célérité mais aussi avec rigueur : 52 auditions ont été réalisées en trois semaines, en sus de celles du ministre Benoît Hamon et du président de l'Autorité de la concurrence. Ceux qui n'ont pu être entendus nous ont fait parvenir des contributions écrites. Le dialogue avec le cabinet du ministre et les services de la DGCCRF a été constructif.

Les lois sur les droits des consommateurs sont généralement assez hétéroclites. Le projet de loi Lefebvre, examiné en décembre 2011, n'échappait pas à cette règle : catalogue de mesures sectorielles touchant au logement, au numérique, à la grande distribution, à l'énergie, ou encore à la santé, il comportait d'indéniables avancées concrètes mais ne portait pas une vision d'ensemble. A contrario, le présent projet de loi comportait initialement peu de mesures sectorielles, et la tendance à intégrer des mesures catégorielles a été contenue lors des débats à l'Assemblée nationale. En arrivant au Sénat, il conserve son unité, celle d'une véritable loi de régulation économique. Adoptant une approche transversale de la consommation, il pose des règles structurantes qui modifieront de manière durable et profonde les relations entre les acteurs économiques.

Son objectif essentiel est de rétablir la confiance entre consommateurs, producteurs et distributeurs. « L'économie de marché repose sur la confiance et cette confiance doit s'appuyer sur des règles claires et respectées, c'est-à-dire sur une information transparente et loyale, et sur un système de contrôles et de sanctions crédibles », nous a dit le président de l'Autorité de la concurrence. De fait, ce texte refonde le cadre informationnel et les mécanismes régulateurs, fondement de la confiance entre consommateurs et professionnels, pour une économie plus juste et plus efficace.

Un premier ensemble de mesures tend à faire respecter l'ordre public économique, c'est-à-dire les règles relatives à la protection et à la sécurité du consommateur et à la régulation concurrentielle des marchés. Mesure phare de ce premier volet : l'action de groupe. Cette action collective, pensée de manière non pas punitive mais dissuasive, crée un droit réel à réparation pour le consommateur. La procédure est encadrée pour éviter les dérives d'une judiciarisation de la vie économique. L'action de groupe doit être suffisamment crédible pour inciter les acteurs à adopter d'eux-mêmes un comportement vertueux. Le texte renforce également les compétences de la DGCCRF, notamment ses pouvoirs d'enquête, et crée ou durcit les sanctions administratives. Il s'agit de moderniser la police économique, de mieux adapter ses procédures et son rythme à la dynamique du monde économique. Enfin, ce volet du texte renforce les pouvoirs du juge en matière économique, avec l'extension à tous les contrats du pouvoir de supprimer les clauses abusives.

Dans les domaines du crédit et de l'assurance, la principale mesure est la création d'un registre national des crédits aux particuliers (RN). Le dispositif se concentre sur les cas de surendettement liés au crédit à la consommation, très majoritaires et suit les recommandations du Conseil d'État, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNDH). S'y ajoutent d'autres mesures favorables aux ménages : possibilité de résilier à tout moment les contrats d'assurance en cours dans l'année suivant le 1er anniversaire de la conclusion du contrat, renforcement des mesures de protection contre la multiassurance en ouvrant un délai de rétractation de 14 jours, réduction à cinq ans de la durée des plans conventionnels de redressement en cas de surendettement, extinction au bout d'un an des lignes dormantes de crédit renouvelable.

La troisième série de mesures renforce la transparence de l'information et les droits contractuels des consommateurs. Ce faisant, on encourage la montée en gamme de nos productions, car une meilleure identification de la qualité des produits par les consommateurs incite producteurs et distributeurs à offrir des biens et des services de meilleure qualité. Parmi les mesures proposées : la réforme du régime des garanties légales, la qualité et la transparence de l'information relative aux plats servis dans les restaurants ou encore l'extension du régime des appellations géographiques protégées aux biens non-alimentaires.

Ce texte reprend plusieurs des dispositions votées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi Lefebvre en 2011, à commencer par l'action de groupe, dont l'architecture est assez largement inspirée de la proposition de loi de nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung.

Une loi sur la consommation doit reposer sur le principe du gagnant-gagnant, en protégeant les plus faibles tout en respectant les exigences de compétitivité des entreprises. Ce texte a été bâti sur la recherche de cet équilibre, que nous avons veillé à préserver, qu'il s'agisse de l'action de groupe, des garanties contractuelles, du démarchage téléphonique commercial, des IGP non-alimentaires ou de la mention « fait maison » dans les restaurants.

Le chapitre II transpose la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs, soumise à une obligation de transposition maximale. Il touche à la définition juridique du consommateur, aux obligations d'information précontractuelle, aux règles relatives aux ventes à distance ou hors établissement, aux garanties de conformité, aux règles applicables dans les foires et salons, au démarchage téléphonique, etc. Les députés ont ajouté des dispositions sur la vente des cigarettes électroniques et prévu, pour les gros consommateurs professionnels, la fin de l'accès aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel.

Afin d'encourager une production durable et inciter les entreprises à monter en gamme, je vous proposerai de relever à dix-huit mois la durée de la présomption d'antériorité du défaut de conformité, en l'assortissant d'un délai d'entrée en vigueur afin de laisser le temps aux entreprises d'adapter leur modèle économique. Afin de lutter contre le démarchage commercial téléphonique intrusif, je proposerai de renforcer significativement le dispositif proposé par le Gouvernement. Concernant les foires et salons, je ne propose pas d'instaurer un délai de rétractation, qui constituerait à mon sens une entrave à la consommation et au commerce disproportionnée par rapport aux risques d'abus, mais de mieux informer les consommateurs. Enfin, un amendement étend le champ de la mention « fait maison » aux professionnels qui en étaient injustement écartés - traiteurs, gîtes et hôtels, marchés par exemple - et précise que l'obligation d'affichage concerne également les plats qui ne sont pas faits maison.

Les députés ont beaucoup enrichi le volet crédit du projet de loi, qu'il s'agisse de la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement, de l'extinction au bout d'un an des lignes dormantes de crédit renouvelable, de la suppression pour les particuliers comme pour les professionnels de l'hypothèque rechargeable ou de l'aide à la mobilité bancaire, via la gratuité de la clôture des comptes et une réflexion sur la portabilité du numéro de compte bancaire. S'y ajoute la création du registre national des crédits, qui responsabilisera les prêteurs. Aller plus loin déséquilibrerait l'utilisation raisonnée du crédit à la consommation, c'est pourquoi je ne vous proposerai pas la déliaison des cartes de fidélité et de crédit confus.

Le groupe de travail sénatorial sur la création du registre positif des crédits évoquait la montée d'un « mal-endettement invisible ». Les fichiers positifs existent déjà, mais à titre privé, ce qui bride l'entrée de nouveaux acteurs qui pourraient faire baisser les taux. Plus grave, le principal fichier existant, géré par la Banque de France, n'enregistre que les incidents de paiement : on mesure les catastrophes mais on ne les prévient pas. Nous avons donc besoin d'un véritable outil de prévention du surendettement. Traduire juridiquement cette idée forte n'était pas simple. Trois présidents de la République l'ont promis, aucun ne l'a fait. Je soutiens la démarche du Gouvernement qui consiste à recalibrer le registre pour répondre aux exigences de proportionnalité et à éviter tout utilisation mercantile ou interconnexion avec d'autres fichiers en écartant le numéro de sécurité sociale (NIR). Nos amendements limitent le nombre de décrets d'application à deux et prévoient une participation active de parlementaires au comité de suivi du RNCP.

En matière d'assurance, le projet de loi renforce la liberté de choix du consommateur captif ou qui n'a pas le temps de se lancer dans le parcours du combattant de la résiliation. Il redonne également du pouvoir d'achat aux consommateurs en réduisant les situations de multiassurance. Les députés ont étendu les modalités de résiliation de droit commun aux assurances dites affinitaires, par exemple liées aux téléphones mobiles ou aux voyages. Ils ont également renforcé l'information de l'assuré sur le libre choix de son réparateur automobile ou les niveaux de remboursement prévus par les contrats d'assurance complémentaire santé. Je vous présenterai des amendements simplifiant les procédures tant pour les assureurs que pour les consommateurs et supprimant des dispositions déjà satisfaites.

Le chapitre IV instaure des indications géographiques protégées dans le secteur des biens manufacturés, en précisant la procédure d'homologation de leur cahier des charges. Il reprend les modifications que nous avions introduites il y a deux ans dans le projet de loi Lefebvre, afin de mieux articuler le droit des marques et le nouveau droit des indications géographiques : les entreprises bénéficiant d'une indication doivent pouvoir l'exploiter, même lorsqu'il existe une marque voisine - je pense aux couteaux Laguiole. Je proposerai des amendements de précision et mieux associer l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), chargé de gérer les indications géographiques non-alimentaires.

Enfin, je vous présenterai un amendement sur l'optique lunetterie, dans l'esprit des dispositions adoptées par le Sénat en 2011 à l'initiative de Gérard Cornu. Il s'agit de mettre notre droit en conformité avec le droit européen en encadrant la vente en ligne de produits d'optique-lunetterie et d'allonger de trois à cinq ans la possibilité d'adaptation par les opticiens de la prescription initiale en matière de lunettes.

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