Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2008, 15, 4 % de la population adulte déclarait avoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières au cours des douze derniers mois. Ces renoncements concernent en premier lieu les soins dentaires et optiques, pour lesquels la part des dépenses remboursées par l’assurance maladie obligatoire est plus faible. En effet, seuls 4 % des dépenses d’optique font l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale, les complémentaires santé prenant en charge 66 % de ces dépenses, avec un reste à charge de 29 % en moyenne pour les ménages. Selon une étude consacrée au secteur de la distribution des lunettes, les marges bénéficiaires des opticiens s’élèveraient à 233 % ! En France, le prix de vente est 50 % plus élevé que dans les autres pays européens.
Cette situation n’est pas normale. En raison d’une prise en charge insuffisante des frais d’optique et malgré le bénéfice d’une mutuelle, certains patients sont dans l’impossibilité de s’équiper pour corriger leur handicap. De plus, ce surcoût n’est pas synonyme d’un service de meilleure qualité, comme le démontrent les sondages effectués à la demande de la Commission européenne en 2011.
Ainsi, les dépenses dans les secteurs de l’optique, du dentaire et de l’audioprothèse sont peu remboursées et les tarifs varient d’un territoire à un autre. Il est donc indispensable de réguler le système de santé dans ces secteurs. Il apparaît légitime, au nom de la solidarité, que les mutuelles soient en mesure de proposer à leurs adhérents de diminuer le reste à charge.
Nous devons réguler ce secteur et éviter ainsi une économie de la rente au bénéfice de certains professionnels qui ajustent leurs tarifs au niveau de remboursement.
Le texte que nous examinons aujourd’hui permettra de faciliter l’accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre. En effet, son objectif est double.
D’une part, il vise à favoriser une régulation des coûts de santé en vue de maîtriser le reste à charge pour les ménages et le montant des cotisations des complémentaires santé, évitant ainsi des démutualisations.
D’autre part, il tend à améliorer la qualité de l’offre à travers les engagements pris par les professionnels de santé au sein des réseaux ainsi constitués.
Il s’agit, ici, de combler un vide juridique en sécurisant les réseaux de soins, qui existent depuis une vingtaine d’années, afin de rétablir une véritable égalité entre les organismes complémentaires par une modification du code de la mutualité. Ce texte permettra aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur du secteur en leur donnant la possibilité d’être des acteurs de la négociation entre l’offre et la demande de soins.
Par ailleurs, je rappelle que ce texte répond à une demande exprimée par plusieurs instances publiques : la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Autorité de la concurrence ont toutes plaidé pour l’ouverture à tous les organismes complémentaires de la possibilité de constituer des réseaux de soins.
La légalisation de ces réseaux de soins mis en place par les mutuelles fait également partie des engagements de campagne de François Hollande. Il est important pour le Président de la République de rétablir l’égalité entre les assurances et les mutuelles afin de favoriser les conditions d’un meilleur accès de tous à des soins de qualité et au meilleur coût. On ne peut que s’en féliciter. En effet, l’absence de régulation provoque des distorsions de prix significatives entre les mêmes prestations.
Cette régulation est nécessaire et urgente pour nos concitoyens, même si j’insiste sur le fait que la liberté de choix du professionnel de santé reste entière pour tout adhérent d’une mutuelle. Quel que soit le professionnel choisi, au sein d’un réseau ou non, l’assuré conserve le remboursement de sa mutuelle, mais il pourra être mieux remboursé s’il accepte de se rendre chez un professionnel conventionné par sa mutuelle. Tous les professionnels peuvent entrer dans les réseaux de soins. Contrairement aux idées reçues, ils ne sont pas réservés aux grandes enseignes et ne défavorisent pas les petits opticiens indépendants, à condition qu’ils remplissent des critères de prix et de qualité.
Le conventionnement assure en retour aux professionnels de santé un surcroît de patients. Il est primordial que tous les salariés puissent avoir une mutuelle. Il était important que ce texte soit présenté au plus vite au Parlement, car la loi relative à la sécurisation de l’emploi, votée dernièrement, prévoit l’obligation pour les entreprises de garantir une mutuelle à leurs salariés. Actuellement, des négociations sont en cours dans ce sens entre les différentes branches professionnelles. Les entreprises seront libres de retenir le ou les organismes de leur choix.
Ainsi, avec l’adoption de l’accord national interprofessionnel, on risque de voir des entreprises se diriger vers les organismes de prévoyance ou vers les compagnies régies par le code des assurances, pour qui la mise en place de réseaux de soins est déjà effective. Cette situation serait défavorable aux mutuelles, qui se trouveraient fortement pénalisées. Celles-ci ne doivent pas être injustement écartées du dispositif. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui apparaît donc comme une nécessité ; il permettra aussi d’améliorer le fonctionnement des réseaux, quels que soient leurs statuts, mutualistes ou non.
Je me réjouis de ce texte, car il va directement changer le quotidien de nos concitoyens, notamment de ceux qui renoncent à se soigner parce qu’ils n’ont pas assez d’argent. Il doit permettre l’accès de tous à une santé de qualité.
Il est donc juste que le législateur autorise la régulation des prix pratiqués. Nous ne devons pas tomber dans un débat qui oppose la logique économique à une logique de santé et d’accès aux soins. Il y a eu déjà beaucoup trop de dérives et il est de notre responsabilité de poser des règles et des principes.