Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 23 juillet 2013 à 15h00
Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, les projets de loi que nous allons examiner s’inscrivent dans la logique de l’évolution choisie par les peuples de Nouvelle-Calédonie, mais on pourrait aussi parler de Mayotte, de la Guyane et de la Martinique.

Le projet de loi organique vise à moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie. C’est une nouvelle étape d’un processus engagé il y a vingt-cinq ans déjà .

L’histoire calédonienne n’a pas toujours été paisible, c’est peu de le dire. Depuis vingt-cinq ans, pourtant, et plus spécifiquement depuis le 26 juin 1988, date à laquelle a été conclu l’accord entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, la paix civile s’est consolidée ; cela, personne ne peut le contester.

Cet accord, perçu comme une feuille de route vers l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie, prévoit notamment un transfert progressif des compétences de l’État aux autorités locales, ainsi que la tenue d’un référendum d’autodétermination entre 2014 et 2018.

C’est dans l’esprit de l’accord de Nouméa et dans cet objectif d’émancipation que s’inscrit le texte organique que nous avons à examiner aujourd’hui. Il est également la traduction des demandes exprimées en décembre 2012 par le dixième comité des signataires de l’accord de Nouméa.

En vingt-cinq ans, la Nouvelle-Calédonie a pu stabiliser ses institutions. Aujourd’hui, elle franchit une étape supplémentaire, avec la création de nouvelles autorités administratives indépendantes.

Si personne ne peut contester que, depuis vingt-cinq ans, la Nouvelle-Calédonie a évolué, personne ne peut soutenir non plus que tous les problèmes sont résolus. « Le Caillou » reste, à l’instar de tout l’outre-mer, un pays dans lequel le chômage des jeunes atteint un taux inacceptable. Quelles que soient les évolutions souhaitées, ou obtenues, par chacune des composantes des outre-mer, il est bien évident que la question de l’emploi des jeunes, pour ne citer qu’elle, doit être une priorité pour le Gouvernement et pour l’État.

Le phénomène de la vie chère, quant à lui, est récurrent outre-mer, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Dans tout l’outre-mer, les revendications des populations contre la cherté de la vie ont débouché sur des accords. En Nouvelle-Calédonie, un protocole prévoyant une baisse immédiate des prix de 10 % a été signé en mai dernier. Pourtant, le compte n’y est pas, puisque les prix y sont supérieurs d’au moins 30 %, sinon 40 %, à ceux qui sont pratiqués en France métropolitaine. Certes, ce que l’on appelle le « panier Lurel » a été mis en place. Des accords entre syndicats, distributeurs, fournisseurs, importateurs, consommateurs, entre autres, ont été trouvés sur une liste de produits, alimentaires ou non.

Cependant, il faut savoir le dire, la question n’est pas entièrement réglée. Si quelques avancées ont été obtenues, il faut, nous semble-t-il, continuer à agir, combattre les monopoles et les situations oligopolistiques. Si je peux me permettre, il ne faut jamais regarder une question comme épuisée.

Après s’être rendu aux Antilles, le Premier ministre va bientôt entamer une tournée dans la zone Asie-Pacifique, au cours de laquelle il passera en Nouvelle-Calédonie. Selon son entourage, il devrait y prononcer un discours de grande importance.

La question du nickel devrait également être abordée. Pour l’instant, c’est l’un des piliers du développement économique de la Nouvelle-Calédonie. L’exploitation du nickel pose le problème du rééquilibrage économique entre les provinces et la question de la mondialisation des échanges. Certes, le nickel a été, il y a quelques années, source de tension entre les indépendantistes et Paris, mais, de nos jours, les rapports de force ont changé.

Aujourd’hui, si l’industrie mondiale de ce secteur vient en Nouvelle-Calédonie pour étudier le marché, le moral de ses acteurs n’est pas au beau fixe. En effet, le cours du nickel, surnommé « le métal du diable » à cause de sa volatilité, ne devrait pas rebondir avant 2014, selon les analystes. Or, au cours du premier semestre 2013, deux gigantesques usines métallurgiques de nickel sont entrées en service. Il faut rappeler que la Nouvelle-Calédonie abrite 25 % des ressources planétaires de ce minerai, indispensable à la fabrication d’acier inoxydable. Aujourd’hui, la Chine, gros consommateur, est aussi devenue un gros producteur de nickel.

C’est donc l’un des piliers du développement économique de la Calédonie qui peut être ébranlé. Cela aura des conséquences sérieuses, immédiatement ou à moyen terme.

La visite du Premier ministre va aussi poser la question de la place de la Nouvelle-Calédonie dans son environnement géoéconomique. Comment va-t-elle pouvoir se développer, alors que la Corée du Sud et la Malaisie, souvent désignés comme les « petits tigres de l’Asie », sont en plein développement ?

Si la question est posée pour la Nouvelle-Calédonie, elle l’est aussi pour toutes les autres régions et collectivités d’outre-mer, en particulier les Antilles et la Guyane, La Réunion et Mayotte.

La Nouvelle-Calédonie a des atouts, qu’il convient de valoriser. Je pense, par exemple, à la filière micro-algues, aussi appelées phytoplancton. Compte tenu de la richesse de sa biodiversité et de l’immensité de ses lagons, la Nouvelle-Calédonie peut être un acteur majeur de cette activité. Cet « or vert » laisse entrevoir de nombreuses perspectives dans les domaines de la cosmétique, de l’alimentation animale, de la pharmacologie, entre autres. Il peut autoriser la Nouvelle-Calédonie à envisager une nouvelle voie de développement.

Bien évidemment, dans toutes les autres îles, ou presque, les possibilités d’un développement qui valorise les atouts régionaux existent, par exemple dans le domaine de l’énergie.

La Nouvelle-Calédonie dispose également d’un autre atout. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a publié voilà quelques jours un rapport sur les métaux critiques et les terres rares, dressant en conclusion ce redoutable constat : si l’on veut que la France ne se retrouve pas l’otage des pays producteurs et des fluctuations du marché, la seule solution est de relancer la recherche minière !

Les terres rares sont au cœur des technologies de l’information et de la communication : fibre optique, télévision, smartphones, batteries, têtes de missiles, piles à combustible... Certains y voient l’enjeu de la quatrième révolution industrielle. Ce serait l’or noir du XXIe siècle !

C’est dire à quel point la maîtrise de l’exploitation de ces terres rares est importante, d’un point de vue non seulement économique, mais également politique et géostratégique. Et, sur ce point, la Nouvelle-Calédonie, qui possède du scandium, a de toute évidence une carte à jouer. Mais d’autres régions – je pense notamment à la Guyane ou à la Polynésie – peuvent également voir dans ces terres rares et ces nouvelles ressources des occasions de développement.

Encore faut-il qu’une telle exploitation soit souhaitée par tous et que les bénéfices en découlant soient partagés entre tous avec une répartition équitable.

Ne l’oublions pas, les outre-mer – j’inclus la Corse dans cette catégorie §–, ce sont un domaine maritime, une zone économique exclusive de 345 000 kilomètres carrés, avec du poisson et des ressources énergétiques, le pétrole ou les nodules polymétalliques.

Et, pour rester dans le sujet, notons que toutes les régions et collectivités d’outre-mer ont une carte à jouer en matière d’énergies renouvelables. Le potentiel est absolument énorme. L’autonomie énergétique, mot d’ordre lancé par le sénateur Paul Vergès voilà quelques années pour La Réunion, est aujourd’hui repris par la plupart des îles.

Le projet de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, pas plus que le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, ne va pas lever toutes les incertitudes, ni gommer tous les problèmes. Mais les deux textes constituent une étape, et une étape consensuelle, dans l’évolution des territoires concernés. Le groupe CRC votera donc les deux projets de loi, tout en félicitant Mme la rapporteur de la qualité de son travail.

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