Intervention de Karine Claireaux

Réunion du 23 juillet 2013 à 15h00
Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie diverses dispositions relatives aux outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Karine ClaireauxKarine Claireaux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer me donne l’occasion de mettre en exergue quelques problématiques propres à mon archipel.

Successivement territoire d’outre-mer, département d’outre-mer, collectivité territoriale de la République française et enfin, depuis 2008, collectivité d’outre-mer au titre de l’article 74 de la Constitution, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon comprend trois collectivités.

La première d’entre elles est la collectivité territoriale, qui exerce les compétences dévolues par les lois et règlements aux départements et aux régions, à l’exception, notamment, de la construction et de l’entretien des collèges et des lycées, ainsi que du financement des moyens du service territorial d’incendie et de secours. Elle dispose également de compétences propres dans les domaines suivants : impôts, régime douanier, urbanisme, construction et logement.

Les deux autres collectivités sont les communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade, dont les compétences générales sont amputées des domaines précités.

La question de la pertinence de l’existence de trois collectivités sur un aussi petit territoire et de l’enchevêtrement de leurs compétences a toutefois été posée à plusieurs reprises ces dernières années. En effet, la concentration de collectivités crée parfois une confusion dans la répartition des compétences, voire des doublons, facteurs de gaspillage des ressources publiques. De plus, la collectivité territoriale ne dispose pas, à ce jour, de moyens humains et techniques suffisants pour assurer complètement ses compétences normatives propres.

La situation économique est structurellement fragile. Depuis la crise de la pêche, en 1992, aucune autre activité marchande n’a véritablement émergé et le secteur tertiaire, notamment la fonction publique, représente aujourd’hui plus de 80 % des emplois.

L’avenir de l’économie de l’archipel réside pour une large part dans le renouveau de son activité maritime. Le port doit être remis aux normes et des services fournis à prix concurrentiel doivent être améliorés ou créés en fonction des besoins.

Pour mener à bien ce type de projet, la mise en cohérence des politiques et des compétences des trois collectivités apparaît également importante.

Compte tenu de ces difficultés économiques extrêmes, et dans l’espoir d’un sursaut salutaire, les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon constituent un des leviers essentiels à la disposition des élus territoriaux de l’archipel.

Dans ce contexte, il importe donc de veiller particulièrement à ce que le cadre statutaire de la fonction publique territoriale non seulement ne constitue pas un frein à une gestion dynamique des ressources humaines, mais aussi garantisse, d’une part, pour les élus territoriaux, la qualité des recrutements et des promotions, et, d’autre part, pour l’ensemble des agents, une égalité de traitement sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La loi du 26 janvier 1984 modifiée prévoit expressément l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions régissant la fonction publique territoriale. Les règles de la fonction publique territoriale sont donc familières aux responsables des collectivités. Néanmoins, les pratiques y sont toutes différentes et demandent à être coordonnées.

Si la mairie de Saint-Pierre a progressivement réorganisé et modernisé la gestion des ressources humaines, force est de constater que le travail n’est pas aussi abouti dans les autres collectivités de l’archipel.

Quelles que soient les difficultés rencontrées, les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon sont globalement d’ardents défenseurs d’une application complète et dynamique du statut de la fonction publique territoriale.

L’article 112 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée prévoit la création d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, mais celui-ci n’a jamais été mis en place. Parmi les raisons d’une telle situation, deux sont particulièrement prégnantes, tenant à l’organisation – il faut éviter de créer une « usine à gaz » – et au coût de fonctionnement d’une telle structure pour environ 320 fonctionnaires territoriaux.

L’absence de centre de gestion rend cependant certaines dispositions inapplicables en pratique et crée des difficultés de deux ordres : le recrutement et la promotion d’agents des cadres A et B ; l’insécurité juridique des nominations et des promotions.

Par exemple, certaines collectivités sont poussées à recruter des cadres contractuels diplômés, y compris dans des cas non prévus par l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée.

Quel que soit le niveau des agents recherchés, les recrutements se font souvent directement selon l’échelle 3 de la catégorie C, ce qui peut engendrer des frustrations pour des personnels détenteurs de diplômes.

Dans la plupart des cas, les sélections sont organisées de manière sérieuse, mais sans base légale.

Pour assurer une application complète du statut sur l’archipel, plusieurs hypothèses ont été envisagées, dont la passation d’une convention avec un centre de gestion de métropole ou d’outre-mer, voie qui a été rapidement écartée. En effet, comment organiser des concours et examens, composer des jurys, gérer une commission administrative paritaire « inter-collectivités », donner des conseils statutaires et favoriser les échanges de pratiques entre des collectivités distantes de milliers de kilomètres ? De plus, une telle contractualisation portant sur des missions normalement dévolues au centre de gestion de Saint-Pierre-et-Miquelon nécessiterait aussi une modification législative.

Deux autres solutions restent envisageables.

La première consisterait à activer le centre de gestion de la fonction publique territoriale, tel que prévu par la loi. Compte tenu du faible nombre de collectivités et d’agents, il faudrait veiller à ce que cette structure reste modeste et le taux de la cotisation raisonnable. Pour autant, cela suffirait-il à en équilibrer le fonctionnement ? Non. De plus, les collectivités se trouveraient obligées de continuer de cotiser aussi au titre de l’agence créée pour assurer la formation.

Une seconde solution pourrait être de créer un centre de gestion et de formation adapté à la petite taille du territoire, permettant d’associer gestion des ressources humaines et formation du personnel territorial et garantissant des recrutements et des promotions de qualité, en lien avec le développement des compétences par la formation.

Emprunter cette voie, comme la Polynésie, nécessite toutefois une adaptation législative.

La perspective de la création d’un centre de gestion et de formation a été plus précisément étudiée pour mettre un terme à une application tronquée des dispositions régissant la fonction publique territoriale et doter les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon de meilleurs outils statutaires pour assurer des recrutements, des promotions et des formations de qualité.

Il est un autre point important sur lequel je souhaite attirer votre attention : à Saint-Pierre-et-Miquelon, les écoles privées étaient financées, jusqu’en 2012, par le conseil général – aujourd’hui conseil territorial –, qui se fondait, pour ce faire, sur le décret-loi Mandel du 16 janvier 1939 modifié.

Il semble que les dispositions de ce décret-loi soient contraires au code de l’éducation : elles concerneraient exclusivement l’organisation, le régime juridique et le financement des missions religieuses et le décret-loi n’aborderait pas la question de la compétence et des conditions de financement par les collectivités publiques.

Sur mon archipel, la « mission catholique » scolarise environ 470 élèves, dans le cadre d’un contrat d’association signé en 1972 avec l’État. La collectivité territoriale lui octroyait une subvention annuelle au titre d’une participation au fonctionnement pédagogique et administratif de ses établissements scolaires et au financement des travaux de sécurité et de mise aux normes des bâtiments.

Depuis 1972, partant du principe que les communes ne disposaient pas de suffisamment de moyens financiers, le conseil général – devenu territorial – a pris à sa charge les frais de fonctionnement des écoles privées. Il se dit aujourd’hui prêt à le faire de nouveau, mais il se heurte à une impossibilité juridique, relevée par la chambre territoriale des comptes d’Île-de-France.

L’amendement que j’avais déposé sur ce sujet devait permettre au conseil territorial de continuer à financer, comme par le passé, les écoles privées, et ce en toute légalité. Il a été rejeté par la commission des finances, qui lui a opposé l’article 40 de la Constitution.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment faire pour permettre à une collectivité, qui en a la volonté et les moyens financiers, mais pas la possibilité juridique, de financer les écoles privées ? Il y a urgence, chez nous aussi, à faire évoluer le statut. §

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