Intervention de Roger Madec

Réunion du 23 juillet 2013 à 21h30
Nombre et répartition des sièges de conseiller de paris — Discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, le 16 mai dernier, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 30 de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Cette décision s’applique à tous !

Cet article 30 procédait à une nouvelle répartition des sièges de conseiller de Paris, répartition qui n’avait jamais été modifiée depuis 1982. La réforme visait donc à tenir compte des évolutions démographiques. Par un curieux paradoxe, elle a été sanctionnée. C’était pourtant la première fois qu’un ministre de l’intérieur proposait de corriger les injustices suscitées par l’évolution de la population parisienne. Je rappelle d'ailleurs que j’avais, à deux reprises au Sénat, soulevé cette question devant les prédécesseurs de Manuel Valls, qui avaient botté en touche.

La répartition des 163 sièges de conseiller de Paris reposait jusqu’à présent sur le principe de l’attribution minimale de trois sièges à chaque secteur afin de permettre la pleine application du mode de scrutin municipal proportionnel assorti d’une prime majoritaire. Pour tenir compte de la population, les 103 sièges restants étaient ensuite répartis selon la règle de la plus forte moyenne.

Entre 1982 et 2012, la population de la capitale a augmenté de 57 862 habitants, inégalement répartis entre les arrondissements. Je rappelle que le mode de calcul utilisé pour la mise en application du tableau découlant de la loi du 31 décembre 1982 reposait sur le recensement de 1979.

Pour respecter l’exigence constitutionnelle du principe de l’égalité du suffrage, le Gouvernement a proposé d’actualiser le tableau, à effectif constant naturellement, selon la méthode de 1982. Les correctifs découlaient, d’une part, des évolutions démographiques contrastées des différents arrondissements et, d’autre part, de la règle des trois sièges au minimum, que personne ne contestait. Pour le reste, la méthode suivie a visé à réduire les écarts à la moyenne.

Les trois arrondissements qui ont connu l’évolution la plus marquée – le Xe, le XIXe et le XXe – avaient bénéficié chacun d’un siège supplémentaire. En revanche, les arrondissements qui avaient vu leur population décroître significativement – le VIIe, le XVIe et le XVIIe – en avaient perdu un.

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution non seulement le tableau réformé, mais aussi le tableau en vigueur. Il a jugé que, dans les Ier, IIe et IVe arrondissements, le maintien des trois sièges minimum aboutissait à s'éloigner par trop du quotient électoral moyen.

Si le Conseil constitutionnel convient du bien-fondé d’« une représentation minimale de chaque secteur au conseil de Paris », il estime que « le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population » de chacun de ces arrondissements « s’écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ».

Ce faisant, le Conseil constitutionnel précise les tempéraments admissibles : « s’il ne s’ensuit pas » du respect de l’égalité devant le suffrage « que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population […] ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».

Le Conseil constitutionnel a ensuite appliqué sa jurisprudence dite « néo-calédonienne », qui lui permet de vérifier la régularité « au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée […] à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ». C'est ainsi qu’il a censuré le tableau actuel de répartition des sièges de conseiller de Paris.

Dès lors, nous nous trouvions face à une situation surprenante puisqu'il n’y avait plus de règles pour répartir les sièges au conseil de Paris pour les élections municipales de 2014.

La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, que nous examinons ce soir, tend donc à réorganiser la répartition des sièges de conseiller de Paris. Cette répartition, basée sur la population arrêtée au 1er janvier 2013, vise à respecter le principe de l’égalité du suffrage sans bouleverser, juste avant le renouvellement de mars prochain, le régime électoral de la capitale. Elle s’inscrit dans le découpage de la capitale en vingt secteurs correspondant chacun à un arrondissement. À effectif global constant, l’attribution d’un minimum de trois sièges à chaque arrondissement a été abandonnée.

Si la répartition des sièges s’effectue toujours à la proportionnelle à la plus forte moyenne, l'apport de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur réside dans son application à l’ensemble des 163 sièges.

Une première étape a consisté à attribuer à chaque secteur le nombre de sièges correspondant à sa population sur la base du quotient électoral. Huit sièges restaient alors à répartir à la plus forte moyenne, mais il est apparu nécessaire de corriger les excès découlant de cette méthode pour tempérer les écarts de représentation qui en résultaient : les IIe et IIIe arrondissements présentaient en effet un écart de plus 67, 4 % et de plus 29, 4 %. Le correctif a consisté à attribuer à chacun de ces deux secteurs un siège supplémentaire afin de ramener cet écart à respectivement moins 16, 4 % et à moins 13, 7 %, par le transfert du siège supplémentaire bénéficiant aux XIIe et XXe arrondissements par application de la règle de la plus forte moyenne, sans aggraver les écarts pour ces deux arrondissements.

La nouvelle répartition entraîne la création de dix nouveaux sièges de conseiller d’arrondissement, dont l’effectif est le double du nombre de conseillers de Paris élus dans la circonscription, sans qu’il puisse être inférieur à dix ni supérieur à quarante. Ces nouveaux sièges résultent mécaniquement de l’augmentation du nombre de conseillers de Paris dans les Xe, XVe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements – minorée par la diminution de treize à douze du nombre de conseillers du XVIIe arrondissement.

La réforme du tableau a un impact sur la désignation des exécutifs d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. En effet, actuellement, le maire d’arrondissement ainsi que l’un au moins de ses adjoints doivent être choisis parmi les membres du conseil municipal. Cette double règle devient inapplicable dans le Ier arrondissement, qui ne sera désormais représenté au conseil de Paris que par un siège. Elle devient aussi difficilement applicable dans les IIe et IVe arrondissements, qui ne sont plus représentés que par deux conseillers de Paris. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur propose de la supprimer : dorénavant, le maire et l’ensemble des adjoints d’arrondissement pourront être choisis parmi les conseillers d’arrondissement.

Mes chers collègues, si vous adoptez la proposition de loi et que l’Assemblée nationale en fait de même, cette modification s'appliquera aussi à Lyon et à Marseille.

Les modifications soumises au Sénat découlent nécessairement, dans le calendrier très contraint du législateur, des exigences résultant de la censure opérée par le Conseil constitutionnel. À huit mois du scrutin municipal, il était inenvisageable de refondre le régime électoral parisien, fût-ce par un redécoupage de la carte des secteurs.

Le dispositif proposé permettra également de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille, cela naturellement sans augmenter le nombre des conseillers de Paris – ce qui ne semblait pas très opportun. Dans ce contexte, les dispositions proposées résultent mécaniquement de l’application des règles constitutionnelles.

Si l’écart de représentation du premier des vingt arrondissements s’établit encore au-delà du fameux écart de 20 %, il y est cependant ramené de moins 42, 6 % dans le tableau censuré à plus 25, 7 % en recourant aux limites possibles de la réforme avec l’attribution d’un seul siège au sein du conseil de Paris. Pour les dix-neuf autres arrondissements, les écarts au quotient moyen oscillent entre moins 16, 43 % et plus 10, 66 %.

La modification des modalités d’élection des maires et adjoints d’arrondissement ne devrait pas affecter le fonctionnement de leurs conseils.

Cette proposition de loi, si elle est adoptée – ce soir au Sénat et dans les prochains jours à l’Assemblée nationale –, ne s'appliquera pas avant le renouvellement général des conseils municipaux de mars prochain.

La commission des lois, qui a adopté les trois articles de la proposition de loi sans modification, vous propose, à la majorité de ses membres, d'adopter ce texte.

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