Intervention de Manuel Valls

Réunion du 23 juillet 2013 à 21h30
Nombre et répartition des sièges de conseiller de paris — Discussion en procédure accélérée et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Manuel Valls :

La procédure accélérée est bien déclarée, et l’Assemblée nationale doit normalement examiner à son tour – et à nouveau – ce texte dans quarante-huit heures.

Revenons maintenant, d'un mot, sur le contenu de ce texte.

Lorsque je vous ai présenté la légère modification qui figurait dans le texte de loi sur les scrutins départementaux, communaux et intercommunaux, le Gouvernement pensait réellement que cette actualisation ne posait pas de problème constitutionnel, précisément parce que nous respections le plancher de trois conseillers par arrondissement figurant dans la loi de 1982, qui, à l’époque, avait été validée par le Conseil Constitutionnel. Cependant, nous le savons, le Conseil constitutionnel de 2013 n’est pas le Conseil constitutionnel de 1982. Il a considérablement densifié sa jurisprudence. Il a en particulier souligné de plus en plus nettement son rôle de gardien de l’égalité du suffrage et donc accru sa vigilance en matière d’égalité de représentation dans toutes les circonscriptions. Il y avait d’ailleurs une leçon à tirer – nous l'avons fait – sur le texte concernant le scrutin cantonal. Cette jurisprudence est désormais une boussole en matière de scrutin.

Dans sa décision du 16 mai dernier, le Conseil Constitutionnel nous a dit que le projet de loi n’allait pas assez loin. Sa censure de l’article consacré à Paris incite donc – et oblige même – à renforcer l’égalité de représentation des Parisiens, arrondissement par arrondissement.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans cette décision, qu’en conservant un nombre minimal de trois conseillers de Paris par arrondissement, le législateur avait maintenu dans les Ier, IIe et IVe arrondissements un rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l’arrondissement qui s’écartait de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qualifiée de « manifestement disproportionnée ».

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a ainsi pour objet d’établir un nouveau tableau qui soit conforme au principe d’égalité, sans augmenter le nombre global de conseillers de Paris et sans modifier la composition des conseils d’arrondissement, fixée au minimum à dix conseillers d’arrondissement par l’article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales, ni leur fonctionnement.

Compte tenu de la proximité des élections municipales – M. Madec l’a rappelé –, ce nouveau tableau permettra de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel tout en évitant de bouleverser le régime électoral parisien. Il permettra également de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille, sans augmenter le nombre de conseillers de Paris.

Le choix a été fait de conserver la méthode de calcul employée en 1982, c’est-à-dire une répartition des sièges entre les arrondissements à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Cette méthode est également celle utilisée pour la répartition des conseillers municipaux à Lyon, comme à Marseille.

Pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le nouveau tableau ne pouvait pas toutefois s’en tenir strictement à la méthode mathématique. En effet, dans les trois premiers arrondissements, l’application de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ne permet pas de respecter ce que nous appelons le bornage démographique, notion mise en exergue par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence relative au principe d’égalité devant le suffrage. Ainsi, avec une application mathématique stricte, le Ier arrondissement présente un écart à la moyenne de 26 %, le IIe arrondissement de 67 % et le IIIe arrondissement de 29 %.

Comme vous le savez, il fallait dès lors appliquer un correctif dans ces arrondissements pour se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le respect des écarts manifestes à la moyenne. Un tel correctif à la méthode de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avait d’ailleurs été validé par le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision de juillet 1987 relative à la répartition des sièges au conseil municipal de Marseille. Le président et le rapporteur de la commission des lois en ont déjà bien expliqué le principe. Je ne ferai donc que reprendre, en grande partie, leur propos.

Un siège supplémentaire est attribué aux IIe et IIIe arrondissements, qui obtiennent respectivement, dès lors, deux et trois sièges. Cette nouvelle attribution permet donc de respecter l'égalité démographique puisque l’écart à la moyenne est ramené à moins 16 % dans le IIe arrondissement et à moins 14 % dans le IIIe arrondissement.

Pour maintenir le nombre actuel de conseillers de Paris, les deux sièges réalloués sont retirés aux derniers arrondissements bénéficiaires dans la répartition à la plus forte moyenne, soit le XIIe et le XXe arrondissements.

En revanche, le nombre de sièges du Ier arrondissement n’est pas modifié, car la réattribution d’un siège – qui serait alors prélevé dans le XVe arrondissement – aggraverait sa représentativité, qui passerait de plus 26 % à moins 37 %.

Au total, à moins d’un an de la prochaine élection des conseillers de Paris, le présent texte permettra ainsi de tenir compte de l’évolution démographique intervenue depuis la loi de 1982 relative à l’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dans le respect des équilibres démographiques et sans modifier l’organisation administrative de la commune de Paris.

Nous aurions pu faire un choix plus radical, et il y a peut-être, par ailleurs, d'autres idées. Nous aurions pu réunir en un seul et même arrondissement les Ier, IIe, IVe et, éventuellement, IIIe arrondissements. Sans doute, ce choix aurait-il été constitutionnellement sûr, mais il aurait bouleversé le cadre auquel les Parisiens sont désormais habitués et il aurait supprimé trois ou quatre mairies d’arrondissement. À quelques mois des élections municipales, nous ne pouvions faire un tel choix et devions respecter ce qu’est Paris aujourd'hui – on verra bien si, demain, d'autres idées émergent en ce domaine.

Le Gouvernement a fait un choix plus équilibré qui correspondait – cela ne fait pour moi aucun doute – à l'attente des Parisiens : le maintien des arrondissements, conjugué avec l’adaptation démographique. Certes, un arrondissement, le Ier, s’écarte de l’écart à la moyenne – plus ou moins 20 % – auquel est attaché le Conseil constitutionnel. Cependant – c’est un point important –, nous considérons qu’il y a un motif d’intérêt général à assurer la représentation de chaque arrondissement et la lisibilité du scrutin dans un cadre habituel pour les électeurs, dès lors que l’écart à la moyenne n’excède pas 26 % et que l’exception se limite à un seul arrondissement.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du texte que nous examinons aujourd’hui. Je crois que le bon sens, la stabilité des règles électorales, la juste représentation des électeurs et des arrondissements plaident pour une adoption rapide de cette proposition de loi, dans cet esprit de consensus, j’ose l’espérer, que l’on retrouve si régulièrement au Sénat, notamment lorsque je me trouve parmi vous.

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