Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 25 juillet 2013 à 9h30
Adaptations dans le domaine de la justice en application du droit de l'union européenne — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au terme d’une procédure législative exemplaire qui illustre une parfaite coopération entre les deux chambres, le présent projet de loi va enfin permettre à la France de se mettre en conformité avec plusieurs des engagements internationaux auxquels elle a souscrit ainsi qu’avec des décisions de juridictions internationales.

Naturellement, notre pays, conformément à sa tradition moniste, se doit de rendre sa législation compatible avec le droit européen dans les meilleurs délais, a fortiori eu égard à la valeur constitutionnelle du droit communautaire, sous les réserves qui ont été fixées par le Conseil constitutionnel. Il y va de même s’agissant d’une matière aussi spéciale que le droit pénal, qui touche au domaine sensible formé par les droits fondamentaux de la personne. Notre groupe, fier de sa dénomination européenne, ne peut donc que souscrire à toutes les avancées qui visent à conforter la construction d’un parquet européen et l’avènement d’un espace commun de droits et de libertés qui participent à la construction politique de l’Union.

Comme l’a précisé notre rapporteur, le Sénat avait adopté la grande majorité des articles votés par l’Assemblée nationale, seuls quatre points, d’importance inégale, demeurant en discussion et sur lesquels la CMP a su trouver un accord constructif.

S’agissant du droit à la traduction des pièces de procédure et des pouvoirs du membre national d’Eurojust, nous souscrivons pleinement aux solutions dégagées par les deux rapporteurs de la CMP, solutions empreintes de prudence et de réalisme.

Une autre avancée majeure concerne la question des faits d’esclavage et de servitude, dont nous avions souligné en première lecture l’impérieuse nécessité de combler le vide juridique né des arrêts Siliadin c/ France et C. N. et V. c/ France de la Cour européenne des droits de l’homme de 2005 et de 2012, qui relevaient le caractère inopérant de notre droit en la matière au regard de l’article 4 de la Convention.

Sur cette question très sensible, car elle touche aux fondements de la dignité de la personne humaine, il n’était évidemment pas acceptable que notre législation reste en retrait. Nous nous réjouissons par conséquent que la CMP ait choisi de reprendre la définition des incriminations de réduction en esclavage et en servitude, telles qu’elles figurent dans nos engagements internationaux : la réduction en esclavage se caractérise ainsi comme l’exercice d’un attribut du droit de propriété sur une autre personne tandis que la réduction en servitude se rapporte à une forme aggravée de travail forcé, car habituelle et fondée sur l’exploitation de la vulnérabilité des personnes.

Parallèlement, nous disposerons tout autant d’un arsenal répressif conforme aux visées des juges de Strasbourg en matière d’incriminations visant le travail dans des conditions indignes et le travail forcé. Les débats de première lecture avaient mis en lumière la nécessité d’approfondir le travail de réflexion, en liaison avec les praticiens et les associations dédiées. À la lecture du texte tel qu’il est aujourd’hui rédigé, nous estimons que l’objectif est atteint.

J’ajouterai un mot encore sur la question du délit d’offense au Président de la République, dont traite l’article 17 bis, et qui a cristallisé un certain nombre de débats.

En première lecture, notre groupe avait rappelé qu’il avait toujours affiché son scepticisme face au présidentialisme des institutions de la Ve République et qu’il refusait tout ce qui pourrait s’apparenter à une survivance du crime de lèse-majesté de l’Ancien Régime. La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 14 mars dernier pour violation de la liberté d’expression a confirmé que cette disposition n’avait plus sa place dans un État de droit moderne, du moins en l’état. Néanmoins, comme l’avait exposé M. le rapporteur, l’abrogation pure et simple de ce délit donnerait paradoxalement au chef de l’État un statut moins protecteur qu’aux membres du gouvernement.

La solution intermédiaire dégagée en CMP nous paraît bien équilibrée et conforme aux principes auxquels nous sommes attachés : l’incrimination d’offense au chef de l’État est supprimée en tant que telle ; les injures et diffamations envers le Président de la République pourront désormais être poursuivies selon les mêmes voies que lorsqu’elles concernent les ministres. Il appartiendra in fine au parquet d’engager l’action publique à la demande de l’intéressé, mais en application du principe d’opportunité des poursuites, et de lui seul.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la CMP a fait œuvre très utile et nous ne pouvons que nous féliciter aujourd’hui des progrès qu’apportera ce texte à notre justice. Le groupe du RDSE, unanime, le votera !

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