Séance en hémicycle du 25 juillet 2013 à 9h30

Résumé de la séance

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  • délit
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Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser l’approbation ou la ratification de conventions internationales.

Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées, signé à Neufvilles le 21 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avant de mettre aux voix l’article unique du projet de loi, je donne la parole à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La commission des affaires étrangères, après débat et rapport, a approuvé à l’unanimité ce projet d’accord-cadre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l’accueil des personnes handicapées (texte de la commission n° 767, rapport n° 766).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (ensemble deux déclarations), signé à Bruxelles, le 10 mai 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (texte de la commission n° 765, rapport n° 763).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part, signé à Bruxelles le 6 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (texte de la commission n° 764, rapport n° 763).

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France (texte de la commission n° 769, rapport n° 768).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, comme vous le savez déjà, a abouti à un accord. Par conséquent, mon intervention ainsi que celles de Mme la ministre et des orateurs inscrits serviront de travaux préparatoires à des sujets législatifs qui ne sont pas secondaires.

Pour résumer, la commission mixte paritaire avait quatre questions à examiner.

Sur deux d’entre elles, les délégués de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat ont pu sans difficulté accorder leurs réflexions.

La première question portait sur l’extension des pouvoirs reconnus au membre national d’Eurojust, l’instance de coordination des procédures pénales au sein de l’Union européenne. Finalement, comme le souhaitait d’ailleurs le Gouvernement, il nous a paru à tous préférable de ne pas conférer de pouvoir direct d’engagement de poursuites ou de lancement d’enquête à ce membre national, car cela aurait perturbé la chaîne hiérarchique logique et juridiquement cohérente du ministère public.

Le second point de convergence avait trait aux règles de fond à poser en matière de droits des prévenus. L’insertion dans le code de procédure pénale des nouvelles dispositions sur le droit à la traduction et à l’interprétation des pièces de procédure, recommandée par la délégation du Sénat, a ainsi été retenue d’un commun accord.

Ces deux points importants, qui ne soulevaient aucune difficulté de fond, étant résolus, il nous restait un sujet principal ainsi qu’un sujet dont l’effet politique et symbolique est tout à fait appréciable.

Le sujet principal était le constat, réalisé en cours de réflexion sur ce projet de loi, que notre législation pénale manquait d’une incrimination permettant de poursuivre à un niveau jugé efficace par la Cour européenne des droits de l’homme l’infraction consistant à réduire en esclavage – en fait, en tout cas – une autre personne. Ce sujet n’avait naturellement échappé ni à la Chancellerie ni au législateur, mais on considérait, jusqu’à une époque récente, que les éléments figurant déjà dans le code pénal, notamment les délits de travail dans des conditions indignes et de séquestration, permettaient dans la pratique de poursuivre ces agissements.

L’action des magistrats, comme celle des auxiliaires de justice et des associations qui sont engagées dans ce combat, a démontré de façon de plus en plus pressante que le dispositif pénal français était, à cet égard, incomplet.

Nous avions de surcroît fait l’objet de deux décisions défavorables de la Cour européenne des droits de l’homme, relatives, il est vrai, à des situations d’espèce. Ces décisions ne portaient pas sur une carence textuelle du code pénal ; elles constataient, selon le mode de raisonnement qui est propre à la Cour européenne, que les moyens effectifs de poursuite et de sanction de ces infractions figurant dans la législation française et leur mise en pratique par les tribunaux ne répondaient pas aux exigences inscrites dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment à son article 4 qui énonce que « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude ».

L’Assemblée nationale et le Sénat avaient une différence d’appréciation, au milieu de laquelle se trouvait le Gouvernement, en tout cas en l’état de la réflexion qui a été celui de la ministre au cours de nos échanges. L’Assemblée nationale considérait en effet qu’il y avait urgence à se prononcer sur ce sujet législatif important et avait donc formulé voilà deux mois une première proposition, considérant que c’était une esquisse qu’il reviendrait au Sénat de perfectionner.

Nous avons d’abord estimé que le délai et les conditions de réflexion qui nous étaient fixés ne permettaient pas de mener ce travail à bien. C’est pourquoi, sur la proposition de votre rapporteur et avec le consentement de Mme la ministre, nous avions préféré ne pas légiférer sur le sujet et nous donner rendez-vous en une occasion législative ultérieure.

Le Gouvernement a repris sa réflexion et nous a convaincus en disant : « nous ne pouvons être certains de retrouver prochainement une base permettant de statuer sur ce sujet ; nous étions favorables à la mise en place d’un groupe de travail pluraliste afin de parvenir à une définition pénale de la réduction en esclavage et en servitude ; donc, faisons-le dans l’espace de temps, certes quelque peu réduit, qui nous sépare de la commission mixte paritaire ».

C’est ce que nous avons fait, et il me revient, comme l’a fait ma collègue de l’Assemblée nationale, de rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à ce travail : les collaborateurs de la ministre et les magistrats de la Chancellerie, ainsi que l’ensemble des magistrats, avocats, associations et professeurs d’université qui ont bien voulu répondre à nos sollicitations.

Les échanges, en particulier sur les deux questions clés – y a-t-il motif à séparer la réduction en esclavage et la réduction en servitude ? Quelles sont les infractions de niveau criminel ? – ont été fructueux. Je crois que chacun de ceux qui ont participé à ces échanges a fait évoluer sa réflexion, en y intégrant des éléments qu’il ou elle n’avait pas encore perçus.

Le résultat est que nous avons maintenant quatre infractions qui s’échelonnent à partir de l’infraction déjà inscrite dans le code pénal relative au travail dans des conditions indignes.

Nous avons donc clarifié le délit de travail forcé et nous avons défini la réduction en servitude comme l’assujettissement d’une personne à un travail forcé de manière habituelle et en abusant de sa vulnérabilité.

Nous avons défini, en nous référant aux instruments internationaux, l’esclavage comme la situation dans laquelle une personne exerce, en fait – et pas forcément, bien entendu, sur la base d’un contrat écrit –, un des attributs du droit de propriété à l’égard d’une autre. Ces attributs sont essentiellement, dans les situations pratiques malheureusement observées, le fait de céder la possession, la maîtrise d’une personne contre une somme d’argent, ou la situation dans laquelle – c’est le fructus dans les attributs du droit de propriété – une personne dominante perçoit des bénéfices matériels du fait de l’exploitation d’une personne placée en esclavage.

L’esclavage diffère de la servitude en ce que celle-ci relève entièrement du domaine du travail. Là aussi, nous avons poursuivi une tâche d’exégèse des motifs pour lesquels les auteurs des engagements internationaux antérieurs avaient différencié les deux infractions. Il nous a semblé, notamment à la lecture attentive de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, que le domaine d’exercice, si j’ose dire, de la servitude se cantonnait à celui du travail – c’est la raison qui explique que nous ayons donc en quelque sorte extrait ou prolongé la définition de la servitude à partir du délit de travail forcé –, alors que l’esclavage implique l’exercice par le dominateur d’une exploitation qui va au-delà du travail, notamment l’exploitation de manière générale de la personne en la privant de toute liberté et en pratiquant des abus sexuels à son encontre.

Telle est, très sommairement résumée, la réflexion qui a conduit à l’élaboration des nouveaux articles qui figureront désormais dans le code pénal puisque nous sommes tous tombés d’accord sur la définition de ces infractions. Il nous a paru judicieux de placer au niveau criminel, d’une part, la réduction en esclavage à cause de son caractère particulièrement violent à l’égard de la liberté de la personne-objet et, d’autre part, les cas de réduction en servitude lorsqu’ils sont assortis de circonstances aggravantes.

Voilà donc le principal apport législatif de la commission mixte paritaire.

Je me dois d’expliquer au Sénat pourquoi des innovations de cette importance entrent dans nos codes sans avoir fait l’objet d’un examen approfondi dans les deux hémicycles. Nous avons élaboré ce travail en vue de la commission mixte paritaire et, à titre d’excuses, je formulerai deux remarques.

D’une part, nous avons essayé de travailler de manière pluraliste, et je tiens à cet égard à saluer la contribution de l’ensemble des parlementaires des deux assemblées ayant participé au groupe de travail, contribution qui nous a permis de trouver un accord pleinement partagé au sein de la commission mixte paritaire. Nous avons donc fait une sorte de débat parlementaire virtuel qui remplace le débat complet dans les deux hémicycles.

D’autre part, du fait que ce projet de loi représentait l’introduction dans notre droit de plusieurs dizaines de normes positives qui étaient requises par des engagements internationaux, dont certains étaient déjà anciens, et d’obligations européennes contractées par nous parfois depuis près d’une décennie, les inconvénients d’un report pour permettre un plein débat l’emportaient, nous a-t-il semblé, sur ceux qu’entraînait ce mode un peu expéditif d’adoption de la loi pénale.

Reste donc la dernière composante de ce texte, qui est l’abrogation, décidée par l’Assemblée nationale et à laquelle le Sénat était réticent, du délit d’offense au chef de l’État. Je n’en refais pas l’historique, qui figure dans le rapport de l’Assemblée nationale et dans celui du Sénat.

L’Assemblée nationale avait considéré, d’une part, que la décision adoptée l’année dernière par la Cour européenne des droits de l’homme, à la suite de la demande formulée par M. Éon, rendait sinon juridiquement du moins pratiquement inutilisable cet article législatif. Nous pouvions être d’un avis différent parce que, expressis verbis, la Cour n’avait pas déclaré contraire à la convention européenne l’existence même de ce délit. Il faut toutefois reconnaître qu’implicitement, du fait du raisonnement qu’elle avait retenu, les cas dans lesquels l’application effective de ce délit serait restée possible devant nos tribunaux devenaient marginaux.

Donc, même si le Sénat avait souhaité en première lecture conserver ce délit tel qu’il figurait dans notre droit depuis 1881, l’échange avec nos collègues députés, le constat que toutes les composantes politiques de l’Assemblée nationale avaient voté cette abrogation à l’unanimité et la difficulté à caractériser ce délit nous ont convaincus d’y renoncer.

Lorsqu’on s’efforçait d’évaluer la « valeur ajoutée » pénale de ce délit par rapport aux infractions d’injure et de diffamation, on se rendait compte que la définition propre de l’offense risquait de se heurter aux mêmes objections qui avaient fait tomber le délit de harcèlement il y a dix-huit mois, c’est-à-dire que les circonstances permettant de caractériser le délit ne résultaient d’aucun texte législatif explicite et qu’on était donc loin de l’obligation de légalité des délits et des peines. Ces différents éléments nous ont persuadés qu’il valait mieux ne pas maintenir cette disposition spécifique de notre code pénal.

S’ajoute à cela – et ce fut une motivation évidente dans le vote de nos collègues de l’Assemblée nationale – que l’esprit du temps, la volonté de s’émanciper de toute une série de règles traditionnelles, avait contribué à créer un état d’esprit peu favorable au maintien de cette infraction.

Il restait à apprécier sous quelle forme pourraient être malgré tout poursuivis des délits patents d’injure ou de diffamation à l’encontre du chef de l’État.

Le déroulement de l’instance postérieure à l’invective de M. Éon vis-à-vis du Président Sarkozy démontrait que ce type de procès peut être en lui-même assez défavorable à la considération qu’on doit au chef de l’État. D’une certaine façon, le déroulement d’une poursuite à l’encontre de celui qui a proféré les injures ou les offenses peut se retourner contre la personne qui a poursuivi.

Cela nous a conduits, après divers échanges et hésitations, à retenir une formule de procédure de poursuite la plus proche possible du droit commun : si le Président de la République fait l’objet d’une atteinte à sa personne, à sa dignité, à sa fonction qui mérite une poursuite pénale, il reviendra au parquet, suivant les règles ordinaires d’engagement des poursuites, de décider de l’opportunité de déclencher ces poursuites, mais à la condition que le chef de l’État – et nous alignons donc sa situation sur celle des membres du Gouvernement et du Parlement – ait décidé de déposer une plainte, de manière qu’il ne puisse pas se trouver entraîné dans un procès qu’il n’aurait pas souhaité et qu’il considérerait comme défavorable à sa dignité.

Tel est donc le compromis que nous avons retenu. Je me réjouis qu’il ait convaincu la majorité de nos collègues de la commission des lois membres de la commission mixte paritaire. Ces derniers ont en effet reconnu qu’il constituait une situation d’équilibre, la mieux adaptée aux exigences à la fois de respect institutionnel dû au chef de l’État et de déroulement de la vie politique et médiatique de nos jours.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà donc les conclusions auxquelles est parvenue la commission mixte paritaire ainsi que les motifs principaux qui ont guidé son appréciation et son choix.

Je suis heureux de constater que la commission mixte paritaire s’est prononcée à l’unanimité. §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur ayant mis l’accent, dans son exposé, non seulement sur les grands enjeux, les points de divergence – les points de délicatesse également – soulevés par ce texte, mais aussi sur l’aboutissement auquel sont parvenus les rapporteurs des deux assemblées, ainsi que les commissions des lois, je me permettrai pour ma part d’insister sur plusieurs points sur lesquels le Gouvernement souhaite attirer l’attention du Sénat et obtenir son approbation.

Tout d’abord, je tiens à saluer le travail législatif qui a été accompli. C’est de la belle ouvrage législative qui a été réalisée, dans des conditions assez inhabituelles.

En effet, ce texte vise à transposer plusieurs instruments juridiques. Le Gouvernement et les deux chambres du Parlement auraient pu opter pour un examen du texte selon un processus mécanique, pour une transposition en fonction de contraintes de calendrier.

Il en a été tout autrement. Si nous étions certes confrontés à une légère contrainte de calendrier s’agissant d’un instrument devant être transposé depuis février 2012, nous disposions pour les autres de davantage de temps, certains instruments pouvant être transposés jusqu’au mois de décembre 2014.

Ainsi, nous n’avons pas travaillé sous la contrainte, mais guidés par la conviction que les présentes transpositions et adaptations de notre législation pénale contribuent à la construction de cet espace de liberté, de justice et de sécurité que nous élaborons en Europe.

Ce texte contribue à consolider nos capacités à lutter contre des délits et crimes insupportables, qui pénalisent des personnes de grande vulnérabilité. En ces matières, un État de droit – la France en particulier – ne peut tolérer que sa législation ne soit pas la plus élaborée possible afin d’être en mesure d’y faire face efficacement.

Notre approche n’est donc pas contrainte par des impératifs de calendrier ; elle ne résulte pas non plus d’un processus mécanique. Nous nous inscrivons dans une réflexion sur les fondements mêmes de notre droit pénal ainsi que sur la cohérence de notre législation pénale. Nous affirmons également notre volonté politique d’affronter les crimes et délits visés par ce texte de transposition.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, nous transposons une demi-douzaine d’instruments juridiques européens et nous adaptons notre législation à des protocoles et conventions européens et internationaux.

Les matières concernées sont extrêmement importantes : le droit pénal matériel, avec les dispositions concernant la lutte contre la traite des êtres humains et la lutte contre les violences faites aux femmes ; la lutte contre les abus sexuels à l’encontre des enfants et mineurs, de même que les situations de disparitions forcées. A cet égard, nous distinguons désormais les disparitions forcées liées à des événements politiques de celles qui relèvent directement de délits et de crimes commis par des personnes physiques.

En outre, nous adaptons notre procédure pénale en matière d’interprétation et de traduction des principales pièces de procédure. Ce droit nouveau doit contribuer à assurer, vis-à-vis de certains justiciables, la compréhension du droit.

Par ailleurs, nous reconnaissons mutuellement des décisions de justice, y compris prises en l’absence des personnes mises en cause, ou privatives de liberté.

Parmi les avancées importantes apportées par le présent texte, je tiens à souligner l’aboutissement tout à fait satisfaisant auquel vous êtes parvenus concernant les compétences reconnues au membre national d’Eurojust. Nous améliorons ces compétences, nous consolidons les pouvoirs d’Eurojust sans perturber ni désorganiser le ministère public et les conditions d’engagement de l’action publique.

Le Sénat a joué un rôle important sur ce point. En effet, grâce aux débats très nourris qui ont eu lieu ici, les députés ont pu mieux concevoir la nécessité de reconnaître au membre national d’Eurojust un pouvoir d’enquête et de déclenchement de l’action publique, et ce sans mettre en péril la cohérence et la cohésion même de l’action du ministère public par rapport à notre organisation judiciaire.

Ce texte de transposition, qu’aucun d’entre nous n’a envisagé de façon passive, soulevait également des divergences sur des points que je ne qualifierai pas de mineurs : il s’agissait notamment de la définition de la servitude et de l’esclavage, concepts visés par les instruments juridiques transposés.

Or, si l’esclavage est présent dans notre droit pénal, il l’est au sens de crime contre l’humanité et non en tant qu’action détachée de tout un processus global et institutionnel, que nous avons connu historiquement.

La servitude, en tant que telle, n’est pas non plus définie dans notre droit.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont ainsi considéré qu’il y avait lieu de travailler à la définition de ces deux concepts que sont la servitude et l’esclavage.

Cependant, nous avons considéré, compte tenu de l’importance de ces incriminations, que ce travail ne pouvait être effectué dans un délai court : nous avons eu à cœur, dès le début, de prendre très au sérieux ces incriminations, leur contenu, la définition pouvant en être donnée, les sanctions pouvant être retenues contre elles. La démarche a donc été très sérieuse.

Parallèlement, nous avons considéré qu’il nous fallait du temps pour rassembler les compétences, interroger le droit, entendre des points de vue différents. C’est ce temps que les deux assemblées se sont donné.

En ce sens, le processus a été inhabituel. Ainsi, lorsque je qualifiais ce travail de « belle ouvrage législative », je faisais référence aussi bien au contenu des dispositions de ce texte qu’à la méthode qui a permis son élaboration.

En effet, l’Assemblée nationale et le Sénat ont accepté de se donner le temps de réfléchir et de voir si nous étions en mesure d’aboutir dans le cadre de la transposition de ces instruments juridiques. C’est bien ce qui a été fait.

Pour ce texte, l’Assemblée nationale et le Sénat ont exceptionnellement mis en place un groupe de travail mobilisant les deux chambres.

Ce groupe a procédé à des auditions. Il s’est également appuyé sur les services de l’administration centrale du ministère de la justice. J’avais annoncé à cette tribune que ces derniers seraient mis à l’entière disposition des rapporteurs des commissions des lois des deux assemblées et du groupe de travail dès la mise en place de ce dernier. Cette possibilité a été utilisée puisque le groupe a souhaité à deux reprises se réunir au ministère de la justice.

Le résultat de ce travail est tout à fait admirable. Malgré des divergences fortes sur des sujets majeurs, le groupe a abouti à la création de quatre niveaux d’incrimination, selon leur gravité.

L’incrimination visant les conditions de travail et d’hébergement indignes contraires à la dignité de la personne est punie de cinq ans d’emprisonnement, avec deux niveaux de circonstances aggravantes aboutissant à sept ans et à dix ans d’emprisonnement.

Le groupe de travail a proposé trois autres niveaux de gravité, avec la création de trois incriminations nouvelles.

L’incrimination de travail forcé est punie de sept d’emprisonnement. Elle comprend également deux niveaux d’aggravation avec des circonstances concernant les mineurs ou un travail forcé imposé à des groupes, les sanctions étant alors de dix ans et de quinze ans de réclusion criminelle.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, la réduction en servitude a été conçue comme un prolongement du travail forcé, suivant la logique de cette incrimination dans le droit européen et dans le droit international.

Ainsi, la réduction en servitude a été définie comme un travail forcé imposé de façon habituelle mais comportant une dimension aggravante par rapport à celui-ci. Alors que le travail forcé évoque une exploitation sous menace ou violence et sous contrainte, la réduction en servitude se distingue par le fait que la victime présente une dépendance ou une vulnérabilité apparente ou connue de l’auteur. Cette incrimination est punie de dix ans avec deux niveaux de circonstances aggravantes.

En outre, vous avez eu le courage de vous attaquer à la définition d’une incrimination difficile et complexe : celle de la réduction en esclavage. La définition à laquelle vous êtes parvenus est cohérente avec celle qui a été retenue dans la convention internationale, élaborée par la Société des Nations à Genève en 1926 et reprise dans la convention internationale de l’ONU en 1956.

La réduction en esclavage se définit ainsi comme le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété. Elle vise le refus de reconnaître cette personne comme étant un sujet de droit, de reconnaître sa liberté, sa dignité.

L’incrimination de réduction en esclavage ainsi définie est désormais punie de vingt ans de réclusion criminelle, la peine pouvant aller jusqu’à trente ans de réclusion criminelle en cas de circonstances aggravantes.

Vous avez retenu une incrimination distincte, à savoir l’exploitation de la personne réduite en esclavage, avec des circonstances aggravantes. Celles-ci sont notamment liées au fait que l’auteur du crime, sachant que la personne est réduite en esclavage, y ajoute l’exploitation sexuelle, la séquestration, la réduction au travail forcé. Une telle aggravation conduit à trente ans de réclusion criminelle.

Le travail effectué ici est de très grande qualité. Il est exceptionnel dans le cadre d’un texte de transposition d’instruments juridiques.

Par loyauté à l’égard du Parlement, M. le rapporteur a indiqué que ce débat a été approfondi en dehors des séances plénières de l’Assemblée nationale et du Sénat. Néanmoins, ce travail est d’une telle qualité qu’il fait honneur aux deux assemblées parlementaires. Il n’y a donc pas à s’interroger sur l’aboutissement auquel est parvenu ce groupe de travail animé par les deux rapporteurs, aboutissement validé par les deux commissions des lois et par l’Assemblée nationale en séance plénière. J’espère que le Sénat fera de même.

Le travail de la commission mixte paritaire a été véritablement inhabituel, et j’irai même jusqu’à dire qu’il a été sans précédent. Je tiens à le saluer, car il nous aidera sans doute à mieux aborder, à l’avenir, les transpositions de textes.

Plusieurs projets de directives et de règlements européens, sur des sujets extrêmement lourds, vont prochainement aboutir. Évidemment, les règlements vont directement s’imposer à nous. Toutefois, l’expérience que nous avons acquise à l’occasion du présent texte nous servira pour travailler en amont à l’élaboration des règlements qui s’imposent automatiquement à notre droit.

Les prochains textes, européens ou internationaux, de transposition de directives dans notre droit interne, notamment ceux qui concernent des sujets complexes, pourront être enrichis par le travail qui a été accompli.

Reste le sujet délicat de l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État, dont M. le rapporteur a parlé admirablement.

Le Sénat avait une position plus conforme à la dimension symbolique et solennelle de nos institutions, qu’il fallait donner à voir.

Certes, il convenait de moderniser et de démocratiser notre droit en le délestant, comme le disait M. le rapporteur, des derniers héritages monarchiques, qui tendaient à placer le Président de la République au-dessus de la société.

Notre chef de l’État n’est pas de droit divin ! Mais, élu au suffrage universel, il endosse une fonction solennelle, lourde et extrêmement responsable, et se trouve excessivement exposé. Il y a donc lieu de faire en sorte que la figure du chef de l’État, quelle que soit la personnalité politique qui l'incarne, ne soit pas indûment abîmée, parce qu’elle contribue au lustre que nous donnons à notre démocratie.

Le Sénat a été très sensible à ce dernier aspect, tout en étant réceptif à la question de la démocratisation de notre droit et à la nécessité de faire en sorte que le chef de l’État n’apparaisse pas, ainsi, comme étant de droit divin, sans pouvoir subir aucune forme d'offense.

Entre le souci, exprimé par l’Assemblée nationale, de faire du chef de l’État presque un citoyen comme un autre et la nécessité de respecter les institutions ainsi que la figure symbolique et solennelle du Président de la République, il fallait trouver la bonne mesure. Le travail effectué en amont de la commission mixte paritaire et par la CMP elle-même a permis d'y parvenir.

On peut sans doute sortir de cette procédure particulière qui consistait, en cas d'offense au chef de l’État, à saisir le procureur de la République par l'intermédiaire du garde des sceaux, étant clairement indiqué que ce dernier n’exerce, en l'espèce, qu’une compétence liée et que le procureur de la République reste libre d'apprécier la recevabilité de la plainte qui lui est ainsi transmise. Il s'agit, certes, d'une procédure qui donne de la solennité, mais c'est aussi une procédure dont nous pouvons nous priver.

Néanmoins, nous ne pouvions pas exposer le chef de l’État à une éventuelle multiplication des injures et des diffamations sans lui donner les moyens de réagir. La solution adoptée me semble déboucher sur un équilibre satisfaisant, puisqu'elle consiste à protéger le Président de la République dans les mêmes conditions que toute personne représentant l'autorité publique ou exerçant un mandat public.

Le délit d'offense au chef de l’État est donc abrogé, mais ce dernier pourra néanmoins se défendre. La personne qui aura tenu des propos injurieux ou diffamatoires pourra elle aussi se défendre en soulevant l'exceptio veritatis, pourvu qu’elle fasse la preuve du bien-fondé de ses propos.

En somme, le chef de l’État n’est plus indûment sacralisé sans qu’il se trouve, pour autant, inconsidérément exposé : il pourra, comme tout ministre, tout parlementaire et tout fonctionnaire, réagir en cas d'injure ou de diffamation.

Il me reste deux autres points à aborder qui ont fait débat ; le premier a déjà été introduit dans le texte issu de la commission mixte paritaire et le second sera traité – je l'espère, avec votre approbation – par le biais d'un amendement.

Vous avez accepté de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel intervenue le 14 juin 2013 – avec effet immédiat – qui introduit une voie de recours en cassation dans le cas où un mandat d'arrêt européen ferait l'objet d'une extension au-delà des incriminations visées lors de la première demande.

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité portant précisément sur un mandat d'arrêt européen ayant fait l'objet d'une extension d'incrimination sans voie de recours. Le Conseil constitutionnel a choisi d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne pour savoir si la décision-cadre qui a créé ce mandat européen, compte tenu des délais qu’elle indiquait, interdisait les voies de recours. La Cour de justice de l'Union européenne lui a répondu, le 30 mai 2013, que l'Union européenne n’avait nullement prévu d'interdire une voie de recours : elle demandait simplement que des délais brefs fussent respectés. Or, c'est cette question des délais qui avait été interprétée comme ne permettant pas une voie de recours. Le Conseil constitutionnel a donc décidé qu’une voie de recours pouvait être introduite dans notre droit.

Il est ainsi prévu qu’un pourvoi en cassation pourra avoir lieu dans un délai de quarante jours. Il est heureux que vous ayez choisi d'introduire ce dispositif dans le présent texte, car nous nous trouvons, depuis la décision du Conseil constitutionnel, dans un vide juridique.

Le dernier point concerne un amendement que je vous présenterai tout à l'heure, au nom du Gouvernement. Il tend à introduire dans ce texte de loi une disposition rétablissant le délit de port ou transport d'armes de sixième catégorie. En effet, lors d'une transposition d’instruments juridiques européens – il s'agissait d'introduire un dispositif de contrôle préventif et simplifié des armes modernes –, le 6 mars 2012, ce délit a été malencontreusement supprimé.

Cette transposition entrera en vigueur le 6 septembre 2013 et nous ne disposons pas, d'ici là, d'autres véhicules législatifs pour rétablir ce délit qui a tout de même son importance : il donne en effet lieu à 7 000 procédures, à 4 000 condamnations et à 400 décisions d'emprisonnement par an, et concerne l'ordre public.

Le Gouvernement vous demande donc de consentir à réintroduire ce délit de port ou transport d'armes de sixième catégorie dans le présent texte, ce qui serait pertinent à un double titre. En effet, cette erreur a été commise à l'occasion de la transposition d'une décision-cadre de l'Union européenne dans notre droit pénal, et ce délit, lié aux différents objets de cette transposition, concerne notamment les armes blanches, qui sont utilisées à l'occasion de viols, d'agressions sexuelles et de violences faites aux femmes. Or nous transposons dans ce texte des dispositions concernant précisément la lutte contre les violences faites aux femmes.

Il me reste à citer, enfin, quelques dispositions qui contribuent à améliorer la capacité des associations à ester en justice, à se constituer parties civiles et, en définitive, à défendre les intérêts des victimes de graves crimes et délits. Les dispositions en faveur des victimes alimentent tout l'arsenal que nous modernisons, consolidons et diversifions selon les différents délits et crimes concernés.

Il s'agit au total d'un texte de très grande qualité, et c'est avec un très grand bonheur – à la fois juridique, intellectuel et, pour tout dire, politique – que j'ai travaillé, au nom du Gouvernement, avec les deux chambres du Parlement. C'est donc avec un immense plaisir que je vous verrai adopter, j’espère à l'unanimité, ce texte de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses viennent d'être dites, et avec beaucoup de talent. Les thèmes abordés par ce projet de loi, qu'il s'agisse de criminalité organisée, de lutte contre les violences faites aux femmes, contre les violences domestiques ou contre les abus sexuels, ont en commun leur dimension internationale. Je me félicite ainsi que des discussions aux niveaux européen et international aient pu aboutir aux dispositions que nous avons adoptées voilà quelques semaines.

Le renforcement d'Eurojust et de la coopération judiciaire entre les pays de l'Union européenne permettra, me semble-t-il, d'apporter une réponse plus forte et plus efficace à ces activités que je qualifierai – et c'est un euphémisme – de particulièrement graves.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions de ce projet de loi – nous avons eu le temps d'en discuter –, mais j’en évoquerai certaines qui me semblent particulièrement importantes.

L'article 1er a précisément pour objet de transposer une directive européenne de 2011 qui concerne la traite des êtres humains. Sur une infraction aussi grave, j’estime que notre arsenal législatif se doit d'être irréprochablement complet pour nous permettre de poursuivre et de condamner efficacement ces pratiques attentatoires aux droits les plus fondamentaux. Notre groupe avait d'ailleurs souligné la nécessité de dégager une définition qui assure la meilleure protection possible des victimes.

Dans ce texte, nous retrouvons certaines recommandations faites par la Commission nationale consultative des droits de l'homme dans son rapport de 2009. Il est très positif que notre travail législatif puisse s'appuyer sur de telles expertises.

Ce rapport fait d'autres recommandations qui restent à étudier et à transformer, pour beaucoup d'entre elles, en dispositions législatives.

Le travail visant à éradiquer la traite des êtres humains n'est donc malheureusement pas terminé, mais le projet de loi apporte cependant des améliorations indiscutables par des références nouvelles au prélèvement d'organe, à l'esclavage et au travail forcé qui viennent compléter et préciser la définition actuelle.

Nous approuvons bien entendu cette extension qui couvre les faits commis à des fins d'exploitation, que celle-ci soit liée au proxénétisme, aux agressions et atteintes sexuelles, à l'exploitation de la mendicité, à des conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaine, à la soumission à un travail forcé, à la servitude, à l'esclavagisme ou encore au prélèvement illicite d'organes.

L'introduction de ces nouveaux éléments, venant parachever la liste des objectifs poursuivis par le traitant, contribuera à rendre plus efficace la lutte contre ce fléau.

Le travail forcé est un problème global qui concerne presque tous les pays du monde. De nos jours, on estime à 12 millions au moins le nombre de personnes en situation de travail forcé, situées la plupart dans des pays souffrant d'un développement économique insuffisant.

Le Bureau international du travail évalue quant à lui à 350 000 le nombre d'hommes et de femmes en situation de travail forcé dans les pays industrialisés, victimes de traite à des fins d'exploitation économique ou sexuelle.

La transposition en droit français de la convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique se faisait aussi particulièrement attendre. Alors que l'on estime à plus de 60 000 le nombre de femmes victimes de mutilations génitales en France, il est effectivement nécessaire de réaffirmer l'engagement de la France dans la lutte contre cette barbarie.

Pour autant, n'oublions pas que cette convention couvre extensivement la nécessité de réelles politiques de prévention contre ce genre de mutilation. Il appartient au Gouvernement de les mettre en œuvre afin d'honorer la tradition française de défense des droits de l'homme.

La Belgique et les Pays-Bas nous ont montré l'exemple, si je puis dire, en mettant en place des politiques publiques ambitieuses alliant prévention, protection, poursuites et suivi des victimes. Nous pourrons très certainement travailler encore sur ce sujet lors du débat qui nous réunira en septembre sur le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Pour conclure, j’aimerais saluer l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État, une infraction que la Cour européenne des droits de l’homme a qualifiée d’ingérence des autorités publiques dans le droit à la liberté d’expression. L’existence d’une telle infraction, à mille lieues d’une conception républicaine de la fonction présidentielle et expression paroxystique des héritages bonapartistes et absolutistes de la Ve République, mettait en danger la liberté de la presse et d’expression en France. Je salue donc à mon tour son abrogation comme une véritable victoire républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au terme d’une procédure législative exemplaire qui illustre une parfaite coopération entre les deux chambres, le présent projet de loi va enfin permettre à la France de se mettre en conformité avec plusieurs des engagements internationaux auxquels elle a souscrit ainsi qu’avec des décisions de juridictions internationales.

Naturellement, notre pays, conformément à sa tradition moniste, se doit de rendre sa législation compatible avec le droit européen dans les meilleurs délais, a fortiori eu égard à la valeur constitutionnelle du droit communautaire, sous les réserves qui ont été fixées par le Conseil constitutionnel. Il y va de même s’agissant d’une matière aussi spéciale que le droit pénal, qui touche au domaine sensible formé par les droits fondamentaux de la personne. Notre groupe, fier de sa dénomination européenne, ne peut donc que souscrire à toutes les avancées qui visent à conforter la construction d’un parquet européen et l’avènement d’un espace commun de droits et de libertés qui participent à la construction politique de l’Union.

Comme l’a précisé notre rapporteur, le Sénat avait adopté la grande majorité des articles votés par l’Assemblée nationale, seuls quatre points, d’importance inégale, demeurant en discussion et sur lesquels la CMP a su trouver un accord constructif.

S’agissant du droit à la traduction des pièces de procédure et des pouvoirs du membre national d’Eurojust, nous souscrivons pleinement aux solutions dégagées par les deux rapporteurs de la CMP, solutions empreintes de prudence et de réalisme.

Une autre avancée majeure concerne la question des faits d’esclavage et de servitude, dont nous avions souligné en première lecture l’impérieuse nécessité de combler le vide juridique né des arrêts Siliadin c/ France et C. N. et V. c/ France de la Cour européenne des droits de l’homme de 2005 et de 2012, qui relevaient le caractère inopérant de notre droit en la matière au regard de l’article 4 de la Convention.

Sur cette question très sensible, car elle touche aux fondements de la dignité de la personne humaine, il n’était évidemment pas acceptable que notre législation reste en retrait. Nous nous réjouissons par conséquent que la CMP ait choisi de reprendre la définition des incriminations de réduction en esclavage et en servitude, telles qu’elles figurent dans nos engagements internationaux : la réduction en esclavage se caractérise ainsi comme l’exercice d’un attribut du droit de propriété sur une autre personne tandis que la réduction en servitude se rapporte à une forme aggravée de travail forcé, car habituelle et fondée sur l’exploitation de la vulnérabilité des personnes.

Parallèlement, nous disposerons tout autant d’un arsenal répressif conforme aux visées des juges de Strasbourg en matière d’incriminations visant le travail dans des conditions indignes et le travail forcé. Les débats de première lecture avaient mis en lumière la nécessité d’approfondir le travail de réflexion, en liaison avec les praticiens et les associations dédiées. À la lecture du texte tel qu’il est aujourd’hui rédigé, nous estimons que l’objectif est atteint.

J’ajouterai un mot encore sur la question du délit d’offense au Président de la République, dont traite l’article 17 bis, et qui a cristallisé un certain nombre de débats.

En première lecture, notre groupe avait rappelé qu’il avait toujours affiché son scepticisme face au présidentialisme des institutions de la Ve République et qu’il refusait tout ce qui pourrait s’apparenter à une survivance du crime de lèse-majesté de l’Ancien Régime. La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 14 mars dernier pour violation de la liberté d’expression a confirmé que cette disposition n’avait plus sa place dans un État de droit moderne, du moins en l’état. Néanmoins, comme l’avait exposé M. le rapporteur, l’abrogation pure et simple de ce délit donnerait paradoxalement au chef de l’État un statut moins protecteur qu’aux membres du gouvernement.

La solution intermédiaire dégagée en CMP nous paraît bien équilibrée et conforme aux principes auxquels nous sommes attachés : l’incrimination d’offense au chef de l’État est supprimée en tant que telle ; les injures et diffamations envers le Président de la République pourront désormais être poursuivies selon les mêmes voies que lorsqu’elles concernent les ministres. Il appartiendra in fine au parquet d’engager l’action publique à la demande de l’intéressé, mais en application du principe d’opportunité des poursuites, et de lui seul.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la CMP a fait œuvre très utile et nous ne pouvons que nous féliciter aujourd’hui des progrès qu’apportera ce texte à notre justice. Le groupe du RDSE, unanime, le votera !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite avant toute chose saluer le travail mené par les deux rapporteurs, Mme Marietta Karamanli pour l’Assemblée nationale et M. Alain Richard pour le Sénat, sur l’inscription dans notre droit pénal de l’esclavage et de la servitude. Ils ont en effet, de manière inédite, créé un groupe de travail, auquel j’ai eu l’honneur de participer, qui a auditionné une dizaine de magistrats, d’universitaires et de représentants d’associations spécialisées dans la lutte contre l’esclavage.

Sur le fond du texte qui nous est proposé, je me concentrerai sur deux points qui me semblent capitaux.

Le premier, c’est la grande avancée que constitue l’incrimination, dans le droit pénal français, de l’esclavage et de la servitude.

Si le code pénal punit la plupart des manifestations de l’esclavage moderne, ses dispositions ne l’incriminent pas spécifiquement. De fait, dans deux arrêts, Siliadin c/ France et C. N. et V. c/ France, la Cour européenne des droits de l’homme a relevé les lacunes du droit français en la matière.

Je crois utile pour éclairer notre débat de rappeler l’histoire qui se cache derrière le premier de ces deux arrêts. Henriette Siliadin est une adolescente togolaise arrivée en France en 1994 qui va se retrouver « prêtée » aux voisins de la femme qui l’a fait venir dans notre pays avec une promesse de scolarisation, alors qu’elle était âgée de quinze ans. Elle sera maintenue en servitude dans cette famille parisienne, vouée aux tâches ménagères dans des conditions indignes, environ quinze heures par jour, sans recevoir de rémunération, son passeport ayant en outre été confisqué par ses « employeurs » – si l’on peut les appeler ainsi. Libérée grâce à l’aide du Comité contre l’esclavage moderne, elle porte plainte. En 2003, la cour d’appel de Versailles estimait que si les « employeurs » étaient coupables d’avoir fait travailler Mlle Siliadin, personne dépendante et vulnérable, sans la rémunérer, ses conditions de travail et d’hébergement n’étaient, par contre, pas incompatibles avec la dignité humaine.

C’est bien ce vide juridique qu’il importait de combler. Le travail concerté de nos deux assemblées, qui a abouti à quatre propositions de rédaction commune sur l’esclavage et la servitude, avait précisément cet objectif. La première proposition crée le crime de réduction en esclavage ; la deuxième crée le délit de réduction en servitude et les deux dernières en tirent les conséquences sur la constitution de partie civile des associations et l’indemnisation des victimes.

Le second point, qu’il restait à régler entre nos deux assemblées, c’est celui relatif au délit d’offense au chef de l’État.

Comme Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur l’ont fort bien expliqué, les députés, sur l’initiative de leur commission des lois, avaient inséré dans le projet de loi un nouvel article, l’article 17 bisvisant à tirer les conséquences telles qu’ils les concevaient de l’arrêt Eon du 14 mars 2013. Notre commission a, quant à elle, développé une analyse différente. Nous avons en effet décidé de supprimer cet article 17 bis, considérant qu’il n’était pas opportun de supprimer purement et simplement le délit d’offense au chef de l’État sans repenser l’ensemble du statut juridictionnel de ce dernier.

Le texte de la CMP est un bel exemple de compromis, puisqu’il rétablit l’article litigieux tout en alignant désormais la diffamation ou l’injure visant le chef de l’État sur le régime de celles visant un ministre ou un parlementaire. Les infractions seront désormais punies des mêmes peines, et notre Président de la République, pour citer notre ministre, ne sera plus « de droit divin ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’avais eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, le projet de loi témoigne d’une véritable volonté d’aller vers toujours plus d’effectivité des droits, ce dont nous nous réjouissons. Le groupe écologiste le votera donc sans réserve, d’autant plus résolument qu’il s’agit d’une belle occasion de montrer au plus grand nombre que l’Europe et la construction de son droit commun peuvent aussi contribuer à renforcer les droits fondamentaux de tous les citoyens européens et de ceux des pays tiers.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe UMP votera sans hésitation les conclusions de la commission mixte paritaire. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de l’excellent travail qui a été le sien, comme d’habitude. L’intelligence, la modération et la compétence juridique dont il a su faire preuve ont permis que le texte soit parfaitement adapté à notre époque.

En effet, le grand danger, lorsque nous manions des concepts tels que ceux qui sont visés par le projet de loi, c’est l’anachronisme. Il convient d’actualiser les termes : nous ne sommes plus à l’époque romaine ou coloniale. Les notions d’atteinte à la dignité ou d’exploitation de la personne humaine doivent donc être définies aujourd’hui. Pour ce faire, nous pouvons bien entendu nous appuyer sur les textes européens que nous avons l’obligation de transposer dans notre droit.

J’en profite, madame la garde des sceaux, pour indiquer que le travail de transposition n’est pas toujours excellent. Voilà quelques semaines, nous avons transposé en droit français la directive facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière au détour d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle idée !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ces dispositions n’avaient évidemment rien à voir avec l’environnement. Résultat, un seul article du code de la route a été l’objet de cette transposition à la va-vite, et je puis vous assurer qu’il ne sera pas applicable en l’état.

Pour prendre un autre exemple de transposition, cette fois-ci très en retard, la directive Services adoptée en 2006, qui aurait dû être transposée avant 2009, ne l’est toujours pas en 2013. Ce n’est pas normal !

En l’occurrence, les dispositions que nous adaptons ne sont pas trop anciennes et elles sont de nature diverse : Conseil de l’Europe avec la CEDH, Union européenne, traité, jurisprudence. Elles sont intégrées en bloc, ce qui est parfait, et nous nous en félicitons. Je ne dirai donc rien de plus, sinon qu’il ne nous reste plus qu’à voter le texte !

Je dirai néanmoins quelques mots à propos de l’offense au chef de l’État. Là aussi, évitons les anachronismes ! La loi sur la liberté de la presse est une loi républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Lorsqu’elle évoque le chef de l’État, c’est donc bien un Président de la République qu’elle vise et non un roi ou un empereur. Nous étions bel et bien dans la tradition républicaine.

Cela étant, je reconnais, comme d’autres, que les temps ont changé, y compris sous la Ve République. Reste que, là aussi, évitons les anachronismes, aussi petits soient-ils. Je ne dirai donc rien de plus non plus ; je me contenterai de vous renvoyer à ce que disait le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre sur le sujet.

Applaudissements sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Chapitre IER

Dispositions portant transposition de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 225-4-1 est ainsi rédigé :

« Art. 225-4-1. – I. – La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes :

« 1° Soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;

« 2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° bis Soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;

« 3° Soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.

« L’exploitation mentionnée au premier alinéa est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit.

« La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.

« II. – La traite des êtres humains à l’égard d’un mineur est constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 3° du I.

« Elle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 € d’amende.

« III. –

Supprimé

2° L’article 225-4-2 est ainsi rédigé :

« Art. 225-4-2 . – I. – L’infraction prévue au I de l’article 225-4-1 du présent code est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 € d’amende lorsqu’elle est commise dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 3° du même article 225-4-1 ou avec l’une des circonstances supplémentaires suivantes :

« 1° À l’égard de plusieurs personnes ;

« 2° À l’égard d’une personne qui se trouvait hors du territoire de la République ou lors de son arrivée sur le territoire de la République ;

« 3° Lorsque la personne a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique ;

« 4° Dans des circonstances qui exposent directement la personne à l’égard de laquelle l’infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 5° Avec l’emploi de violences qui ont causé à la victime une incapacité totale de travail de plus de huit jours ;

« 6° Par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l’ordre public ;

« 7° Lorsque l’infraction a placé la victime dans une situation matérielle ou psychologique grave.

« II. – L’infraction prévue au II de l’article 225-4-1 est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 € d’amende lorsqu’elle a été commise dans l’une des circonstances mentionnées aux 1° à 3° du même article 225-4-1 ou dans l’une des circonstances mentionnées aux 1° à 7° du I du présent article. » ;

3° L’article 225-4-8 est ainsi rétabli :

« Art. 225-4-8 . – Lorsque les infractions prévues aux articles 225-4-1 et 225-4-2 sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. » ;

4° La section 3 du chapitre V du titre II du livre II est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est complété par les mots : «, du travail forcé et de la réduction en servitude » ;

b) Après l’article 225-14, il est inséré deux articles 225-14-1 et 225-14-2 ainsi rédigés :

« Art. 225-14-1 . – Le travail forcé est le fait, par la violence ou la menace, de contraindre une personne à effectuer un travail sans rétribution ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli. Il est puni de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende. » ;

« Art. 225-14-2 . – La réduction en servitude est le fait de faire subir, de manière habituelle, l’infraction prévue à l’article 225-14-1 à une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur. Elle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. » ;

c) L’article 225-15 est ainsi rédigé :

« Art. 225-15 . – I. – Lorsqu’elles sont commises à l’égard de plusieurs personnes :

« 1° Les infractions définies aux articles 225-13 à 225-14 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende ;

« 2° L’infraction définie à l’article 225-14-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende ;

« 3° L’infraction définie à l’article 225-14-2 est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 400 000 € d’amende.

« II. – Lorsqu’elles sont commises à l’égard d’un mineur :

« 1° Les infractions définies aux articles 225-13 et 225-14 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende ;

« 2° L’infraction définie à l’article 225-14-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende ;

« 3° L’infraction définie à l’article 225-14-2 est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 400 000 € d’amende.

« III. – Lorsqu’elles sont commises à l’égard de plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs :

« 1° Les infractions définies aux articles 225-13 et 225-14 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende ;

« 2° L’infraction définie à l’article 225-14-1 est punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 400 000 € d’amende ;

« 3° L’infraction définie à l’article 225-14-2 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 500 000 € d’amende. »

d) À l’article 225-15-1, la référence : « et 225-14 » est remplacé par la référence : « à 225-14-2 » ;

5° À la fin du 5° de l’article 225-19, les mots : « l’infraction prévue à l’article 225-14 » sont remplacés par les mots : « les infractions prévues aux articles 225-13 à 225-14-2 ».

[Pour coordination]

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A Après l’article 2-21, il est inséré un article 2-22 ainsi rédigé :

« Art. 2-22 . – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la lutte contre la traite des êtres humains et l’esclavage peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les infractions de traite des êtres humains, de réduction en esclavage, d’exploitation d’une personne réduite en esclavage, de travail forcé et de réduction en servitude réprimées par les articles 224‑1 à 224‑1‑2, 225-4-1 à 225-4-9, 225-14-1 et 225-14-2 du code pénal. Toutefois, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime. Si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, l’accord doit être donné par son représentant légal. » ;

1° B §(nouveau) Au troisième alinéa du 2° de l’article 706-3, après la référence : « 222-30, », sont insérées les références : « 224-1 à 224-1-2 » et après la référence : « 225-4-5, » sont insérées les références : «, 225-14-1 et 225-14-2 ».

1° Au premier alinéa de l’article 706-47, après le mot : « sexuelles », sont insérés les mots : «, de traite des êtres humains à l’égard d’un mineur » et, après la référence : « 222-31, », sont insérées les références : « 225-4-1 à 225-4-4, » ;

2° Au début de l’article 706-53, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À tous les stades de la procédure, le mineur victime d’un crime ou d’un délit peut, à sa demande, être accompagné par son représentant légal et, le cas échéant, par la personne majeure de son choix, sauf s’il a été fait application de l’article 706-50 ou sauf décision contraire motivée prise par l’autorité judiciaire compétente. »

Chapitre IER bis

Dispositions relatives à la réduction en esclavage et à l’exploitation de personnes réduites en esclavage

I. – La section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code pénal devient la section 1 bis.

II. – La section 1 du même chapitre IV est ainsi rétablie :

« Section 1

« De la réduction en esclavage et de l’exploitation de personnes réduites en esclavage

« Art. 224-1 . – La réduction en esclavage est le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété.

« La réduction en esclavage d’une personne est punie de vingt années de réclusion criminelle.

« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par le présent article.

« Art. 224-1-1 . – L’exploitation d’une personne réduite en esclavage est le fait de commettre à l’encontre d’une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l’auteur une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé.

« L’exploitation d’une personne réduite en esclavage est punie de vingt années de réclusion criminelle.

« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par le présent article.

« Art. 224-1-2 . – Les crimes de réduction en esclavage défini à l’article 224-1, et d’exploitation d’une personne réduite en esclavage défini à l’article 224-1-1 sont punis de trente années de réclusion criminelle lorsqu’ils sont commis :

« 1° À l’égard d’un mineur ;

« 2° À l’égard d’une personne dont la vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de l’auteur ;

« 3° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne qui a autorité sur la victime ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 4° Par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre l’esclavage ou au maintien de l’ordre public ;

« 5° Lorsque le crime est précédé ou accompagné de tortures ou d’actes de barbarie.

« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article. »

III. – Au 4° du I de l’article 224-9 du même code, la référence : « à la section 1 » est remplacée par les références : « aux sections 1 et 1 bis ».

IV. – À l’article 224-10 du même code, la référence : « la section 1 » est remplacée par les références : « les sections 1 et 1 bis ».

Chapitre II

Dispositions portant transposition de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales

I. – Le III de l’article préliminaire du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si cette personne ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu’elle comprend et jusqu’au terme de la procédure, à l’assistance d’un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l’exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « cette personne » sont remplacés par les mots : « la personne suspectée ou poursuivie ».

II. – Après l’article 803-4 du même code, il est inséré un article 803-5 ainsi rédigé :

« Art. 803-5 . – Pour l’application du droit d’une personne suspectée ou poursuivie, prévu par le III de l’article préliminaire, à un interprète ou à une traduction, il est fait application des dispositions du présent article.

« S’il existe un doute sur la capacité de la personne suspectée ou poursuivie à comprendre la langue française, l’autorité qui procède à son audition ou devant laquelle cette personne comparait vérifie que la personne parle et comprend cette langue.

« À titre exceptionnel, il peut être effectué une traduction orale ou un résumé oral des pièces essentielles qui doivent lui être remises ou notifiées en application du présent code. »

Chapitre III

Dispositions portant transposition de la directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil

Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre II est complétée par un article 222-22-2 ainsi rédigé :

« Art. 222-22-2 . – Constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers.

« Ces faits sont punis des peines prévues aux articles 222-23 à 222-30 selon la nature de l’atteinte subie et selon les circonstances mentionnées à ces mêmes articles.

« La tentative du délit prévu au présent article est punie des mêmes peines. » ;

2° L’article 222-29 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « imposées », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « à une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur. » ;

b) Les 1° et 2° sont abrogés ;

3° Après l’article 222-29, il est inséré un article 222-29-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-29-1 . – Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende lorsqu’elles sont imposées à un mineur de quinze ans. » ;

4° L’article 225-11-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même dans le cas où l’un des crimes mentionnés aux articles 225-7-1, 225-8 ou 225-9 a été commis sur un mineur hors du territoire de la République par un étranger résidant habituellement sur le territoire français. » ;

5° L’article 227-22 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « lorsque le mineur est âgé de moins de quinze ans ou » sont supprimés ;

b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou d’assister en connaissance de cause à de telles réunions » ;

c) Le dernier alinéa est complété par les mots : « ou à l’encontre d’un mineur de quinze ans » ;

6° L’article 227-23 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation. » ;

b) Le quatrième alinéa est supprimé ;

c) Au cinquième alinéa, après le mot : « habituellement », sont insérés les mots : « ou en contrepartie d’un paiement » et, après les mots : « disposition une telle image ou représentation », sont insérés les mots : «, d’acquérir » ;

d) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. » ;

7° Au premier alinéa de l’article 227-27, les mots : « et non émancipé par le mariage » sont supprimés et les mots : « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € » ;

8° L’article 227-27-2 est ainsi rétabli :

« Art. 227-27-2 . – La tentative des délits prévus aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 est punie des mêmes peines. »

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1°A À la première phrase de l’article 2-3, les mots : «, y compris incestueuses, » sont supprimés ;

1° Le second alinéa de l’article 356 est supprimé ;

2° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 706-50 est supprimée.

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 222-31-2, les mots : « incestueux » et « incestueuse » sont supprimés ;

2° Au premier alinéa de l’article 227-27-3, le mot : « incestueuse » est supprimé.

Chapitre IV

Dispositions portant transposition de la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès

Le chapitre IV du titre X du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 695-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne arrêtée est recherchée aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté et que, ayant été condamnée en son absence, elle demande que lui soit communiquée la décision de condamnation, le ministère public, dès qu’il est informé de cette demande, transmet une copie de la décision à l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution pour qu’elle la remette à l’intéressé. » ;

2° Après l’article 695-22, il est inséré un article 695-22-1 ainsi rédigé :

« Art. 695-22-1 . – Lorsque le mandat d’arrêt européen est émis aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté, son exécution est également refusée dans le cas où l’intéressé n’a pas comparu en personne lors du procès à l’issue duquel la peine ou la mesure de sûreté a été prononcée sauf si, selon les indications portées par l’État membre d’émission dans le mandat d’arrêt européen, il se trouve dans l’un des cas suivants :

« 1° Il a été informé dans les formes légales et effectivement, de manière non équivoque, en temps utile, par voie de citation ou par tout autre moyen, de la date et du lieu fixés pour le procès et de la possibilité qu’une décision puisse être rendue à son encontre en cas de non-comparution ;

« 2° Ayant eu connaissance de la date et du lieu du procès, il a été défendu pendant celui-ci par un conseil, désigné soit par lui-même, soit à la demande de l’autorité publique, auquel il avait donné mandat à cet effet ;

« 3° Ayant reçu signification de la décision et ayant été expressément informé de son droit d’exercer à l’encontre de celle-ci un recours permettant d’obtenir un nouvel examen de l’affaire au fond, en sa présence, par une juridiction ayant le pouvoir de prendre une décision annulant la décision initiale ou se substituant à celle-ci, il a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision initiale ou n’a pas exercé dans le délai imparti le recours qui lui était ouvert ;

« 4° La décision dont il n’a pas reçu signification doit lui être signifiée dès sa remise lors de laquelle il est en outre informé de la possibilité d’exercer le recours prévu au 3° ainsi que du délai imparti pour l’exercer. » ;

3° L’article 695-27 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le mandat d’arrêt européen a été émis aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté et que la personne se trouve dans le cas prévu au 4° de l’article 695-22-1 et n’a pas été informée dans les formes légales de l’existence des poursuites pénales ayant abouti à la décision de condamnation, elle peut demander à recevoir copie de celle-ci avant la remise. Le procureur général informe de cette demande l’autorité compétente de l’État membre d’émission. Dès que cette autorité lui a adressé copie de la décision, le procureur général la communique à l’intéressé. Cette communication est faite pour information. Elle ne vaut pas signification de la décision et ne fait courir aucun délai de recours. »

Chapitre V

Dispositions relatives à l’application de la décision 2009/426/JAI du Conseil, du 16 décembre 2008, sur le renforcement d’Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité

La section 4 du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° À l’intitulé, les mots : « représentant national auprès » sont remplacés par les mots : « membre national » ;

2° Au premier alinéa de l’article 695-8, le mot : « représentant » est remplacé par le mot : « membre » et le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;

3° Après l’article 695-8, sont insérés des articles 695-8-1 à 695-8-5 ainsi rédigés :

« Art. 695-8-1 . – Pour les nécessités liées à l’accomplissement de sa mission, le membre national de l’unité Eurojust a accès, dans les mêmes conditions que les magistrats du ministère public, aux données contenues dans tout traitement automatisé de données à caractère personnel.

« Art. 695-8-2 . – I. – Le membre national est informé par le procureur général, le procureur de la République ou le juge d’instruction des investigations ou procédures en cours ainsi que des condamnations relatives à des affaires susceptibles d’entrer dans le champ de compétence d’Eurojust, lorsqu’elles ont donné lieu ou sont de nature à donner lieu à la transmission à au moins deux États membres de demandes ou de décisions en matière de coopération judiciaire en application, notamment, d’instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle et lorsque l’une des conditions suivantes est remplie :

« a) Ces investigations, procédures ou condamnations portent sur une infraction punissable, dans l’un au moins des États membres concernés, d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté égale ou supérieure à cinq ans et qui entre dans l’une des catégories suivantes :

« – traite des êtres humains ;

« – exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie ;

« – trafic de drogue ;

« – trafic d’armes à feu, de leurs éléments et munitions ;

« – corruption ;

« – fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ;

« – contrefaçon de l’euro ;

« – blanchiment de capitaux ;

« – attaques visant les systèmes d’information ;

« b) Les éléments du dossier font apparaître l’implication d’une organisation criminelle ;

« c) Les éléments du dossier font apparaître que, par leur ampleur ou leur incidence transfrontalière, les faits sont susceptibles d’affecter gravement l’Union européenne ou de concerner des États membres autres que ceux directement impliqués.

« Le membre national est, en outre, informé par le procureur général, le procureur de la République ou le juge d’instruction des investigations, des procédures et des condamnations relatives aux infractions terroristes qui intéressent, ou sont susceptibles d’intéresser, au moins un autre État membre.

« II. – Le membre national est également informé par le procureur général, le procureur de la République ou le juge d’instruction :

« 1° De la mise en place des équipes communes d’enquête et des résultats de leurs travaux ;

« 2° De la mise en œuvre d’une mesure de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’une ou plusieurs infractions ou servant à les commettre, lorsque la mesure concerne au moins trois États dont au moins deux États membres ;

« 3° Des conflits de compétences avec un autre État membre et des difficultés ou refus récurrents d’exécution de demandes présentées ou de décisions prises en matière de coopération judiciaire en application, notamment, d’instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle.

« III. – Le procureur général, le procureur de la République ou le juge d’instruction n’est pas tenu de communiquer à l’unité Eurojust les informations mentionnées aux I et II lorsque cette communication serait de nature à porter atteinte à la sécurité de la Nation ou à compromettre la sécurité d’une personne.

« Art. 695-8-3. – Le membre national est compétent pour recevoir et transmettre au procureur général compétent des informations relatives aux enquêtes de l’Office européen de lutte antifraude dont il est destinataire.

« Art. 695-8-4 . – En qualité d’autorité nationale compétente, le membre national peut recevoir et transmettre, selon le cas, aux autorités compétentes des autres États membres ou aux autorités judiciaires françaises toutes demandes présentées ou toutes décisions prises par les unes ou les autres en matière de coopération judiciaire en application, notamment, d’instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle. Il peut assurer le suivi de ces demandes et décisions et en faciliter l’exécution. Lorsqu’il fait usage de ces prérogatives, le membre national en avise dans les plus brefs délais l’autorité judiciaire compétente.

« Lorsqu’une demande ou une décision en matière de coopération judiciaire a fait l’objet, de la part des autorités judiciaires françaises, d’une exécution partielle ou insuffisante, le membre national peut demander à ces autorités l’accomplissement des mesures complémentaires qui lui paraissent nécessaires.

« Art. 695-8-5 . – I. – Le membre national peut, en qualité d’autorité nationale, à la demande ou avec l’autorisation de l’autorité judiciaire compétente, présenter des demandes ou prendre des décisions en matière de coopération judiciaire en application, notamment, d’instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle.

« La demande ou l’autorisation de l’autorité judiciaire compétente prévue au premier alinéa est écrite et ne peut porter que sur un ou plusieurs actes déterminés. Dès l’exécution de l’acte mentionné dans la demande ou l’autorisation, le membre national en informe cette autorité et lui adresse les pièces d’exécution, en original ou en copie selon la décision de celle-ci.

« À tout moment, l’exécution de l’acte peut être interrompue par l’autorité judiciaire l’ayant demandé ou autorisé.

« II. – Le membre national peut proposer au procureur général ou au procureur de la République de procéder aux actes suivants ou de requérir qu’il y soit procédé :

« 1° Actes nécessaires à l’exécution des demandes présentées ou des décisions prises en matière de coopération judiciaire par un autre État membre en application, notamment, d’instruments fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle ;

« 2° Actes d’investigation qui ont été considérés, à l’issue d’une réunion de coordination organisée par l’unité Eurojust, comme nécessaires pour l’efficacité d’investigations conduites sur le territoire de plusieurs États membres ;

« 3° Opérations de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’une ou plusieurs infractions ou servant à les commettre.

« Le représentant du ministère public fait connaître dans les meilleurs délais au membre national la suite qu’il entend donner à sa proposition. » ;

4° L’article 695-9 est ainsi rédigé :

« Art. 695-9 . – Avec l’accord de l’autorité judiciaire compétente, le membre national peut participer, en tant que représentant d’Eurojust, à la mise en place et au fonctionnement des équipes communes d’enquête. Il est invité à y participer lorsque l’équipe commune d’enquête bénéficie d’un financement de l’Union européenne. »

Chapitre VI

Dispositions portant transposition de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne

Le titre II du livre V du code de procédure pénale est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« De l’exécution des décisions de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté en application de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 728-10. – Le présent chapitre détermine les règles applicables, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, à la reconnaissance et à l’exécution, dans un État membre de l’Union européenne, des condamnations pénales définitives à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté prononcées par les juridictions françaises ainsi qu’à la reconnaissance et à l’exécution en France de telles condamnations prononcées par les juridictions d’un autre État membre.

« L’État sur le territoire duquel a été prononcée la décision est appelé État de condamnation. L’État auquel est demandée l’exécution de cette décision sur son territoire est appelé État d’exécution.

« Art. 728-11 . – Une décision de condamnation prononcée par une juridiction française ou une juridiction d’un État membre peut être transmise, selon le cas, par l’autorité française compétente aux fins de reconnaissance et d’exécution dans l’État d’exécution ou à cette autorité aux fins de reconnaissance et d’exécution en France si la personne condamnée se trouve sur le territoire français ou celui de l’autre État membre et dans les cas suivants :

« 1° La personne condamnée est un ressortissant de l’État d’exécution et a sa résidence habituelle sur le territoire de cet État ou, lorsque la France est l’État d’exécution, est un ressortissant français et a sa résidence habituelle sur le territoire français ;

« 2° La personne condamnée est un ressortissant de l’État d’exécution ou, lorsque la France est l’État d’exécution, un ressortissant français et fait l’objet, en vertu de la décision de condamnation ou de toute autre décision judiciaire ou administrative, d’une mesure d’éloignement vers le territoire de l’État dont elle est ressortissante, applicable à sa libération ;

« 3° La personne condamnée, quelle que soit sa nationalité, ainsi que l’autorité compétente de l’État d’exécution ou, lorsque la France est État d’exécution, l’autorité compétente française consentent à l’exécution de la décision de la condamnation faisant l’objet de la transmission.

« Dans le cas prévu au 3°, le consentement de la personne condamnée n’est pas requis lorsqu’elle s’est réfugiée sur le territoire de l’État d’exécution ou, lorsque la France est État d’exécution, sur le territoire français ou y est retournée en raison de sa condamnation ou des investigations et des poursuites ayant abouti à celle-ci.

« Dans le cas prévu au 3° et lorsque la France est État d’exécution, l’autorité compétente ne peut consentir à l’exécution de la peine sur le territoire français que lorsque la personne condamnée y réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans.

« Art. 728-12 . – Toute décision de condamnation transmise en application du présent chapitre aux fins de reconnaissance et d’exécution sur le territoire français ou sur celui d’un autre État membre ou toute demande de transit est accompagnée d’un certificat précisant notamment :

« 1° La désignation de l’État de condamnation et de la juridiction ayant rendu la décision de condamnation ;

« 2° L’identité de la personne à l’encontre de laquelle la décision de condamnation a été rendue, l’adresse de son ou ses derniers domiciles connus et l’indication qu’elle se trouve dans l’État de condamnation ou dans l’État d’exécution ;

« 3° La date de la décision de condamnation et celle à laquelle cette décision est devenue définitive ;

« 4° Les motifs de la transmission de la décision de condamnation au regard de l’article 728-11 ;

« 5° La date, le lieu et les circonstances dans lesquels la ou les infractions ont été commises ainsi que la nature, la qualification juridique et une description complète des faits ;

« 6° La nature de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté à exécuter, sa durée totale, la part déjà exécutée et la date prévue de fin d’exécution ;

« 7° L’indication, le cas échéant, du consentement de la personne condamnée à la transmission de la décision de condamnation ;

« 8° Les observations éventuelles de la personne condamnée sur la transmission de la décision de condamnation.

« Le certificat est signé par l’autorité compétente de l’État de condamnation, qui atteste l’exactitude des informations y étant contenues.

« Art. 728-13 . – Le retrait du certificat vaut retrait de la demande de reconnaissance et d’exécution et fait obstacle à la mise à exécution de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté en application du présent chapitre.

« Art. 728-14. – La transmission de la décision de condamnation, de la demande de transit, du certificat et de toutes les pièces relatives à l’exécution de la condamnation ainsi que tout échange relatif à celle-ci s’effectuent directement, selon le cas, avec les autorités compétentes de l’État de condamnation ou celles de l’État d’exécution, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant au destinataire de vérifier l’authenticité des pièces transmises.

« Section 2

« Dispositions relatives à l’exécution, sur le territoire des autres États membres de l’Union européenne, des condamnations prononcées par les juridictions françaises

« Paragraphe 1

« Transmission de la demande par le ministère public

« Art. 728-15 . – Le représentant du ministère public près la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation est compétent pour transmettre à l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne, aux fins qu’elle reconnaisse cette décision et la ramène à exécution, une copie de celle-ci et, après l’avoir établi et signé, le certificat prévu à l’article 728-12.

« Il peut procéder à cette transmission d’office ou à la demande de l’autorité compétente de l’État d’exécution ou de la personne condamnée.

« Il peut décider la transmission lorsque les conditions prévues à l’article 728-11 sont réunies et qu’il a acquis la certitude que l’exécution de la condamnation sur le territoire de l’autre État membre facilitera la réinsertion sociale de l’intéressé.

« Art. 728-16 . – Avant de procéder à la transmission de la décision de condamnation et du certificat, le représentant du ministère public peut consulter l’autorité compétente de l’État d’exécution afin de déterminer, notamment, si l’exécution de la condamnation sur le territoire de celui-ci est de nature à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée. Une telle consultation est obligatoire dans les cas autres que ceux visés aux 1° et 2° de l’article 728-11.

« Art. 728-17 . – Lorsque la personne condamnée se trouve sur le territoire français, le représentant du ministère public procède ou fait procéder à son audition aux fins de recueillir ses observations orales ou écrites sur la transmission envisagée. Il recueille son consentement lorsque celui-ci est requis en application du 3° de l’article 728-11. Si la personne condamnée est mineure ou si elle fait l’objet d’une mesure de protection, il procède ou fait procéder, en outre, à l’audition de la personne chargée de la représenter ou de l’assister. Il est dressé procès-verbal des auditions. Le cas échéant, la personne chargée d’assister ou de représenter le mineur ou la personne faisant l’objet d’une mesure de protection peut faire part de ses observations orales ou écrites, qui sont jointes au dossier.

« Lorsque la personne condamnée ou la personne chargée de la représenter ou de l’assister en raison de sa minorité ou d’une mesure de protection se trouve sur le territoire de l’État d’exécution, le ministère public demande à l’autorité compétente de cet État de procéder aux auditions prévues au premier alinéa.

« Art. 728-18 . – Si le représentant du ministère public décide de transmettre la décision de condamnation et le certificat à l’autorité compétente de l’État d’exécution, il en informe la personne condamnée dans une langue qu’elle comprend. Il l’informe en outre :

« 1° Que, en cas d’exécution de la condamnation sur le territoire de cet État, l’exécution de la peine sera régie par sa législation qui déterminera ainsi, notamment, les conditions d’une libération anticipée ou conditionnelle ;

« 2° Que la période de privation de liberté déjà subie au titre de la condamnation sera déduite de la peine restant à exécuter ;

« 3° Que l’autorité compétente de l’État d’exécution peut décider d’adapter la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée si, par sa durée ou sa nature, elle est incompatible avec la législation de cet État ;

« 4° Que l’adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté par l’État d’exécution ne peut avoir pour effet de l’aggraver.

« Il est dressé procès-verbal de la formalité prévue au présent article.

« Si la personne condamnée se trouve sur le territoire de l’État d’exécution, le représentant du ministère public demande à l’autorité compétente de cet État de procéder à cette formalité.

« Art. 728-19 . – Le représentant du ministère public transmet à l’autorité compétente de l’État d’exécution une copie certifiée conforme de la décision de condamnation ainsi que l’original ou une copie du certificat mentionné à l’article 728-12 et, le cas échéant, une copie du procès-verbal d’audition de la personne condamnée et du procès-verbal d’audition de la personne chargée de la représenter ou de l’assister.

« Il transmet, en outre, à cette autorité une traduction du certificat soit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l’État d’exécution, soit dans l’une des langues officielles des institutions de l’Union européenne acceptées par cet État. Sur demande de l’autorité compétente de l’État d’exécution, il fait établir et transmet la traduction, dans les mêmes conditions, de la décision de condamnation ou des parties essentielles de cette décision.

« Sur demande de l’autorité compétente de l’État d’exécution, la copie certifiée conforme de la décision de condamnation et l’original du certificat lui sont adressés dans les meilleurs délais.

« Art. 728-20 . – Lorsque la personne condamnée se trouve sur le territoire de l’État d’exécution, le ministère public peut demander à l’autorité compétente de cet État, lors de la transmission de la décision de condamnation et du certificat, de procéder à l’arrestation provisoire de la personne condamnée ou de prendre toute mesure permettant d’assurer son maintien sur le territoire de cet État dans l’attente de la décision de reconnaissance et d’exécution.

« En cas d’urgence, si le représentant du ministère public n’est pas en mesure d’adresser le certificat à l’autorité compétente de l’État d’exécution, il lui transmet les informations mentionnées aux 1° à 6° de l’article 728-12.

« Art. 728-21 . – Lorsque le représentant du ministère public est consulté par l’autorité compétente de l’État d’exécution sur une reconnaissance partielle de la décision de condamnation, il examine, après avoir envisagé en lien avec cette autorité les modalités possibles d’une telle solution, si un accord peut être trouvé.

« L’exécution partielle de la décision de condamnation ne peut avoir pour conséquence d’accroître la durée de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté.

« S’il approuve les modalités d’exécution partielle envisagées, le représentant du ministère public donne son accord. Dans le cas contraire, il retire le certificat.

« Art. 728-22 . – Tant que l’exécution de la peine n’a pas commencé, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer le certificat. Il indique à l’autorité compétente de l’État d’exécution le motif de ce retrait.

« Le certificat est retiré, notamment, lorsque :

« 1° L’autorité compétente de l’État d’exécution ayant émis, postérieurement à la transmission de la décision de condamnation, un avis motivé selon lequel l’exécution de la condamnation ne contribuerait pas à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, le représentant du ministère public estime cet avis fondé ;

« 2° L’autorité compétente de l’État d’exécution l’ayant informé de l’adaptation qui serait apportée à la peine prononcée, le représentant du ministère estime, au vu de cette information, ne pas devoir maintenir la demande aux fins de reconnaissance et d’exécution ;

« 3° L’autorité compétente de l’État d’exécution ayant communiqué, d’office ou à la demande du représentant du ministère public, les dispositions applicables dans cet État en matière de libération anticipée ou conditionnelle, celui-ci estime, au vu de cette information, ne pas devoir maintenir la demande aux fins de reconnaissance et d’exécution.

« Paragraphe 2

« Transfèrement et transit

« Art. 728-23 . – Dès que l’autorité compétente de l’État d’exécution a fait connaître qu’elle accepte de reconnaître la condamnation et de la mettre à exécution sur son territoire, le représentant du ministère public, si la personne condamnée se trouve sur le territoire français, prend les mesures nécessaires afin qu’elle soit transférée sur le territoire de l’État d’exécution.

« Le transfèrement, dont la date est arrêtée conjointement par le ministre de la justice et l’autorité compétente de l’État d’exécution, a lieu au plus tard trente jours après la décision d’acceptation de l’État d’exécution. S’il est impossible d’y procéder dans ce délai en raison de circonstances imprévues, le transfèrement intervient dès que ces circonstances n’y font plus obstacle, à une nouvelle date arrêtée conjointement et, au plus tard, dans les dix jours de cette date.

« Art. 728-24 . – Le ministre de la justice transmet une demande de transit accompagnée d’une copie du certificat à l’autorité compétente de chaque État membre traversé à l’occasion du transfèrement. À la demande de cette autorité, il fournit une traduction du certificat dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l’État concerné ou dans l’une des langues officielles des institutions de l’Union européenne acceptées par cet État.

« Art. 728-25 . – Si l’État membre auquel le transit est demandé ne peut garantir que la personne condamnée ne sera pas poursuivie ou soumise à une mesure privative ou restrictive de liberté sur son territoire pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire français, le ministre de la justice retire la demande de transit.

« Art. 728-26 . – Aucune demande de transit n’est requise lorsque le transfèrement s’effectue par un moyen de transport aérien sans escale prévue. Toutefois, en cas d’atterrissage fortuit sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne, le ministre de la justice fournit à l’autorité compétente de cet État le certificat mentionné à l’article 728-12 dans un délai de soixante-douze heures.

« Paragraphe 3

« Consentement à l’exercice de poursuites ou à l’exécution d’une condamnation à raison d’une autre infraction

« Art. 728-27 . – Lorsque, avant ou après le transfèrement de la personne condamnée, l’autorité compétente de l’État d’exécution demande au représentant du ministère public qu’il soit consenti à ce que celle-ci puisse être poursuivie, condamnée ou privée de liberté dans l’État d’exécution pour une infraction qu’elle aurait commise avant son transfèrement, autre que celle pour laquelle la demande aux fins de reconnaissance et d’exécution a été présentée, la chambre de l’instruction est saisie de cette demande.

« Lorsque la demande est présentée après le transfèrement, la chambre de l’instruction compétente est celle dans le ressort de laquelle siège la juridiction ayant prononcé la condamnation dont l’exécution a donné lieu au transfèrement.

« La chambre de l’instruction statue sans recours après s’être assurée que la demande comporte les renseignements prévus à l’article 695-13 et avoir, le cas échéant, obtenu des garanties au regard de l’article 695-32, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande.

« Le consentement est donné lorsque les agissements pour lesquels il est demandé constituent l’une des infractions mentionnées à l’article 695-23 et entrent dans le champ d’application de l’article 695-12.

« Paragraphe 4

« Exécution de la peine

« Art. 728-28 . – L’exécution de la peine est régie par le droit de l’État sur le territoire duquel elle est exécutée.

« Art. 728-29 . – Lorsque la condamnation fait l’objet d’une amnistie, d’une grâce, d’une révision ou de toute autre décision ou mesure ayant pour effet de lui retirer, immédiatement ou non, son caractère exécutoire, le représentant du ministère public en informe sans délai l’autorité compétente de l’État d’exécution.

« Art. 728-30 . – Le ministère public recouvre la faculté de faire exécuter la décision de condamnation sur le territoire français dès que l’autorité compétente de l’État d’exécution l’informe de la non-exécution partielle de cette décision en raison de l’évasion de la personne condamnée ou du fait que celle-ci ne peut être trouvée sur le territoire de cet État.

« Section 3

« Dispositions relatives à l’exécution sur le territoire français des condamnations prononcées par les juridictions des autres États membres de l’Union européenne

« Paragraphe 1

« Motifs du refus de reconnaissance et d’exécution

« Art. 728-31 . – La reconnaissance et l’exécution sur le territoire français d’une décision de condamnation prononcée par la juridiction d’un autre État membre ne peuvent être refusées que dans les cas prévus aux articles 728-32 et 728-33.

« La décision de refus est motivée par référence à ces mêmes articles.

« Art. 728-32 . – L’exécution de la décision de condamnation est refusée dans les cas suivants :

« 1° Le certificat n’est pas produit, est incomplet ou ne correspond manifestement pas à la décision de condamnation et n’a pas été complété ou corrigé dans le délai fixé ;

« 2° La personne condamnée ne se trouve ni en France, ni dans l’État de condamnation ;

« 3° Les conditions prévues à l’article 728-11 ne sont pas remplies ;

« 4° La décision de condamnation porte sur des infractions pour lesquelles la personne condamnée a déjà été jugée définitivement par les juridictions françaises ou par celles d’un État autre que l’État de condamnation, à condition que la peine ait été exécutée, soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être mise à exécution selon la loi de l’État de condamnation ;

« 5° La condamnation est fondée sur des faits qui ne constituent pas des infractions selon la loi française ;

« 6° La personne condamnée bénéficie en France d’une immunité faisant obstacle à l’exécution de la condamnation ;

« 7° La personne condamnée n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf dans les cas visés aux 1° à 3° de l’article 695-22-1 ;

« 8° La prescription de la peine est acquise selon la loi française à la date de la réception du certificat ;

« 9° La condamnation a été prononcée à l’encontre d’un mineur de treize ans à la date des faits ;

« 10° La peine prononcée comporte une mesure de soins psychiatriques ou médicaux ou une autre mesure de sûreté privative de liberté qui ne peut être exécutée en application des règles du système juridique ou de santé français ;

« 11°

« Le motif de refus prévu au 5° n’est pas opposable lorsque la décision de condamnation concerne une infraction en matière de taxes et d’impôts, de douane et de change, en raison de ce que le droit français n’impose pas le même type de taxes ou d’impôts ou ne contient pas le même type de réglementation en matière de taxes, d’impôts, de douane et de change que le droit de l’État de condamnation.

« Art. 728-33 . – L’exécution de la décision de condamnation peut être refusée dans les cas suivants :

« 1° La décision de condamnation est fondée sur des infractions commises en totalité, en majeure partie ou pour l’essentiel sur le territoire français ou en un lieu assimilé ;

« 2° La durée de la peine restant à exécuter est inférieure à six mois à la date de réception du certificat ;

« 3° L’État de condamnation a refusé de donner son consentement à ce que la personne condamnée puisse être poursuivie, condamnée ou privée de liberté en France pour une infraction commise avant son transfèrement, autre que celle ayant motivé celui-ci.

« Paragraphe 2

« Réception et instruction par le procureur de la République de la demande aux fins de reconnaissance et d’exécution

« Art. 728-34 . – Le procureur de la République reçoit les demandes tendant à la reconnaissance et à l’exécution sur le territoire français des décisions de condamnation prononcées par les juridictions des autres États membres. Il peut également demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui transmettre une demande tendant à la reconnaissance et à l’exécution sur le territoire français d’une décision de condamnation prononcée par une juridiction de cet État.

« Il peut procéder ou faire procéder à tout complément d’information qu’il estime utile.

« Art. 728-35 . – Le procureur de la République compétent est celui dans le ressort duquel se situe la dernière résidence connue de la personne condamnée, le lieu de détention de celle-ci ou le lieu de l’infraction lorsque les faits ont été commis pour partie sur le territoire français. À défaut, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris est compétent.

« Si le procureur de la République auquel la demande a été adressée par l’État de condamnation aux fins de reconnaissance et d’exécution n’est pas compétent, il la transmet sans délai au procureur de la République compétent. L’autorité compétente de l’État de condamnation est informée de la transmission.

« Art. 728-36 . – Lorsque, avant de transmettre la décision de condamnation et le certificat, l’autorité compétente de l’État de condamnation consulte le procureur de la République, celui-ci l’informe sans délai, dans le cas où, en application du 3° de l’article 728-11, la reconnaissance de la décision est subordonnée au consentement de l’État d’exécution, de sa décision de consentir ou non à la transmission de la décision de condamnation et du certificat.

« Lorsqu’il est consulté par l’autorité compétente de l’État de condamnation avant la transmission de la décision de condamnation et du certificat, le procureur de la République peut indiquer à l’autorité compétente de l’État de condamnation, dans un avis écrit et motivé, si l’exécution en France de la condamnation lui paraît de nature à favoriser la réinsertion sociale de la personne condamnée.

« S’il n’a pas été consulté et que, ayant reçu la décision de condamnation et le certificat, il estime que l’exécution de la condamnation en France n’est pas de nature à favoriser la réinsertion sociale de la personne condamnée, le procureur de la République transmet d’office à l’autorité compétente un avis écrit et motivé en ce sens.

« Art. 728-37. – Lorsque l’autorité compétente de l’État de condamnation lui en fait la demande, le procureur de la République procède à l’audition de la personne condamnée ou de la personne chargée de l’assister ou de la représenter en raison de sa minorité ou d’une mesure de protection, si elle se trouve sur le territoire français, aux fins de recueillir ses observations écrites ou orales. Ces observations sont jointes au dossier. Le cas échéant, il recueille le consentement de la personne condamnée.

« Art. 728-38 . – Lorsqu’il reçoit la demande d’un État membre aux fins de reconnaissance et d’exécution en France d’une décision de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté prononcée par une juridiction de cet État, le procureur de la République s’assure de la transmission, par l’autorité compétente de l’État de condamnation, de la décision de condamnation ou d’une copie certifiée conforme de celle-ci ainsi que du certificat mentionné à l’article 728-12 et de sa traduction en langue française.

« Le procureur de la République peut, s’il juge le contenu du certificat insuffisant pour prendre une décision sur la demande de reconnaissance et d’exécution, demander que la décision de condamnation ou les parties essentielles de celle-ci, désignées par lui en concertation avec l’autorité compétente de l’État de condamnation, fassent l’objet d’une traduction en langue française. Il peut également, s’il apparaît que le certificat est incomplet ou inexact, demander à cette autorité qu’il soit complété ou rectifié.

« Art. 728-39 . – Le procureur de la République peut demander à l’autorité compétente de l’État de condamnation si elle consent à ce que la personne condamnée puisse être poursuivie, condamnée ou privée de liberté en France pour une infraction commise avant son transfèrement. La demande doit comporter les renseignements prévus à l’article 695-13 et être traduite selon les modalités prévues à l’article 695-14.

« Art. 728-40 . – Lorsqu’il envisage d’opposer l’un des motifs de refus prévus aux 1° à 4°, 7°, 10° et 11° de l’article 728-32 ou au 1° de l’article 728-33, le procureur de la République en informe l’autorité compétente de l’État de condamnation afin de lui permettre de fournir, le cas échéant, toutes informations supplémentaires.

« Art. 728-41 . – Sur la demande de l’autorité compétente de l’État de condamnation, le procureur de la République lui donne connaissance des dispositions applicables en matière de libération conditionnelle ou anticipée.

« Paragraphe 3

« Décision sur la reconnaissance et l’exécution et recours

« Art. 728-42 . – Lorsqu’il est en possession des informations nécessaires, le procureur de la République décide, dans un délai maximal de huit jours, s’il y a lieu de reconnaître la décision de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté comme étant exécutoire sur le territoire français.

« Art. 728-43 . – Le procureur de la République reconnaît la décision de condamnation comme étant exécutoire sur le territoire français en l’absence de l’un des motifs de refus prévus aux articles 728-32 et 728-33.

« Dans le cas où, en application du 3° de l’article 728-11, le consentement de l’autorité compétente de l’État d’exécution est requis, le procureur de la République apprécie s’il y a lieu de le donner en considérant, notamment, l’intérêt de sa décision pour la réinsertion sociale de la personne condamnée.

« Dans le cas où le consentement de la personne condamnée est requis en application du même 3°, le procureur de la République constate expressément, dans la décision reconnaissant la décision de condamnation comme exécutoire, qu’il a été donné.

« La décision du procureur de la République refusant de reconnaître la décision de condamnation comme exécutoire sur le territoire français est motivée.

« Art. 728-44. – Si la décision de condamnation peut être reconnue comme étant exécutoire en France, le procureur de la République apprécie s’il y a lieu de procéder à l’adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté prononcée.

« Lorsque la durée de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté prononcée est supérieure à celle qui aurait pu être légalement prononcée par une juridiction française pour les mêmes faits, le procureur de la République propose de la réduire au maximum légal encouru selon la loi française pour l’infraction correspondante. Lorsque la condamnation porte sur plusieurs infractions, il se réfère au maximum légal encouru pour l’infraction correspondante la plus sévèrement sanctionnée.

« Lorsque, par sa nature, la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté est incompatible avec la loi française, le procureur de la République propose de lui substituer la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté encourue selon cette loi à moins que cette substitution n’ait pour conséquence d’aggraver la condamnation.

« Art. 728-45 . – (Supprimé)

« Art. 728-46 . – Lorsque la décision de condamnation est prononcée pour plusieurs infractions et que, pour l’un des motifs prévus aux articles 728-32 ou 728-33, elle ne peut être reconnue et exécutée en tant qu’elle porte sur l’une de ces infractions ou certaines d’entre elles, le procureur de la République consulte l’autorité compétente de l’État de condamnation afin de déterminer si une exécution partielle de la décision, du chef des seules infractions pouvant justifier la reconnaissance et l’exécution, est possible.

« L’exécution partielle ne peut être décidée qu’avec l’accord de l’État de condamnation. Elle ne peut avoir pour effet d’accroître la durée de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté.

« Dans le cas prévu au premier alinéa du présent article, si une seule peine ou mesure de sûreté privative de liberté a été prononcée pour l’ensemble des infractions, la durée de la peine mise à exécution ne peut excéder, dans la limite de la durée de la peine prononcée, ni le maximum légalement applicable, selon la loi de l’État de condamnation, à l’infraction pouvant autoriser l’exécution de la décision en France, ni le maximum légalement applicable, selon la loi française, à l’infraction correspondante. Lorsque plusieurs des infractions ayant fait l’objet de la condamnation peuvent justifier la reconnaissance et l’exécution, l’infraction la plus sévèrement sanctionnée selon la loi de l’État de condamnation est prise en compte pour la détermination de la durée maximale de la peine susceptible d’être mise à exécution.

« Art. 728-47 . – Lorsque le procureur de la République propose d’adapter la peine en application de l’article 728-44, il saisit sans délai le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui aux fins d’homologation de la proposition d’adaptation.

« Il communique au président du tribunal de grande instance ou au juge délégué par lui l’ensemble des pièces de la procédure.

« Art. 728-48 . – Dans les cinq jours de sa saisine, le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui décide, au vu des pièces qui lui ont été communiquées, s’il y a lieu d’homologuer la proposition d’adaptation formulée par le procureur de la République.

« L’ordonnance par laquelle il refuse l’homologation est motivée.

« Art. 728-49 . – La décision du procureur de la République mentionnée à l’article 728-43 et, le cas échéant, l’ordonnance homologuant ou refusant d’homologuer la proposition d’adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté mentionnée à l’article 728-48 sont notifiées sans délai à la personne condamnée. Celle-ci est informée par une mention portée dans l’acte de notification que, si elle n’accepte pas cette décision, elle dispose d’un délai de dix jours pour saisir la chambre des appels correctionnels d’une requête précisant, à peine d’irrecevabilité, les motifs de droit ou de fait de sa contestation et qu’elle a la possibilité de se faire représenter devant cette juridiction par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats.

« Toutefois, la personne condamnée n’est pas recevable à saisir la chambre des appels correctionnels en cas de refus d’exécution opposé dans le cas prévu au 3° de l’article 728-11.

« Art. 728-50 . – En cas de refus d’homologation de la proposition d’adaptation qu’il a formulée, le procureur de la République peut soit saisir le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d’une nouvelle requête lui soumettant une autre décision ou la même décision autrement motivée ou fondée sur des éléments nouveaux, soit, dans les dix jours de l’ordonnance refusant l’homologation, saisir la chambre des appels correctionnels pour qu’elle statue sur la reconnaissance et l’exécution de la décision de condamnation.

« La personne condamnée est aussitôt informée de la saisine de la chambre des appels correctionnels et de son objet. Elle est invitée à faire connaître sans délai si elle entend se faire représenter devant cette juridiction par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats.

« L’audience de la chambre des appels correctionnels ne peut se tenir moins de dix jours après que cette information a été fournie.

« Art. 728-51 . – En cas de saisine de la chambre des appels correctionnels, la décision du procureur de la République et l’ordonnance du président du tribunal de grande instance ou du juge délégué par lui sont non avenues.

« Art. 728-52 . – L’audience de la chambre des appels correctionnels est publique, sauf si la personne est mineure ou que la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d’un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre des appels correctionnels, à la demande du ministère public, de l’avocat de la personne condamnée ou d’office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n’est susceptible de pourvoi en cassation qu’en même temps que l’arrêt statuant sur la reconnaissance et l’exécution de la condamnation.

« Le ministère public et, s’il en a été désigné, l’avocat de la personne condamnée, sont entendus. La chambre des appels correctionnels peut décider d’entendre la personne condamnée ou de la faire entendre par l’autorité compétente de l’État de condamnation.

« La chambre des appels correctionnels peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, autoriser l’État de condamnation à intervenir à l’audience par l’intermédiaire d’une personne habilitée par ce même État à cet effet. Lorsque l’État de condamnation est autorisé à intervenir, il ne devient pas partie à la procédure.

« Art. 728-53 . – Lorsqu’elle est en possession des informations nécessaires, la chambre des appels correctionnels décide, dans un délai maximal de quinze jours, s’il y a lieu de reconnaître la décision de condamnation à une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté comme étant exécutoire sur le territoire français. Les articles 728-37 à 728-39 et 728-42 à 728–44 sont applicables. Pour l’application de ces mêmes articles, la chambre des appels correctionnels exerce les attributions du procureur de la République.

« Si la demande de reconnaissance et d’exécution présentée par l’autorité compétente de l’État de condamnation entre dans les prévisions du 3° de l’article 728-11 et si le procureur général déclare ne pas consentir à l’exécution, la chambre des appels correctionnels lui en donne acte et constate que la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté ne peut être mise à exécution en France.

« Lorsque la chambre des appels correctionnels envisage d’opposer l’un des motifs de refus prévus aux 1° à 4°, 7°, 10° et 11° de l’article 728-32 ou au 1° de l’article 728-33, il n’y a pas lieu d’informer l’autorité compétente de l’État de condamnation s’il a déjà été procédé à cette information par le procureur de la République en application de l’article 728-40.

« Art. 728-54 . –

Supprimé

« Art. 728-55 . – La décision de la chambre des appels correctionnels peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. L’article 568-1 et le premier alinéa de l’article 567-2 sont applicables.

« Art. 728-56 . – Lorsque, dans des cas exceptionnels, la décision définitive relative à la reconnaissance et à l’exécution de la condamnation ne peut être prise dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la réception de la décision de condamnation et du certificat, le procureur de la République en informe sans délai l’autorité compétente de l’État de condamnation en lui indiquant les raisons du retard et le délai supplémentaire qu’il estime nécessaire pour que soit prise la décision.

« Dans le cas où le procureur de la République ou la chambre des appels correctionnels a demandé à l’autorité compétente de l’État de condamnation soit de compléter ou de corriger le certificat, soit de lui adresser une traduction complète ou partielle de la décision de condamnation, le cours du délai prévu au premier alinéa est suspendu à compter de la demande jusqu’à la transmission par l’État de condamnation des pièces demandées.

« Art. 728-57 . – Le procureur de la République informe sans délai l’autorité compétente de l’État de condamnation de la décision définitive prise sur la reconnaissance et l’exécution de la décision de condamnation et, le cas échéant, sur l’adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté. Lorsque la décision définitive consiste en un refus de reconnaissance et d’exécution de la décision de condamnation ou comporte une adaptation de la peine ou de la mesure privative de liberté, le procureur de la République informe également l’autorité compétente de l’État de condamnation des motifs de la décision.

« Lorsque, après adaptation de la peine ou de la mesure de sûreté privative de liberté et imputation sur la durée de celle-ci de la privation de liberté déjà subie, la décision de condamnation doit être regardée comme intégralement exécutée, le procureur de la République informe l’autorité compétente de l’État de condamnation que la personne condamnée ne pourra pas être écrouée en France en exécution de cette décision et que, en cas de transfèrement, elle sera mise immédiatement en liberté à son arrivée sur le sol français.

« Paragraphe 4

« Exécution de la peine

« Art. 728-58 . – Dès que la décision de reconnaître la décision de condamnation comme exécutoire en France est devenue définitive, la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté peut être ramenée à exécution dans les conditions prévues par la décision, pour la partie qui restait à subir dans l’État de condamnation.

« L’exécution de la peine est régie par le présent code.

« Art. 728-59 . – Lorsque la décision de condamnation fait l’objet soit d’une amnistie ou d’une grâce en France ou dans l’État de condamnation, soit d’une suspension ou d’une annulation décidée à la suite de l’engagement d’une procédure de révision dans l’État de condamnation, soit de toute autre décision ou mesure ayant pour effet de lui retirer son caractère exécutoire, le ministère public met fin à son exécution.

« La condamnation prononcée à l’étranger ne peut faire l’objet d’une procédure de révision en France.

« Art. 728-60 . – Si la personne condamnée ne peut être retrouvée sur le territoire français, le procureur de la République informe l’autorité compétente de l’État de condamnation de l’impossibilité d’exécuter la décision de condamnation pour ce motif.

« Art. 728-61. – Le retrait du certificat par l’État de condamnation, pour quelque cause que ce soit, fait obstacle à la mise à exécution de la condamnation s’il intervient avant que la personne condamnée ait été placée sous écrou au titre de cette exécution.

« Art. 728-62 . – Le ministère public informe sans délai l’autorité compétente de l’État de condamnation :

« 1° Des décisions ou mesures mentionnées à l’article 728-59, autres que celles prises par les autorités de l’État de condamnation, ayant retiré à la décision de condamnation son caractère exécutoire ;

« 2° De l’évasion de la personne condamnée ;

« 3° De la libération conditionnelle de la personne condamnée et de la date à laquelle cette mesure a pris fin ;

« 4° De ce que la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté a été exécutée.

« Paragraphe 5

« Transfèrement

« Art. 728-63 . – Si la personne condamnée se trouve sur le territoire de l’État de condamnation, elle est transférée sur le territoire français à une date fixée par le ministre de la justice en accord avec l’autorité compétente de cet État, au plus tard trente jours à compter de la date à laquelle la décision de reconnaître la condamnation et d’exécuter la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté a acquis un caractère définitif.

« Si le transfèrement est impossible dans ce délai en raison de circonstances imprévues, le ministre de la justice et l’autorité compétente de l’État de condamnation conviennent d’une nouvelle date de transfèrement dès que ces circonstances ont cessé. Le transfèrement a lieu, au plus tard, dans les dix jours suivant cette nouvelle date.

« Art. 728-64. – La personne transférée sur le territoire français pour la mise à exécution d’une condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté prononcée par une juridiction d’un État membre ne peut être recherchée, poursuivie, condamnée ou détenue pour un fait quelconque antérieur à son transfèrement, autre que celui qui a motivé celui-ci, sauf si elle se trouve dans l’un des cas suivants :

« 1° Ayant eu la possibilité de le faire, elle n’a pas quitté le territoire national dans les quarante-cinq jours suivant sa libération définitive, ou y est retournée volontairement après l’avoir quitté ;

« 2° L’infraction n’est pas punie d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté ;

« 3° Aucune mesure privative ou restrictive de liberté n’est appliquée durant la procédure suivie du chef de l’infraction reprochée ;

« 4° La personne condamnée n’est pas passible d’une peine ou d’une mesure privative de liberté en répression de cette infraction ;

« 5° Elle a consenti au transfèrement ;

« 6° Elle a renoncé expressément, après son transfèrement, devant le tribunal correctionnel du lieu d’exécution de la peine et dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas de l’article 695-19, au bénéfice de la règle de la spécialité prévue au premier alinéa du présent article, sa renonciation étant irrévocable ;

« 7° L’autorité compétente de l’État de condamnation consent expressément à ce que cette règle soit écartée.

« Art. 728-65 . – La demande de consentement mentionnée au 7° de l’article 728-64 est adressée par le ministère public à l’autorité compétente de l’État de condamnation. Elle doit comporter les renseignements prévus à l’article 695-13 et être traduite selon les modalités prévues à l’article 695-14.

« Paragraphe 6

« Arrestation provisoire

« Art. 728-66 . – Lorsque la personne condamnée se trouve sur le territoire français et que l’autorité compétente de l’État de condamnation demande que, dans l’attente de la décision sur la reconnaissance et l’exécution de la décision de condamnation, la personne condamnée fasse l’objet d’une arrestation provisoire ou de toute autre mesure destinée à garantir son maintien sur le territoire français, le procureur de la République, s’il estime que la personne ne présente pas des garanties de représentation suffisantes, requiert qu’elle soit appréhendée et conduite devant lui dans les vingt-quatre heures. Pendant ce délai, les articles 63-2 et 63-3 sont applicables.

« Dans le cas où la demande mentionnée au premier alinéa du présent article a été présentée par l’autorité compétente de l’État de condamnation avant la transmission par celle-ci de la décision de condamnation et du certificat, la personne ne peut être appréhendée en application du même premier alinéa que si l’autorité compétente de l’État de condamnation a fourni au procureur de la République les informations prévues aux 1° à 6° de l’article 728-12.

« Art. 728-67. – Lorsque la personne lui est présentée, le procureur de la République vérifie son identité et l’informe, dans une langue qu’elle comprend, de la décision de condamnation dont elle fait l’objet et de la demande de l’État de condamnation. Il l’avise qu’il envisage de demander son incarcération, son assignation à résidence avec surveillance électronique ou son placement sous contrôle judiciaire au juge des libertés et de la détention et qu’elle peut être assistée par un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats, informé sans délai et par tout moyen. Il l’avise également qu’elle peut s’entretenir immédiatement avec l’avocat désigné.

« Art. 728-68 . – La personne condamnée ne peut être placée en détention ou faire l’objet d’une assignation à résidence avec surveillance électronique en application de l’article 142-5 que si la durée de la peine restant à exécuter est supérieure ou égale à deux ans, sauf dans l’un des cas mentionnés à l’article 723-16.

« Art. 728-69 . – La personne comparaît devant le juge des libertés et de la détention assistée le cas échéant de son avocat. L’audience est publique, sauf si la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours, aux intérêts d’un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention, à la demande du ministère public, de l’avocat de la personne ou d’office, statue par une ordonnance rendue en chambre du conseil.

« Le juge des libertés et de la détention statue après avoir entendu le ministère public, la personne condamnée et son avocat. Si, saisi de réquisitions aux fins d’incarcération ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique, il décide de ne pas y faire droit, il peut soumettre la personne à une ou plusieurs des obligations prévues à l’article 138.

« Art. 728-70 . – À tout moment, la personne peut demander au juge des libertés et de la détention, selon les modalités prévues aux articles 148-6 et 148-7, sa mise en liberté ou la mainlevée du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique.

« Après avoir communiqué la demande mentionnée au premier alinéa du présent article au procureur de la République aux fins de réquisitions, le juge statue dans un délai de huit jours ouvrables par une décision motivée en considérant les garanties de représentation de la personne. Il peut, s’il l’estime utile, ordonner la comparution de la personne, assistée le cas échéant de son avocat. Les deux derniers alinéas de l’article 148 sont applicables. Pour l’application du dernier alinéa de ce même article, la chambre des appels correctionnels est compétente.

« Dans le cas prévu au second alinéa de l’article 728-66, la personne est mise d’office en liberté si, dans les huit jours suivant son incarcération, l’autorité compétente de l’État de condamnation n’a pas transmis la décision de condamnation et le certificat.

« Art. 728-71 . – Les ordonnances rendues par le juge des libertés et de la détention en application des articles 728-69 et 728-70 peuvent faire l’objet d’un appel devant la chambre des appels correctionnels. Le troisième alinéa de l’article 194 et les deux derniers alinéas de l’article 199 sont applicables devant la chambre des appels correctionnels.

« Art. 728-72 . – La personne est immédiatement mise en liberté et il est mis fin à l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou au contrôle judiciaire si la mise à exécution de la décision de condamnation est refusée ou si l’État de condamnation retire le certificat.

« Section 4

« Dispositions relatives au transit sur le territoire français

« Art. 728-73 . – Le ministre de la justice autorise le transit sur le territoire français des personnes transférées du territoire de l’État de condamnation à celui de l’État d’exécution.

« Art. 728-74 . – La demande de transit est accompagnée du certificat mentionné à l’article 728-12 établi par l’autorité compétente de l’État de condamnation. Le ministre de la justice peut demander la traduction en français du certificat.

« Art. 728-75 . – Lorsque le ministre de la justice ne peut garantir que la personne condamnée ne sera ni poursuivie, ni détenue, ni soumise à aucune autre restriction de sa liberté individuelle sur le territoire français, pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de l’État de condamnation, il en informe l’autorité qui a demandé le transit.

« Art. 728-76 . – Le ministre de la justice se prononce dans les plus brefs délais et au plus tard une semaine après réception de la demande de transit. Lorsqu’une traduction du certificat est demandée, ce délai ne court qu’à compter de la transmission de cette traduction.

« Art. 728-77 . – La personne condamnée ne peut être maintenue en détention que durant le temps strictement nécessaire au transit sur le territoire français.

« Art. 728-78. – La présente section est applicable en cas d’atterrissage fortuit sur le territoire national au cours du transfèrement. »

Chapitre VII

Dispositions portant adaptation du droit pénal au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l’adoption d’un signe distinctif additionnel (protocole III), adopté à Genève le 8 décembre 2005

I. – L’article 433-14 du code pénal est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° D’user de l’emblème ou de la dénomination de l’un des signes distinctifs définis par les conventions signées à Genève le 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels. »

I bis. – L’article 433-15 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mêmes peines sont applicables au fait, par toute personne, de faire publiquement usage d’un emblème ou d’une dénomination présentant avec l’un des signes distinctifs des conventions signées à Genève le 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public. »

II. – L’article 3 de la loi du 24 juillet 1913 portant application des articles 23, 27 et 28 de la convention internationale signée à Genève le 6 juillet 1906 pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne et des articles 5, 6 et 21 de la convention internationale signée à La Haye le 18 octobre 1907 pour l’adaptation à la guerre maritime des principes de la convention de Genève est abrogé.

Chapitre VIII

Dispositions portant adaptation de la législation française à la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité des Nations Unies du 22 décembre 2010 instituant un mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux

Chapitre IX

Dispositions portant adaptation du droit pénal et de la procédure pénale à la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York, le 20 décembre 2006

Chapitre X

Dispositions portant adaptation de la législation française à l’accord entre l’Union européenne et la République d’Islande et le Royaume de Norvège relatif à la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège, signé le 28 juin 2006, et aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 5 septembre 2012 et du 30 mai 2013

Le chapitre IV du titre X du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Du mandat d’arrêt européen, des procédures de remise entre États membres de l’Union européenne résultant de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 et des procédures de remise résultant d’accords conclus par l’Union européenne avec d’autres États » ;

2° À l’article 695-14, les mots : « des Communautés européennes » sont remplacés par les mots : « de l’Union européenne » ;

3° Après le mot : « française », la fin du 2° de l’article 695-24 est ainsi rédigée : « ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l’article 728-31 ; »

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article 695-26, après les mots : « Union européenne », sont insérés les mots : « ou d’un État lié à l’Union européenne par un accord mentionné à la section 5 du présent chapitre ; »

5° L’article 695-32 est ainsi rédigé :

« Art. 695-32 . – Lorsque la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement sur le territoire national de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans, l’exécution du mandat d’arrêt européen peut être subordonnée à la vérification qu’elle peut être renvoyée en France pour y effectuer la peine qui sera éventuellement prononcée par l’autorité judiciaire de l’État d’émission pour les faits faisant l’objet du mandat. » ;

6° Aux deux derniers alinéas de l’article 695-47, après le mot : « française », sont insérés les mots : « ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national » ;

7° À l’article 695-51, après la première occurrence du mot : « européenne », sont insérés les mots : « ou par un État lié à l’Union européenne par un accord mentionné à la section 5 du présent chapitre » ;

8° Est ajoutée une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Des procédures de remise résultant d’accords conclu s par l’Union européenne avec d’autres États

« Art. 695-52. – En l’absence de stipulation contraire de l’accord concerné, le présent chapitre s’applique aux demandes de remise entre la France et un État non membre de l’Union européenne dès l’entrée en vigueur d’un accord conclu par l’Union européenne avec cet État et instituant un mécanisme de remise sur la base d’un mandat d’arrêt.

« Pour l’application de la présente section, les mots : “mandat d’arrêt” sont entendus au sens de l’accord mentionné au premier alinéa.

« Art. 695-53 . – La remise d’une personne qui a la nationalité française ou qui avait cette nationalité au moment des faits visés par le mandat d’arrêt émis par un État non membre de l’Union européenne est refusée.

« Art. 695-54 . – Le transit d’une personne qui a la nationalité française ou qui avait cette nationalité au moment des faits visés par le mandat d’arrêt émis par un État non membre de l’Union européenne est refusé. Les deux derniers alinéas de l’article 695-47 ne sont pas applicables aux procédures de remise résultant d’accords conclus par l’Union européenne avec d’autres États.

« Art. 695-55. – Les deuxième à dernier alinéas de l’article 695-23 ne sont pas applicables aux procédures de remise mentionnées à la présente section.

« Par dérogation au premier alinéa du même article 695-23, la remise d’une personne est exécutée sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l’État non membre de l’Union européenne, punis d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à douze mois d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire et entrent dans l’une des catégories d’infractions suivantes :

« 1° Participation à un groupe de personnes agissant dans un but commun aux fins de commettre une ou plusieurs infractions relevant d’activités de terrorisme visées aux articles 1er et 2 de la convention européenne pour la répression du terrorisme, signée à Strasbourg, le 27 janvier 1977, ainsi qu’aux articles 1er à 4 de la décision-cadre, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI) ;

« 2° Trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes ;

« 3° Homicide volontaire ;

« 4° Coups et blessures graves ;

« 5° Enlèvement, séquestration ou prise d’otage ;

« 6° Viol.

« Art. 695-56 . – Pour la mise en œuvre du 2° de l’article 695-24, dans le cadre des procédures de remise prévues à la présente section, l’exécution du mandat d’arrêt peut être refusée si la personne recherchée pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté n’est pas de nationalité française mais réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que le procureur général s’engage à faire procéder à cette exécution sur le fondement d’une convention de transfèrement ou d’un accord international spécifique.

« Art. 695-57 . – La remise n’est pas accordée à un État non membre de l’Union européenne si l’infraction à raison de laquelle elle est demandée a un caractère politique, sauf s’il s’agit d’une infraction mentionnée aux articles 1er et 2 de la convention européenne pour la répression du terrorisme, signée à Strasbourg, le 27 janvier 1977, de l’infraction d’association de malfaiteurs en vue de la commission de ces infractions, ou des infractions mentionnées aux articles 1er à 4 de la décision-cadre, du 13 juin 2002, précitée.

« Art. 695-58 . – Pour l’application de l’article 695-46, dans le cadre des procédures de remise prévues à la présente section, le consentement est refusé à un État non membre de l’Union européenne si l’infraction à raison de laquelle elle est demandée a un caractère politique, sauf s’il s’agit d’une infraction mentionnée aux articles 1er et 2 de la convention européenne pour la répression du terrorisme, signée à Strasbourg, le 27 janvier 1977, de l’infraction d’association de malfaiteurs en vue de la commission de ces infractions, ou des infractions mentionnées aux articles 1er à 4 de la décision-cadre, du 13 juin 2002, précitée. »

I. – À l’article 568-1 du code de procédure pénale, après les mots : « au quatrième alinéa de l’article 695-31 », sont insérés les mots : « ou au quatrième alinéa de l’article 695-46 ».

II. – Le quatrième alinéa de l’article 695-46 du code de procédure pénale est complété par la phrase suivante : « Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, par le procureur général ou par la personne recherchée, dans les conditions énoncées aux articles 568-1 et 574-2. »

Chapitre XI

Dispositions portant adaptation de la législation française à la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul, le 11 mai 2011

Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° A Le chapitre Ier est complété par un article 221-11-1 ainsi rédigé :

« Art. 221-11-1 . – Dans le cas prévu au 10° de l’article 221-4, peut être également prononcée l’interdiction, pour une durée de dix ans au plus, de quitter le territoire de la République. » ;

1° Après l’article 222-14-3, il est inséré un article 222-14-4 ainsi rédigé :

« Art. 222-14-4 . – Le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de manœuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. » ;

bis Au second alinéa de l’article 222-47, après le mot : « mineurs, », sont insérées les références : « par le 6° bis des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, par l’article 222-14-4 » ;

2° La section 5 du chapitre III est complétée par un article 223-11 ainsi rétabli :

« Art. 223-11. – La tentative du délit prévu à l’article 223-10 est punie des mêmes peines. » ;

3° Après l’article 227-24, il est inséré un article 227-24-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-24-1 . – Le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d’user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu’il se soumette à une mutilation sexuelle est puni, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée, de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Est puni des mêmes peines le fait d’inciter directement autrui, par l’un des moyens énoncés au premier alinéa, à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’un mineur, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée. »

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 40-4, il est inséré un article 40-5 ainsi rédigé :

« Art. 40-5 . – En cas d’évasion d’une personne, le procureur de la République informe sans délai de cette évasion la victime des faits ayant entraîné la détention ou sa famille, dès lors que cette évasion est susceptible de leur faire courir un risque et sauf s’il ne paraît pas opportun de communiquer cette information au regard du risque qu’elle pourrait entraîner pour l’auteur des faits. » ;

2° Le 3° de l’article 706-3 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « française », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou les faits ont été commis sur le territoire national. » ;

b) Les deux derniers alinéas sont supprimés.

Chapitre XI bis

Dispositions abrogeant le délit d’offense au chef de l’État afin d’adapter la législation française à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 14 mars 2013

I. – La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° L’article 26 est abrogé ;

2° À l’article 31, après le mot : « envers » sont insérés les mots : « le président de la République, » ;

3° À l’article 48, le 1° bis est abrogé ;

4° Au 2° du même article, les mots : « un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre » sont remplacés par les mots : « le président de la République, un membre du Gouvernement ou un membre du Parlement » ;

5° Au 5° du même article, les mots : « d’offense envers les chefs d’État » sont supprimés.

II. – Au premier alinéa de l’article 1er de la loi du 11 juin 1887 concernant la diffamation et l’injure commises par les correspondances postales ou télégraphiques circulant à découvert, la référence : « 26, » est supprimée.

Chapitre XII

Dispositions diverses et transitoires

I. – Les articles 695-11 à 695-58 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux demandes de remise adressées à la France par un État non membre de l’Union européenne et lié par un accord conclu par l’Union européenne et instituant un mécanisme de remise sur la base d’un mandat d’arrêt lorsque ces demandes concernent des faits commis avant la date indiquée dans la déclaration faite par le Gouvernement français au titre des dispositions transitoires.

II. – Les mêmes articles 695-11 à 695-58 ne sont pas applicables aux demandes de remise adressées par la France à un État lié par un accord conclu par l’Union européenne et instituant un mécanisme de remise sur la base d’un mandat d’arrêt lorsque ces demandes concernent des faits commis avant la date indiquée dans la déclaration faite par cet État au titre des dispositions transitoires.

III. – Dans les cas mentionnés aux I et II ou lorsqu’un mandat d’arrêt tel que prévu par un accord conclu par l’Union européenne avec un État non membre de l’Union européenne instituant un mécanisme de remise sur la base d’un mandat d’arrêt ne peut être adressé ou reçu, pour quelque motif que ce soit, les articles 696 à 696-47 du code de procédure pénale sont applicables.

IV. – Sous réserve des dispositions du I, lorsqu’une personne recherchée a été arrêtée sur la base d’une demande d’arrestation provisoire émanant d’un État non membre de l’Union européenne et lié par un accord conclu par l’Union européenne et instituant un mécanisme de remise sur la base d’un mandat d’arrêt et que la demande d’extradition y afférente n’est pas parvenue à la France avant la date d’entrée en vigueur de cet accord, la procédure applicable est celle prévue aux articles 696 à 696-47 du code de procédure pénale sauf si un mandat d’arrêt au sens dudit accord, en original ou en copie certifiée conforme, est reçu par le procureur général dans le délai prévu par la convention applicable avec l’État concerné à compter de l’arrestation provisoire de la personne recherchée. Dans ce cas, la procédure applicable est celle prévue aux articles 695-22 à 695-58 du même code et les délais mentionnés auxdits articles commencent à courir à compter de la réception du mandat d’arrêt.

La présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Sur les articles 1er à 16, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. – Le code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de l’ordonnance n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions, est ainsi modifié :

1° Au 3° de l’article L. 317-8, les mots : « soumis à enregistrement » sont remplacés par les mots : «, à l’exception de ceux qui présentent une faible dangerosité et figurent sur une liste fixée par arrêté » ;

2° Au 3° de l’article L. 317-9, les mots : « catégorie D soumis à enregistrement » sont remplacés par les mots : « la catégorie D à l’exception de ceux qui présentent une faible dangerosité et figurent sur une liste fixée par arrêté ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’ai déjà expliqué la double pertinence de cet amendement. Je ne pense pas que cette disposition d’ordre public sera contestée.

J’indique simplement pour que cela figure au compte rendu que nous présentons cet amendement avec le soutien du rapporteur, du moins je le présume.

M. le rapporteur opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je tiens à préciser que c’est la position de la commission mixte paritaire que je retrace sur ce point devant le Sénat.

Avisé de cette difficulté par le Gouvernement, il m’a paru préférable de souligner en commission mixte paritaire que nous aurions à nous prononcer sur le sujet. Nous sommes alors convenus que la solution ne pouvait venir d’une initiative parlementaire. Les anciens ici présents savent que les commissions mixtes paritaires s’apparentent à un petit moment d’ivresse pour des parlementaires privés de la présence du Gouvernement ; cette impression de moindre pesanteur peut procurer une sensation agréable à certains d’entre nous…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il nous a semblé approprié d’introduire cette rectification sur « commande » ou, plutôt, après « recommandation » de l’exécutif, et nous nous sommes arrêtés sur la formule d’un amendement du Gouvernement. Nous sommes bien dans un cas légitime et expédient d’application de cette procédure prévue par la Constitution.

L’ancienne députée Christiane Taubira se souvient sans doute que la loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif trouve son origine dans une initiative parlementaire partagée entre majorité et opposition de la précédente législature. Il s’agit d’un très bon texte. Toutefois, ayant eu, dans une autre enceinte, à en examiner la teneur, je m’étais rendu compte qu’entre son adoption – avec le plein soutien des services du ministère de l’intérieur, très compétents en la matière – et son entrée en vigueur, un travail réglementaire massif restait à accomplir.

Ce travail est en voie d’achèvement, ce qui permettra l’entrée en vigueur de l’ensemble du dispositif nouveau de contrôle des armes en septembre 2013, comme l’a rappelé Mme la garde des sceaux. Une nouvelle répartition des catégories d’armes sera donc mise en place : aux catégories 1 à 6 traditionnelles se substituera notamment une catégorie D, celle qui recouvre le délit sur lequel nous allons nous prononcer.

L’expérience montre que l’existence de ce délit présente une grande utilité pour la sécurité publique, dans la mesure où il permet, en cas d’infraction avérée, d’empêcher les auteurs de violences de rue de passer à l’acte. Les forces de l’ordre peuvent en effet procéder à leur interpellation avant qu’ils aient pu, par exemple, se livrer à des violences lors de rassemblements publics du simple fait qu’ils transportent une arme par destination sans motif légitime.

Cet amendement nous semble donc très pertinent, et la commission mixte paritaire a prévu, à l’unanimité, de lui apporter son soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Sur les articles 17 bis à 24, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

N’étant pas intervenu lors de la discussion générale, je voudrais exposer en quelques mots la position de notre groupe.

Pour avoir été rapporteur durant ces dix dernières années de nombreux textes concernant le code de procédure pénale, j’ai souvent recueilli les doléances de magistrats nous reprochant de modifier en permanence la législation, dont les évolutions sont de plus en plus difficiles à suivre. Il est vrai que nous avons tendance à toujours ajouter des dispositions nouvelles et à mal les intégrer dans un code qui mériterait sans doute d’être réécrit et dont l’épaisseur complique la tâche des officiers de police judiciaire et des magistrats. Néanmoins, force est de constater que la lutte contre la traite des êtres humains, la lutte contre l’esclavage, notamment sous ses formes modernes, la lutte contre les abus sexuels, la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, la pédopornographie, et la lutte contre les violences faites aux femmes sont une nécessité.

Ce travail, malheureusement, ne sera jamais achevé. L’un des premiers textes que nous examinerons lors de la prochaine session sera le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dont certaines dispositions modifieront à nouveau le code de procédure pénale. Un texte à peine refermé, nous en ouvrons un autre qui ajoute encore au code… Les choses sont ainsi.

Par ailleurs, je pense que la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et de leur exécution ainsi que le renforcement d’Eurojust sont des nécessités qui s’imposaient.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC votera les conclusions de la CMP.

Pour terminer, je voudrais juste dire un mot au sujet de l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État. Je pense qu’il s’agit d’une bonne chose, car le Président de la République, s’il représente l’État au plus haut niveau, n’en est bien sûr ni l’incarnation au sens divin du terme, comme l’a dit Mme Benbassa, ni même l’incarnation tout court. Rien ne justifiait de maintenir un régime dérogatoire à celui s’appliquant aux autres personnes chargées de responsabilités publiques.

Applaudissements au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, je constate que le projet de loi a recueilli une belle unanimité. Félicitations !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger dans quatre organismes extraparlementaires.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures suivantes : Mme Christiane Demontès comme membre suppléant du conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles ; M. Marc Laménie comme membre titulaire du Conseil supérieur du travail social ; M. René-Paul Savary comme membre titulaire de la commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique ; enfin, Mme Catherine Deroche comme membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.

Ces quatre candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation (725, 2012-2013), dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, à la commission des finances et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

J’informe également le Sénat que le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (717, 2012-2013), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 325 sur la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé.

Je ne m’explique pas la raison pour laquelle j’ai été déclaré comme ne participant pas au vote alors que j’étais présent. J’ai voté pour cette proposition de loi comme l’ensemble de mon groupe, à l’exception de M. Jean-Claude Merceron qui souhaitait voter contre et qui demande également une rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Acte et donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 797, rapport n° 801, résultat des travaux de la commission n° 802) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 798, rapport n° 801, résultat des travaux de la commission n° 803).

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enjeu du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire qui reviennent devant le Sénat en nouvelle lecture ce matin est clair : rétablir une capacité d’écoute de la parole politique pour retrouver le chemin de la confiance de nos concitoyens. La démarche que vous propose le Gouvernement est en effet de promouvoir l’exemplarité républicaine.

Des dizaines d’heures d’examen au Parlement, de la lecture des débats, tenus ici même en 1988, en 1990, en 1995 ou même en 2011, il émerge un constat gravé dans l’histoire de nos républiques, dont nul, me semble-t-il, ne peut s’exonérer : si chaque majorité, chaque gouvernement souhaite légiférer dans la sérénité, il convient pourtant d’observer que les grands scandales politico-financiers ont tous abouti à une modification du droit positif.

Convenons que ce mal qui frappe régulièrement la vie de nos républiques est sans doute assez indissociable de la condition humaine et du fonctionnement des corps sociaux.

Convenons aussi qu’il nous appartient, collectivement, de lui administrer le meilleur des remèdes démocratiques : l’adoption de bonnes lois, qui seront bien appliquées. C’est également, je le sais, un souci constant de votre commission et du président Jean-Pierre Sueur.

Nous le savons tous, la démocratie est une quête permanente. Elle doit se conforter par des pratiques et des mœurs faisant davantage place à la responsabilité de nos concitoyens. Ces projets de loi font donc le pari de restaurer la confiance dans les institutions comme dans leurs serviteurs en faisant précisément le pari de la confiance en nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, après l’achèvement de leur examen au Sénat le 15 juillet, puis l’échec de la commission mixte paritaire le 16 juillet, l’Assemblée nationale a repris en nouvelle lecture les textes qu’elle avait déjà adoptés en première lecture, s’agissant principalement de l’article 1er du projet de loi organique et de l’article 11 du projet de loi ordinaire.

Je tiens toutefois à souligner d'ores et déjà l’apport du Sénat et le travail effectué par sa commission des lois. L’Assemblée nationale a en effet maintenu plusieurs dispositions votées par votre assemblée, notamment l’ajustement des délais de contrôle des déclarations de situation patrimoniale au moment de leur dépôt, c’est-à-dire trente jours pour communication par l’administration fiscale des éléments utiles puis trois mois pour le contrôle par la Haute Autorité.

Concernant le dispositif de consultation des déclarations en préfecture, rétabli par l’Assemblée nationale, la peine de prison envisagée en première lecture en cas de publication des informations figurant dans ces déclarations a été supprimée, au profit de la seule peine d’amende. En outre, aucune sanction ne sera encourue lorsque le parlementaire rend lui-même publique sa déclaration. Je tiens simplement à dire que le Gouvernement est désormais satisfait par l’équilibre des dispositions qui ont été adoptées à cet égard.

L’Assemblée nationale a en outre conservé – ce que le Sénat avait souhaité - l’extension de ces obligations aux vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, issue d’un amendement du groupe UDI-UC du Sénat.

S’agissant de l’amélioration de la transparence des liens entre l’argent et la politique, l’Assemblée nationale a conservé l’interdiction pour un parlementaire nommé en mission par le Gouvernement ou désigné pour siéger dans un organisme extraparlementaire de percevoir une rémunération. Cela me semble en effet très utile.

L’Assemblée nationale a également modifié l’article 11 bis A relatif à l’interdiction de l’usage de l’indemnité représentative de frais de mandat pour les campagnes électorales. À ce sujet, il convient de préciser, pour la bonne interprétation de nos débats, que ces dispositions n’interdisent pas l’usage de l’indemnité de base.

Les informations contenues dans les déclarations d’intérêts, qui seront rendues publiques par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, seront en outre librement réutilisables. Il s’agit d’une avancée importante vers ce qu’on appelle l’open data, auquel le Gouvernement est tout à fait favorable. Ce dernier déploie d’ailleurs une vaste stratégie interministérielle à cet égard.

L’Assemblée nationale a par ailleurs repris les dispositions assurant la transparence de la « réserve parlementaire », l’une des avancées importantes du débat en première lecture. Cette proposition du groupe socialiste du Sénat a été votée à l’unanimité par les députés.

Pour la première fois dans notre histoire, un texte législatif va donc définir la notion de conflit d’intérêts et mettre en place des outils pour prévenir de telles situations. Notre ambition est bien de placer notre pays au rang des démocraties les plus avancées en la matière. Ainsi, les déclarations d’intérêts seront rendues obligatoires pour les 8 000 personnes visées par les présents projets de loi. Elles seront rendues publiques par la Haute Autorité. Je crois que l’on ne mesure pas encore les implications que ce dispositif induira sur les prises de décision des électeurs comme des responsables publics.

Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire organisent aussi pour la première fois un système de déport, en vertu duquel, par exemple, les membres des autorités administratives indépendantes – ne réduisons pas les personnes concernées aux seuls élus – se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts auront l’obligation de s’abstenir de prendre part à l’affaire en cause. Là encore, cette nouvelle obligation est la matrice d’un profond renouvellement des pratiques des décideurs publics. À cet égard, l’Assemblée a adopté un amendement qui envisage la situation des ministres d’une manière plus conforme, me semble-t-il, aux règles institutionnelles applicables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, afin d’assurer le contrôle de ces différentes obligations, une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera créée – l’Assemblée nationale a conservé le mot « pour » introduit par le Sénat – et disposera de pouvoirs effectifs. Elle sera en outre dotée de l’autonomie financière et pourra fixer son organisation interne ainsi que ses procédures par un règlement général. La Haute Autorité pourra aussi demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication, ce qui est une avancée très importante. L’ensemble de ces nouveaux pouvoirs forment une promesse, qui doit permettre de nous écarter de nouvelles affaires. Ces dernières déchirent en effet le lien de confiance qui doit nous unir aux Français.

Le président de la Haute Autorité sera nommé par décret dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution. Le collège sera ouvert à des personnalités dites qualifiées, mais son format sera compatible avec les implications qu’entraîne la ratification de la nomination de ces personnalités à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Enfin, les projets de loi vous proposent deux séries de dispositions tenant aux incompatibilités parlementaires et à une amélioration de la répression pénale.

Nos premières propositions consistent à protéger les parlementaires des intérêts particuliers. L’indépendance des élus participant à l’exercice de la souveraineté nationale est un principe constitutionnel. Celui-ci doit être garanti par l’édiction de nouvelles interdictions évitant la confusion de l’argent et de la démocratie.

En ce qui concerne le contrôle de ces incompatibilités comme les sanctions éventuelles en cas de conflit d’intérêts, je tiens à rappeler que les textes qui vous sont soumis aujourd’hui respectent pleinement l’autonomie des assemblées. C’est bien, et ce sera toujours, le bureau des chambres qui aura le dernier mot, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Cette mesure répond à une préoccupation tout à fait légitime exprimée devant votre assemblée par Mme Tasca, la présidente du comité de déontologie parlementaire du Sénat.

Comme l’a souligné le rapport d’information sur la prévention des conflits d’intérêts de mai 2011, rapport issu du groupe de travail présidé par M. Hyest, la logique des incompatibilités est non pas d’interdire toute activité professionnelle, mais plutôt de soustraire le mandat parlementaire aux influences susceptibles de l’écarter de la prise en compte de l’intérêt général. Un consensus s’est dégagé entre les deux chambres pour interdire, par exemple, le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice de fonctions au sein d’entreprises réalisant une part importante de leur activité commerciale avec l’administration. Le Gouvernement s’en félicite.

S’agissant des dispositions pénales, le Gouvernement s’est, là encore, rangé aux arguments de la commission. Il n’a pas réintroduit le dispositif pénal spécifique relatif aux fausses déclarations des ministres. Le droit commun s’appliquera donc à eux.

Le projet de loi ordinaire vous propose également de mettre en œuvre l’engagement n° 49 du programme de François Hollande, en ouvrant la possibilité d’une peine complémentaire d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans en répression des infractions portant atteinte à la moralité publique, telles que la corruption ou la fraude fiscale. Nous avons, là encore, écouté et entendu les commissions des assemblées. La sagesse a donc prévalu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les textes qui vous sont soumis me semblent avoir notablement été enrichis par le débat parlementaire de ces dernières semaines, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

L’ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen veut servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence et de justice. Je suis convaincu que la Haute Assemblée saura apporter sa pierre à la cause de la vertu politique, elle qui légifère sous l’œil de Portalis. Ce dernier disait : « il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ».

Ces textes nous apparaissent plus que jamais nécessaires. Il vous appartient de leur conférer la force obligatoire de la loi, car ils sont utiles au bon fonctionnement de notre démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – Mme Éliane Assassi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le propos que je vais tenir sera positif. Pourtant, on pourrait me l’objecter, je dois vous rendre compte du fait que la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord. Je dois également vous rendre compte du fait que, hier matin, la commission des lois n’a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je dois en outre vous rendre compte du fait que la commission des lois a adopté plusieurs amendements relatifs à la publicité des patrimoines, qui ne sont pas sans importance et sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Mon propos sera positif, disais-je, parce que, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, je veux montrer que le débat parlementaire entre les groupes au Sénat et à l’Assemblée nationale ainsi qu’entre le Sénat et l’Assemblée nationale a permis de faire avancer les choses. La preuve en est que l’Assemblée nationale a retenu neuf apports du Sénat en matière d’incompatibilités et de conflits d’intérêts. Je vais les énoncer succinctement.

En premier lieu, l’Assemblée nationale a été sensible à nos arguments concernant l’obligation de déport pour les ministres. Vous devez vous en souvenir, mes chers collègues, nous avions indiqué que cette disposition, en particulier pour le Premier ministre, risquait de poser un problème de constitutionnalité. Les députés ont donc modifié leur texte pour renvoyer les conditions de ce déport à un décret.

Je ne suis pas sûr que cela suffise. En tout cas, la rédaction du décret sera délicate, même si je sais que vous y serez attentif, monsieur le ministre. Elle devra prévenir tout risque d’inconstitutionnalité. Le Premier ministre comme les ministres ont en effet compétence liée dans un certain nombre de domaines : les ministres contresignent les actes du Premier ministre, et ce dernier ceux du chef de l’État.

En deuxième lieu, l’Assemblée nationale a conservé l’interdiction pour un parlementaire nommé en mission par le Gouvernement de percevoir une rémunération.

En troisième lieu, l’Assemblée nationale a conservé l’interdiction pour un parlementaire désigné pour siéger dans un organisme extraparlementaire au titre de l’assemblée à laquelle il appartient de percevoir une rémunération.

En quatrième lieu, concernant les incompatibilités applicables aux membres du Conseil constitutionnel, dont nous avons beaucoup débattu, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a repris la rédaction proposée par la commission des lois du Sénat. Elle a donc retenu un alignement sur la situation des magistrats judiciaires, à savoir l’incompatibilité absolue avec toute activité professionnelle. Toutefois, l’Assemblée nationale a été sensible – nous l’avions été aussi – au fait que les membres du Conseil constitutionnel puissent exercer des activités scientifiques, littéraires ou artistiques. Il aurait été dommage de brider leur talent, en particulier celui des plus éminents d’entre eux, si je peux me permettre de faire cette distinction, qui, par définition, n’a pas lieu d’être.

En cinquième lieu, pour ce qui est de la définition du conflit d’intérêts, point auquel nous tenions particulièrement, l’Assemblée nationale a maintenu la substitution du terme d’« intégrité » à celui d’« impartialité ». En effet, il est difficile de demander à un ministre ou à un parlementaire d’être impartial. En revanche, il se doit d’être intègre.

En sixième lieu, l’Assemblée nationale a adopté sans modification le texte voté par le Sénat, aux termes duquel le bureau détermine les règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts, après avis de l’organe interne à l’assemblée chargé de la déontologie.

En septième lieu, l’Assemblée nationale s’est inscrite dans la logique des positions du Sénat, qui avait conduit ce dernier à préciser les règles encadrant l’activité de la Haute Autorité en confortant ses garanties statutaires d’indépendance. Elle en a repris la rédaction.

En huitième lieu, en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a conservé l’essentiel des dispositions ajoutées au fil de la première lecture lors de l’examen de la question du financement de la vie politique. Elle a repris les dispositions qui nous avaient été suggérées par Jean-Yves Leconte et Gaëtan Gorce.

En neuvième lieu, l’Assemblée nationale a repris dans les mêmes termes les dispositions que nous avions adoptées relatives à la publication de ce qu’on appelle improprement la « réserve parlementaire », c’est-à-dire des sommes inscrites au budget du ministère de l’intérieur et affectées soit à des collectivités territoriales, soit à des associations, à la demande des parlementaires. Ainsi, si vous adoptez à nouveau cette mesure, mes chers collègues, et si l’Assemblée nationale la vote à son tour en dernière lecture, c’est sur l’initiative du Sénat que ces dotations parlementaires seront publiées chaque année, de manière parfaitement transparente.

Certes, il est des points sur lesquels nous n’avons pas été suivis, mais ils sont en nombre plus restreint.

L’Assemblée nationale n’a pas repris l’incompatibilité de l’exercice du mandat parlementaire avec les fonctions de direction d’un syndicat professionnel, qui figurait pourtant en bonne place dans le rapport adopté sur l’initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest. Elle n’a pas non plus fait siennes les clarifications rédactionnelles apportées par le Sénat concernant notamment l’incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions de président ou de membre d’une autorité administrative indépendante.

De même, les députés ont réintroduit la référence à la « théorie des apparences », qui ne nous avait pas convaincus, dans la définition du conflit d’intérêts. Ils ont d’ailleurs aussi supprimé la définition, applicable aux seuls parlementaires, que nous avions adoptée, ce qui aboutirait, si les choses demeuraient en l’état, à une absence de toute définition légale du conflit d’intérêts.

En outre, l’Assemblée nationale n’a pas retenu notre proposition d’intégrer au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique deux membres supplémentaires, chaque assemblée en désignant deux plutôt qu’un. Je ne comprends pas très bien sa position sur ce point, mais la réalité est celle-là...

Enfin, nous n’avons pas été suivis sur les lanceurs d’alerte. En première lecture, nous avions considéré – nous allons sans doute confirmer cette analyse aujourd'hui – qu’il n’était pas nécessaire d’aborder dans des textes sur la transparence un sujet déjà traité dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

J’en viens à la question des déclarations de patrimoine, de leur publicité, publication ou consultation et du contrôle effectué par la Haute Autorité.

Je dois dire que l’Assemblée nationale a repris certaines de nos propositions en la matière. En particulier, nous avions critiqué le délai de deux mois dévolu à la Haute Autorité pour effectuer son premier contrôle avant que la consultation ne soit possible, un délai que nous jugions trop court, même si la Haute Autorité pouvait continuer à exercer son contrôle ensuite. Nous l’avions donc porté à trois mois, et l’Assemblée nationale nous a suivis. Elle s’est également ralliée à notre position sur la réduction de deux mois à un mois de la période dévolue à l’administration fiscale pour répondre aux questions de la Haute Autorité, qui pourra assumer son office de manière plus réaliste s’il y a au minimum trois mois pour exercer le contrôle et si les informations fiscales doivent être apportées en un mois.

Je relève également que l’Assemblée nationale a maintenu la suppression, décidée par le Sénat, de l’attestation sur l’honneur par les membres du Gouvernement des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts, qui avait pour objet de constituer un délit spécifique d’attestation mensongère. À notre sens, une telle disposition soulevait de réelles interrogations au regard des principes constitutionnels en matière de droit pénal. Nous avons donc été suivis sur ce point.

Reste, mes chers collègues, une disposition essentielle qui n’a pas permis d’arriver à un accord en commission mixte paritaire.

Pour l’Assemblée nationale, les déclarations de patrimoine doivent pouvoir être consultées dans chaque préfecture par tout citoyen. Dans le même temps, ce qui est universellement consultable ne peut jamais être publié sous peine d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.

Au Sénat, nous avons majoritairement – je parle en commission, la séance publique ayant émis, chacun s’en souvient, un vote négatif sur l’article 1er – considéré que de telles dispositions n’étaient pas réalistes. En effet, à l’heure d’internet, il apparaît extrêmement difficile d’envisager que des informations consultables par tout le monde ne puissent pas être publiées sous peine de sanctions.

La commission avait donc dans un premier temps souhaité supprimer les sanctions prévues ou, plutôt, les remplacer : nous avions ainsi décidé de punir de 7 500 euros d’amende la publication mensongère ou volontairement inexacte des déclarations de patrimoine auxquelles chacune et chacun pouvaient avoir accès. Puis, la réflexion suivant son cours, nous avons estimé, au sein de la commission des lois – j’apporte cette précision dans un souci de clarté –, préférable d’en revenir tout simplement au texte du Gouvernement, qui prévoyait une publication de l’ensemble des déclarations au Journal officiel un jour donné, comme cela existe pour les ministres. Cette position a été celle d’un certain nombre des membres de notre assemblée, même si elle n’a pas été celle de la majorité lors du vote sur l’article 1er, puis sur l’ensemble du texte.

Je tiens à le souligner, d’une certaine manière, nous avons déjà été entendus. En effet, l’Assemblée nationale a décidé en nouvelle lecture de supprimer la peine de prison, qui pouvait être considérée comme véritablement excessive. Il reste l’amende, et elle n’est pas mince : 45 000 euros !

La commission des lois n’a pas adopté de texte hier matin. Elle a retenu hier après-midi des amendements extérieurs tendant à revenir à la position qui avait été la sienne en première lecture, en l’occurrence la publication des patrimoines au Journal officiel.

Dans ces conditions, si l’on dresse le bilan, on constate que de nombreux apports du Sénat figurent dans la version de l’Assemblée nationale. Je vois donc mal comment celle-ci pourrait ne pas les prendre en compte lors de la dernière lecture qui aura lieu au mois de septembre. Ainsi, et le président Jean-Pierre Bel s’en est d’ailleurs réjoui, il y a des acquis non négligeables du Sénat dans le texte.

Il reste un point de divergence : l’alternative entre consultation et publication. Nous en parlerons de manière très sereine aujourd'hui, car, après tout, le débat est tout à fait légitime. Il m’a paru utile de rappeler la position que j’avais défendue en première lecture en tant que rapporteur. D’autres collègues ont un point de vue différent. Nous allons en débattre et statuer. Si le Sénat adopte un texte, l’Assemblée nationale pourra, le cas échéant, en reprendre telle ou telle disposition. Sinon, elle pourra bien entendu voter sa propre version, qui comprendra de toute manière un certain nombre d’apports de notre assemblée.

Tels sont donc les éléments dont je souhaitais vous faire part, dans un état d’esprit, vous le voyez, qui est tout à fait serein et positif.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, nous regrettons la précipitation dans laquelle nous examinons ces deux textes depuis plusieurs semaines. Nous connaissons les raisons d’un tel état de fait. M. le ministre a d’ailleurs eu l’honnêteté de le reconnaître spontanément.

Sans l’affaire Cahuzac, les choses ne seraient pas passées ainsi. Nous aurions pu poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années par le Parlement, notamment par le Sénat, en vue d’assurer une meilleure transparence des patrimoines et, plus généralement, des activités de tous ceux qui sont chargés d’une mission publique. Je regrette donc une nouvelle fois que le Gouvernement ait choisi de recourir à la procédure accélérée. Comme nous avons pu le constater, elle n’a pas permis un débat serein et a instauré une certaine confusion en commission et en séance publique. De plus, de manière plus générale, la procédure accélérée est préjudiciable au Sénat en tant qu’institution.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous savons dès la lecture au Sénat – une seule, par définition ! – que notre sort est lié au texte voté par l’Assemblée nationale. J’ai en tête les déclarations de certains députés socialistes, et non des moindres, expliquant que le projet de loi organique sur le cumul des mandats était de toute manière adopté « définitivement » et que le texte voté à l’Assemblée nationale serait celui qui s’appliquerait in fine… Dans ces conditions, vous comprenez pourquoi les sénateurs n’approuvent pas du tout le choix du Gouvernement, monsieur le ministre.

Au demeurant, non seulement le Sénat n’a rien à se reprocher sur la transparence, mais il a même des propositions très concrètes à formuler. Comme vous le savez, nous avons été les premiers à mettre en ligne certains éléments de patrimoine susceptibles de présenter des risques de conflit d’intérêts et à rendre publiques nos activités. Cela s’est passé très calmement, sans difficulté, et nous en sommes pleinement satisfaits.

J’en viens au texte lui-même.

À l’instar de Mme Tasca lors de son intervention voilà quelques jours ou de notre rapporteur à l’instant, je préfère retenir les apports du Sénat et adopter une attitude positive. En effet, à en juger par les amendements qui ont été repris par l’Assemblée nationale, nous pouvons nous targuer d’avoir effectué un travail reconnu sur de nombreux points. Je pense en particulier à la question des conflits d’intérêts.

D’aucuns pourraient qualifier d’« essentiellement techniques » nos apports. Or ces dispositions découlent d’une démarche réfléchie, fondée sur une volonté de maintenir un équilibre des pouvoirs et de respecter l’autonomie du Parlement, en particulier celle du Sénat. C'est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra plusieurs amendements de la commission qui vont, nous semble-t-il, dans le sens du renforcement ou du maintien d’un certain nombre de prérogatives du Parlement par rapport à l’exécutif.

Parmi les apports du Sénat, je citerai bien évidemment la publication de la réserve parlementaire. Même s’il s’agit désormais d’un non-événement, autant le formaliser. Maintenant que les parlementaires vont donner l’exemple, trouvons très rapidement une formule pour que soient aussi connues de nos concitoyens ce qu’on appelle abusivement – je sais bien que cela ne correspond pas à un terme juridique – la « réserve présidentielle » et les « réserves ministérielles », …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… d’autant que les ordres de grandeur ne sont pas comparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Mais la transparence c’est pour les autres, pas pour la présidence !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je souhaite formuler deux remarques à titre personnel.

Tout d’abord, cet après-midi, nous allons examiner un amendement relatif au nom des collaborateurs. Monsieur le rapporteur, alors que nous devrons fournir toute une série d’informations, j’ai pour ma part du mal à comprendre que nous puissions dissimuler les noms de nos collaborateurs, comme si nous avions quelque chose à cacher. Nous ne pourrons pas en rester là !

Ensuite – cette remarque n’engage pas les autres membres de mon groupe –, il est très prétentieux et probablement vain de vouloir enfermer la notion de conflit d’intérêts dans une définition limitée. Je suis plus proche de la définition retenue par l’Assemblée nationale, plus large et susceptible de mieux prendre en compte toutes les situations de conflits d’intérêts, que de celle que nous pensons devoir adopter au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur Hyest, je vous le rappelle, je m’exprime à titre personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La notion de conflit d’intérêts est sans limite et il est très difficile d’en donner une définition exacte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

De plus, bien que nous parlions tous ici d’expérience, nous n’avons pas mentionné que le risque de voir apparaître un conflit d’intérêts concerne principalement les fonctions exécutives, sur le plan tant local que ministériel, et très peu, me semble-t-il, le mandat parlementaire, car, comme l’ont très bien relevé plusieurs de nos collègues, toutes tendances politiques confondues, lors des travaux en commission, nous avons très peu de pouvoir et nous ne prenons aucune décision qui puisse porter grief.

En conclusion, je dirai que nous devons rester lucides : même si les textes que nous examinons essaient de lutter contre les turpitudes, les mensonges ou l’avidité inhérents à certains individus, ils ne les élimineront certainement pas. Dans ces conditions, en raison de quelques divergences de vue, la quasi-totalité des membres de l’UDI-UC s’abstiendront sur l’article 1er. À titre personnel, je pense que lorsque les esprits seront prêts et sereins, la nécessité de la publication s’imposera, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Sur l’ensemble du texte, comme lors de la première lecture, majoritairement, les membres du groupe UDI-UC s’abstiendront.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, et surtout au vu de la première lecture au Sénat, la déontologie de la vie publique constitue une valeur cardinale à laquelle les membres de mon groupe sont viscéralement attachés. Servir l’État, sous toutes ses formes, implique une responsabilité accrue.

Comme nous n’avons cessé de le répéter et comme nous le ferons encore, les manquements, les collusions entre intérêts publics et privés, les conflits d’intérêts doivent être traqués et sévèrement punis. Vous le savez, cela implique de donner à la Haute Autorité les moyens de mener sa mission de façon approfondie en la dotant de pouvoirs d’enquête puissants. La vraie transparence consiste à pouvoir contrôler l’origine d’un patrimoine, à s’assurer de son évolution et à faire en sorte que les parlementaires ne puissent exercer d’autres activités que celles pour lesquelles ils ont été élus.

Encore faut-il s’entendre sur ce que recouvre cette déontologie de la vie publique, que l’on nous a tant vantée, comme si la faute d’un ministre, qui appartenait d’ailleurs au parti dominant de la majorité, devait être éternellement expiée par les parlementaires et les responsables publics…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… ou encore comme si la transparence, qui confine à l’incantation, impliquait de se mettre totalement à nu et de s’accuser de tous les maux.

Monsieur le ministre, nous partageons votre point de vue selon lequel les élus de la République et les membres du Gouvernement sont redevables devant le peuple d’une exemplarité et d’une probité indiscutables. En revanche, nous ne vous suivons plus lorsque, par un discours construit sur l’amalgame plus ou moins subliminal, vous entretenez sciemment une regrettable confusion entre le comportement déviant de quelques détenteurs de l’autorité publique et les représentants de la nation, les responsables d’exécutifs ou les hauts fonctionnaires, jetés en pâture à une opinion qui n’en demande pas tant, présentés comme des profiteurs éhontés des deniers publics ou des délinquants présomptifs.

Vous nous avez dit qu’il était impératif de lutter contre le sentiment d’antiparlementarisme qui gagne le pays et que les deux projets de loi que vous nous soumettez sont précisément votre réponse à la contestation croissante de tout ce qui s’apparente aux institutions. Mais, tel un Pyrrhus pyromane, le Gouvernement a surtout donné l’impression de réagir dans la panique, sous la pression médiatique, et de vouloir faire voter dans l’urgence des textes bancals qui ne servent qu’à calmer l’opinion publique, du moins en apparence. De ce fait, vous allez alimenter le sentiment de défiance envers les élus, sentiment que vous étiez supposé combattre.

S’abriter derrière le rapport remis par la commission Jospin relève d’une posture contestable. En effet, aucun élu n’a siégé dans cette commission, dont les conclusions concernent pourtant les représentants de la nation.

Selon nous, ce débat sur la transparence aurait mérité au moins une concertation approfondie et la recherche d’un véritable consensus. J’ajoute, comme l’a mentionné Roger-Gérard Schwartzenberg à l’Assemblée nationale, que la commission Jospin écrivait dans son rapport : « la commission ne juge pas souhaitable d’amender le régime applicable aux déclarations de patrimoine, qui doivent rester confidentielles. » M. le rapporteur aurait-il opté pour une lecture très sélective du rapport de cette commission ?

Mes chers collègues, l’Assemblée nationale est revenue à l’essentiel des positions qu’elle avait adoptées, n’intégrant in fine que les dispositions les plus coercitives votées par le Sénat, notamment et malheureusement, à l’article 1er du projet de loi organique, la question de la publication du patrimoine des élus, contrairement à la préconisation du rapport Jospin, que je viens de rappeler.

Monsieur le ministre, il est tout à fait normal que les responsables publics de notre pays soient astreints à rendre des comptes s’agissant de leur patrimoine et à déclarer celui-ci à une autorité indépendante qui pourra en vérifier l’exactitude et l’évolution. Mais permettre la publication du patrimoine correspond ni plus ni moins à du voyeurisme et ne fera qu’exacerber aigreurs et acrimonie à l’encontre d’élus qui n’en ont aujourd’hui pas besoin.

Ne caricaturez surtout pas notre position en la qualifiant de rétrograde, de ringarde ou en l’estimant mâtinée d’un besoin de dissimulation. Il n’en est rien, bien au contraire, puisque nous sommes favorables à la plus grande sévérité contre les dissimulateurs, fraudeurs et autres tricheurs.

L’Assemblée nationale a choisi un système byzantin de consultation des déclarations en préfecture ouvert à des électeurs aussitôt astreints à un silence monacal, digne de la règle bénédictine ; comme l’a dit M. le rapporteur en commission, ce qui est universellement consultable peut difficilement ne pas être divulgué, surtout à l’heure d’internet et des pseudos si commodes. De son côté, la commission des lois du Sénat a opté pour une version maximaliste de publication intégrale au Journal officiel.

Pour notre part, nous défendrons avec conviction un amendement similaire à celui que nous avions déposé en première lecture visant à ne prévoir une publication au Journal officiel par la Haute Autorité qu’en cas d’insuffisances, d’inexactitudes ou d’anomalies relevées dans les évolutions des patrimoines ou dans les déclarations. Je ne doute pas, cette fois, qu’aucune irrecevabilité surprise de dernière minute ne nous sera opposée, sauf à vouloir franchir une fois de plus les limites de l’incorrection et empêcher le Sénat de se prononcer sereinement…

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne renierons évidemment pas les positions qui furent les nôtres dès la première lecture. Nous les avons clairement affichées, et en toute transparence ! Nous nous y tiendrons, conformément à nos convictions, à notre éthique de la responsabilité et à la haute idée que nous nous faisons de la loi de la République. Car, mes chers collègues, en notre qualité de législateur, il nous appartient, lorsque nous siégeons dans cet hémicycle et avant chaque vote, de toujours contredire et faire mentir Platon, qui estimait que ceux qui font les lois ce sont les faibles, et c’est la multitude. Oui à la déclaration et au contrôle ! Non au voyeurisme et au populisme !

M. Gérard Longuet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en conviendrez avec moi, les rebondissements multiples auxquels nous avons assisté au cours de l’examen des projets de loi relatifs à la transparence lors des trois dernières semaines avaient quelque chose de désolant.

De surcroît, les textes d’une grande complexité s’enchaînent à grande vitesse. Nous avons tous en mémoire les examens marathon du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou encore, auparavant, de la réforme des modes de scrutin, dans des délais qui confinent souvent à l’absurde.

Par exemple, comment voulez-vous effectuer un travail sérieux lorsque le délai entre le pastillage d’un texte et le dépôt des amendements est inférieur à trois heures ? Quand le pastillage d’un texte non encore déposé officiellement sur le bureau du Sénat puisqu’il n’est pas encore adopté à l’Assemblée nationale est effectué à la hâte ? Lorsque le pastillage change entre le matin lors des travaux de la commission – il s’agit alors, faute de temps, du pastillage de l’Assemblée nationale – et l’après-midi à la suite du dépôt des amendements extérieurs – il s’agit du pastillage de la séance, évidemment différent de celui de l’Assemblée nationale, même pour un texte identique, puisqu’il avait été rejeté en commission le matin même. Ouf !

Tout cela participe probablement de l’objectif de faciliter la tâche de tout le monde, ou alors de nous décourager... Quoi qu’il en soit, nous avons tout de même fait le travail !

Je remercie et félicite, d’abord et avant tout, les services de la commission des lois, nos petites mains gauches, de leur travail. Je remercie et félicite aussi nos propres assistants parlementaires, nos petites mains droites. Que serions-nous sans eux ?

Certes, M. le président de la commission des lois est un chef d’orchestre attentif et bonhomme, qui sait diriger avec diplomatie les multiples registres qui permettent à l’orchestre parlementaire de ne pas virer à la cacophonie, malgré une partition gouvernementale quelque peu défaillante. Que l’on soit cuivre ou corde, colorature ou baryton léger, nous avons tous pu faire entendre notre voix. Qu’il en soit remercié, lui aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est trop d’éloges ! J’en suis confus et j’en rougis !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Toutefois, on peut légitimement se demander : « Pourquoi un tel tempo endiablé ? Où est l’urgence ? » Comme je l’avais évoqué en première lecture, les problèmes de société, comme la déontologie parlementaire, ont existé de tout temps. Vont-ils disparaître sous l’effet de lois, votées en urgence, dans la précipitation et l’énervement ? Si la loi avait le pouvoir de rendre meilleur les hommes, depuis Hammourabi ou Moïse, cela se saurait !

La partition gouvernementale est chaotique. Les yeux dans les yeux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, vous vous disiez prêt à nous accompagner ce mois d’août dans le travail de réécriture de la future loi, tant l’urgence et la nécessité de recourir à la procédure accélérée étaient établies, selon vous. Mais, sans doute prêtant l’oreille aux couacs législatifs, que je ne rappellerai pas, vous avez tout à coup considéré que l’urgence pour les députés pouvait attendre le mois de septembre. Et j’en suis d’accord !

Je me réjouis d’ailleurs que nos collègues députés aient un mois et demi supplémentaire pour réfléchir à l’incongruité de la pénalisation, émanant d’eux, de la publication des patrimoines, alors même que ceux-ci pourront être publiés depuis l’étranger.

Telle qu’elle est définie aujourd’hui, la consultation des patrimoines est un faux-semblant qui entraînera au moins deux effets pervers.

Le premier est une rupture d’égalité entre les citoyens qui résident sur le territoire et ceux qui résident en dehors du territoire. Je vous proposerai d’ailleurs un amendement pour y remédier.

Le second effet négatif est l’interdiction de travailler pour les journalistes français, qui seront contraints de regarder leurs collègues étrangers publier nos patrimoines et en faire l’analyse, alors qu’eux-mêmes ne pourront pas écrire une seule ligne sur le sujet.

Je sens que nous allons encore chuter dans le classement mondial de la liberté de la presse réalisé chaque année par Reporters sans frontières. Nous sommes aujourd’hui au trente-septième rang, entre l’Espagne et le Salvador, après être tombés à la quarante-quatrième place, derrière le Surinam, en 2010. Avouez que, pour la patrie des droits de l’homme et de la liberté d’expression, c’est un peu triste !

Il reste un dernier amendement que je n’ai pu déposer, faute de temps. Il me tient pourtant à cœur, en cette fin de session exceptionnelle – pardon, extraordinaire, à plus d’un titre d'ailleurs. J’en ai eu l’idée un peu tard, et il ne fait donc pas partie de la liasse des amendements, mais je ne résiste pas à l’envie de vous le présenter. Je ne sais pas si le droit parlementaire vous permettra de le voter, mais je tente ma chance quand même.

Je pense qu’il serait de bon aloi que l’on instaure un contrôle antidopage obligatoire à chaque fin de session extraordinaire, afin de sanctionner d’une suspension d’un texte de loi, ou d’une session en cas de récidive, les sénateurs qui ont eu recours à des substances stimulantes ou illicites…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous ne buvons que de l’eau, pétillante, certes, mais de l’eau !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

… pour supporter notre rythme inhumain, sous une chaleur caniculaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mme Hélène Lipietz. … dans une atmosphère parfois orageuse.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous faire part du profond mécontentement que m’inspire le déroulement de nos travaux, et je pense que je ne suis pas le seul dans ce cas. Je crois que je n’avais jamais vu ça en trente ans de vie parlementaire.

Alors que, de l’avis même du Gouvernement, il s’agit d’un dossier important, le planning a été bousculé au dernier moment. La date d’examen des deux projets de loi a été fixée à aujourd'hui, ce qui ne nous a pas laissé le temps de modifier notre emploi du temps. Et l’ordre du jour a été modifié une nouvelle fois il y a deux jours : le débat, qui était prévu pour cet après-midi, a été avancé à ce matin !

Si je n’avais pas téléphoné à la direction de la séance, pour des problèmes d’amendements, je serais arrivé à quatorze heures trente – on ne consulte pas systématiquement internet pour savoir si le Gouvernement ou la conférence des présidents a décidé de faire des changements dans l’ordre du jour – et j’aurais donc manqué la discussion générale. Ce n’est vraiment pas du travail sérieux.

En outre, hier, jusqu’à deux heures de l’après-midi, il était impossible d’obtenir le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

La commission n’ayant pas adopté de texte, nous n’avons eu que deux heures pour préparer nos amendements. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail ! Je le dis, monsieur le ministre, ce n’est vraiment pas sérieux, d’autant que le Gouvernement présente ces deux projets de loi comme la panacée éternelle.

Au-delà de ces problèmes de forme, je déplore qu’on ait tendance à prendre les parlementaires comme boucs émissaires des dérives d’un ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Comme je l’ai déjà dit en première lecture, nous payons les pots cassés de M. Cahuzac.

Lorsqu’un parlementaire est honnête, lorsque la commission de contrôle a constaté que tout allait bien, je ne vois pas ce qu’apporte le fait de publier sa vie privée, d’en étaler des tartines. Une femme parlementaire qui s’est fait offrir un bijou de grande valeur – c’est son droit, chacun a sa vie privée – sera donc obligée de dire qui le lui a offert.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce n’est pas vrai, ce n’est pas prévu par les projets de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il faudrait savoir : ou vous déclarez tout, ou vous ne déclarez pas tout. Mais alors cela revient à agir comme M. Cahuzac. Si c’est ça la démocratie au sens du Gouvernement, c’est honteux ! On ne réglera rien en demandant aux parlementaires comment ils ont financé tel ou tel achat.

De toute manière, même si les dispositions des deux projets de loi avaient été en vigueur à l’époque, M. Cahuzac n’aurait pas déclaré les sommes en cause. Par conséquent, ces textes ne servent à rien. Ils servent uniquement à embêter les parlementaires honnêtes et certainement pas à embêter les parlementaires qui ont planqué de l’argent à l’étranger. Ce ne sont pas ces projets de loi qui vont les pousser à déclarer l’argent qu’ils n’ont pas déclaré jusqu’à présent. Tout ça est profondément désagréable et désobligeant à l’égard des parlementaires.

Sur ce dossier, un certain nombre de nos collègues ont une attitude quelque peu ambiguë. J’admets très bien qu’on se déclare favorable à la publication, qu’on veuille tout mettre sur la place publique, y compris la couleur des soutiens-gorge ou des chaussettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Mais qu’on ne vienne pas ensuite nous dire qu’on voudrait un peu protéger l’intimité. Qu’on ne vienne pas non plus nous dire que, les informations pouvant se retrouver sur internet, il vaut mieux supprimer toutes les sanctions liées à la publication. Même si les sanctions ne sont pas totalement efficaces, c’est quand même mieux que rien. Venir hypocritement nous dire qu’on supprime toutes les sanctions, parce que, de toute manière, elles ne servent à rien, c’est comme si on voulait supprimer la sanction pénale pour le vol au motif qu’il y en a tellement qu’on n’arrive pas à arrêter les voleurs !

Je le dis très clairement, je voterai contre l’article 1er du projet de loi organique et contre les deux projets de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai autrement ce qui a déjà été dit : comment légiférer pour éviter de répondre à la question posée par un scandale politico-financier ? C’est exactement ce qu’on nous propose.

On examine une avalanche de textes en procédure accélérée. Je n’ai jamais dit que cette procédure ne pouvait pas être utile pour des textes mineurs, mais elle ne convient certainement pas à des sujets aussi importants que la transparence de la vie publique ou la fraude fiscale. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale ressemble d'ailleurs un peu aux textes que nous examinons aujourd'hui, puisqu’il s’agit de créer un procureur spécial, ce qui introduirait une bizarrerie dans notre équilibre judiciaire, afin de donner un signal politique, même si cela ne résout rien du tout.

Monsieur le ministre, la seule chose qu’on aurait pu faire, c’est de donner des moyens à la commission pour la transparence financière de la vie politique. Les rapports successifs indiquent en effet qu’elle n’a pas les moyens d’effectuer ses vérifications. Si les projets de loi dont nous débattons prévoyaient de donner à cette commission le droit d’aller vérifier auprès des administrations fiscales si les déclarations de patrimoine sont bien conformes à la loi, je les voterais certainement.

Au lieu de cela, on crée une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. On pense régler le problème des patrimoines, alors qu’on n’apporte rien. Qu’est-ce qui est important ? Ce n’est pas de connaître le patrimoine d’un élu, c’est de savoir s’il s’est enrichi indûment. Ce qui est important, c’est de vérifier qu’il n’y a pas eu d’enrichissement injustifié entre le début et la fin du mandat. C’est la seule chose qui compte ! Or la loi de 1988 le permet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et on aurait pu l’améliorer.

Je ne comprends pas ce débat sur la publication. Il y a d'ailleurs quelque chose d’amusant : l’Assemblée nationale a dit qu’il n’était pas question de publier les déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts ; les députés, et notamment, semble-t-il, le président de l’Assemblée nationale, ont tenu fermement leur position, selon laquelle on pourra consulter les déclarations, mais non les publier. Un tel système existe déjà dans notre droit, en matière d’impôt sur le revenu ; cela ne me choque pas.

Certains, dans notre assemblée, réclament la publication tout en sachant qu’il n’y aura pas de publication, puisque c’est l’Assemblée nationale qui va gagner sur ce sujet. Or, malgré les efforts de notre rapporteur, je doute que l’Assemblée nationale change de position.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’Assemblée nationale pourrait reprendre notre amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le projet de loi organique comporte un défaut important s'agissant des conflits d’intérêts. Je vous le rappelle, même si certains le contestent, le Sénat a fait un gros travail en la matière et la plupart des préconisations de la mission d’information de 2011 ont été mises en œuvre par notre assemblée depuis son dernier renouvellement.

Là non plus, je ne vois pas l’intérêt de la Haute Autorité. Les conflits d’intérêts sont l’affaire du Parlement. Le rôle de la Haute Autorité pose en outre un problème de séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il ne s’agit pas de constater des délits mais d’apprécier, sur le plan de la déontologie, si une activité peut générer un conflit d’intérêts. On oublie un peu de le dire, mais c’est quand même de ça qu’il s’agit.

On nous propose de rendre consultable la liste des activités exercées. Il y aurait beaucoup à dire sur les incompatibilités. Je note également qu’on ne pourra exercer pendant son mandat que les activités qu’on exerçait avant le début du mandat. Cela sera compliqué pour certains. Il peut y avoir des évolutions de carrière. Autant interdire totalement aux parlementaires d’exercer une activité professionnelle. C’est le cas aux États-Unis, mais le contexte est différent. Dans notre système, je crains que cela n’appauvrisse un peu le Parlement et que l’on finisse par ne plus avoir, en guise de parlementaires, que des émanations des partis politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je pense que l’état du Parlement se dégradera encore si on en arrive là.

Je rappelle également qu’un certain nombre de nos collègues exercent une activité professionnelle, parce qu’ils savent que leur mandat ne sera pas éternel. Après tout, la reconversion professionnelle à l’issue d’un mandat n’est pas toujours facile.

Les projets de loi ne répondent pas à la question posée. On me dira peut-être que c’est le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale qui y répond. Peut-être, mais en tout cas les projets de loi dont nous débattons aujourd'hui n’y répondent pas.

En outre, je vous rappelle que certaines dispositions du projet de loi ordinaire s’appliqueront à un certain nombre d’élus locaux, notamment aux maires des communes de plus de 20 000 habitants, aux adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, aux conseillers généraux ou encore aux vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

Ces élus vont se trouver – ils ne le savent pas encore, mais ils vont vite le savoir – dans l’obligation de transmettre à la Haute Autorité une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts. Ces déclarations ne seront pas publiées, c’est vrai. ; je pense d'ailleurs que, s’il y avait eu publication, certains auraient réfléchi différemment à la question. Certains élus locaux estimeront sans doute que, si cela implique d’exposer son patrimoine et ses activités sur la place publique, cela ne vaut pas le coup de s’engager dans une vie politique qui ne rapporte que des indemnités très faibles – on se rapproche parfois du bénévolat –, et qu’il vaut donc mieux cultiver son jardin.

Je le répète, les projets de loi ne répondent pas à la question posée. En outre, ils ne sont pas pertinents sur le plan constitutionnel ; on aura d'ailleurs l’occasion de le vérifier, puisque le projet de loi organique sera obligatoirement soumis au Conseil constitutionnel.

Ce n’est qu’un épisode, on va passer à autre chose à l’automne. L’Assemblée nationale votera les textes tels qu’elle les a déjà votés, en intégrant peut-être quelques amendements, si l’on en croit l’optimisme du rapporteur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… mais des amendements de détail, pas des amendements de fond.

Nous avons déjà beaucoup contribué à la transparence de la vie publique. Personnellement, j’ai voté tous les textes sur ce sujet. Mais je ne voterai pas les textes qu’on nous propose aujourd'hui. C’est peut-être une question de culture, mais je pense que la publication est plus dangereuse que profitable. À mon sens, elle ne sert à rien, sauf à bénéficier du concours de dénonciateurs permanents, lesquels vont vérifier si la valeur du patrimoine déclaré est bien exacte. Ainsi, il a été reproché à certains ministres de sous-estimer largement la valeur d’une maison, dans le Midi par exemple. Cela va entretenir des polémiques !

Franchement, je pense que nous avons mieux à faire pour résoudre ce type de problèmes – par exemple, poser les bonnes questions aux autorités étrangères en matière fiscale – que de siéger jusqu’au 25 juillet pour des choses qui n’intéressent pas profondément les Français, lesquels ont d’autres sujets de préoccupation.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, nous débattons aujourd’hui de textes dont l’ambition est d’assurer la transparence et le contrôle des patrimoines des responsables publics et donc de restaurer la moralité en politique et, bien évidemment, nous l’espérons, de redonner confiance aux Français. Néanmoins, il me semble qu’en la matière il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

L’issue de la commission mixte paritaire n’est pas une surprise tant son échec était attendu. À vrai dire, comment pouvait-il en être autrement dès lors que la version de l’Assemblée nationale proposait une déclaration de patrimoine consultable en préfecture avec interdiction de divulgation sous peine de sanction pénale, tandis que le Sénat avait amputé le projet de loi organique de l’article 1er et le projet de loi de l’article 11 ? Pourtant, la commission des lois du Sénat avait fait des efforts pour les maintenir dans une version améliorée, en prévoyant une publication au Journal officiel et en supprimant le délit de divulgation des déclarations de patrimoine.

Force est de constater, à l’issue des lectures dans chacune des chambres et de la CMP, que deux conceptions de la transparence se sont opposées et s’opposent encore. C’est si vrai que, en dépit de la posture positive adoptée ce matin par M. le rapporteur, la commission des lois a déposé des amendements pour rétablir la version du Sénat après que l’Assemblée nationale a choisi de revenir à son propre texte.

Reste que tout cela ne m’apparaît pas circonstanciel : qu’il y ait de profonds désaccords entre la gauche et la droite sur un tel sujet était attendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Non, je ne schématise pas !

Mais ce qui tend à rendre le débat plus opaque que transparent, ce sont les profonds désaccords au sein même de la gauche gouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ils masquent à peine d’autres enjeux, dont celui relatif – c’est selon – au cumul ou au non-cumul des mandats.

In fine, ces textes seront vidés de leur contenu par le Sénat, notamment sur des points essentiels qui auraient pu donner tout son sens au mot transparence dans sa dimension démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur Bas, vous prendrez la parole quand on vous la donnera.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Merci, madame la présidente !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comment expliquer aux Français le « vite fait, mal fait d’un texte qui connaît l’un des parcours législatif les plus chaotiques de l’année », pour citer un fameux journal du soir ?

Comment leur redonner confiance quand des projets de loi qui avaient pour ambition de « lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés et [d’] assurer la publication ainsi que le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires » ressemblent plus aujourd’hui à des textes d’affichage ?

Comment leur redonner confiance quand trop d’affaires ternissent le monde et le personnel politiques ? Ces scandales constituent autant de fractures qui nourrissent un réel désenchantement populaire à l’égard du politique et de la chose publique.

Mes chers collègues, ces textes ne sont pas parfaits, mais ils contiennent tout de même des avancées, comme la création de la Haute Autorité, même si, pour notre part, nous ne sommes pas vraiment assurés qu’elle soit dotée des moyens nécessaires pour assumer ses missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous nous réjouissons également de la définition – enfin ! – dans notre droit de la notion de conflit d’intérêts, même si, comme je l’ai déjà dit, nous aurions préféré la définition de la commission Sauvé. Mais, au bout du bout, il me semble que notre rendez-vous avec la vraie transparence va être manqué ! Le plus grave est que nous en avons raté d’autres ces derniers jours, comme celui avec la lutte contre la fraude fiscale ou encore celui avec la création d’un parquet financier. Ce faisant, nous ne contribuons pas à rétablir la confiance.

Des sénateurs vont sans doute, tout à l’heure, rejeter ces textes ; ils vont de ce fait rejeter la mise en place d’un dispositif minimaliste de prévention, de contrôle, de publicité et de sanction des obligations d’intégrité des élus que nous sommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je me demande comment ce rejet sera perçu à l’heure où la confiance des citoyens envers les élus est mise à mal.

Notre groupe le regrette profondément. D’ailleurs, en proposant d’aller plus loin que les dispositions prévues dans ces projets de loi, nous avons toujours soutenu la mise en place d’un véritable contrôle citoyen, c’est-à-dire d’un contrôle par celles et ceux qui nous ont élus et dont nous sommes les représentants.

Cette transparence par le contrôle citoyen restaurerait ou, en tout cas, contribuerait fortement à restaurer la confiance des Français envers leurs élus et les institutions et tendrait à combler le fossé qui s’est creusé entre les citoyens et les élus. Celui-ci est, je l’ai déjà dit, très profond ; il a plusieurs causes et plusieurs effets. Nous les avons déjà évoqués, mais je voudrais quand même les rappeler : la multiplication récente des affaires, qui sont les symboles d’une collusion entre le monde politique et le monde financier ; le renforcement d’un système dans lequel sont considérées comme normales la primauté donnée à la finance et l’accumulation d’argent ; la concentration de pouvoir dans l’exécutif ; la dévalorisation du Parlement ; le peu ou pas de place donnée à la souveraineté populaire et à l’initiative citoyenne. Malheureusement, tout cela conduit aussi au repli sur soi, à l’individualisme et à l’abstention des électeurs, voire au vote de dépit en faveur de partis d’extrême droite.

Il me semble que tous ces débats, en ce qu’ils révèlent, illustrent aussi le fait que notre Ve République est malade et que les vingt-quatre révisions qu’elle a subies depuis son origine n’ont pas réussi à mettre un terme à ses souffrances. En ce sens, l’idée d’une VIe République citoyenne et sociale, en rupture avec la Ve, doit être posée avec des objectifs clairs : redonner la souveraineté au peuple, instaurer une véritable initiative citoyenne dans la cité et dans l’entreprise, sortir du présidentialisme et restaurer la primauté du Parlement. Ce dernier n’est aujourd’hui pas représentatif de la population, ce qui n’est pas sans rapport avec le fait que les parlementaires sont les élus les plus décriés, alors qu’ils sont censés représenter le peuple tout entier.

Il est temps d’arrêter de se cacher derrière de faux arguments et derrière l’idée selon laquelle ces questions ne seraient pas une priorité pour nos concitoyens au regard de la situation de l’emploi, du pouvoir d’achat, etc. Dans la situation économique et sociale que nous connaissons, il est évident que nos concitoyens sont fortement préoccupés par ces problèmes, mais, ne nous leurrons pas, ils sont tout autant préoccupés par l’utilité de la politique pour y répondre, avec un personnel politique intègre. À cet égard, je vous renvoie à ce fameux sondage qui montre que plus de 80 % d’entre eux pensent que les politiques ne se préoccupent pas d’eux.

Pour terminer, je dirai que nous sommes bien là au cœur d’une valeur fondamentale : celle de la démocratie et de son exercice. Mais, à l’évidence, elle n’est pas non plus au rendez-vous de nos débats !

Comme l’a dit un personnage célèbre, en une citation que j’aime beaucoup : « Ne regardons jamais une question comme épuisée ! » Pour notre part, nous allons suivre ce conseil et, comme nous sommes des militantes et des militants de la transparence, nous voterons ces textes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP a échoué, sans surprise. Malgré tout, au regard des textes qui nous reviennent de l’Assemblée nationale et en dépit de désaccords significatifs sur lesquels nous reviendrons, nous devons saluer un certain nombre d’avancées. M. le rapporteur de la commission des lois a notamment signalé l’exigence non pas d’impartialité, mais d’intégrité des parlementaires, l’amélioration de la notion d’incompatibilité pour les parlementaires et les membres du Conseil constitutionnel, l’obligation de publication de la réserve parlementaire ainsi que la mise à disposition en open data, comme l’on dit, des déclarations d’intérêts : autant d’améliorations que le Sénat a portées.

Je remarque également que chaque lecture a permis d’améliorer la disposition limitant à 7 500 euros par personne physique les dons à l’ensemble des partis politiques, et non plus par parti politique. Le principe en a été fixé par l’Assemblée nationale, le Sénat a rendu le dispositif opérationnel, puis les députés l’ont complété et corrigé ; nous ferons encore des propositions pour le rendre plus efficace. Nous pouvons donc dire que la navette parlementaire a permis d’apporter un certain nombre d’améliorations, malgré la brièveté des délais qui nous étaient impartis.

Toutefois, il reste d’importants désaccords, le principal portant sur le choix entre la consultation en préfecture ou la publication au Journal officiel des patrimoines des parlementaires. Nous y reviendrons à l’occasion de la discussion d’un amendement. Je ne développerai donc pas pour l’instant le sujet.

Je veux dire en réponse à M. Masson, qui déplorait la rapidité d’examen des projets de loi, qu’une telle procédure permet de nous concentrer sur ces textes débattus en ce mois de juillet et d’affiner nos amendements. Oui, il y a urgence ! On ne peut pas continuer à voir se succéder les affaires : l’affaire Cahuzac, l’affaire Karachi, l’affaire Bettencourt, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Cahuzac a menti, alors que les affaires Karachi et Bettencourt ont été inventées par un juge d’instruction !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce n’est pas un magistrat qui invente ce genre de choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Vous êtes bien imprudent, monsieur Leconte, vous ne cherchez qu’à détourner l’attention !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

À condition qu’il ne perde pas le sens commun !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il est incompréhensible qu’un ministre du budget ne comprenne pas qu’il ne peut pas être en même temps trésorier d’un parti politique : il y a conflit d’intérêts !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Si vous avez des certitudes, saisissez le parquet sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Oui, il y a urgence, car nous en avons assez que le débat politique se réduise à une chronique judiciaire ou à une liste de faits divers. Voilà pourquoi nous avons besoin de règles nouvelles. Même si 95 % des élus – probablement plus – travaillent pour le bien public et sont concentrés sur leur mission, ceux, peu nombreux, qui dévient de cette trajectoire pourrissent toute la classe politique et détériorent leur crédibilité.

Nous devons donc trouver de nouveaux outils pour répondre à cette situation, a fortiori à une époque où la transparence imposée par le développement des réseaux sociaux fait qu’on ne peut pas se contenter de ceux que nous avions encore voilà dix ou quinze ans. C’est la raison pour laquelle ces textes, qui ont pour vocation de rendre de la crédibilité à la vie politique, sont importants.

Il a été dit que les projets de loi menaçaient la séparation des pouvoirs. C’est absolument inexact, car la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est, d’une certaine manière, un prestataire de services : elle ne peut que transmettre les dossiers soit au parquet, soit aux bureaux des assemblées.

L’ensemble des responsables publics sont élus pour mener une action politique. Ils sont donc soumis à une exigence d’exemplarité. Pour mener cette action politique, il faut être crédible et pouvoir montrer l’exemple.

La politique ne consiste pas simplement à deviner, grâce aux sondages, l’action qui doit être menée : elle suppose que nous soyons capables d’entraîner nos concitoyens et de leur proposer des chemins, parfois difficiles, parce que nous y croyons et parce que nous sommes capables de les mobiliser en leur faisant partager nos projets politiques. Or faire partager un projet politique exige de la crédibilité. La transparence est donc un outil au service de cette crédibilité. Aujourd’hui, nous voyons bien, en l’absence de transparence, que se crée un mythe de plus en plus tenace concernant l’ensemble des élus et des parlementaires, qui entache leur crédibilité et entrave leur capacité de parole.

L’opacité, c’est le soupçon et, à terme, nous laissons la place à ceux qui travaillent contre la République et contre les valeurs que nous partageons tous dans cet hémicycle.

La transparence consiste à reconnaître que nous sommes des citoyens comme les autres, mais que nous devons nous imposer des règles supplémentaires pour être exemplaires, avoir la capacité de convaincre et de mobiliser nos concitoyens. C’est essentiel pour notre crédibilité et notre capacité d’action !

Nous sommes tous convaincus, au sein du groupe socialiste, que les dispositions de ces projets de loi permettront à la démocratie d’être plus crédible et plus efficace. C’est la raison pour laquelle, tout en engageant la discussion sur l’ensemble des propositions des différents groupes, j’espère que le débat parlementaire permettra au Sénat d’affirmer ses positions, qui, sur un certain nombre de points, diffèrent de celles de l’Assemblée nationale, afin que, jusqu’au terme du débat parlementaire, le Sénat puisse apporter sa pierre à la réflexion collective et que ces projets de loi soient les plus utiles possible au renforcement de la crédibilité de notre vie politique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ce qui sépare profondément le groupe UMP de l’intervention du porte-parole du groupe socialiste, c’est l’inversion de la charge de la preuve. Nous aurions aimé l’entendre de votre bouche, monsieur le ministre !

Vous avez raison, et je ne doute pas de votre bonne volonté – comme vous ne devez pas douter de la nôtre –, quant à la nécessité de défendre l’image des parlementaires et, au-delà, des élus, qui, sur le territoire, assurent la continuité et le fonctionnement de la République en exerçant des responsabilités municipales, départementales et régionales.

L’inversion de la charge de la preuve aurait consisté à rappeler qu’il y a vingt-cinq ans, en 1988, nous avons voté une loi – et je ne suis pas certain que le parti socialiste l’ait votée à cette époque –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… qui a créé la Commission pour la transparence financière de la vie politique chargée d’évaluer l’évolution du patrimoine des parlementaires. Depuis vingt-cinq ans, vous auriez dû le répéter inlassablement, monsieur le ministre, plutôt que d’entretenir ce climat de suspicion, sur 25 000 dossiers d’élus et de hauts fonctionnaires, seuls quatorze ont fait l’objet d’un renvoi devant la justice au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, dont six concernaient des parlementaires, et la justice a relaxé les personnes concernées ! Il eût fallu le répéter inlassablement, plutôt que de voler au secours de ceux qui font profession de dénigrer la République et ses élus, plutôt que de battre sa coulpe et de plaider une responsabilité collective au nom de quelques individus qui, d’ailleurs, n’ont jamais été sanctionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il n’y a donc pas de problème dans notre Parlement ; il en existe au niveau du Gouvernement, puisque c’est un lieu de pouvoir, mais il s’agit d’autre chose. Nous aimerions d’ailleurs que le Gouvernement permette au Parlement de faire toute la clarté sur cette affaire récente…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Enfin, cessez d’établir de fausses symétries ! L’affaire Cahuzac est déplorable, mais des ministres de droite se sont eux aussi mal comportés. Je ne revendique pas le monopole de la morale et je ne vous impose pas le monopole de la turpitude ! Je constate simplement que l’affaire actuelle vous concerne et que les autres affaires citées par M. Leconte sont profondément différentes : leur instruction n’est pas achevée, les personnes concernées n’ont pas été renvoyées devant une juridiction et aucune décision définitive n’a été rendue. Vous comme moi, en bons républicains, nous devrions reconnaître la présomption d’innocence, tant que ces personnes ne sont pas définitivement jugées, a fortiori si elles ne sont même pas renvoyées devant une juridiction de jugement.

Monsieur le ministre, nous nous réjouissons que vous ayez recouvré une meilleure santé et nous formons des vœux pour que vous passiez un été agréable, mais nous aurions aimé que vous preniez à cœur de défendre le Parlement que vous connaissez bien, puisque vous êtes un ancien parlementaire chevronné, et que vous nous aidiez à régler collectivement ce problème majeur : quelle silhouette pour le parlementaire de demain dans les institutions de la Ve République ? Nous vivons dans une société de la transparence, où l’opinion émet des demandes parfaitement contradictoires : un renouvellement permanent des hommes – même lorsqu’il s’agit de femmes, chère madame Lipietz ! – et une compétence absolue sur la totalité des sujets.

Il faudrait malgré tout se poser certaines questions. Monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, je me suis un peu emporté lors d’une séance de nuit – ce n’était pas seulement dû à la fatigue – en constatant qu’un rapporteur ne comprenait pas ce qu’était une provision exigée par un commissaire aux comptes. Je me suis demandé si une certaine expérience de l’économie privée ne serait pas utile lorsque nous élaborons des textes qui concernent directement les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Comment assurer le renouvellement de la vie politique, et donc le changement des parlementaires, car nous sommes évidemment tous trop anciens, trop confirmés, trop installés dans la routine et l’habitude, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… et, dans le même temps, élire des gens qui sachent, malgré tout, ce que signifie une disposition fiscale ? Si vous nous aviez invités à participer à ce type de réflexion, monsieur le ministre, je crois que nos travaux auraient été utiles, mais telle n’est pas la caractéristique première de vos projets de loi.

Jean-Pierre Sueur a défendu le travail réalisé par le Sénat, par rapport à celui de l’Assemblée nationale. Ce travail n’est pas totalement inutile, je le reconnais bien volontiers. En revanche, vous ouvrez deux « boîtes à malice » dont vous ne savez absolument pas ce qu’elles produiront.

En premier lieu, il s’agit de la publication des patrimoines. M. Anziani, lors des débats, nous a dit qu’il n’en avait pas peur, mais personne n’en a peur ! Il faut en revanche se demander quelles seront les conséquences, sur le long terme, de l’obligation de publier leur patrimoine imposée aux hauts fonctionnaires, aux élus locaux et aux parlementaires.

Je trouve extraordinaire que, pour une déviation routière, il faille procéder à des études d’impact pour être certain qu’un petit insecte ne disparaîtra pas, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… mais qu’aucune étude d’impact ne soit réalisée quand il s’agit de l’avenir du parlement français pour s’assurer que la publication des patrimoines, telle que vous l’avez prévue, c’est-à-dire en organisant le ciblage par les délateurs et les polémistes, ne risque pas de restreindre fortement l’assise sociologique des candidats. En effet, ceux qui ont fait le choix, avant d’être élus locaux ou nationaux, de mener une vie professionnelle n’auront pas nécessairement l’envie d’imposer, non pas à eux-mêmes – sur ce point, je réponds à M. Anziani que nous n’avons aucune inquiétude –, mais à leurs proches, des turbulences médiatiques qu’ils ne sont pas nécessairement préparés à assumer. Faudra-t-il désormais être célibataire et, si possible, sans enfants, pour pouvoir être parlementaire sans exposer personne en prenant la décision d’être candidat ?

Je vous rappelle que vous allez être confrontés, dès les élections municipales de 2014, à cette vérité : certains candidats seront astreints à une obligation de transparence. En raison d’un système absurde, que vous avez publiquement condamné, de la publication sans consultation, mais de la diffusion sans sanction, les parlementaires candidats vont se retrouver ciblés et seront obligés de se justifier devant les électeurs, alors que leurs challengers qui ne seront pas parlementaires n’auront aucune obligation à respecter et pourront les prendre à partie sur le thème de l’argent.

Les parlementaires ne seront pas pris à partie sur des turpitudes, des richesses inavouables ou des enrichissements sans cause, mais ils devront se battre sur chaque évaluation de leur patrimoine. Il faut avoir passé des journées, des soirées, à négocier avec son expert-comptable ou un inspecteur du fisc l’évaluation de tel ou tel bien, dans n’importe quelle négociation fiscale ou commerciale, pour savoir que le prix n’est pas une réalité objective, qu’il évolue dans le temps, qu’il peut être sujet à des évaluations contradictoires et avec des différences importantes. Ces différences substantielles serviront, j’en suis persuadé, à des professionnels du dénigrement et de la délation organisée pour instiller le doute sur l’honnêteté des candidats soumis à l’obligation de publication, parce que ces évaluations ne seront jamais parfaitement objectives du point de vue des uns ou des autres. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera naturellement le relais qui contribuera à la notoriété de ces polémiques.

En second lieu, je tiens à mentionner les déclarations d’intérêts. Lorsqu’il faudra justifier de la vie professionnelle de ses enfants, de son conjoint, de ses beaux-parents, de la totalité de sa famille…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. … et expliquer que l’on est indépendant d’eux, même s’ils exercent une activité de médecin, d’industriel ou de commerçant, vous aurez organisé la polémique permanente au détriment de l’image des parlementaires et des élus des territoires, pour lesquels vous n’avez, monsieur le ministre, manifesté jusqu’à présent aucune considération !

Applaudissements sur les travées de l’UMP . – M. Vincent Delahaye applaudit également.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Le débat de ce matin confirme, et ce n’est pas une surprise, que notre différence d’approche n’est pas fondée sur des motivations politiciennes ou partisanes, mais bien sur une divergence de fond quant à l’objectif et au rôle de ces textes.

Des arguments forts ont été avancés par Mme Assassi et M. Leconte. Il existe en effet une grande différence entre la situation où le dérapage de quelqu’un est perçu comme une exception inévitable qu’il faut traiter par une réponse individuelle – comme vous l’avez exprimé, monsieur Longuet – et la situation où, avant ce dérapage, et plus encore après, nous sommes confrontés à une suspicion généralisée qui entache l’ensemble de l’action publique.

Au fond, on voit bien que cette différence d’analyse conduit les uns et les autres à se positionner. J’entends bien votre message : un dérapage individuel est survenu et une loi, dite de circonstance – j’ai moi-même indiqué qu’il y avait forcément un lien avec cette affaire –, a été soumise au Parlement. Vous nous dites qu’il faudrait, en fait, en rester à une réponse individuelle. Il y a donc une forme de cohérence dans vos propositions. Or je crois que vous vous trompez, parce que je pense que l’ensemble des responsables publics, quel que soit leur engagement, sont confrontés à un problème que, me semble-t-il, vous voulez ignorer.

La suspicion me révolte, tout comme vous, car, vous l’avez rappelé, je suis un ancien parlementaire et je ne supporte pas de lire ces sondages, mais je ne peux pas les ignorer.

Selon certaines enquêtes, entre 80 % et 85 % des Français répondent par l’affirmative quand on leur demande s’il y a chez les parlementaires – le mot est terrible ! – de la corruption.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Combattez ceux qui colportent ce genre de propos au lieu de voler au secours des sondés !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

On peut continuer à ignorer cette situation, que nous ne cessons pourtant de dénoncer. Toutefois, si vous estimez que la parole de celui qui proteste est de toute façon déjà suspecte, vous n’arriverez jamais à sortir de cette difficulté !

Par ailleurs, vous savez bien qu’il y a, derrière cette question, un enjeu démocratique, lié à la situation politique. Vous le savez, les seuls auxquels cette dérive profite sont ceux qui n’ont même pas de commentaires à faire pour en engranger les bénéfices.

On peut, il est vrai, ignorer ce contexte politique, mais je pense que c’est prendre une lourde responsabilité. En effet, face à un tel état de l’opinion publique, l’enjeu, ce n’est même plus de convaincre les gens, c’est d’arriver à obtenir qu’ils vous écoutent !

On sait bien qu’il y a, vis-à-vis de la parole publique, une suspicion, un désaveu, un « désenchantement » disait avec raison Mme Assassi. Chacun a ses engagements politiques. Toutefois, je crois qu’il ne faut pas ignorer cette situation.

La conviction du Gouvernement, qui exprime ici une vraie différence par rapport à vos propos, monsieur Longuet, c’est que l’on ne peut pas rester sans réagir. C’est tout l’objet de ces deux projets de loi. Seront-ils suffisants ? Il est impossible de répondre d’une manière définitive et assurée à cette question. La seule certitude, c’est que, si nous ne faisons rien, la situation ne va pas s’améliorer. Telle est la réalité !

Nous devons faire quelque chose. Nous concevons tout à fait qu’il puisse exister des solutions différentes. Toutefois, à ceux qui nous proposent, en guise de programme, d’aggraver les réponses individuelles et de ne publier que le patrimoine de ceux qui ont fauté, nous répondons que leur conception est erronée, car elle exprime une vision punitive de la transparence.

Pour notre part, nous n’avons pas une vision punitive de la transparence. Nous le savons, nous n’avons pas besoin – sinon à la marge – d’ajouter du pénal au pénal. Les outils existent déjà, la question n’est pas là ! Le domaine de la transparence, c’est non pas la répression pénale, mais le progrès démocratique.

Nous sommes dans le champ des conflits d’intérêts, qui n’est pas a priori – vous l’avez dit, monsieur Hyest, et c’est juste – le domaine du pénal. Nous avons donc non pas une conception punitive de ce problème, mais une approche pédagogique vis-à-vis de l’opinion publique, par rapport à cette exigence, qui a toujours existé, au fond, et qui nous renvoie à la question de la politique et de la vertu des élus dans une démocratie représentative.

Je rappelais – même si cette période historique n’est pas une référence commune, elle a posé les bases de notre régime – que l’une des premières délibérations républicaines, en 1793, enjoignait à tous les représentants du peuple de rendre public leur patrimoine.

Murmures sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On a comment cela s’est terminé : on leur a coupé la tête !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Nous avons eu le même débat. J’ai entendu les observations formulées sur le caractère difficilement acceptable de la publication du patrimoine des élus lorsque des tiers sont en cause. Le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale ont donc tenté de trouver un système qui permette à la fois de donner un nouveau droit aux citoyens et de protéger la vie privée.

La solution, vous l’avez dit, monsieur Hyest – et je ne m’y suis jamais opposé, ayant été l’un des auteurs de la rédaction alternative de ce texte –, a consisté à s’inscrire dans un cadre juridique qui existait déjà. Nous nous sommes donc calés sur ce qui vaut en matière d’impôt. Ce système est peut-être imparfait – je n’ai pas de certitude sur ce point non plus –, mais il conjugue, à l’évidence, deux exigences, deux impératifs qui sont quelque peu contradictoires. Je crois que c’est une bonne synthèse.

Le Sénat a été partagé – on l’a bien vu en première lecture – par ces deux approches, que je ne perçois pas comme politiciennes. En effet, ma conviction profonde, c’est que l’opposition commet une vraie erreur d’analyse sur l’état de l’opinion et sur la situation de la démocratie dans notre pays. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vous trompez en pensant que l’inaction pourrait être un choix dans cette situation.

Je pense que nous sommes obligés de tenir compte de ce qu’est aujourd’hui la réalité de l’opinion publique. Monsieur Requier, je vous le dis amicalement, je conçois toutes les réserves des élus, mais soyons attentifs à cette réalité.

La transparence n’est pas une réponse à tous les problèmes. Elle ne va pas gommer nos divergences et différences politiques. Ce débat aura été un rendez-vous manqué. Nous aurions adressé un formidable signal contre l’extrême droite si nous avions pu envoyer collectivement, à l’ensemble des citoyens de ce pays, un message rappelant notre détermination à croire en la démocratie et en la République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à poser la question préalable sur le projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie, par M. Masson, d'une motion n° 48.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (797, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le répète, je dis oui à la déclaration et au contrôle du patrimoine, mais non au voyeurisme et au populisme ! Ces deux textes, et surtout le projet de loi organique, sont animés par une logique de voyeurisme et de populisme.

En fait, si je pense que ce projet de loi organique doit être rejeté, c’est parce qu’il me paraît à la fois inefficace, déséquilibré et contreproductif.

Il est, tout d’abord, inefficace, c’est évident. J’ai cité tout à l’heure l’exemple de M. Cahuzac. Il est bien clair que ce n’est pas avec ce texte que l’on dissuadera les gens qui commettent des infractions, qui placent leur argent à l’étranger ou qui ont ce genre d’agissements de poursuivre dans cette voie. En effet, ces élus-là ne déclareront certainement pas les sommes en cause. La loi passera donc complètement à côté de l’objectif visé.

Ce texte est, ensuite, déséquilibré, et je veux y insister. Même avec l’optimisme de M. le ministre, voire avec celui de M. le rapporteur, il est bien évident que la portée et l’efficacité de cette loi seront des plus limitées. Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas ainsi que l’on réglera tous les problèmes ! Ce texte entraînera donc un gain de moralisation au mieux insignifiant, et ce même dans la vision la plus optimiste, qui est celle du Gouvernement. En revanche, il est véritablement déséquilibré, en raison d’atteintes à la vie privée tout à fait disproportionnées et très graves.

La mentalité des Français est ce qu’elle est, mais mettre sur la place publique le patrimoine des élus, c’est ouvrir la boîte de Pandore !

Les élus s’entendront reprocher d’avoir déclaré un appartement pour une valeur de 200 000 euros quand le voisin aura payé le sien 250 000 euros. §On scrutera l’estimation de la voiture de l’élu, et l’on ne manquera pas de relever une surcotation de 1 000 euros par rapport à l’argus parce que véhicule n’a pas tout à fait trois ans, contrairement à la déclaration faite par l’élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le ministre, vous allez ouvrir la boîte de Pandore, et tout ce que possède l’élu sera disséqué. Une femme parlementaire se trouvera ainsi obligée de déclarer ses bijoux, parce qu’ils entrent dans le patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Et si elle en a d’autres, qui ne sont pas déclarés, il lui faudra se justifier. J’y vois, pour ma part, une atteinte intolérable à la réalité de la vie privée la plus profonde.

En effet, si nous avons une vie publique, que nous assumons, nous avons droit aussi à une vie privée. Si nous ne sommes pas honnêtes dans le cadre de cette dernière, il est normal qu’il y ait des poursuites. Néanmoins, si nous sommes tout à fait corrects, il n’y a pas de raison de voir notre vie privée étalée sur la place publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce projet de loi organique a, enfin, une dimension contreproductive.

Je veux revenir sur le cas des députés qui ont « spontanément » publié leur patrimoine, essayant ainsi de se mettre en valeur dans la presse. Je veux également évoquer les ministres, auquel a aussi été imposé l’exercice de déclaration du patrimoine.

Nous sommes tous des élus et nous savons tous que les revenus d’un ministre ou d’un parlementaire ne sont tout de même pas insignifiants. Nous savons tous que, au bout d’un certain nombre d’années d’exercice d’un mandat parlementaire, la logique veut que l’on possède un patrimoine. Or, quand on lit certaines déclarations, on se gratte la tête ! Parmi les ministres, il y en a même un qui a déclaré être en découvert à sa banque. C’est inquiétant pour l’avenir de la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

C’est vrai, monsieur Longuet : la France aussi est en découvert !

On se pose tout de même des questions. Comment un ministre pourra-t-il aller dire au smicard lambda, qui se donne tant de mal à boucler son budget mensuel, que lui-même, le pauvre, n’y arrive pas et accuse un important déficit ? Il y aura donc, dans ces déclarations, à boire et à manger, et peut-être plus à boire qu’à manger !

La lecture des déclarations « spontanées » de certains parlementaires est, elle aussi, très curieuse. Ainsi, j’ai pris connaissance de la déclaration d’un parlementaire, ancien ministre. Après trente ans de vie ministérielle et parlementaire, il n’a devant lui que 2 000 ou 3 000 euros et roule dans une voiture vieille de dix ans ! Je ne dis pas que ce n’est pas vrai. Je dis simplement que nous connaissons nos revenus et que nous pouvons donc nous poser des questions. C’est d'ailleurs ce que je fais !

Je veux préciser ce que j’entends par contreproductif. Il y aura le parlementaire archi-clair, qui va tout déclarer et qui dira la vérité, sans chercher d’artifices ni de bricolage. Comme il aura un peu plus que les autres, il va en prendre plein la figure ! Et puis, il y aura, au contraire, le parlementaire qui ne sera pas clair, celui qui aura placé de l’argent au Maroc, par exemple, celui auquel des promoteurs immobiliers auront offert des pots de vins ou autres dans un pays voisin – la France est limitrophe du Luxembourg et d’un certain nombre de pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Celui-là ne déclarera presque rien, et on va arriver – c’est pour cela que je dis que ce texte sera contreproductif – à une situation dans laquelle le parlementaire innocent, complètement clair et qui déclare tout sera le dindon de la farce !

Mes chers collègues, je me suis efforcé d’être bref et d’obéir aux consignes de concision en ce dernier jour de la session parlementaire.

Je vous le dis, ce texte est extrêmement dangereux, pour toutes les raisons que j’ai évoquées et à cause de cette logique d’étalage sur la place publique. C'est pourquoi j’ai posé cette question préalable, que je vous demande de voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on vient de nous parler d’inefficacité. Nous l’avons dit, et M. le ministre l’a répété dans sa réponse aux orateurs, l’objectif est de rendre crédible la parole publique, qui souffre malheureusement aujourd’hui d’un lourd discrédit. Certes, personne ici n’en porte la faute. Toutefois, à une opacité qui fait peser des doutes, nous opposons la transparence. C’est pourquoi nous sommes convaincus que ce texte sera efficace pour crédibiliser la parole publique.

J’en viens aux aspects liés à la vie privée. Nous sommes certes des citoyens comme les autres, mais, en tant qu’élus, nous sommes soumis à des exigences supplémentaires en termes d’exemplarité.

Par ailleurs, le projet de loi organique garantit la liberté et l’intimité de tous nos proches, qui ne sauraient, bien entendu, supporter les conséquences de notre engagement politique. Ce texte respecte la vie privée, à laquelle il n’est porté aucune atteinte. Il affirme simplement la volonté d’exemplarité de ceux qui s’engagent en politique.

Parce que nous voulons être exemplaires et adopter ce projet de loi organique, nous voterons contre cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre collègue Jean Louis Masson nous dit finalement, au travers de cette motion, qu’il n’y a lieu ni de délibérer ni de légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les discussions qui ont eu lieu au cours des dernières semaines au Sénat, à l’Assemblée nationale, lors de la commission mixte paritaire, ainsi qu’en commission hier et ce matin, ont été riches, car s’y sont exprimés des points de vue différents, mais tous intéressants. Ils montrent que nous devons, à l’évidence, poursuivre le travail législatif et le débat.

Je suis donc en désaccord avec cette motion, présentée avec fougue par Jean Louis Masson.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Je formulerai deux observations.

Tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous rassurer, étant le seul ici à avoir expérimenté cette pratique : publier son patrimoine, cela ne fait pas mal !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Vous avez exprimé des craintes concernant les risques et traumatismes que nous faisait encourir cette publication. Or les ministres l’ont fait et tout s’est passé calmement.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Évidemment, vous trouverez toujours des commentaires négatifs, mais enfin, l’expérience a été faite.

Ma seconde observation sera plus singulière. Selon vous, certains ont un patrimoine si modeste, alors qu’ils ont derrière eux une longue carrière politique, qu’il en deviendrait suspect. C’est un vieux débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

On a toujours déclaré le patrimoine ; c’est obligatoire !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Celui qui a vécu comme une cigale – c’est son choix, sa liberté – se retrouve sans patrimoine. Toutefois, nous n’avons jamais dit qu’il fallait absolument vivre comme une fourmi pour être vertueux ! Pour ma part, je préfère les fourmis, mais nous devons respecter la liberté de chacun.

J’émets donc un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Notre groupe votera cette motion pour bien marquer son désaccord avec ce texte, tel qu’il a été rédigé après de nombreux débats.

J’ai écouté attentivement M. le ministre et je salue son habileté, que je trouve presque diabolique : il a tenté de nous enfermer dans une alternative dont il est difficile de sortir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Selon lui, il nous faut voter ce texte pour répondre à l’attente des Français, qui veulent croire de nouveau, et davantage, en leur démocratie. Si nous ne le votions pas, au fond, nous ne serions pas vraiment des démocrates. Je m’inscris en faux contre cette approche ! Au contraire, c’est voter ce texte qui ferait reculer nos pratiques démocratiques.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les déclarations de patrimoine des membres de ce gouvernement. Or la façon dont cette publicité a été accueillie par nos concitoyens – nous sommes nombreux à en avoir fait l’expérience dans nos départements – montre que leur scepticisme en la matière n’a fait qu’augmenter. Ils ont généralement réagi avec dérision, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

... surtout lorsque des ministres sont allés, en maniant l’ironie, jusqu’à déclarer leur bicyclette ! Ce n’était pas de nature à faire prendre au sérieux cet exercice improvisé.

Je rappelle ce qui fonde notre opposition à ce texte, dont certaines dispositions nous paraissent acceptables, voire souhaitables. J’en citerai notamment deux : la vérification de l’origine de tout enrichissement par une instance indépendante, qualifiée et dotée de pouvoirs supplémentaires tirés de la consultation de l’administration fiscale et, le cas échéant, de celle des douanes ; la publicité de l’utilisation des crédits mis à la disposition des parlementaires par le ministère de l’intérieur en faveur, notamment, des collectivités, une proposition que nous avons largement acceptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En revanche, d’autres dispositions nous semblent inacceptables, voire inutiles. Certaines relèvent même, de notre point de vue, de la pure démagogie.

Sont ainsi inacceptables ou inutiles les dispositions tendant à demander à un parlementaire, à un maire ou à un préfet de donner, dans sa déclaration, des informations sur des tiers, membres de sa famille ou proches, qu’il n’a pas le droit d’exiger de ces personnes. Juridiquement, cela ne tient pas la route !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

S’agissant des incompatibilités, on peut très bien comprendre qu’il faille élargir la liste des professions de nature à mettre en cause l’indépendance du parlementaire. En revanche, établir une distinction entre la profession qui est exercée depuis l’entrée au Parlement et celle qui aurait été exercée auparavant est tout simplement dépourvu de sens. Ou bien une profession met en cause l’indépendance du parlementaire, ou bien ce n’est pas le cas !

Il y a enfin des dispositions qui, sous couvert de transparence, relèvent en réalité d’un mécanisme de contrôle populaire, qui sera d’ailleurs exercé par des groupes organisés, pas nécessairement désintéressés, mais désireux de faire des démonstrations politiques.

M. Gérard Longuet approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cette loi n’est ni « anti-populisme » ni « anti-Front national » ! C’est une loi destinée à accentuer les comportements démagogiques et populistes dans notre pays.

Le système est bouclé, et vous l’avez conçu ainsi : la publicité et les lanceurs d’alerte impliquent l’encouragement à la diffamation, à la calomnie et, naturellement, à la délation.

Nous ne voulons pas de cette République de la délation, dans laquelle tous les maires de France seraient assujettis aux mêmes obligations. Selon nous, postuler que les élus français de tous niveaux ont des choses à cacher...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. ... et les pousser dans leurs derniers retranchements pour qu’ils mettent leur patrimoine sur la place publique, c’est un grand danger pour la République et pour la démocratie.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix la motion n° 48, tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi organique.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici le résultat du scrutin n° 326 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé des candidatures pour quatre organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- Mme Christiane Demontès membre suppléant du conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles ;

- M. Marc Laménie membre titulaire du Conseil supérieur du travail social ;

- M. René-Paul Savary membre titulaire de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique ;

- Mme Catherine Deroche membre du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.